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 La Clef de Cendre

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Louis Institoris
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Louis Institoris


La Clef de Cendre Vide
MessageSujet: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeSam 29 Nov 2008 - 13:48

La Clef de Cendre Laclef11

La Clef de Cendre Interl10

[Précédent : Le Grand Salon - Rencontre officieuse]

L’homme est un animal fort, mais aussi, malheureusement pour lui, un être bien vulnérable. Il est capable de résister à d’importantes tortures, physiques ou mentales. Et, lorsqu’il s’agit de cacher ce qu’il sait à des esprits qu’il pense mal intentionnés, sa capacité à subir la souffrance sans jamais trahir le secret qu’il protège n’en est que renforcée : peu lui importe de subir le pal, l’écartèlement ou le supplice de la roue, d’être promis à une fin douloureuse ou parfois même de voir tous les êtres qui lui sont chers décapités sous ses yeux, il fait face à tout ce qui lui est infligé et dissimule le mystère jusqu’à son dernier souffle. Tant qu’il n’est pas seul. Car, en effet, la chose la plus abominable pour l’homme, le mal le plus difficile à supporter pour lui, celui que sa tête et son cœur ne peuvent endurer qu’avec une détermination digne d’un héros de l’Antiquité, cela reste bien la solitude. Isolé, un homme n’est plus un homme. Il n’est plus rien. Il en allait de même pour les sorcières. Du moins, c’est ce qu’avait pensé Louis Institoris jusque là. Maintenant qu’il quittait le cachot et laissait derrière lui le cadavre d’une sorcière dont le secret avait survécu à cette méthode, il pouvait se rendre compte que ce n’était pas toujours un procédé des plus efficaces.

Cendra Valentine était une noble de Forbach comme toutes les autres, et, puisqu’elle n’habitait pas au Château de Frauenberg, l’une de celles qui passaient le plus inaperçu parmi tant d’autres, que ce soit pour ses voisins ou pour ceux qui habitaient dans la demeure du Comte. L’une de celles dont on n’avait jamais retenu le nom, jusque là. Pourtant, bien qu’elle paraisse plus inoffensive que n’importe qui, cette nuit-là, elle n’échappa pas à l’Inquisitio. C’est lors de cette perquisition nocturne lancée par le Dirigeant de l’Inquisition que nombre d’objets visiblement destinés à des pratiques sataniques furent découverts dans sa demeure. Parmi eux, un étrange livre rédigé dans un langage dont l’alphabet était celui que les filles du Démon utilisaient pour consigner leurs pratiques occultes. Seule la première page de cet ouvrage luciférien était écrite en français, dans une langue soutenue :




La Clef

Dans la Nuit, paresseusement la Lune glisse
Nul n’oserait conter sa beauté en ce soir
Nul n’oserait la laisser quitter sa mémoire
Que son bel éclat luise, que les pierres pâlissent

La brise légère porte un parfum d’épices
M’enlevant un instant au triste désespoir
M’enlevant aux sanglots de mes sœurs dans le noir
Au-delà de la dalle les Âmes frémissent

Le vent porte avec lui les affres du Passé :
Las, gronda cœur offensé, trahi et blessé
Las agira cœur bridé, soufflant le grand voile

Puisses-tu ainsi retrouver en cette vesprée
La voie suave et timide de notre Étoile.
Eclairée courageusement par ce sonnet


11 / 07


Face aux résultats de la fouille organisée chez Cendra Valentine, les Inquisiteurs qui avaient perquisitionné son domicile ne pouvaient faire autrement que de la jeter dans les cachots de la Collégiale, comme l’avait demandé Louis Institoris lors de l’organisation de cette mission de purification de la ville de Lorraine. Quelques jours plus tard, elle serait brûlée vive, comme toutes les autres. C’était en tout cas ce qu’avaient imaginé ceux qui l’avaient amenée jusqu’ici.

Au matin, après une nuit glacée en compagnie les rats qui peuplaient la cellule qu’elle occupait, la Sorcière fut interrogée à propos des découvertes qui avaient été faîtes chez elle la veille, notamment ce fameux poème qui intrigua plus que jamais l’Inquisiteur en Chef. Sa seule réponse fut un long mutisme, ponctué de quelques gémissements lorsque les Inquisiteurs la frappaient avec impatience, sous les yeux de leur imperturbable supérieur. Lorsque la séance fut levée, Louis demanda que l’on libère la place prévue pour la jeune femme sur le prochain bûcher. Elle resterait ici, écartée de toutes les autres, qui ne se risqueraient d’ailleurs jamais à venir la chercher là où elle se trouvait, et elle finirait par tout dévoiler à l’Inquisiteur, se rendant compte qu’il n’y avait plus aucun espoir et qu’elle mourrait de toutes les façons sans personne, et dans la plus grande indifférence, la même qu’elle avait vécu toute sa vie.

Un mois plus tard, elle ne livrait toujours aucune information aux hommes de l’Inquisition. Louis Institoris décida de lui retirer tout contact humain : elle ne verrait plus personne, même pas ses ravisseurs, pendant plusieurs semaines.

Le plan fut appliqué à la lettre, et Louis la retrouva, après trois mois passés dans ce cachot, dans un état de faiblesse physique des plus grave. Elle fut torturée, mais en vain. Elle fut torturée encore et encore, elle n’avait plus la force de se débattre, ni même de crier. D’abondantes larmes perlaient sur ses joues, sans cesse, mais elle ne disait toujours rien. Pas un mot, ni sur ce fameux poème, ni sur quoique ce soit, et c’est dans un dernier coup que l’un des Inquisiteurs lui porta au ventre, à l’aide de son pied, qu’elle laissa s’échapper de sa poitrine un dernier soupir, emportant avec elle le secret qu’elle se refusait à dévoiler depuis bien longtemps. Cendra n’avait même pas eu le privilège d’être exposée, sur un bûcher, à une foule hurlant à sa mort. Seule, dans le froid de son cachot, son cœur cessa de battre : elle avait rejoint dans les profondeurs le Diable, son père.

Quant à la réponse aux questions que l’Inquisiteur se posait au sujet cet étrange écrit placé en première page parmi ces écrits signés de la main de Cendra Valentine, elle restait non révélée. Mais cela ne s’arrêterait pas là, il réussirait à lire entre les lignes, à déchiffrer ces vers sibyllins. Ce poème, Louis en était désormais persuadé, était la clef d’une porte derrière laquelle se trouvaient un grand nombre d’explications encore inconnues, la pièce qui lui manquait pour accomplir complètement sa mission, pour éliminer le Mal qui sévissait à Forbach…

Le soir de la mort de Cendra Valentine, Louis Institoris avait demandé à n’être dérangé qu’en cas de haute nécessité. Seuls l’éclat de la pleine lune et la lueur tamisée que délivrait une bougie éclairaient, à défaut d’éclairer son esprit, le bureau de sa chambre où était posé le papier vélin sur lequel était inscrit à l’encre bleue le mystérieux poème auquel ses yeux inexpérimentés n’arrivaient à élucider quoi que ce soit. Louis prit le poème entre ses mains, observa avec attention chaque mot et les enluminures qui le décoraient, chaque lettre et sa calligraphie soignée, mais il ne discernait rien à ce message crypté. Il lui fallait l’aide d’un spécialiste. D’une spécialiste…


Dernière édition par Louis Institoris le Mar 21 Avr 2009 - 1:05, édité 1 fois
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Europe
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeDim 30 Nov 2008 - 0:49

[Précédent = Adieu à l'été, adieu à la Lumière]


L’Eglise.
Elle n’y avait pas remis les pieds depuis des mois. Depuis la Messe de Cendres. Depuis, son âme s’était fermée à l’endroit sacré comme une porte aux lourds battants refusant catégoriquement de s’ouvrir. Ce lieu était celui du mystère et de la désolation, du chagrin dans sa forme la plus épurée; les bouquets de lumières dispensés par les vitraux masquaient les ombres de la haine, et tapis aux fonds de leurs orbites, les yeux inertes du Christ pleuraient des larmes chaudes.
Mais les temps avaient changés, et Europe, à force de réflexion, était parvenue à une conclusion inévitable. Si elle voulait avancer, elle ne pourrait plus tourner le dos à son passé, en faisant comme si rien n’était arrivé. Il fallait qu’elle l’affronte avec ses propres pensées et son propre corps. Elle pensait aussi, dans un coin flou de son esprit, que cela lui apporterait quelque chose d’indispensable. Peut-être la détermination. Peut-être une paix relative. Elle ne le savait pas bien encore, mais ses pas mesurés résonnaient sur le chemin qui la conduirait à Zetting.
C’était pourquoi quand, à sa plus grande surprise, Louis Institoris lui-même lui avait demandé une entrevue dans ce lieu symbolique, elle avait accepté.
Le chef de l’Inquisition était finalement comme son Eglise. Il amenait avec lui trop des affres et des odeurs du malheur et du désespoir, qu’elle n’avait voulu le croiser sous aucun prétexte, ces derniers mois. Mais il lui faudrait, lui aussi, l’affronter. Pour accéder, peut-être, à quelque chose de plus grand encore.

Europe suivit le chemin de graviers, passant devant une partie du cimetière. Elle se souvenait s’être tenue à l’écart de celui-ci, pendant l’enterrement de la Comtesse; elle n’était d’ailleurs même pas venue à celui du Comte, bien qu’elle aie pleinement et maintes fois entendu la rumeur. Du plomb dans un cœur qui ne battait qu’artificiellement pour une femme aveuglée par ses sentiments profonds, trop aveuglée pour voir la vérité. Un cœur anonyme dans sa collection, désincarné en filaments. Son regard voulut se porter sur une tombe en particulier, celle d’Elena; mais il faisait trop sombre et elle ne la distinguait pas. La Sorcière avait l’impression d’avoir déversé tant de larmes sur la stèle de son amie, que celle-ci disparaissait dans les ténèbres, enfouie et éternelle.
L’Eglise ressemblait à un grand être menaçant tapis dans l’ombre, et la faible lueur qui filtrait au travers de ses vitraux latéraux simulaient des yeux à l’éclat opalin. La lune était là, comme presque à chaque fois qu’Europe faisait une rencontre surprenante ou importante. Celle d’Avatar. Celle d’Adrien. Celle de Louis à présent.

Lorsqu’elle poussa de la main le bois froid de la porte, elle fut projetée presque un an en arrière, lorsqu’elle était entrée dans cet endroit par ennui. Aujourd’hui, cela lui semblait presque aberrant. Mais à cette époque, quand tout allait si bien et que cet engrenage terrible d’événements venait juste de commencer, quand la situation n’était pas plus grave que de mesure, elle avait alors le temps de s’ennuyer de cette vie qui lui paraissait monotone.
La Prêtresse disciplina son souffle et pénétra dans l’Eglise.
Tout de suite et comme avant, elle fut frappée par la beauté glacée du lieu. Les murs anthracites étaient plus muets que jamais et devant elle, l’espace était vide et immobile. Une odeur d’endroits déserts planait, quelque chose comme le doux rêve d’un lieu où l’on avait autrefois habité. Quelques bougies brûlaient ça et là, leurs flammes safrans et vacillantes scindant le velours des ténèbres. Une foule de souvenirs envahirent Europe qui ferma un instant les yeux; derrière ses paupières closes et douloureuses dansèrent des images. Un visage masculin, penché en sa compagnie au dessus d’une vasque d’eau maudite. Trois visages suppliciés, tordus par la douleur, disparaissant en cendres fines. Le reflet métallique d’une lame à la verticale, sous les nuages grisâtres.

Elle s’était promis de ne plus pleurer et, pour la première fois depuis qu’elle avait fait cette promesse, elle parvint à la tenir. Ses joues de craie restèrent sèches tandis qu’elle s’avançait; la délicate lueur des bougies se reflétait dans sa robe de soie légère, d’un pourpre très sombre et profond. Les anglaises de sa chevelure tombaient librement sur ses épaules couvertes de manches bouffantes. Europe parcouru presque toute l’allée centrale et, arrivée à quelques rangs devant l’autel, s’assit sur un des bancs froids et dur. Elle décida de patienter ici, jusqu’à ce que Louis Institoris arrive. En réalité, elle ne savait absolument pas pourquoi celui-ci lui avait demandé une entrevue; elle avait accepté parce que cela lui fournissait un prétexte pour affronter son passé, mais aussi pour pas que son attitude ne paraisse encore plus suspecte aux yeux de l’Inquisiteur, puisqu’après tout il pouvait très bien avoir découvert une preuve de son appartenance aux Sorcières, bien qu’elle ne voie vraiment pas comment. Revenir dans ce lieu de mort avait été douloureux, mais moins que ce à quoi elle s’était attendue. A présent, dans l’air frais et immobile de l’Eglise, elle savourait une sorte de moment intemporel, suspendu entre un passé tourmenté et un futur angoissant, entre des souvenirs cruels et des promesses fluctuantes. Et elle n’avait plus envie que d’une seule chose: que le monde entier se taise et écoute les échos de la nuit, qu’il s’en aille, qu’il débarrasse le plancher, qu’il les laisse seules, elle et sa peine mortifère, se consumer éternellement dans la solitude de leurs monstrueuses noces surglacées…
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Louis Institoris
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Louis Institoris


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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeLun 29 Déc 2008 - 1:19

Depuis qu’avait échappé son dernier souffle à Cendra Valentine, les heures défilaient, aussi bien que les lectures de son poème par l’Inquisiteur en Chef. Celles-ci se ressemblaient toutes, mais l’incompréhension grandissante de l’homme régnait. Chaque vers, chaque mot, chaque lettre semblait le narguer de son sens si évident qu’il ne pourrait jamais le distinguer. Il était déjà minuit, le Château de Frauenberg dormait, baigné dans le pâle éclat de la Lune, mais Louis Institoris, lui, était bel et bien éveillé, et la colère s’élevait en lui. Son inaptitude l’exaspérait. Les sourcils froncés, son regard irrité ne réussisait à déceler la Clef du mystère apparent que cachait cet écrit. Le temps passait, et l’homme se concentrait de plus en plus fort, vainement, plongeant toujours plus profondément dans sa lacune à lire entre les lignes. Découragé, il regarda un instant la bougie qui se tenait près de la lettre, bientôt entièrement consommée puisqu’allumée depuis déjà trop longtemps. Contrairement aux autres soirs, cette fois-ci, elle s’éteindrait probablement d’elle-même. Sa flamme ne parvenait pas à illuminer l’ esprit confus de Louis. La lumière des milles bougies de l’Église de Zetting n’aurait pu l’éclairer à cet instant…

« Europe… »

Subitement, Louis Institoris détourna le regard, vers la fenêtre qui donnait sur Schwarzwald. La flamme de la bougie se reflétait alors dans la prunelle de ses yeux à nouveau sûrs d’eux. Ses sourcils avaient repris leur place habituelle sur le visage ordinaire de l’homme, ne laissant plus paraître la once de contrariété qu’il avait affiché quelques secondes plus tôt. Maintenant que son auteur n’était plus, la seule personne qui pourrait l’aider à déchiffrer ce poème était une personne qui connaissait les lettres, qui savait les manipuler à sa guise. Un érudit. Ou plutôt « une »...

L’Inquisiteur rangea soigneusement le manuscrit, puis, il griffonna quelques mots sur un papier qu’il signa ensuite. Le lendemain, il le ferait porter à son destinataire…

Louis retira ses vêtements, et, juste avant de rejoindre sa couche, souffla doucement sur la flamme qui éclairait sa chambre…



La Clef de Cendre Interlude6um8


Comme chaque année, l’hiver volait ses couleurs à la ville déjà bien assez terne de Forbach. Le vent glacé avait soufflé les dernières feuilles que l’automne avait laissées au sol et agitait maintenant les branches nues des arbres de la ville sur lesquelles il se déposaient certains jours les flocons de neige qu’il faisait s’agiter dans le ciel. C’était le cas ce matin-là. Un silence lugubre régnait dans toute la ville alors que le soleil se levait à peine. Quelques uns de ses minces rayons arrivaient à percer les nuages gris, éblouissant presque les rares passants qui marchaient à cette heure-ci dans les rues qui menaient à l’Église. Seul l’un d’eux, couvert de la tête aux pieds, comme habillé du moins efficace des camouflages que l’on aurait pu porter ce jour-là, contrastant ainsi encore plus que les autres avec le parterre blanc de neige dans lequel il enfonçait tour à tour ses bottes noires, semblait avoir une direction précise.
Sa démarche déterminée menait l’homme au manteau ébène, couvert de neige, à l’Église de Zetting, qui apparaissait au loin, de plus en plus apparente au fil du voyage qu’il menait dans l’épais brouillard qui couvrait le Comté.

Arrivé sur le Parvis de l’Église, près de l’entrée de la bâtisse, l’homme s’arrêta un instant pour découvrir son visage, puis il se retourna. Louis Institoris, dos aux portes de l’Église de Zetting, se souvint. Plusieurs mois plus tôt, sa lutte contre le Mal avait réellement commencé ici.

Sa mission avait en réalité commencé à Forbach, durant l’été 1626. À peine avait-il pris ses marques que la ville souffrait des effets d’un nouveau maléfice. Il avait mis plusieurs mois à en retrouver les sources, et avait ainsi compris que celles à qui il avait à faire n’étaient pas les augures qui avaient prédit un sombre évènement avec un calme qui les rendait plus que suspects ou les apothicaires aux fabrications étranges qui étaient à la source de l’assassinat d’un riche Seigneur. Non. Celles à qui il avait affaires étaient bien plus tenaces, mais il les vaincrait, avec un peu de temps. C’était le message qu’il leur avait fait passé un dimanche, à la sortie de la Messe, sur ce Parvis-même. Près d’un an plus tard, elles étaient toujours là. C’était la plus longue qu’il avait eu à accomplir jusque là - et elle n’était pas encore achevée -, mais cela se justifiait par l’implantation de la Sorcellerie à Forbach : ces envoyées du Démon n’étaient pas juste en surface, elles se cachaient partout. Dans les Forêts, dans les Montagnes, bien évidemment dans le Comté, jusque parmi les Nobles. Plusieurs meurtres par la sorcellerie avaient été commis entre les murs du Château de Frauenberg.

Louis ouvrit les grandes portes de l’Église, et se mit à avancer lentement dans la Nef, le regard sur ses chaussures.

C’était l’Inquisiteur que l’on appelait « Avatar » qui lui avait mis la puce à l’oreille quand à la présence des Sorcières dans la Cour elle-même. Pendant un longtemps, il n’en avait eu aucune preuve, et maints évènements au cours de cette année lui avaient montré qu’il devait aussi se méfier de ceux qui combattaient le Mal - ou plutôt prétendaient le combattre - à ses côtés. Avatar faisait partie de ceux à qui il ne fallait accorder qu’une très faible confiance. Cependant, ses dires s’étaient avérés vrai : l’Inquisitio révéla la présence de ces harpies même jusqu’à la famille du Comte, puisque sa nièce avait été arrêté pour possession de nombreux objets destinés de façon évidente à des pratiques occultes.
C’était une sorte de jeu d’enfants auquel jouaient l’Inquisition et les Sorcières. L’un frappait, puis l’autre frappait plus fort, et ainsi de suite. Tous n’attendaient que celui qui donnerait le coup final, celui qui mettrait définitivement l’autre hors de ce jeu. Louis était entièrement confiant : ce serait lui, le gagnant. Il n’y avait aucun doute.

Le Dirigeant de l’Inquisition s’arrêta pour se recueillir.
Après sa prière, il se plaça sur le bas-côté, dans la partie droite de la Nef, et s’adossa contre le mur. Il attendit, repensant continuellement à cette année qui s’était écoulée.

Soudain, la porte s’ouvrir. L’Inquisiteur se redressa, et sortit de ses pensées. Il ne savait pas vraiment combien de temps il avait passé ici. En regardant dehors, on pouvait remarquer que la brume épaisse s’était dissipée, mais que le temps restait grisâtre.

La femme qu’il avait rencontrée ici, au même endroit, un an plutôt, celle qui avait réussi à quelque peu réduire les préjugés qu’il avait quant à la noblesse et à ses femmes, était restée la même. Belle, fière et droite, c’était dans l’une de ces fameuses robes caractéristiques de son rang qu’elle traversait l’Église. En la voyant marcher, Louis Institoris se souvint : sa robe aux couleurs grenat et orangé, la ruban qu’elle avait délié pour laisser tomber dans toute sa longueur sa belle chevelure bouclée, cette élégance et cette assurance avec lesquelles elle avançait vers l’autel. Elle s’assit avant de l’atteindre. Louis détourna le regard un instant, et attendit quelques minutes, le temps que la jeune femme puisse prier. Car on n’entrait pas dans une Église comme dans une quelconque taverne, et encore moins dans l’enceinte de celle-ci…

Puis, il se mit à avancer lentement, longeant le mur de la bâtisse, jusqu’à arriver au niveau du transept. Il s’avança alors, quittant les ténèbres pour la lumière du soleil qui traversait les vitraux.


« Bien le bonjour, mademoiselle. »

Louis s’approcha alors du banc sur lequel se trouvait Europe. Il la regardait, découvrant à nouveau la beauté de ses traits fins. Cet iris mauve qui faisait la splendeur de son regard, cette peau, pâle comme la lune, d’une pureté indéniable.

« Comment vous portez-vous, en ces temps austères ? »
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Europe
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeMar 30 Déc 2008 - 0:59

Dans l’Eglise, il faisait glacial. Rien d’étonnant à cela, puisque l’endroit n’était pas chauffé et surtout parce que Forbach avait revêtu sa blanche et scintillante parure d’hiver, rendant l’air vif et extrêmement froid. Assise sur son banc, les fesses meurtries et le regard bas, Europe serra frileusement son châle autour de ses épaules. Les émotions aussi violentes que palpitantes qui enserraient son cœur quelques minutes auparavant l’avaient peu à peu quittée, laissant le pas à une sorte de calme résigné; et à présent elle se sentait impatiente d’en finir, même si cela devait conduire à sa perte.

Louis Institoris sortit de l’ombre de manière si discrète qu’on aurait pu aisément le confondre avec une apparition du divin. Furtif, silencieux, des particules de ténèbres accrochées en traînées fluides à ses moindres mouvements. Avec juste des prunelles d’un gris anthracite qui brillaient, pénétrantes et vives comme un regard céleste, sur l’obscurité de son visage.
Elle sursauta quelque peu car elle ne l’avait pas du tout vu approcher; la voix de l’Inquisiteur résonna dans l’espace vide et froid, plus profonde encore que la tonalité dont se souvenait Europe lors de leur première rencontre, ici-même. Elle eut peur, durant un instant, et son rythme cardiaque s’emballa: peur de ses propres réactions en voyant l’homme qui était à l’origine de tout ces malheurs, peur de ne pas se contrôler et de donner libre cours à la fièvre vengeresse qui couvait dans son sang depuis le tout premier jour. Mais contre toute attente, son emportement ne franchit pas la frontière du psychisme elle ne fit rien. Juste l’observer quelques secondes en silence, debout sur le sol de pierre, son teint pâle reflétant la faible lumière colorée des vitraux. Il avait changé, lui aussi. Ses traits s’étaient faits plus durs, sinon plus mystérieux, et le doute laissait des traces fugaces sur son visage aux ciselures sclérosées, empreintes d’une beauté froide. Visiblement, les événements de ces temps derniers étaient éprouvants pour lui aussi, même si la Sorcière ne voyait vraiment pas pourquoi. Elle s’était attendue à le voir en pleine forme et jubilant des résultats de l’inquisitio; mais ce n’était pas le cas et, d’une manière très paradoxale, elle n’en concevait qu’une plus grande colère teintée de frustration.


"Bonsoir, Louis"
fit-elle d’une voix parfaitement neutre.

Elle avait souhaité parler sur un ton un peu plus amical mais n’y était pas parvenue. Oh, comment l’aurait-elle pu après tout, en sachant que se tenait en face d’elle «le visage de l’homme qui nous tue» la regardant tranquillement, s’attardant même sur son cou, ses yeux, ses cheveux. Sans s’en apercevoir, son poing se serra. Comment elle se portait? Mais à merveille, voyons! Imbécile. Il avait utilisé mot pour mot la même phrase qu’elle un an auparavant, dans le même lieu. Tout était différent désormais. Mais il semblait que même à l’époque, les temps étaient considérés comme austères, dans une moindre mesure évidemment. Elle était sidérée de voir comment un homme si poli de prime abord pouvait être en réalité le point de ralliement du massacre, la bannière de la souffrance, la cruauté incarnée. N’y avait-il véritablement plus un cœur qui battait dans cette poitrine figée? La Prêtresse observa pendant une seconde encore le visage changé de Louis avant de répondre d’une voix lente et toujours empreinte du même ton neutre:


"Guère mieux que vous, visiblement."
Elle fit une pause qu’elle mit à profit pour faire signe d’un geste de la main à l’Inquisiteur, de s’asseoir s’il le désirait. "Comment pourrais-je bien me porter en ce moment? Depuis l’an passé, nous vivons une période terrible. D’abord l’eau nous fait revivre nos souvenirs les plus cruels. Puis l’on retrouve des pendus dans un arbre. Ensuite, la Comtesse meurt d’une bien étrange façon. Et finalement, le Comte est assassiné le jour de ses noces. Que va t-il nous arriver la prochaine fois, dites-moi?"

Le ton était neutre mais les paroles y étaient: c'était méchant et bien senti, c'était du Europe auquel on n'était pas habitué. Bien sûr, il n’y avait pas que ces événements; mais elle avait volontairement omis de mentionner les autres. Comme la mort d’Elena. Ou la proposition de cette perfide de Sarrebourg. Elle devait agir et elle en avait enfin l’occasion; puisque Louis Institoris ne l’avait, apparemment, pas faite mandée pour l’arrêter et l’accuser de sorcellerie, il aurait probablement l’intention de lui demander un service. Ce serait l’occasion de mettre un peu d’action et surtout, d’autres cartes dans le jeu d’Olrun, qui en avait déjà perdu bien trop. En outre, elle était bien curieuse de savoir en quoi elle, la nobliote à l’apparence insouciante, pouvait l’aider, lui, le chef de l’Inquisition à la tête de légions pures et vénérables.
Autant aller droit au but dans ce cas. Redressant la tête, Europe planta fermement son regard purpurin dans celui acier de Louis.


"Et que me vaux l’honneur de cette entrevue, monsieur Institoris?"
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Louis Institoris
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Louis Institoris


La Clef de Cendre Vide
MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeVen 2 Jan 2009 - 11:05

Le ton de sa première phrase annonçait la couleur de la conversation à venir à l’Inquisiteur, la seconde, avec la même intonation, se contenta de la lui confirmer. Europe, lors de leur première rencontre, en ce même lieu, avait répondu à la même question qu’elle se portait très bien. Ce qu’elle éprouvait n’avait encore pris le dessus sur les politesses d’usages de la noblesse qui l’avait éduquée. Ou alors, les temps étaient bien à tort considérés comme particulièrement pénibles. Louis s’en rendait compte aujourd’hui : ce jour-là, tout ne faisait que commencer.

Depuis plus d’un an, Forbach allait mal, et ses habitants, riches comme pauvres, souffraient de ses blessures infectées par le venin des Sorcières qui étaient leurs voisines, leurs amies, leurs sœurs. Elles n’étaient pas seulement là. Elles vivaient ici. Louis avait mis un certain temps à s’en rendre réellement compte, mais maintenant qu’il réalisait la gravité des plaies du Comté, il ne se battrait que plus encore pour mieux les assainir, et les guérir. La Messe de Cendres l’avait annoncé, l’Inquisitio avait donné un exemple concret des actions à venir de l’Inquisition : elles seraient radicales. Louis Institoris ne se contenterait plus d’envoyer au bûcher celles que ses hommes prendraient en flagrant délit de pratiques sataniques, il enverrait les Soldats de Dieu les chercher jusque chez elles. Les sorcières n’auraient probablement bientôt plus le privilège d’être brûlées seules, c’est entre sœurs qu’elles disparaîtraient dans les flammes qui les avaient envoyées à Forbach, et non plus quelques fois par mois, mais plusieurs fois par semaine. Il fallait en débarrasser Forbach. Le visage de la demoiselle qui était là devant lui, ses mots traduisaient la douleur qu’endurait la ville. Bientôt, les meurtrissures de la ville deviendraient de mauvais souvenirs, de vieilles cicatrices, empreintes éternelles de la douleur éprouvée qui rappellera à chacun la souffrance que cause le Démon, lorsque l’on s’éloigne du chemin tracé par Dieu.

Lorsque la jeune femme lui demanda où est-ce qu’ils allait, Louis ne préféra pas répondre. L’an passé, il n’aurait jamais imaginé voir versée une seule goutte de tout le sang qui avait coulé depuis. Mieux valait ne pas réfléchir à ce qui allait arriver, car rien n’était plus sûr qu’une chose : sa mission n’était pas prête de s’achever.

Cependant, la réaction de la jeune femme étonna quelque peu Louis Institoris. Il découvrit dans ses mots ce qu’il avait vu sur son visage, ce qui avait changé, mais qu’il n’avait su nommer. Cette froideur qu’il connaissait bien puisqu’il en était le maître incontesté dans toute la Lorraine, il n’aurait jamais imaginé l’entendre dans la voix de la jeune femme qu’il avait rencontré un an plus tôt, dont la douceur et la bonté qu’il pouvait clairement percevoir dans ses yeux était comparable à celle d’une enfant. Europe était bien loin d’avoir perdu toute trace de cela. Pourtant, son regard s’était assombri. Il s’était perdu dans les ténèbres qui avaient envahit sa ville, et par la même occasion sa vie. Elle voyait le sang se verser, elle voyait le sang couler. Sans en être complètement sûr, Louis parvenait quelque peu à sentir cette triste fragilité dont il avait l’impression, bien qu’elle fut admirablement bien camouflée derrière la gravité de la tonalité de ses phrases et de l’expression de sa pâle figure.

L’Inquisiteur reprit sa marche, et après quelques pas, fixa ses yeux pourpres et s’installa près d’elle. Il garda une certaine distance, évitant de la gêner. Tout de suite, celle-ci le questionna. Louis répondit tout aussi vite, sortant le fameux poème, objet de leur rencontre, de l’une des poches de ce long et sombre habit qu’il n’avait pas retiré.


« J’ai besoin de votre savoir. »

Pendant un court instant, le silence régna dans la Nef.
Louis s’éclarcit la gorge avant de préciser :


« Vous connaissez les mots, leur sens et les jeu que l’on peut en faire, mieux que quiconque dans cette ville ! Alors, tout naturellement, je me suis tourné vers vous, pour m’aider… »

Les yeux noirs de l’homme étaient plantés sur le visage de son interlocutrice, qui manipulait probablement déjà le morceau de parchemin sur lequel L’Inquisiteur avait pris soin de recopier l’œuvre diabolique de Cendra. Louis préféra passer les détails de la torture mentale et physique et de la mort de Cendra Valentine à Europe. Non pas qu’il regrettait ses actes et que la Sorcière n’avait pas mérité ce qu’il lui était arrivé, mais il ne voulait pas encombrer d’informations inutiles au décryptage du poème l’esprit visiblement déjà assez torturé de la jeune femme qu’il avait face à lui. Il lui expliqua :

« Une sorcière a malencontreusement laissé tomber entre nos mains ce mystérieux sonnet. Quiconque pourrait me dire qu’il possède un sens bien sournoisement dissimulé, cela ne nécessite pas la réflexion d’un savant. Cependant, vous êtes la seule à pouvoir m’aider à le percevoir… »
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeLun 5 Jan 2009 - 20:47

Le silence de Louis ne fit que confirmer ce qu’elle avait d’abord pensé; elle s’était montrée cinglante dans ses paroles, bien qu’elle y ait mis toute la modération qu’elle ait pu. Europe soupira. En cet instant, elle ne devait être aux yeux de l’Inquisiteur qu’une nobliote quelconque bouleversée par des événements étranges, et Louis pouvait lui annoncer à tout instant en brave chevalier qu’il ferait tout pour rétablir l’ordre et la paix… alors que c’était, justement, encore pire si ses propos devenaient des actes. Cela la frustrait d’autant plus. Elle aurait voulu pour voir dire à Louis que c’était lui et lui seul, la gangrène de Forbach; mais elle ne pouvait pas, et elle demeurait en silence dans une Eglise figée, une expression non moins figée sur son visage.
Il ne restait visiblement plus qu’une seule solution.
«Convertir» Louis Institoris.

C’était bien évidemment une façon de parler; mais c’était aussi la première occasion qui était donnée à Europe de passer à l’acte et elle n’allait pas la laisser filer. Il l’avait dit de sa voix grave, roulante sur les sculptures et les froids éclats des vitraux: il avait besoin d’elle. La Prêtresse avait une chance inouïe d’espérer se rapprocher un temps soit peu de Louis, de le cerner; de voir enfin si un cœur humain battait dans cette poitrine, de faire appel à ses sentiments, afin que peut-être il puisse reconsidérer ses décisions.
Elle savait que c’était là une tâche très ardue qui s’annonçait, et sûrement très longue; mais elle n’avait pour le moment rien d’autre que cette perspective à laquelle s’accrocher. Alors, autant commencer tout de suite. Europe saisit délicatement le papier que lui donnait l’Inquisiteur et le parcourut rapidement des yeux pour en avoir un premier aperçu, tandis qu’elle écoutait attentivement les propos de l’homme assis à côté d’elle. Oui, elle connaissait les mots; une assez longue carrière d’auteur la précédait et nul n’ignorait vraiment ses ouvrages à Forbach, du moins les lettrés, puisqu’en cette époque obscurantiste les femmes écrivains étaient loin de courir les rues. Cependant, quand Louis lui annonça que ce texte provenait d’une Sorcière, elle se figea. Malencontreusement? Par la torture, oui! Un instant, le visage de porcelaine se voila, laissant les longues boucles sombres et violacées des cheveux se refermer sur lui comme un écran. Elle avait cru, ne serait-ce qu’un peu, que son projet lustral pouvait aboutir; mais à présent elle en doutait véritablement. Non seulement l’Inquisiteur commettait des actes impardonnables, mais il n’avait même pas le cran de l’assumer. Elle sentit un goût amer envahir sa bouche et se força à discipliner son souffle.


"J’ai besoin de temps" fit-elle brusquement en se levant.

Oui, le temps du moins de se calmer, sinon elle n’arriverait même pas à lire le poème correctement; et par expérience, elle savait que lire un texte quand on a l’esprit ailleurs est la plus mauvaise des choses à faire si l’on espère percer ses secrets. Europe fit quelques pas au hasard, puis se dirigea vers l’autel en évitant soigneusement le regard de Louis. Un désir vengeur coulait dans ses veines comme un poison. Elle s’exhorta au calme, fermant les yeux. Cette dernière année passée à Forbach l’avait rendue méconnaissable: le mot «énervement» avait fait son grand retour dans son vocabulaire alors qu’elle l’en avait oublié pendant des années. Quelques minutes lui furent nécessaire pour que le tumulte de son sang bouillonnant s’apaise enfin. Pour achever de se calmer complètement, toujours tournée vers l’autel et dos à Louis, la Sorcière se mit à fredonner tout bas une mélodie ouatée; la même qu’un an auparavant, et qui résonna partout sur l’anthracite des pierres et des plafonds, molle, douce et salutaire.
Elle leva finalement le poème à la lueur d’une bougie puis le lut entièrement. Une fois. Puis deux. A la troisième, son visage se troubla de nouveau mais elle poursuivit sa lecture, ses yeux nacrés bondissant de mots en mots et de phrases en phrases. Sans même regarder où elle allait, la Prêtresse retourna s’asseoir à côté de l’Inquisiteur, le papier toujours levé vers son regard purpurin. De nombreuses minutes s’écoulèrent dans un silence glacé qui planait sous la haute voûte de l’Eglise comme un oiseau de proie. Il faisait si froid que l’air semblait liquide et scintillant. Progressivement, une buée éthérée jaillit des lèvres charnues d’Europe au rythme de sa respiration; cette atmosphère cristalline la rendait plus belle que jamais. Quand elle leva les yeux, elle s’aperçut que Louis aussi n’était pas épargné par cette pulvérulence d’air virginal. Il l’observait de ses prunelles d’un gris perlé, calme et doux; et quiconque se serrait trouvé là en cet instant, n’aurait vu sur le banc inconfortable de l’Eglise qu’un couple de statues de glace, ouvragées avec une extraordinaire précision. Finalement, la Sorcière soupira, mettant un terme à cette ambiance onirique, et posa le poème sur ses genoux.


"Avant de me prononcer" fit-elle lentement "j’ai deux questions à vous poser. J’aimerais que vous y répondiez sincèrement, sinon le jeu n’en vaut pas la chandelle." Elle leva un doigt. "Tout d’abord, qu’avez-vous compris, vous, de ce poème et de son sens?" Puis un deuxième. "Et ensuite… vous semblez considérer cela comme une évidence, ce qui me semble bien étrange. Ce poème ne peut après tout être qu’un écrit comme les autres. Alors qu’est-ce qui vous fait penser que le sens caché qu’il recèle a la moindre importance? Si j’étais une Sorcière, il ne me viendrait pas à l’idée d’écrire tous mes secrets sur un bout de papier" déclara t-elle pour et l’induire en erreur… et voir du même coup sa capacité de déduction.
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeDim 22 Fév 2009 - 21:45

Louis n’avait su imaginer la réaction d’Europe. En réalité, il n’y avait pas pensé.
Elle coopérerait, c’était évident. Elle coopérerait, comme n’importe qui aurait coopéré à Forbach, pour soutenir l’Inquisition ou par peur de se voir très sévèrement puni pour avoir refusé de collaborer, puisque ne pas collaborer était protéger volontairement le Mal, en être complice, en faire partie. Cependant, si l’on avait demandé à Louis quelle allait être la réaction de la jeune femme face à cette demande, il l’aurait imaginée différemment. Elle aurait réagit silencieusement : son regard aurait traversé chaque ligne du poème aussi sereinement qu’elle avait traversé, un an plus tôt, l’allée centrale de cette même Église dans laquelle elle se trouvait aujourd’hui. Si Europe avait réagit telle que l’Inquisiteur l’aurait imaginé, on aurait vu à travers son regard, allant et venant, d’un bord à l’autre du parchemin, son esprit s’imprégner de chaque mot, pour en comprendre le sens profond, caché ou non, pour comprendre chaque vers de ce poème, et enfin le sens de celui-ci. C’était une femme intelligente. Louis le savait. Dès leur premier contact, elle avait brisé tous les préjugés qu’il avait sur elle, une noble parmi tant d’autres. Avant leur rencontre, elle était comme tous les nobles dont l’unique but d’après lui était de s’assurer une place bien au chaud, au plus près du Comte. Son avis sur eux n’avait pas changé. Néanmoins, il admettait maintenant qu’il existait des exceptions. Des exceptions dont Europe faisait partie.

Mais elle n’avait pas réagit comme Louis l’avait imaginé. Elle s’était levé aussi brusquement qu’elle avait affirmé qu’elle avait besoin de temps. L’Inquisiteur n’avait pas bougé, l’expression glaciale de son visage n’avait pas changé. Pourtant, même s’il n’avait pas sursauté lorsqu’elle s’était soudainement redressée, il n’était pas moins surpris de la réaction d’Europe. Il l’observa, fixement, se déplacer dans l’Église. Semblant chercher dans l’endroit le plus sacré de l’Église la quiétude nécessaire pour se remettre de ses émotions, elle se dirigea vers l’Autel. Ces émotions, Louis les avait devinées : avant de se diriger vers l’autel, la noble demoiselle troublée par une telle demande avait fait quelques pas hésitants dans la Nef. Ce calme auquel il s’attendait de sa part, celui qui semblait faire la personnalité de cette femme, s’était apparemment effacé derrière l’angoisse. D’où venait ce trouble ? Deux possibilités. La première : la jeune femme avait un contact plus ou moins proche avec les sorcières, et accepter cette mission serait les trahir, mais la refuser serait un acte quasi-suicidaire. Cette option ne vint même pas effleurer l’esprit de Louis Institoris : l’Inquisiteur n’avait pas le sentiment qu’elle ait été rangée parmi les adoratrices de Satan, et rien de notable n’était ressorti de la perquisition de ses appartements. Et, de toute façon, aucune d’entre elles ne pouvait passer la porte de l’Église de Zetting. Aucune chance que l’origine de l'inquiétude de la jeune femme ne soit celle-ci. Sans même le remarquer, Louis fermait les yeux sur cette éventualité, impossible, à ses yeux du moins. La seconde était la bonne : participer plus directement aux actes de l’Inquisition, dans des temps si rudes, n’enchanterait personne. Et encore moins une femme.

S’apprêtant à la rejoindre, Louis la vit alors lever le poème devant ses yeux. Europe, immobile, semblait lire attentivement le poème, à la lumière des bougies qui parsemaient les pierres froides et grises de l’Église de tâches dorées. Derrière elle, l’Inquisiteur ne pouvait voir son visage. Simplement ses longs et sombres cheveux, brillant eux-aussi à la lueur tamisée des bougies, qui tombaient sur ses épaules couvertes d’un long vêtement d’une couleur pourpre presque identique à celle de ses cheveux. Si les bougies avaient été éteintes, on n’aurait pu distinguer sa coiffure de son habit. Ses boucles violacées plongeaient, se fondaient presque dans la teinte obscure de sa robe, contrastant avec la blancheur de sa peau, qui semblait tendre son dos, la faire se tenir plus droite qu’elle ne se tenait déjà et affiner de par sa couleur noire ses formes délicates. Europe, vêtue d’un vêtement sobre, n’en était pas pour autant moins gracieuse. Louis appréciait la scène qui se déroulait sous ses yeux : Europe lisait avec attention le poème, figée. L’éclat des bougies, lui, dansait sur elle, parcourait son corps, illuminant quelques fois un peu plus certaines parties de son anatomie, un peu moins d’autres. Cette lumière, à elle seule, animait le tableau gris au milieu du quel rayonnait la beauté de cette femme pourtant cachée dans ce tissu ténébreux qui la couvrait presque entièrement.

Le spectacle cessa lorsqu’elle revint vers lui. Visiblement déjà quelque peu apaisée, Europe s’assit à nouveau, aux côtés de Louis, sans même lui adresser un regard. Elle lisait encore et encore ce même poème. Louis, à son tour, se remit à la lecture de l’œuvre si mystérieuse de Cendra, tentant encore vainement de déceler le secret de ce poème, ne serai-ce que le sens caché de l’un de ces mots qui l’emplissait de doute. Rien…

Tout à coup, le parchemin disparut. La voix de la jeune femme s’éleva dans l’Église silencieuse, résonnant dans les hauteurs de l’édifice. Louis, peu surpris du cran d’Europe qui lui sollicitait son avis sur le sens du poème, fut cependant étonné qu’elle lui pose si rapidement ces questions. Cette rencontre lui montrait une fois de plus qu’il ne fallait pas s’attendre à quoi que ce soit de très précis avec une femme telle que celle-ci, sous peine d’être pris de court. Alors, sans vraiment savoir pourquoi une fois de plus, il joua le « jeu » dont elle parlait et se mit à réfléchir, se remémorer l’écrit de Cendra. C’était un sentiment bien étrange que d’être interrogé, et Louis ne l’appréciait pas vraiment. Il avait l’habitude de questionner, et non d’être questionné. Europe le savait bien et, audacieuse, elle n’avait pas hésité à inverser les rôles.


« Cendra Valentine n’avait plus à prouver qu’elle était une sorcière. Des objets cachés dans son domicile, dont un grimoire rempli d’écrits hérétiques, l’avaient prouvé pour elle. Sa réaction lorsqu’elle fut enfermée dans les Cachots de la Collégiale ne fit pourtant que confirmer l’évidence : elle ne niait pas ce dont on l’accusait, l’insolence dans son regard et son silence ne voulaient plus rien cacher de ce qu’elle était. Elle n’était pas naïve et savait comme nous ce qui l’attendait au final, qu’elle réponde ou non à nos questions. Elle n’avait aucun espoir d’être libérée, ni par nous, ni par les siennes, alors elle faisait face à son destin, sans même nous implorer de la laisser s’en aller. »

Louis s’arrêta un instant, recherchant les termes exacts de ce poème qu’il avait tant lu et relu qu’il le connaissait presque par cœur.

« "Puisse-tu ainsi retrouver en cette vesprée la voie suave et timide de notre Étoile, éclairée courageusement par ce sonnet…" Ce poème était placé en ouverture de ce fameux ouvrage regroupant nombre de textes indéniablement destinés aux sorcières. Cette position faisait de lui une introduction à la lecture ce grimoire, il ne peut pas n’avoir aucun lien avec elles. Ces trois derniers vers montrent bien que cet écrit est un guide vers leur "Étoile". Il doit nous permettre d’arriver jusqu’à elles… Elles semblent se cacher "au-delà de la dalle", derrière un "voile" ... Y sont mêmes évoquées clairement ses "sœurs". Tout me pousse à croire que ce poème peut être la Clef qui nous permettrait de libérer Forbach… »

Louis soupira. Depuis longtemps, personne ne l’avait vu agir ainsi : la plupart du temps, cela était vu comme un geste de faiblesse, de découragement, qu’il ne voulait pas laisser apparaître. Pourtant, cette fois-ci, le soupir exprimait à l’inverse l’espoir. Un espoir qui était, contrairement à ce qu’il se forçait à penser, quasiment le dernier qu’avait aujourd’hui Louis de pouvoir accomplir sa mission, sauver tous ces gens de la douleur qui les rongeait incessamment depuis trop longtemps déjà.
Alors, seul face à Europe, l’unique personne capable de l’aider à suivre cette piste, Louis fit tomber le masque l’espace de quelques secondes…
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeVen 6 Mar 2009 - 0:17

Assise sur son banc de manière très inconfortable mais ne songeant pas le moins du monde à se plaindre, car toutes ses pensées étaient focalisées sur une seule chose, Europe attendait patiemment la réponse de Louis. Elle avait vu les différentes émotions se dessiner par vagues fugitives sur le visage de l’Inquisiteur, comme des paysages à peine esquissés qui disparaissaient aussitôt mais qui avaient été pourtant bien réels. D’abord une surprise à peine perceptible, teintée d’une incompréhension plus légère qu’une aile d’oiseau; celle de voir la réaction de la Prêtresse si dissemblable, de celle qu’elle avait eu il y avait de cela maintenant un an. Mais la Sorcière avait changé profondément; les douze derniers mois avaient complètement bouleversé son mode de pensée et sa conception de la vie s’en était retrouvée changée. Elle pensait antérieurement, qu’en tant qu’âme sereine et presque pure, elle sentait clignoter tout avec elle et ressentir les sensations de ces années si fastes. Mais elle s’était trompée et se retrouvait une fois encore en face de la réalité: les yeux d’obsidienne de Louis, qui l’observaient fixement, lui donnaient l’air d’un loup. Un loup à l’antique instinct sanglant enfoui, loin sous la chaîne de l’habitude, mais néanmoins présent. En réalité, peu de gens auraient sans doute été capables d’apercevoir tout cela sur le visage figé et fermé de l’Inquisiteur en cet instant; mais il semblait qu’Europe, malgré les événements, n’avait pas tout perdu de cette empathie qui l’avait tant déçue et aliénée.

Les deux premiers mots que prononcèrent Louis firent s’arquer les fins sourcils de la Prêtresse, tandis qu’elle quittait des yeux le parchemin pour les poser sur son interlocuteur. Cendra Valentine. C’était donc elle, l’auteur de ce poème, qui laissait miroiter à la fois tant et si peu de vérités… Europe se souvenait, un peu vaguement, d’avoir déjà entendu son nom; c’était une Sorcière du Lys Noir. Elle se retint de frémir en entendant le récit narré par celui qui était sensé être son pire ennemi, et admira intérieurement le courage de Cendra. Savoir que celle-ci, surmontant ses regrets et ses peurs, avait fait face à son destin sans plier face à cette horrible inquisition, la remplissait de sympathie pour cette femme qu’elle ne connaissait pas mais dont elle se sentait soudainement beaucoup plus proche.

Tout en écoutant les paroles de l’homme, Europe baissa de nouveau les yeux sur le papier. Elle distinguait assez nettement, à la lueur tamisée et dansante des bougies, l’écriture serrée dans sa robe noire et luisante; mais derrière ses paupières, dansaient de petites lueurs dorées qui voguaient d’une lettre à l’autre, parfois englobant un mot, lui traçant peu à peu un chemin de lumière vers des significations et des présages cachés. L’art de déchiffrer ce genre de poème était un art complexe; ce n’était pas donné à tout le monde et en même temps, il n’aurait su exister de formation «officielle» pour apprendre à l’exercer. Les niveaux d’interprétations pouvaient varier de quelques uns pour les mauvais poèmes, à une infinité pour les bons, comme celui-ci l’était –surtout si son auteur avait eu un message à faire passer de manière secrète. Il suffisait alors, de laisser voguer son imagination tout en faisait preuve de sens critique. Et elle devait avouer qu’à ce jeu là, Louis s‘en était assez bien sorti.
Il avait donné ses propres interprétations d’une voix calme, sa sonorité grave emplissant la haute voûte de l’église. Lorsqu’il acheva finalement de parler, la Sorcière leva la tête, croisant son regard.

A la lisière de son esprit, elle sentit une infiniment minuscule part de sa certitude flancher; car dans ces yeux gris perle, tavelés d’argent, elle reconnût la lueur fugitive et organique de l’espoir, traversant flux et reflux d’autres émotions, un composé de toutes les autres. Oui, comme elle, Louis Institoris doutait et espérait pour le mieux, tout en ayant le souhait profond, pour lequel il se battait de toutes ses forces, de ramener la paix. Certes, ce combat était mené avec de mauvaises méthodes; mais son but n’en restait pas moins louable et comme elle, il avait la volonté légitime de voir la tranquillité s’installer de nouveau sur la ville. Europe se souvint, qu’il y avait longtemps (un an tout rond, d’ailleurs) elle ne méprisait pas alors l’Inquisition; elle comprenait ses motivations et les respectait. A présent, elle voyait bien que l’espoir dans le regard de Louis traduisait la détresse de celui qui, au pied du mur, n’a plus qu’un dernier recours; et puisqu’il dépendait d’elle ainsi, elle aurait pu laisser parler son instinct, tourner le dos à l’homme et le planter là sans pitié, sans même lui accorder un regard.
Mais elle ne le fit pas.
Peut-être parce que ce fut la compassion qui la décida à ce moment là; et peut-être aussi parce qu’elle pensait, en rendant service à l’Inquisiteur et s’attirant du même coup ses faveurs, pouvoir ramener la paix plus efficacement, en choisissant de l’aider plutôt que de lui tourner le dos –pour le plus grand bien.


"Ce poème a fait l’objet d’une élaboration très longue et soignée et il est évident qu’il ne pourra révéler tous ces mystères qu’après une étude prolongée, aussi ne vois-je pour le moment que ses significations les plus évidentes" commença Europe d’une voix neutre sans émettre le moindre jugement sur les propos de Louis. "Bien sûr, toutes les interprétations que je vais vous donner sont purement relatives et surtout non-exhaustives."

Europe marqua une légère pause, le temps pour elle de procéder à quelques mesures de calcul des syllabes, comptant avec de petits coups de doigts secs sur ses genoux. Le premier quatrain faisait presque défiler devant ses yeux le mot «Lys» qu’elle croyait voir partout; n’importe qui connaissant le nom de ce clan l’aurait reconnu immédiatement dans ce texte. Mais ce n’était pas ce qu’elle voulait dire. D’autres informations pouvaient être révélées, qui n’étaient pas forcément utiles ou nouvelles mais qui prouvaient sa bonne foi; comme l’existence de deux clans de Sorcières, dont l’Inquisiteur était déjà au courant puisqu’Avatar lui en avait fait part… après qu’elle-même l’ait fait. La Prêtresse s’approcha de Louis pour lui montrer du bout de son doigt ganté certaines lignes, rompant par ce même mouvement la distance entre leurs deux corps.

"Regardez, là. L’Etoile. Je ne pense pas qu’elle doive mener aux Sorcières, comme on pourrait le penser de prime abord, mais plutôt que ce soit l’inverse – elle mène à vous, les Inquisiteurs." La Prêtresse lui jeta un regard éloquent avant de poursuivre "Cela me semble une allusion certaine à l’événement qui s’est déroulé il y a de nombreux mois déjà dans la Schwarzwald… Trois hommes respectables ont été retrouvés avec cette «Etoile» gravée sur le front, vous vous en souvenez parfaitement, je suppose. Et puis... il y a une tonalité étrange dans ce poème. Une sorte de dualité littéraire, qui ne pourrait s’expliquer à moins de penser l’hypothèse suivante… les Sorcières sont divisées. Certes, l’on ressent ici la frustration et la lassitude d’être persécutées par l’Inquisition; mais il semble que ce ne soit pas seulement ça. Les mots parlent d’eux-mêmes: «Le vent porte avec lui les affres du Passé :Las, gronda cœur offensé, trahi et blessé». Or l’Inquisition n’a pas eu affaire aux Sorcières par le passé, du moins pas à ce point, et la trahison n’est pas envisageable puisqu’elle et les Sorcières sont ouvertement ennemies. Non, je pense plutôt à un autre clan de Sorcières… Elles sont scindées en deux. Peut-être même en plusieurs, même si cela me semble moins probable. Et l’évocation de l’Etoile démontre qu’on a affaire là à un des clans, celui qui a commis ce crime abominable."
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeLun 13 Avr 2009 - 21:28

Un moment se passa avant que Louis ne reprenne ses esprits. Ce court instant lui permis une toute aussi petite introspection dont les résultats étaient néanmoins plus qu’intéressants. En effet, jusque là, l’Inquisiteur pensait avoir toutes les cartes en main. Ce n’était pas le cas.

Lorsqu’il était arrivé en Lorraine, les désastres engendrés par l’eau ensorcelée lui paraissaient être synonyme d’un empoisonnement on ne peut plus profond du Comté par la sorcellerie. En réalité, tout cela n’était qu’un avant-goût de ce qui l’attendait là. Un avant-goût de ce dont Elles étaient capables… Il avait à l’époque encore confiance en ses méthodes et, avec la raison de fer qui faisait sa réputation, il se débarrassa de la source des maux du peuple de Forbach et, en guise d’avertissement, mit au bûcher quelques unes d’entre elles. Des techniques qui suffisaient à calmer les Sorcières n’importe où… Sauf à Forbach. Quelques jours plus tard, c’étaient à elles d’avertir l’Inquisition de leur ténacité en prenant la vie de trois d’entre eux. Alors, de nouvelles méthodes furent mises en place, Louis demanda aux Inquisiteurs d’augmenter le nombre de punitions et de patrouiller encore plus régulièrement. L’Inquisitio fut, à ses yeux, la meilleure et la plus efficace méthode pour se débarrasser des sorcières, qui furent alors brûlées par dizaines dans les jours suivant la grande perquisition de Forbach, évènement qui marquerait probablement les mémoires pour longtemps. Toute la fierté qui brûlait en l’Inquisiteur quant à l’aboutissement de ce plan s’éteint lorsque le Comte avait été assassiné, une vengeance confirmant, pour le Chef de l’Inquisition comme pour beaucoup d’autres, la présence encore marquée des Sorcières de Forbach.

Alors que Louis Institoris réalisait qu’il ne maîtrisait pas la situation, contrairement à ce qu’il croyait - ou plutôt ce qu’il se faisait croire -, et que ce sentiment d’impuissance s’emparait de ses prunelles grises, le Dirigeant de l’Inquisition le rattrapa. Par terre, à ses pieds, était tombé le masque qui cachait le visage de Louis Institoris, alors révélé. Le visage d’un homme, ayant presque perdu la foi tant ses espoirs avaient été réduits en cendres. L’instant fut court - bien qu’il parut extrêmement long -, mais il suffit à ce que le cœur de l’homme se mette à battre à toute vitesse. Il tourna vivement la tête, les yeux légèrement plus écarquillés qu’à l’accoutumée, et fixa un instant la jeune femme installée près de lui, dont les yeux reflétaient les milles flammes dispersées dans la glaciale et silencieuse Église de Zetting. Pourtant, malgré les dizaines, les centaines de lueurs qui se reflétaient dans ses yeux, Louis su distinguer celle de ce sentiment qu’Europe partageait avec lui : l’espoir. Et, étrangement, celui d’Europe ravivait le sien…

L’écho de la voix de la jeune femme se balada dans les hauteurs de l’Église et ramena Louis à lui-même lorsqu’il atteint son oreille. Avec attention, il écoutait la jeune femme s’exprimer à propos de la lecture qu’il venait de lui proposer. Précisant d’abord que sans étudier ce poème, avec du temps, elle ne pourrait pas donner un résultat très élaboré - un résultat qui ne serait d’ailleurs que sa propre interprétation de cet écrit, et en rien une vérité garantie -, Europe s’arrêta un instant. Alors que le calme reprenait place autour de l’homme dont le cœur vibrait toujours à toute vitesse, ses yeux posées sur le poème, les pâles et fins doigts de la jeune femme se mirent à frapper de légers coups les mots, les syllabes du poème de Cendra. La mesure que la jeune femme battait, et qui semblait elle aussi résonner dans l’Église tant celle-ci était calme, rythma le cœur de Louis, rendant sa quiétude à celui-ci. Alors, Europe se glissa le long du banc sur lequel ils étaient assis pour se rapprocher de l’Inquisiteur. Leurs vêtements se frôlèrent, le tissu que portait Louis caressa sa propre peau et un frisson lui parcouru le corps. Alors qu’il commençait à s’angoisser, à nouveau, sans même savoir pour quoi, un doux parfum vint s’insinuer dans ses narines. Enivré, il écoutait d’une oreille un peu plus distraite qu’à son habitude les explications d’Europe. Alors à nouveau complètement serein, il s’efforça de faire attention à ce que prononçait la voix cristalline de celle qui était près de lui.

Sans grande surprise, Louis confirma à ses dires - et ce bien qu’elle avait indiqué qu’ils n’étaient pas à considérer comme vérité absolue - cette rumeur, lancée par Avatar, qui traînait dans les rangs de l’Inquisition depuis bien longtemps déjà : les Sorcières étaient divisées, en deux clans, probablement. Divisées, à la suite d’un douloureux évènement, d’une trahison, sûrement. Et celui duquel dépendait Cendra Valentine de son vivant - puisqu’Europe n’avait pas démenti son appartenance à l’un de ces deux clans – était celui qui était responsable du meurtre des Inquisiteurs de Scwarzwald : l’ « Étoile » l’affirmait…

C’est à peu près tout ce que retint Louis Institoris de cette conversation qu'il n'avait écoutée que d'une oreille qui se trouvait qui plus est être divertie. Fatigué de sa courte de nuit due à ses réflexions inutiles la veille, et étrangement distrait, il ne resta pas là plus longtemps…

En effet, une fois de plus ce jour-là, l’Église fut momentanément muette. Et cette fois, Louis ne le constata même pas. Il ne s’était pas rendu compte qu’Europe s’était tue et, ses yeux plissés ayant quitté le poème pour observer l’éclat des cierges, il ne dit pas un mot, pensant, sans savoir lui-même à quoi… Et, tout à coup, cette sensation agréable qui berçait Louis s’arrêta nette, l’ambiance chaleureuse délivrée par la lumière tamisée des bougies disparût alors que la pâleur des murs gris et ternes du lieu reprenaient place, l’éclat blanchâtre des bougies devenait plus agressif que jamais. Louis se redressa soudainement. Ses yeux étaient à nouveau sévères, glacés.


« Je vous confie ce parchemin. Songez-y, Europe, s’il vous plaît... »

Alors qu’il s’éloignait de celle qui représentait sa seule chance de déchiffrer ce mystérieux poème, Louis frémit, ressentant tout le froid qui n’avait pu l’atteindre durant ces quelques secondes de paix.
Puis, il ouvrit la porte de l’Église.
Dehors, la neige s’était arrêtée de tomber et le brouillard s’était dissipé. Le soleil brillait, se reflétait sur la neige qui tapissait les dalles de pierre, et, pénétrant dans l’Église, éteint chacun des feux qui la peuplaient.


« Merci… »

[Suivant : Les Appartements d'Hasbauer - La rencontre]


Dernière édition par Louis Institoris le Dim 23 Aoû 2009 - 18:30, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: La Clef de Cendre   La Clef de Cendre Icon_minitimeMar 21 Avr 2009 - 0:07

Durant toute la durée de son discours, Europe avait été absorbée par sa propre explication, absente de la réalité matérielle de Zetting pour se concentrer au maximum sur les mots qu’elle prononçait: car il s’agissait de ne pas faire de faux pas, et son travail de funanbuliste commençait à peine. Tout était une question d’équilibre: trouver un juste milieu. Marcher sur une corde raide. Ne pas dévoiler trop d’informations ni trop peu. Demeurer crédible en préservant une part de mystère… bref, une question de dosage savamment travaillé auquel elle s’employait avec l’intégralité de ses facultés en cet instant. Et elle n’avait qu’alors, dans le tourbillon d’idée mesurées et calculatrices qui orchestraient son esprit en cet instant, aucune conscience de la beauté des lieux, de la scène, de l’émotion du moment; juste de sa réalité mathématique, de tout ce qu’elle pourrait en tirer de pragmatique. Après tout, comme elle en avait eu l’idée quand Louis lui avait demandé son aide, n’était-elle pas ici pour se rapprocher de cet homme, par pure stratégie? Un plan, une démarche hiérarchisée: voilà tout ce qu’était Europe en cet instant. D’abord, faire croire à cet homme qu’elle coopérait. Ensuite, reculer et feinter. Puis refermer l’emprise de ses serres sur un cœur qui avait cru pouvoir lui faire confiance, même à un degré si minime soit-il…

Plongée intégralement dans ce genre de pensées, elle ne remarqua pas que Louis l’écoutait d’une oreille distraite. Quand elle se tut et releva la tête, cependant, toute la dimension purement matérielle et pragmatique de la scène s’évanouit, laissant place à la vision épurée et bien plus lyrique des choses qui lui était coutumière. Le retour des chandelles mouvantes, comme des déhanchés exotiques; leurs éclats de feu liquide sur le visage de loup du dirigeant de l’Inquisition; leurs deux silhouettes côte à côte telles des statues adamantines… Et alors, elle revit dans son regard ce qu’elle avait déjà distingué au début de leur entrevue dans l’Eglise: l’espoir insensé, brut, taillé à même le roc d’un homme brisé et sec qui avait marché sur des chemins et parcourut des voies à sens unique, là où on ne rentre qu’une fois, et la où l’étreinte de l’angoisse est aussi réelle que des empreintes dans la neige… Louis Institoris en avait assez, assez du malheur qui s’abattait sur Forbach. Et Europe, malgré tous les efforts fournis pour s’éloigner de lui, pour le considérer comme son ennemi, ne pouvait qu’admettre une chose évidente… elle ne voulait pas le faire, mais c’était un fait.
Elle le comprenait.
Ils avaient le même but.

Etait-ce le fait de voir l’âme de son ennemi juré mise à nue, de découvrir une facette de Louis que très peu de personnes pourraient se vanter d’avoir contemplé, elle n’aurait su le dire; toujours est-il qu’en cet instant, quelque chose en Europe changea. Elle ne savait pas encore vraiment quoi, mais ne tarderait pas à le découvrir. A ce moment là seulement, tandis qu’ils étaient si près qu’il paraissait plus facile de parler, moins difficile aux mots de parcourir la distance les séparant, elle ressentit le besoin –ou l’envie, peut-être -, de dire ce qu’elle ressentait, de faire partager ses états d’âmes, d’adresser à son interlocuteur un instant, un regard, une parole qui aurait été significative. Mais lorsqu’elle trouva enfin les mots justes, le moyen le plus précis de décrire son sentiment, lorsqu’elle ouvrit enfin les lèvres pour s’exprimer…

Louis se leva brusquement, rompant nette l’ambiance presque onirique qui s’était installée. En observant son regard, Europe comprit que le blindage de son cœur s’était de nouveau refermé. Pour elle-même, les paroles aussi s’étaient taries dans sa bouche glacée, aux lèvres bleuies par le froid et nacrées par le sang retiré. Alors que la silhouette de l’homme s’éloignait déjà, ses dernières paroles résonnant fugitivement dans l’Eglise, la Sorcière comprit ce qu’elle ferait. Le bout de papier dans sa main, était froid et rigide, comme une empreinte de cœur gelée. Et si elle s’essayait à la sincérité, pour une fois?


"J’y songerais, Louis, et toutes les informations que j’en tirerais seront utilisées dans un seul but… la paix et le bien commun."

Voilà une chose sur laquelle elle ne pouvait mentir. Le «merci» de Louis vola comme une fumée insaisissable avant de disparaître, laissant Europe immobile, face au rutilant soleil d’hiver qui se déversait à flot dorés dans la bâtisse sombre et froide. Le soleil dans ses yeux l’éblouit et elle les sentit s’humidifier, en songeant qu’elle n’avait pas vu la lumière de l’astre solaire depuis bien longtemps. Elle était en contre-jour et bientôt, la silhouette de Louis disparut dans un torrent de halos fauves; comme si s’évaporait telle une brume ambrée, comme si il franchissait un pont de lumière jusqu’à un autre monde.

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