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 Les Calices amers

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Alicia Loewenstein
Meneuse
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Alicia Loewenstein


Les Calices amers Vide
MessageSujet: Les Calices amers   Les Calices amers Icon_minitimeJeu 24 Juin 2010 - 22:10

Les vignes de Lorraine n’avaient jamais autant fleuri que depuis la Renaissance. À Forbach on ne comptait pas une très large côte cultivée, mais une bonne aire de plus d’un hectare qui suffisait à grossir les récoltes régionales de gamay pour en faire un vin blanc tout à fait correct. Ainsi s’étendaient à longue vue les lignes disciplinées de cèpes verdoyants, mer viride et ondulée par le souffle tiède d’un après-midi d’été. Un îlot s’était formé au centre des vignes. Dans un étroit espace infertile une nappe blanche brodée de fils dorés avait été étendue. Alicia était allongée dessus, les yeux fixés sur les nuages gris qui protégeaient les habitants du comté de la lumière solaire et dévastatrice. Sa robe était d’un violet sombre tirant sur le pourpre par l’ombrage diffus. La Comtesse écoutait le vent, pour entendre le souffle de la vie, le bruissement des feuilles de vigne et les bruits de sabot du cheval qui s’approchait. Elle se releva doucement en position assise, plus convenable pour accueillir un invité, en ramenant sa chevelure sombre en arrière.

« Bonjour Europe. »

Ces mots étaient les premiers qu’Alicia adressait à la Grande Prêtresse d’Olrun depuis près de cinq ans – sans compter l’incantation latine de la nuit du premier mai. Leurs chemins s’étaient séparés dès l’élection d’Abigael. Alicia avait eu bon espoir de ne plus jamais lui parler de sa vie. Puis arriva le jour où Europe fut à son tour élue Grande Prêtresse. Alicia avait alors pressenti qu’elle devrait un beau jour l’affronter verbalement. Puis Europe lui sauva la vie. Alicia sut qu’il lui faudrait la remercier par devoir moral, pour l’étiquette. Enfin, la Meneuse eut récemment un message d’une de ses consoeurs lui annonçant que – de source apparemment sûre – Europe avait eu un entretien avec Sébastien qui l’avait reconnue au cours de la panique du Parvis il y a quelques semaines de cela. Ils auraient alors passé un accord mystérieux qui mena potentiellement Europe à dévoiler certaines choses. Il y avait là trop d’incertitudes pour de trop gros enjeux selon Alicia qui fit parvenir une lettre brève à la Grande Prêtresse.

Citation :
« Mademoiselle Europe Eléanora-Sun

Suite aux derniers évènements troublants vous ayant probablement ébranlée à l’instar de Forbach, je vous prie d’accepter mon invitation à nous rencontrer le temps d’une conversation autour d’un pique-nique dans les vignes à 15h00, ce jeudi.

En espérant vous y retrouver, à bientôt.

Cordialement,

La Comtesse de Forbach. »

Les vignes de gamay étaient un lieu privilégié pour une rencontre diplomatique. Il était hors de tout contrôle tribal. Il était grand et vide. Les vignes n’étaient pas hautes ce qui permettait l’assurance d’un lieu à découvert. Tout inspirait ici la neutralité jusqu’aux fleurs de vigne aussi vertes que les feuilles. Alicia fit un sourire poli à Europe qui descendait de sa monture et prenait place à ses côtés. Elle avait accepté l’invitation. Aussi bête que cela puisse paraître, ça n’avait rien d’évident. Alicia avait clairement quelque chose à lui demander : une invitation épistolaire à une collation aussi mondaine entre deux femmes qui avaient jusque là entretenu un mur polaire, la Meneuse ne doutait pas que la Grande Prêtresse saurait lire entre les lignes l’urgence et le désarroi derrière la platitude et la convention. Elle sorti d’un panier en osier un petit plateau d’argent et deux verres à pied. Elle en tendit un à Europe puis sortit une bouteille de vin débouché.

« Puis-je te proposer un peu de vin ? Je promets de n’avoir empoisonné ni le vin... ni le verre… »

Ces paroles apparemment sarcastiques ne l’étaient finalement pas tant que ça. À sa place, Alicia se serait grandement méfiée. Sans attendre l’affirmative d’Europe elle lui versa un demi verre ainsi qu’à elle. Elle joua quelques secondes avec son verre et la probable suspicion de la sorcière en faisant tourner quelques secondes le nectar liquoreux sur les parois transparentes. Elle but finalement une gorgée pour prouver sa bonne foi puis reposa son verre sur le plateau d’argent. Sans plus attendre elle mit fin au silence :

« Europe, avant toute chose, je pense indispensable de te remercier de m’avoir sauvé la vie lors de l’attaque de mes appartements par Gabriel Touchedieu. Je ne sais si tu as longuement médité ton acte ou non, l’important est que tu l’aies fait. Merci. »

Le sec tanin de la reconnaissance pour un rival irrita douloureusement le cœur d’Alicia qui reprit son verre et but à nouveau.

« On m’a rapporté que tu avais eu un entretien… difficile, avec le second de Louis. Était-ce un écho véridique ? »

Le placer sous le ton de la conversation était toujours plus agréable et léger. Du moins en apparences. Alicia bouillait à l’intérieur de savoir la vérité sur cette affaire, savoir quel était le degré de risque qu’encourait dorénavant le clan du Lys Noir.


Dernière édition par Alicia le Mar 13 Juil 2010 - 0:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les Calices amers   Les Calices amers Icon_minitimeDim 27 Juin 2010 - 0:50

[Précédent = Faites entrer la sorcière!]


Perchée sur un frison noir de sa propriété, la droite et rigide silhouette d’Europe dominait les cépages, sa tête pivotant à la manière de celle d’un aigle pour repérer l’endroit du rendez-vous fixé par Alicia. L’endroit sentait bon, embaumant des senteurs de terre un peu humide et herbeuse, aux notes délicatement fruitées. Elle avait rarement l’occasion de s’aventurer dans les exploitations vinicoles, à peine une fois l’an pour assurer un contrôle de qualité puisque sa famille achetait une petite partie de la production finale au paysan local afin de la revendre sur les marchés de Metz et Nancy. Mais cette visite ravivait en elle des souvenirs d’enfance, et la brise chaude du sud soufflant dans les stries malachites des récoltes portait des parfums envoûtants. Il faisait beau, c’était l’été…
Et pourtant, rien n’aurait pu être pire.

L’invitation d’Alicia l’avait à la fois réellement étonnée et très peu surprise. Un tel geste, au vu de la situation, était inscrit dans une logique presque mathématique; cependant, étant donné la rivalité antagoniste qui opposait les deux Nobles, rien n’aurait pu sembler plus incongru qu’une proposition de pique-nique gentillette. Au moins, la Meneuse avait fait l’effort de choisir un terrain neutre; sans doute s’était-elle doutée qu’Europe n’aurait pas toléré l’inverse. Pour l’occasion, celle-ci avait revêtu les couleurs d’Olrun, à savoir une robe d’un rouge intense, profond et palpitant, dont le corset portait un entrelacs complexe de galons carminés. Par opposition à Alicia, drapée dans sa pourpre, visiblement ravie que des nuages viennent obombrer le ciel alors qu’il aurait pu faire si beau et chaud… visiblement, elle n’avait pas changé. Elle préférait toujours l’obscurité et la froideur de l’ombre. Ses recoins les plus mystérieux. Elle était plus Alicia que jamais.

Cela faisait tellement longtemps qu’elles ne s’étaient pas vu face à face, seules à seules. Au château ou lors d’événements communs, il leur arrivait souvent de se croiser. Au dîner de bienvenue des Exorcistes du Père Marcus, par exemple. Ou encore, à la Messe de Cendres. Elles se jetaient alors des regards acerbes, méprisants et antipathiques, ou encore s’ignoraient royalement. C’est pourquoi malgré leur proximité géographique, cela faisait bien cinq bonnes années qu’elles n’avaient pas pu parler entre elles seulement, à cœur ouvert. L’occasion était rêvée.
Europe descendit de son cheval et, le visage impavide, ne prit pas la peine de répondre au salut d’Alicia. En revanche elle s’assit sur la couverture, observant son interlocutrice sortir des verres et une bouteille de vin de son panier. A la proposition de sa rivale, elle fit de son mieux pour prendre un air froid, mais un sourire vint cependant adoucir son expression.


"Et tu espères que je vais te croire sur parole?" fit-elle, amusée malgré tout.

L’une comme l’autre savaient pertinemment que la parole d’Alicia ne valait pas un clou. En revanche, Europe était certaine de la véracité des propos de cette dernière: le vin n’était pas empoisonné. Ce n’aurait pas été dans l’intérêt de la Meneuse, qui souhaitait d’abord obtenir ses informations. En revanche, rien ne l’empêchait de sortir un poignard de ses jupes et de se jeter sur Europe pour l’égorger une fois l’entretien terminé. L’endroit apparemment neutre et optimal pour une rencontre diplomatique était idéal: isolé, pas de témoins. C’est pourquoi la Grande Prêtresse d’Olrun avait pris les devants en apportant également une arme. Un petit couteau, dissimulé sous les replis textiles et totalement invisible. Elle aurait d’ailleurs pu s’en servir dès à présent, et enfin faire ce qu’elle souhaitait depuis si longtemps: mettre un terme à la vie d’Alicia. Mais elle avait récemment réalisé que tuer la Meneuse ne servirait à rien. Même si celle-ci venait à mourir, le Lys lui survivrait, et la situation serait identique au final. De plus, il était nécessaire pour sa propre survie qu’elle fasse profil bas à Forbach et que de nouveaux soupçons, qui plus est de meurtre, ne pèsent pas sur elle.

Après avoir volontairement attendu qu’Alicia boive en premier (l’absence de soupçons ne voulait pas dire confiance aveugle non plus), Europe saisit son verre et goûta à son tour la boisson qui se révéla plaisante, une bouche ample et typée de la région, très légèrement boisée. Elle faillit cependant s’étrangler avec le vin quand elle entendit la Meneuse lui faire… des remerciements! La Grande Prêtresse d’Olrun reposa son verre, s’essuya délicatement la bouche avec une serviette et considéra son homologue ambassadrice, dont la gratitude forcée était évidente.


"Tu devrais arrêter de te torturer l’âme ainsi, Alicia, c’est mauvais pour ta santé" déclara-t-elle d’un ton caustique. "Il est évident que tu t’es forcée à me remercier par obligation et que tu n’en penses pas un mot. Entre nous, je me moque éperdument de tes remerciements. Et sache que non, mon geste n’était pas prémédité, au contraire totalement involontaire. D’ailleurs, comment aurais-je pu le préparer à l’avance? Toi-même tu n’avais pas prévu la tournure qu’ont pris les événements."

Le ton était lancé: Europe apparaissait clairement comme froide et antipathique. D’ailleurs, pourquoi en aurait-il était autrement? Elle était amère, presque ulcérée par le comportement manipulateur d’Alicia. Celle-ci était cruelle mais pas stupide: elle avait bien vu que depuis toutes ces années, la situation s’était gravement détériorée pour les Sorcières, et que pour la sûreté de tous ils auraient fallu mettre en place un plan de sécurité collective, bien au-delà des préoccupations tribales… mais non. La seule fois où la Meneuse acceptait un face à face, en cinq ans, c’était parce qu’elle se souciait de ses petites fesses nobliotes après la rumeur de l’arrestation d’Europe. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait, elle venait de lui en faire part d’un voix légèrement préoccupée. Un monstre d’égoïsme qui se montrait dans toute sa splendeur et attendait le moment opportuniste pour défendre sa personne… Finalement si, Alicia avait changé. A l’époque, elle était beaucoup plus intègre; elle avait des idéaux différents mais le clamait haut et fort, en face de vous, plutôt que de vous poignarder dans le dos.
Finalement, la Grande Prêtresse répondit, d’un ton très sec:

"C’est un écho véridique en effet. Je ne sais pas où et comment tu as eu vent de cela… mais j’oubliais que tu étends ta toile sournoise un peu partout dans Forbach. Ta curiosité malsaine et égoïste me dégoûte. Durant ces cinq années, tu n’as pas fait le moindre geste vers moi en sachant que chaque jour, des vies humaines du Lys comme d’Olrun s’éteignaient. Et maintenant, tu viens me trouver ici, comme si j’allais te dévoiler tout le contenu de cet entretien gratuitement et avec de la bonne volonté… Rien de ce qui s’est passé entre moi et le Second ne te regarde. Si tu veux le savoir, tu n’as qu’à faire fonctionner tes réseaux d’informateurs et d’espions, comme tu sais si bien le faire. En vérité, je consent à te donner un détail qui, je l’espère, te feras réfléchir: je ne t’ai pas vendue. Ni toi, ni ta tribu. Alors que j’avais l’opportunité et le souhait de le faire; mais je me suis abstenue, au nom d’une valeur qui sans doute t’es étrangère et qui s’appelle le bien commun."

Europe marqua une pause, le temps de laisser ses paroles faire leur effet. En repensant à leur toute dernière entrevue, la scène qui s’était déroulée dans la Clairière juste après l’élection d’Abigael, elle sentit son cœur se serrer d’amertume et de tristesse. Oui, Alicia avait changé, mais elle n’était pas la seule. Europe aussi n’était plus la même. Les étiquettes des deux ambassadrices s’étaient, en y pensant, quasiment inversées. Alicia était passée de la femme réputée pour son sens de l’équité, ses revendications libérales et mélioratives, ses talents de chef qui se soucie de ses troupes, à une espèce de tarée psychorigide et tête brûlée qui ne reconnaissait plus que quelques traits de caractère: la fourberie, la manipulation, la stratégie et la sournoiserie. Europe elle, était passée d’une femme flemmarde, désintéressée, mesquine et pas du tout altruiste, à quelqu’un de compréhensif, engagé, militante pour la liberté et le bien commun.
L’expression de la dirigeante d’Olrun fut partagée entre dédain et… mélancolie.


"Alicia, rappelles-toi ce qui s’est passé cette après-midi là, ce que nous avons dit juste après l’élection d’Abigael. J’admet que j’ai eu des torts, beaucoup de torts, à cette époque là, et si c’est une des choses qui te rendent à présent si méprisante envers toute tentative de réconciliation, je m’en excuse. Mais vois ce que tu es devenue! Tu n’es pas stupide: tu sais très bien que quelque chose ne va pas. Il n’est pas trop tard pour changer, tu sais. Tu peux encore rattraper le mal que tu as fait. Tu voulais changer le monde? Hé bien c’est l’occasion! Il n’appartient qu’à toi d’écrire l’histoire. Je t’en prie, rend nous le Livre de Lumière."
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Alicia Loewenstein
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MessageSujet: Re: Les Calices amers   Les Calices amers Icon_minitimeMer 30 Juin 2010 - 0:04

Les remerciements de la Meneuse furent accueillis avec l’anti-respect auquel Alicia s’attendait et quel redoutait. Celui qui déchire la couverture de cérémonie, mettant à bas l’apparente officialité d’une reconnaissance profonde pour mettre à nu une révérence maladroite. Elle ne la croyait donc pas sincère… Il avait bien entendu déjà été donné à Alicia de voir des sorcières de la tribu d’Olrun qui la pensaient cruelle, sans âme, inhumaine, dépourvue de sentiments car cardiectomiées. Cette image archétypale de la « sorcière » des contes de fées germaniques s’était facilement répandue parmi les jeunes recrues de la tribu, volontiers endoctrinées par leurs aînées heureuses de pouvoir présenter un contrexemple à toutes leurs apprenties. Cependant, voir ainsi Europe, qu’elle avait connue et qui l’avait connue, la croire si fourbe qu’elle ne pouvait éprouver de la gratitude à son égard après qu’elle lui ait sauvé la vie, il y aurait eu de quoi en être terriblement vexé et Alicia pinça légèrement les lèvres pour retenir une réplique cinglante dont elle avait le secret : inutile de perdre son temps sur ces considérations aussi injurieuses soient-elles, le propos de cette conversation ne devait être concentré sur ces remerciements refusés, foulés du pied sinon bafoués. Europe, tout comme la plupart des sages et prêtresses ne se rendait pas compte qu’à force de dénigrer ainsi la Meneuse du Lys Noir, les apprenties n’étaient dupes qu’un temps et depuis des années à présent qu’elles se donnaient à cœur joie de défigurer le portrait moral d’Alicia, beaucoup avaient vu à travers le manège et avaient sauté le pas pour quitter le carrousel et entrer dans la grande ronde du Lys.

Alicia respira profondément gardant calmement un léger sourire plus poli qu’avenant. Il fallait l’avouer, en cette heure et face à cette femme, elle devait rester le plus tranquille possible et faire profil bas. C’est la suite de la réponse d’Europe qui balaya le sourire poli pour en faire un rictus amusé et arrogant grâce à l’appui de sourcils hautement et hautainement arqués. La Grande Prêtresse devenait tout à fait outrageante. Oui, peut-être, en effet, qu’Alicia avait pensé à une époque et pensait encore au fond que les hautes sorcières d’Olrun étaient responsables de la mort de certaines de leurs sœurs et des membres du Lys. Mais jamais, au grand jamais, elle n’avait eu l’audace d’ainsi imputer tous les malheurs de Forbach aux prêtresses de la tribu d’Olrun. Alicia concevait qu’elle n’avait pas toujours agi de la plus belle des manières, mais elle considérait avec l’aval de toute sa conscience morale qu’elle n’était en rien seule responsable du déluge de misère qui frappait le comté. Europe rejetait la faute, n’affrontait pas ses responsabilités. Elle démissionnait moralement d’une part insoutenable de son rôle de Grande Prêtresse.

La Meneuse préféra laisser son interlocutrice terminer entièrement son discours. Après les accusations déplacées, ce qui aurait pu ressembler à une tentative de rédemption s’enterra sous le sceau d’ « à cette époque là ». Car biensûr, Europe Eleanora-Sun était devenue un ange à présent… Et sous couvert de vagues excuses, la donneuse de leçon repartit à l’attaque avec une nouvelle offensive à coup de recouvrement de pureté éthique par l’application de ses propres idéaux. La démonstration fumeuse se termina par une belle impulsion contre-dramatique qui traduisait la nécessité de rendre le Livre de Lumière pour changer le monde et s’assurer une place au Paradis… Alicia se lança dans un grand et puissant rire. C’était trop beau ! Ca frôlait l’irréaliste ! Elle venait de lui assurer qu’elle était sournoise, curieuse, malsaine, dégoûtante, méprisante… et elle lui demandait ainsi, presque sur le ton de la conversation, de lui rendre l’atout stratégique extrême qu’elle avait su obtenir. C’était à en mourir de rire ! Quelle belle inconscience ! Enfin elle réussit à se calmer et diminuant ses spasmes hilares elle parvint enfin à parler de son ton calme et terriblement assuré.


« Europe… Je t’invite ici, à ma nappe, boire du vin de mes caves personnelles, et toi, tu ne fais que me décrire la fourberie d’un cœur aussi sombre que fut celui de l’Oracle. Tu m’insultes ouvertement en pensant que l’ombrage des vignes te protège de l’étiquette et par la même du respect que tu me dois. Tu ne me salues pas, tu me parles sèchement.

Pardonne-moi, mais je crois pouvoir dire que ton attitude est infecte. Sans te parer de la grâce diplomatique tu me dénigres et juge mes actes.

Toi, Europe, Grande Prêtresse de la tribu d’Olrun, toi qui m’as avoué vouloir jouer d’un système au « traditionalisme irraisonné », à la « législation vendue au plus offrant », aux « doyennes sans principes », pour pomper toute la puissance de sa corruption et de son vice, toi qui m’a avoué être « la pire de toutes », toi qui ne t’es jamais battue…

Aujourd’hui tu es au sommet car tu t’es laissé porter par le flot mais la vérité, c’est que tu n’es pas prête ! Tu ne prends pas pleinement la mesure de tes responsabilités, crois-moi, car autrement tu ne m’aurais jamais parlé sur ce ton ! Je te rappelle que tu es Grande Prêtresse depuis quelques mois à peine, je suis Meneuse depuis cinq ans.

Ma tribu a peu à peu vidé vos rangs et c’est bien là ce qui t’effraie. Le Lys Noir va grandir et la tribu d’Olrun va sombrer dans le néant de l’Oubli. Alors non, je n’accepte pas tes excuses tout comme tu n’as pas fait honneur à mes remerciements, car je n’ai aucune preuve que tu es devenue une personne meilleure. Et crois-moi, si j’en avais la preuve, si j’avais la preuve que tu es une femme de principes, suivant les mêmes idéaux qu’il y a cinq ans, si j’étais certaine que tu es prête à mourir pour les bonnes causes, ton Livre de Lumière je te le rendrais avec mon propre Grimoire en cadeau.

Mais en attendant je ne t’autorise pas à m’insulter et à croire qu’il suffit de réprimander pour obtenir cet objet que je n’ai obtenu qu’en tendant la main, lorsqu’Abigael s’enfonçait dans sa folie et sa crasse, seule et délaissée par ses sœurs, marchant droit vers la potence sans nul espoir d’être sauvée.

Alors non, ne me donne aucune leçon car le dernier respect que j’ai pour toi est celui dont a le droit tout homme or ton humanité, je la remets en cause plus gravement d’année en année.

Tu ne récupèreras pas le Livre de Lumière, car tu es une personne vile au service d’une tribu en putréfaction. »
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Europe
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MessageSujet: Re: Les Calices amers   Les Calices amers Icon_minitimeJeu 1 Juil 2010 - 0:14

L’entretien tournait progressivement au désastre. Même si elle n’espérait aucunement un telle fin, Europe devait reconnaître que c’était couru d’avance; Alicia était une femme complètement hermétique, impossible avec elle d’engager une quelconque forme de dialogue sans qu’elle se vexe, ne monte sur ses grands chevaux ou tente de vous prendre de vitesse par quelque fable manipulatrice. La Grande Prêtresse l’avait vu serrer les lèvres en réaction à l’accueil très froid fait aux remerciements de la Meneuse. Mais Europe garda son expression farouchement antipathique, décidée à ne lui céder aucun pouce de terrain. Bien sûr que cette femme n’était pas sincère, bien sûr qu’elle était incapable d’éprouver de la gratitude. Comment aurait-il pu en être autrement? Lorsque vous avez divisé en deux l’ordre le plus ancien et le plus sacré de toutes les Sorcières de Lorraine, que vous avez miné les fondements d’une communauté ancestrale, que vous vous êtes hissée au sommet au point d’être autant redoutée qu’adulée, et quand vous avez percé une faille dans le voile lui-même qui sépare les contrées des vivants de celles des morts… vous souciez vous d’une chose aussi futile que «ma meilleure ennemie m’a sauvé la vie?»
C’était ridicule.
Alicia avait d’autres objectifs, d’autres ambitions, pour s’intéresser à quelque chose d’aussi beau et humble que la gratitude d’être simplement en vie. Rien ne lui suffisait, elle en voulait toujours plus; cette femme était en train de devenir l’incarnation du déni de l’existence. Et Europe observa une fois encore le sourire artificiel qui disparaissait de son visage pour être remplacé par cet éternel et insupportable air arrogant, qui donnait une sainte envie de lui démolir le portrait à grands coups de pierre. Europe détestait avoir de telles pulsions qu’elle jugeait animales et d’une bassesse sans nom, réservées aux hommes brutaux et sans le sous qui se battaient ivres dans les tavernes. Cependant elle devait reconnaître y être de plus en plus sujette ces derniers temps. Un jour viendrait où elle ne pourrait peut-être plus les contrôler…

L’hilarité soudaine et détonnante de la Meneuse la fit presque sursauter et Europe écouta, atterrée, un discours complètement surréaliste prononcé par la femme décidément la plus sournoise, pédante et immonde qu’il lui eut été donné de voir. Avant même la troisième phrase, elle comprit que tout était fichu, qu’elle avait été d’une stupidité crasse de croire une seule seconde en les bonnes intentions d’Alicia quand celle-ci l’avait invitée à pique-niquer. On ne négociait pas avec les psychopathes. Sans doute la Meneuse avait-elle trouvé drôle de la faire venir ici pour lui faire croire, une fois encore, à des affabulation ridicules sur une pseudo-gratitutde aberrante. La Grande Prêtresse en avait plus qu’assez. Elle lui tendait une main amicale de réconciliation et en réponse de quoi, Alicia se comportait comme un pigeon qu’on aide à s’envoler: en lui chiant dessus. C’en était vraiment trop… les traits fins du visage d’Europe se contractèrent sous le coup de la colère, révoltée par ce qu’elle entendait, mâchoire serrée et sourcils froncés à l’extrême.


"Qu’y a-t-il, est-ce que tu aurais peur de découvrir que vos cœurs étaient semblables, toi et elle?" cracha la dirigeante d’Olrun comme un venin, en référence à l’Oracle qui les avaient toutes trompées, trahies et blessées… juste comme Alicia en somme. "La vérité, c’est que tu es encore plus diabolique, et qu’elle fait pâle figure à côté de toi!"

Europe pointa un index accusateur sur la Meneuse, puis ce fut à son tour de rire ouvertement. A la différence de sa rivale cependant, son hilarité ne portait aucune trace d’amusement; il état juste amer, dégoûté, révolté.

"Le respect que je te dois? Le respect que je TE dois? Ma pauvre Alicia, nul sur cette terre ne te dois le respect, tu ne le mérites en rien et tu viens de le prouver par ton attitude encore une fois cruelle et irresponsable! Le seul respect que je te dois, c’est celui qu’on a envers les serpents : les écraser d’un coup de talon!"

Elle s’interrompit, frémissante, aux paroles d’Alicia tandis qu’une vague de tristesse la frappait, lui donnant les larmes aux yeux. Des larmes chaudes –l’horreur!- qui troublaient sa vue et la mettaient dans un état de gêne et de frustration avancée. Elle trouvait sa faiblesse insupportable. Mais malgré toutes ses résolutions, Europe était quelqu’un qui n’avait jamais pu retenir ses larmes quand l’envie de pleurer la prenait.

"Bien sûr que je ne suis pas prête!" explosa-t-elle. "Je ne suis pas prête du tout, je suis même terrifiée, parce que moi vois-tu je n’ai pas eu le choix, j’ai été bombardée dirigeante sans avoir rien prévu et je suis maintenant tenue de composer avec la fourberie hautaine personnifiée: toi! Oui, je ne suis pas prête, j’ai été élue en urgence dans une situation de crise, parce que l’Inquisition se faisait plus vindicative… à cause des manigances de QUI, déjà?"

Emportée par son émotion, Europe se leva, marquant une nette et glaciale distance corporelle entre sa haute silhouette prête à imploser et celle, assurée et impertinente, d’Alicia toujours assise confortablement sur la nappe.

"Oui, cela m’effraie, car j’ai eu très peur pour toutes ces âmes qui te rejoignaient, et tournaient par là-même le dos à leur seule chance de salut. Cela m’effraie car je me rend compte que de très nombreuses personnes courent au suicide avec toi comme Meneuse, emprisonnées dans tes discours pernicieux. Si vraiment la tribu d’Olrun était vouée à disparaître, je ne m’y opposerais pas à condition que quelque chose de plus grand et plus merveilleux encore prenne sa place. Mais ton Lys Noir ne fait que courir à la ruine, il n’est rien de plus qu’une pâle imitation anarchique qui montrera ses trop nombreuses faiblesses et contradictions dès que tu ne seras plus. Oui, tu ne seras pas éternelle. Et vers qui se tourneront alors tes sœurs, hein, Alicia? Elles reviendront vers Olrun, comprenant leur monstrueuse erreur."

Le ton d’Europe était haut, elle criait presque, sa voix résonnant dans les vergers de façon stridente. Il n’était guère prudent de s’exprimer de cette façon, même si le coin était supposé être désert; mais elle ne pouvait s’en empêcher, aveuglée par sa colère. Comment Alicia pouvait-elle se croire digne de respect, elle qui était la femme la plus indigne, monstrueuse, calculatrice, obstinée et psychotique qui puisse exister? Avait-elle dit ne serait-ce qu’une fois, autre chose que des mensonges durant ces cinq dernières années? Cette femme était le démon prenant forme humaine. Une sorte d’Oracle numéro deux, représentant à elle seule un danger bien plus grand et une menace bien plus terrible.

"Mais tu sais quoi? Je ne t’en veux même pas, non. J’ai plutôt pitié de toi, qui semble ne rien comprendre à rien. Tu me reproches mes frayeurs, mais un chef sans peur est un fou, Alicia, un être sans sagesse; il n’est personne qui ne s’accorde pas là-dessus! La grande différence entre toi et moi, c’est que j’ai passé tous mes instants depuis la Messe de Cendres a essayer de me racheter, de changer mon comportement, tandis qu’à chaque seconde tu t’enfonçais un peu plus dans un marasme psycho-rigide à sens unique. Alors je me fous complètement de ton autorisation et je t’insulterais tant que cela sera nécessaire, afin de te faire prendre conscience de ton comportement odieux!" Fulminante, Europe marqua une pause, presque à cours de mots tant elle avait de choses à dires, de vérités à cracher, de reproches à assener. Alicia se permettait de lui donner des leçons alors qu’elle condamnait elle-même ce comportement. Elle se permettait de l’insulter en interdisant l’inverse, ce qui était plus aberrant encore que tout ce qui s’était dit précédemment. Si cela amusait la Meneuse de croire qu’Europe respectait l’étiquette et les convenances en dehors du château, tant mieux pour elle; mais elle n’allait pas perdre du temps à la détromper! Au comble de la fureur, Europe saisit son verre de vin encore à moitié plein et en projeta le contenu au visage d’Alicia d’un geste vindicatif.

"Je ne veux plus jamais te voir! Ne m’invite plus à tes pique-nique ridicules, si tu ne veux pas que cette fois je m’énerve vraiment. Je vais te dire une bonne chose, Alicia: je récupérerais le Livre de la Lumière, avec ou sans ton aide. Et j’écraserais quiconque se mettra sur mon chemin, que ce soit toi ou tes adolescentes en crise! J’avais jadis des scrupules à ce qu’elles payent pour la fourberie de leur dirigeante, mais ce n’est plus le cas. Elles ont, et tu as, choisi votre destin: il est temps d’en assumer les conséquences." Outrée et haineuse, Europe lança un dernier regard terrible à la Meneuse et tourna les talons, poings serrés, s’éloignant à grands pas en direction de son frison attaché un peu plus loin. Elle savait que par ce geste, elle venait de fermer définitivement la porte à toute tentative de réconciliation. Mais elle ne se sentait pas pleine de regrets pour autant. Car de toute façon, Alicia serait demeurée hermétique à toute proposition à l’amiable. Et il ne fallait pas exagérer: elle était la Grande Prêtresse d’Olrun, elle avait sa fierté, elle aussi.


[Suivant = La Passion du Gourdin]


Dernière édition par Europe le Jeu 10 Fév 2011 - 20:52, édité 2 fois
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Les Calices amers Vide
MessageSujet: Re: Les Calices amers   Les Calices amers Icon_minitimeJeu 1 Juil 2010 - 23:22

Alicia souriait, à la fois impressionnée et satisfaite, du ton que prenait la conversation. À leur dernier entretien Europe était une jeune femme insouciante, paresseuse et désinvolte. Aujourd’hui elle parlait comme une femme paniquée, incapable et colérique. En comparant avec autant de verve la Meneuse à l’Oracle elle se discréditait magistralement. Elle était hors de toute mesure, elle aurait pu faire croire à ses sœurs qu’Alicia était la sœur cachée du démoniaque Oracle. C’était ridicule mais en même temps, derrière toute la façade de sournoiserie, la comparer ainsi à l’Oracle la plaçait au rang des personnages les plus puissants du comté. Quoi qu’il en soit Alicia en fut fort amusée comme un adulte rit des tentatives mal assurées de grossièreté d’un enfant trop bien élevé. Le rire qui s’en suivit n’effraya pas Alicia qui eut à son tour des difficultés pour retenir des pouffements de rire tout à fait incorrects. Si elle avait envie de glousser ce n’était en rien pour se moquer d’Europe, c’était simplement que ce rire, ce rire-là, précisément, Alicia l’avait bien connu il y a de cela quelques mois, après la mort du Comte, elle avait sombré avec le même rire, dans la folie… Europe perdait peu à peu le contrôle, le contrôle de la conversation, de ses actes, de ses sœurs, de sa tribu, de sa vie. Elle finirait bientôt à sangloter dans un immense lit vide et glacial, une perspective qui réjouissait Alicia. Justice serait faite, Europe allait souffrir. Vu son état, elle ferait très probablement souffrir ses proches ou ses sœurs avant elle-même, pour se raccrocher à une autorité salvatrice, mais elle pouvait en être sûre elle mourrait – ne serait-ce que spirituellement – seule et triste.

La Comtesse observa des larmes aux yeux du visage d’Europe qu’elle trouvait soudainement poupin. C’était ridicule ! Ri-di-cule ! Une enfant à la tête d’une tribu déjà décrépie… Et voilà qu’elle fondait en larmes à présent ?! Mais à quoi s’attendait-elle ? Que sa tendre mère vienne la chercher ? Alicia, sentait la pointe de ses bottines compresser petit à petit la toute petite tête de sa « rivale ». Elle aurait pu avoir de la pitié pour elle, mais c’en était trop !


« Europe, arrête de te poser en victime ne serait-ce que deux minutes pour prendre le minimum de recule nécessaire à comprendre que tu essaies vainement de me prendre pour une imbécile !

Tu as été élue en urgence face à l’inquisition vindicative, c’est correct. Mais n’élude pas la partie de l’histoire la plus intéressante… Cette élection ne t’a en rien été divinement imposée, tu l’as gagnée et tu t’es battue pour la gagner ! Dois-je te rappeler ton argument de choix : ta liaison dangereuse avec le dirigeant de l’inquisition !

Alors là, excuse-moi mais premièrement, m’est avis que tu t’es profondément moqué de tes sœurs en leur faisant gober que ton choix est purement stratégique.
Deuxièmement – et c’est une preuve de la fourberie présentée dans mon primo – tes « manigances » amoureuses n’ont strictement porté aucun fruit à l’inverse des miennes qui m’ont permis entre autre de supprimer trois menaces directement et de sauver l’une de TES sœurs.
Troisièmement, ce que tu prétends faire avec Louis, dans le jargon commun on appelle ça de la prostitution tu vois…

Alors par pitié… ARRÊTE de te prendre pour une grande dame, tu n’es – officiellement - qu’une demi-mondaine ! »


Europe se leva et Alicia eut le fol espoir que ce mouvement était en harmonie avec sa demande de prendre du recule sur sa situation. Son regard d’acier fixait impassible le visage bouleversé de la Grande Prêtresse. Europe repartit alors dans son pamphlet criard et hors de tout contrôle contre le Lys et sa noirceur infernale. Non pas que la Meneuse en soit vexée à présent, il ne s’agissait que d’un ressassement redondant d’une même rengaine répétitivement récurrente. Le souffle que ne put retenir Alicia ne traduisait que de l’ennui et de l’agacement.

« Je dois t’avouer que je suis rassurée.

J’ai eu peur que tu sois particulièrement impertinente et injurieuse envers moi personnellement, mais je me rends mieux compte à présent que tu es grandement capable d’insulter toutes tes sœurs en même temps ! Tu es pire que ce que je pensais.

Ne penses-tu pas que si ma tribu était vouée à la ruine, qu’elle conduisait tous ses membres dans un gouffre diabolique sans espoir de salut, mes sœurs à présent, tes sœurs par le passé, nos sœurs, ne s’en seraient-elles pas rendu compte ?

Je suis flattée que tu me prête un si grand pouvoir d’hypnotisme, mais non, j’en suis incapable. Je ne force personne, j’ouvre les yeux.

Réfléchis y : si tant m’ont suivie… Tu les prends véritablement pour des crétines finies ? Sois un peu plus modeste et accepte le fait que ton jugement gagnerait énormément à acquérir un peu plus de discernement.

Tu veux savoir vers qui se tourneront mes sœurs après ma mort ? Je vais te le dire. Vers le Livre des Ombres, l’Avenir, mon Fils.

Tu vois c’est là qu’est ton erreur… Tu crois que le Lys Noir est un jardin clos et stérile où seule moi ai réussi à planter mes racines. Mais non, c’est un parc somptueux et fertile ou de nombreuses fleurs éclosent et dont l’extension est sans fin.

Le Lys Noir n’est pas un îlot désespéré, c’est un empire grandissant… »


Le paragraphe qu’enchaîna Europe fut plein de bons sentiments, de rachat et de délires puériles sur le droit d’insulter avec ou sans autorisation bla bla bla… Alicia l’écoutait avec ce petit hochement de tête qui signifiait tout son désespoir et sa pitié réciproque envers Europe. Elle aurait voulu lui dire la vérité… Combien son comportement était risible et combien il était indélicat de parler du rôle d’un chef de tribu quand on en n’avait même pas l’étoffe soi-même. Car certes, avoir peur était naturel chez tout homme et le meneur de tribu devait être humain, nonobstant cette frayeur du lendemain et de ses changements était une seconde nature bien trop présente chez les membres de la tribu d’Olrun. Il fallait savoir garder la tête froide sans avoir froid aux yeux ! Il fallait affronter ses peurs et les saigner sans pitié. Chercher à se racheter lorsque trois femmes se faisaient injustement carboniser en place publique c’était bien un temps – une ou deux secondes – mais il fallait savoir passer à l’acte ! Europe n’avait fait que réfléchir depuis la Messe de Cendres, Alicia avait agi et elle s’en était fait une grande fierté ainsi qu’à sa tribu.
Voilà tout ce qu’aurait voulu déballer Alicia à la face d’Europe. Seulement voilà, entre l’élaboration de son discours cinglant et sa formulation impudente, un verre de vin rouge venait d’être généreusement déversé sur son visage sidéré. Alicia haletait, son maquillage coulait et de ses cheveux à ses sous-vêtements, elle était trempée de vin. La Comtesse maculée n’eut même pas la force d’être attentive aux dernières paroles vénéneuses de son ennemie. Elle était en état de choc et ses yeux écarquillés sur sa poitrine, dont la robe violacée s’obombrait d’un orbe grenat, ne purent retenir plus longtemps de lourdes larmes traumatiques.

Non pas que l’humiliation fut insupportable : il n’y avait plus personne de respectable alentour. Non pas que la robe fut d’une valeur sentimentale impensable : elle l’avait commandée sur un coup de tête en priant le commerçant de bien vouloir adresser la note à Lorenzo Maestriani. La déchirure était au-delà du voile et de la peau ruisselante. Alicia à cet instant ressentait l’humidité tiède s’étalant de son sein à tout son corps, revoyait la teinte pourprée détruire sa robe et son cœur. Elle revivait le sang. Son mari et elle dansant. La détonation. La soudaine lourdeur du Comte. La tâche luisante de la Mort cruelle. Alicia revivait la mort de son amour et la haine et la tristesse et la colère et la détresse et le courroux et le désespoir et l’ire extrême d’un cœur violé. La tribu d’Olrun lui avait pris sa sœur, puis son mari.

Alicia de Sarrebourg les sauverait malgré elles. La Meneuse les dompteraient toutes. La Comtesse les anéantirait sans pitié.

Alicia tourna son regard, plus sombre et glacial que les nuits d’hiver, vers la silhouette fuyante de la noble catin qui venait de lui rappeler sans même le vouloir combien elle haïssait ce qu’elle représentait. Elle ferma douloureusement les poings et en quelques secondes les nuages gris semblèrent s’imbiber d’une encre noirâtre. Une fine bruine tomba calmement puis de plus en plus forte jusqu’à ce que la pluie fouette cruellement le sol terreux des vignes. Alicia se releva la mâchoire serrée. L’averse avait déjà nettoyé son visage et sa gorge et alourdissait la robe voluptueuse d’Europe qui allait bientôt s’embourber dans la boue. Alicia jeta vainement un verre dans sa direction, pleine d’une rage incontrôlable.


« Je vous détruirai Europe ! Tu m’entends ?! JE TE DÉTRUIRAI !!! »

[Wah ça c'est du RP ma grande ! Merci beaucoup !!! <3]
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