Un nouvel objectif

Aguerri(e)

La nature fleurissait gaiement et les oiseaux gazouillaient pendant que la verdure continuait de s'étendre à l'infini, reprend ses droits sur la saison des arbres morts. Depuis que l'été colorait le ciel, les jours s'allongeait, le soleil perçait mieux la voute impressionnante de la Schwarzwald. Allongée sur le flanc, la jument d'Elena se dorait le poil au soleil en profitant du petit vent frais qui mélangeait quelques poils de sa crinière. L'humidité de l'étang rendait l'atmosphère un peu plus lourde en humidité et donnait la désagréable impression d'être mouillée sans se plonger dans ses eaux claires.

Les brins d'herbe se courbaient paresseusement avant qu'une paire de pieds nus ne viennent les pressés face contre terre. Dans un pantalon de daim et en chemise à jabot masculine, se tenait une femme aux cheveux long ramené en une coiffure rapide. C'était bien plus pour dégager son visage que par goût et coquetterie qu'Elena avait formé cet affreux chignon. Ainsi elle voyait bien mieux ces mouvements. Elle s'était déchaussée quelques mètres plus loin pour profiter de la douceur de la nature sous ses pieds. Un sourire franc s'affichait quand elle regardait sa jument. Elle commença à s'exercer, fleuret au poing, seul face à l'invisible ennemi. Refaisant chaque mouvement plusieurs fois, elle travaillait sa concentration en gardant les yeux clos. Elle cherchait à sentir ce dont elle était entourée. C'était ce qui lui avait fait défaut plus tôt dans son combat avec Alexandrine. Et depuis la renaissance du Lys, elle avait failli perdre la raison, hantée par des visions morbide et avait été ensuite secouée spirituellement entre Noâz et Antoine. Tous deux avaient d'ailleurs contribué à cette paix intérieur pourtant elle ne s'était toujours pas excusé auprès du Meneur du Lys.

Ils avaient échangé deux lettres et Elena avait écrit sans réellement gardé un tempérament correct. Elle avait foncé droit dans le mur sans être capable de faire le discernement. Noâz avait amorcé sa guérison et dans un sens, si Antoine n'était pas intervenu, peut-être qu'elle aurait pu être responsable de sa mort? Elle secoua la tête se rendant compte qu'elle laissait encore son esprit vagabondé. Elle réouvrit les yeux et respira à fond avant de reprendre.

Un pas en avant, la garde assurée, elle tailla l'air en deux, le fendant sans pitié et recula d'un pas, puis un second et elle perdit l'équilibre lorsque sa jument hennît et qu'elle se mettait en difficulté. Elle tomba sur le derrière et pesta.

"Idiot de cheval!"

Les yeux ouvert elle aperçu Luc venir vers elle. Elle se redressa rapidement et referma les deux derniers boutons de la chemise qu'elle avait ouvert auparavant, pour respirer plus aisément. Elle rosit légèrement. Ce n'était pas convenant pour une noble d'être vu dans cette tenue et même si Luc avait l'habitude, il n'avait pas pour habitude de voir un peu trop la naissance de sa poitrine. Elle compta sur le fait qu'il avait été assez loin et même si il avait saisit le geste, il n'aurait rien vu.

"Luc! Que fais-tu ici?"fit-elle réellement surprise.

Depuis quelques jours elle parait tôt le matin, alors que le soleil se levait à peine et quittait le Manoir sans trop éveiller quiconque. Elle avait besoin de ces temps de solitude pour réfléchir. Et elle avait délaissé un peu ses entraînements avec son Apprenti. Elle lui prodiguait toujours ses leçons en sort-depuis que Béatrice et lui était fâchés, cela avait rendu la tâche plus simple pour les deux sorciers- mais leurs passes aux fleurets avait diminué. Elle cacha le fleuret derrière elle en attendant que son apprenti s'explique.

Apprenti(e)

Voilà plusieurs jours qu'elle était ailleurs. Absente, fuyante. En fait, depuis cette cérémonie particulière où Noâz, ou devait-il plutôt penser Amaël, avait reprit les rennes du Lys Noir à la suite de sa mère, depuis la disparition de la Comtesse Alicia de Sarrebourg, Eléna semblait non pas fuir son apprenti, ce n'était pas vrai, non, mais quelque chose avait changé. Les leçons se poursuivaient, toujours, mais elles avaient un goût bizarre, différent d'avant. Quant au reste... Il n'existait tout simplement plus. Il n'y avait plus que l'apprentissage des sorts, comme s'il s'agissait d'une corvée dont elle devait s'acquitter plus qu'un plaisir. La complicité qui les unissait semblait avoir disparue soudainement et cela avait fait beaucoup de mal à Luc. Évitant Béatrice depuis leurs dernières altercations, il avait tenté de se renseigner auprès de son frère mais ce dernier, même s'il constaté également un changement chez sa sœur, n'avait pu expliquer au breton qu'elles en étaient les causes véritables. Etait-ce de sa propre faute ? Avait-il dit ou fait quelque chose de mal ? N'avait-il pas fait quelque chose au contraire ? Depuis quelques temps, il se remuait l'esprit pour essayer de deviner, de trouver ce qui pouvait ainsi occuper son Aguerrie.

Alors que sa nuit avait été courte, abrégée par un cauchemar d'une idiotie sans pareille, il avait entendu quelqu'un dans la maison, qui, normalement, aurait du encore être endormie. S'habillant à la va-vite, il avait pu voir la jeune femme qui avait visiblement l'intention de partir. Où allait-elle à cette heure-ci ? Partait-elle tous les matins ? Voilà quelques jours qu'on ne la voyait pas au petit-déjeuner mais Luc s'était toujours dit qu'elle préférait peut-être rester dans sa chambre, pour se reposer, ou pour autre chose. Retournant dans sa chambre en vitesse, il termina de s'habiller, passant l'une de ses tenues de cavalier et sauta dans ses bottes avant de sortir et voir la jeune femme partir sur sa jument dans la cour. Sans attendre, il courut vers les écuries et grimpa sur son étalon pour suivre son Aguerrie. Hélas, alors qu'il sortait de la propriété, la sorcière était déjà sortie de son champs de vision. Fort heureusement, la fraicheur de la nuit avait amollie la terre et les traces de pas de la jument. En faisant attention et avec un peu de chance, il parviendrait à retrouver le chemin qu'elle avait prit.

A pieds aux côtés de son cheval, Luc avait donc, petit à petit, remonté la piste, rebroussant parfois chemin lorsqu'une partie des traces manquaient à l'appel à cause d'une terre pas assez meuble ou d'une végétation trop dense. Heureusement, son contact avec la nature lui permettait de déceler de signes évidents de passage d'un cheval, ce qui n'était pas trop difficile lorsque l'on ne tentait pas d'effacer ses traces. Le chemin le menait vers l'étang, il s'en rappelait maintenant et il poursuivit sa route ne vérifiant plus que de temps en temps si des signes continuaient d'indiquer cette direction. Où d'autre aurait pu aller Eléna ? Il finit par apercevoir le lieu, qui n'était pour l'instant qu'une clarté dans l'ombre épaisse de la forêt. Alors qu'il s'approchait de l'orée, il aperçut la jument de l'Aguerrie, et quelques instants plus tard, la jeune femme elle-même qui pestait contre elle. C'est à cet instant qu'elle le vit aussi et se redressa vivement, surprise. Son geste ne lui échappa pas mais il ne montra rien. Alors qu'il donnait une petite tape sur la croupe de son étalon, lui indiquant qu'il pouvait vagabonder un peu, son hôte lui demanda ce qu'il faisait ici.

« - Je pense que je peux te retourner la question, Eléna. »

Son ton n'était pas froid, mais il avait quelque chose de distant. En fait, il ne comprenait pas trop le comportement de la jeune femme.

« - Qu'est-ce qui t'arrive depuis quelques jours ? On ne te voit plus, JE ne te vois plus hormis pour des leçons dont j'ai l'impression qu'elles s'apparentent à de véritables corvées pour toi. »

Aguerri(e)

Même si elle était prise en flagrant déli, Elena tentait d'agir comme si tout ceci était parfaitement normal, mais quand lui lui répondit, elle comprenait qu'elle devrait expliquer tout ou partie de ce qui ce passait. Luc lui reprochait sans être trop désagréable qu'il ne la comprenait plus. Elle était devenue un peu trop cachotière ces derniers temps et son Apprenti, vif d'esprit avait saisit ce changement. Qui sait, elle l'avait peut-être blessée. Il savait bien qu'elle n'agissait pas comme d'habitude et si elle avait réussi à éviter Vincent jusque là, Luc ne se démonterait pas pour lui rentrer dedans. La mort de la Comtesse n'était plus assez présente pour justifier un comportement aussi changeant et Luc en avait visiblement assez de ronger son frein et de ne lui poser aucune question. Il n'avait peut-être pas osé la brusquer avant, mais à présent il n'hésitait pas et Elena baissa la tête lentement vers le sol en soupirant.

Cela faisait combien de temps qu'elle savait que cela arriverait tôt ou tard? Depuis le début elle se disait que ses escapades seraient bien vite découvertes. Mais elle ne savait pas si elle devait tout dire ou non, sachant que certains évènements qu'elle avait traversé étaient gênant. Elle se mordilla la lèvre pour trouver ce qu'elle aurait à dire et releva le nez en dévoilant le fleuret dans sa main droite. Fixant droit son apprenti elle décida de lui dire la vérité.

"Je savais qu'un jour tu me ferais part de cette incompréhension et je te dois la vérité, mais s'il te plait ne soit pas trop sévère."

Luc n'avait pas vécu la mort d'Alicia comme Elena et il comprendrait bientôt. Peut-être même lui en voudrait-il qu'elle n'ai rien dit, mais à ce moment là, elle n'avait pas de force et de volonté pour cela.

"Avant de t'expliquer ce que signifie ceci, je dois te raconter ce qui c'est passé le jour de la mort de notre Meneuse. Ce jour là je me suis rendu au château et j'ai été aux sous-sol. J'avais envie de m'imprégner un peu des murs. Lorsque je suis arrivé, je suis tombée nez à nez avec la traitresse qui accompagnait Adal. Je me suis battu contre elle et par je ne sais quel miracle elle à invoqué une sorte de brouillard dont je n'ai pu me débarrasser. Elle a réussi à me mettre hors d'état de nuire pendant quelques instants. Le temps qu'ils partent!"

Elle cessa de parler serrant les dents. Même si Antoine avait vaincu le démon Adal, elle savait sa responsabilité, même si il était trop tard.

"Quand je suis revenu à moi j'ai découvert le corps d'Amaël, et Mina qui avait accouru au même instant à trouvé Alicia morte."

Elle laissa un peu de temps, son équilibre était moins fragile, mais c'était toujours très triste comme situation.

"La suite tu la connais, je t'ai prévenu, et puis lorsque Noâz à fait son apparition, je croyais voir Amaël revenir d'entre les morts. J'ai cru que j'allais devenir folle. Ensuite, plus tard, Noâz m'a convoqué pour connaître les détails sur la mort de sa mère et je n'avais plus mes moyens. J'ai finalement réussi à lui expliquer et il m'a livré à Antoine pour me libérer de mon traumatisme."

C'était un peu différent de la vérité, mais ses joues la trahissait légèrement en se teintant lorsqu'elle évoqua sa rencontre avec Noâz. Elle se revoyait, chevauché par sa personne. Elle baissa même les yeux rapidement pour revenir une dernière fois à son apprenti et lui expliquer la fin de cette histoire.
"Depuis le jour ou Antoine m'a libéré, j'ai compris que j'avais favoriser énormément tes exercices et que je n'avais plus fait assez de pratique pour moi même. C'est pour ça que je viens ici. J'ai échoué Luc, et en tant qu'Aguerrie, je ne vaut rien si je ne peux même pas résister à une sorcière d'Olrun. Je n'ai sauvé personne. Je n'aurai rien pu faire si ça avait été toi."

Elle baissa à nouveau la tête sous le poids de sa culpabilité latente.

"Je suis désolée de m'être éloigné de toi et ce n'était pas ce que je voulais mais je dois parfaire ma capacité à combattre, avec ou sans sort."

Il pourrait lui en vouloir, elle savait qu'elle n'était pas favorisée. Elle aurait du l'avertir plus tôt et à sa place, elle lui en voudrait de n'avoir pas su lui dire quoi que ce soit. Elle attendait sa sentence sagement. Il pouvait même hurler, elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Il avait raison. Son comportement n'était pas justifiable.

Apprenti(e)

Il lui en voulait, forcément. Comment n'aurait-il pu ne pas lui en vouloir ? Il ne lui tenait pas rigueur de le délaisser, pas dans le sens premier du terme. Après tout, elle pouvait avoir sa propre vie et viendrait peut-être même un jour, avant qu'il ne parte, où elle trouverait mari et ne pourrait peut-être plus le côtoyer autant qu'ils ne se voyaient maintenant. Mais il connaissait Eléna. Malgré les seuls quelques mois qu'ils avaient passés ensembles, il avait appris à lire en elle, peut-être pas comme dans un livre ouvert, mais il parvenait à déchiffrer quelques unes de ses idées au travers de ses gestes, de ses regards, de ses attitudes. Et celle qu'elle arborait à présent, il savait parfaitement la déchiffrer. Il était conscient que quelque chose n'allait pas pour elle, mais il n'avait pas conscience de ce que c'était, et pour cause, elle ne lui avait rien dit. C'était pour cela que Luc était en colère, c'était pour cela qu'il avait décidé de la suivre. Non pas pour la confondre devant le fait accompli mais pour comprendre, comprendre pourquoi elle agissait comme une lâche, comprendre pourquoi elle s'emmurait dans le silence alors qu'il lui avait toujours dit qu'il était là pour écouter ce qu'elle avait à dire. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour qu'elle ne songe pas à partager son fardeau ? Voulait-elle le protéger, argument irrecevable, surtout pour elle. Eléna était comme une sœur pour lui, peut-être aurait-il voulu un peu plus parfois, mais quel frère pourrait faire la différence entre l'amour qu'il porte pour sa sœur et l'amour dont tout le monde parle ?

La voir baisser les yeux lui fit mal. Malgré tout la colère qu'il pouvait avoir à son égard, il était rare de la trouver dans cet état. Elle, si farouche et combative, semblait avoir perdue tout ce qui la caractérisait. Luc nota la présence du fleuret dans sa main qu'elle avait dissimulée derrière elle. Encore une cachotterie ? Quel intérêt de tenter de cacher cela ? Alors que son Aguerrie lui priait de ne pas être trop sévère, il se retint de prononcer tout haut ce qu'il pensait très fort.

* Si tu le savais... Pourquoi ne pas me l'avoir dit tout de suite ? *

Silencieux, il écouta sans ciller le récit d'Eléna : ce qu'il s'était passé dans les Sous-sols, la nuit du double-meurtre d'Alicia et de son fils Amaël, cette rencontre et cette lutte avec Alexandrine d'Hasbauer, comment cette dernière s'était échappée et enfin comme l'Aguerrie avait du faire face au drame ensanglanté qui s'était tramé cette nuit-là. Tout cela avait du sens, il pouvait comprendre qu'elle ait été choquée par ce qui s'était déroulé, mais après toutes ces journées, elle aurait du remonter la pente, le passé était le passé, elle aurait été la première à le lui dire, mais au-delà de cela, elle aurait pu le partager immédiatement avec lui. Alléger son fardeau en cherchant de l'aide auprès de son Apprenti, pourquoi ne l'avait-elle pas fait ? Pensait-elle qu'il aurait été dramatisé d'apprendre une telle chose ?

Quand à l'histoire qui suivit, Luc l'accueillit avec un air sceptique. A vrai dire, elle se serait arrêtée là dans ses explications, alors il aurait probablement explosé comme une théière que l'on a bouchonnée et laissée trop longtemps sur le feu. Un tel comportement n'était en rien justifié par ses paroles. A vrai dire, la voir ainsi se rabrouer pour si peu de choses le mit dans une colère encore plus folle. Elle se montait des images pour un rien, se ruinait l'esprit à des broutilles. S'il avait été là ? Ils auraient été deux pour s'occuper d'Alexandrine. S'il avait été là, ils auraient été deux pour faire face au danger, comme un Apprenti et son Aguerrie devaient le faire. Mais pire que tout, on ne refaisait pas le monde avec des « si » ! Sa dernière phrase paracheva le tout dans une décision encore plus folle que le reste. Sans un mot, Luc s'avança vers la jeune femme avant de la gifler.

« Une foutue idiote, tu n'es qu'une foutue idiote. »

Puis, l'instant suivant la gifle, il la prit dans ses bras comme un frère enlace une sœur, l'enlaçant avec tout l'amour et le réconfort qu'il pouvait lui apporter.

Aguerri(e)

Autant elle s'attendait à une réaction vive par une dispute monumentale, autant le choc glacial de cette gifle en plein visage la sonna et la laissa penaude. Elle en fit tombé son fleuret Et l'embrassade qui suivit lui ft écarquillé les yeux un peu plus. La douleur de cette claque lui rougit la joue et mais la douleur n'était pas très importante, ce contact l'était plus. C'était le signe du pardon que Luc lui accordait. Il lui en voulait, mais maintenant qu'il savait il lui répliquait ce qu'elle lui avait dit quand ils s'était disputés au sujet de Soeur Béatrice. Ce geste était hors des convenances, mais il était comme Vincent, un frère, un petit frère dont elle voulait prendre soin. Dans ses bras, dans ce joli cocon douillet Elena se sentit apaisée, elle n'aurait plus à se cacher de lui et au moins il savait à présent tout ce qui c'était passé. Oui elle était idiote. Elle sourit à cette idée.

"Pardonne-moi." murmura t-elle.

Elle s'était égarée depuis quelques temps et Luc la recadrait. Elena n'était pas quelqu'un qui abandonnait facilement mais elle avait appris la dure réalité qu'elle croyait connaître : on est rien devant la mort. De pauvres petites âmes en pleurs, rien de plus! Mais il fallait faire de son mieux pour garder les siens en vie. Quelques jours auparavant, elle aurait pleuré, aujourd'hui elle savait que les larmes ne changeraient plus rien. Elle s'écarta un peu de Luc et observa son visage. Ils étaient proches, mais Elena n'était pas choquée, c'était son petit frère après tout. Elle devait s'occuper de lui, de son entraînement, de leurs entraînements. Ils devaient passés les étapes ensembles pour mieux réussir à vaincre leurs peurs. Un sourire fin sur les lèvres elle se détache enfin de son étreinte et récupéra son fleuret. Elle se saisit du bandeau accroché à sa ceinture, dans sa petite besace et la tendit de la main gauche vers son apprenti.

"Un entraînement au fleuret en aveugle ça te dit? C'est très amusant tu verras."

Elle se bandit les yeux et attendit une réponse ou un mouvement de son apprenti. Un second fleuret attendait le jeune homme quelques mètres plus loin. Elle savait qu'il viendrait un jour et qu'elle lui proposerait ce nouveau type d'entraînement.

"C'est assez difficile et simple , le tout est de faire confiance à ces sens. Je manque de pratique mais ne te retiens surtout pas!"

Elle retrouvait le visage de la femme qu'elle avait toujours été ou presque. Il y avait un détail qui changeait. Elle ne devrait plus se cacher de Luc, elle se l'était juré plus tôt mais à présent elle ne faillerait plus à ses devoirs et ses promesses. En garde, les pieds nus sur l'herbe se laissant chatouiller les orteils, elle attendit un son, une remarque, des pas, quelque chose. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas pratiqué ce genre d'exercice. Pas depuis ses apprentissages quand elle était plus jeune.

Elle ressentait l'air, le petit vent frais, elle voyait la proximité de l'eau. Elle respirait paisiblement la main ferme sur le fleuret. Elle bati l'air en croix devant elle et resta postée sans faire le moindre mouvement, les yeux enfermés derrière le bandeau gris.

Apprenti(e)

Luc n'avait jamais aimé les disputes, il aurait pu exploser verbalement, dire des choses qu'il ne pensait pas réellement et cela n'aurait probablement pas dit tout ce qu'il avait pu dire au travers de cette gifle. Il ne l'avait pas retenu, trop en colère pour réellement retenir son coup, bien entendu, il n'y avait pas mis toute sa force. La gifle était là pour lui remettre les idées en place, et non pour lui faire véritablement mal. C'était après coup qu'il s'était rendu compte qu'il venait de lui faire la même chose qu'elle s'était permises quelques jours plus tôt, alors qu'il était rentré de cette fameuse balade avec Sœur Béatrice. Ce jour là il avait fait l'idiot et elle l'avait giflé. Elle aurait pu prendre ça comme une vengeance mais ça n'en était pas une. Il ne lui avait jamais tenu rigueur de ce qu'elle avait pu faire car elle avait toujours eu une bonne raison de le faire. Lui, il ne le savait pas vraiment. Eléna était partie dans des considérations inutiles et douteuses, des pensées qu'elle n'aurait jamais du avoir pour Luc mais elle avait été malmenée par la situation et peut-être que cette gifle était démesurée. Si c'était le cas, il espérait sincèrement que le geste qui suivait l'aiderait à se faire pardonner pour cette violence sèche mais qu'il estimait utile. La jeune femme contre lui, il s'était presque laissé emporter par un tourbillon intense de sentiments. Il avait enfin la sensation de la retrouver et après toutes ces journées de doutes, tout allait enfin presque pour le mieux.

« - Bien sur que je te pardonne. »

Quelle personne saine d'esprit l'aurait prise dans ses bras ainsi sans lui pardonner ? L'étreinte même était le symbole du pardon. Pour tout ce qu'elle avait pu faire jusqu'à maintenant pour lui, il était bien normal, qu'à son tour, il lui montre qu'il pouvait veiller sur elle, d'une certaine manière. Il savait qu'Eléna le voyait un peu comme un petit frère mais aujourd'hui, c'était lui le grand-frère et il appréciait ce rôle. Il la laissa s'écarter doucement, croisant son regard dans un demi-sourire, cherchant dans ses yeux la nature profonde des troubles qui pouvaient la mettre dans un tel état. Alors qu'un sourire perlait enfin sur ses lèvres, il la laissa partir, défaisant leur étreinte salvatrice. Il la regarda se saisir de son fleuret ainsi que sa besace dont elle extirpa un bandeau avant de la tendre vers lui. Entrainement en aveugle ? Pourquoi pas. L'idée était intéressante et au moins elle aurait le mérite de les rassembler une nouvelle fois. Il la regarda se bander les yeux et prit un autre bandeau au fond de la besace avant de la laisser tomber au sol. Avisant le second fleuret, il se dirigea vers lui.

« - Déjà prête pour une autre déculottée ? »

Il ne le pensait pas bien entendu, car même s'il était très doué en escrime, se battre à l'aveugle n'avait rien de facile. Les bruits devenaient les seuls indices de localisation de l'ennemi et il n'était pas aisé de discerner ceux-ci, surtout lorsque le bruit ambiant de la nature s'en mêlait. Son fleuret en main, il le planta droit dans le sol à côté de lui avant de se bander les yeux, souriant à la remarque de son Aguerrie.

« - Ton frère ne voudrait probablement pas que je te ramène en mauvais état, mais si tu insistes. »

Vérifiant son bandeau, il récupéra d'une main agile son fleuret et fendit l'air devant lui. Eléna devait se trouver à quelques mètres sur ses dix heures, mais il savait qu'à partir de maintenant, le moindre geste ou le moindre mot pourrait trahir sa présence. Lentement, il commença à se diriger sur le côté, posant ses pas un par un, tranquillement. Loin d'être pressé, il privilégiait le silence. Concentration et écoute, l'odorat pouvait jouer aussi, mais plus rarement. Il lui faudrait user du moindre son pour trouver son adversaire...

Aguerri(e)

Alors qu'elle patientait son apprenti accueilli avec un certain entrain la demande d'Elena. Il la taquinait en lui disant qu'elle avait perdre face à lui et cette remarque était plus pour tenter de la faire enrager que réelle. Ils savaient tous deux que leurs moyens était proches sinon équivalents. Elle sourit à cette petite pique taquine. Il parla de Vincent, comme pour dire qu'il la ménagerait si il avait trop le dessus.

*Approche donc au lieu de te pavaner petit breton!*

Elle ne dit plus rien à haute voix, restant concentrée le plus possible sur le moindre bruit. C'était un exercice d'une complexité particulière et ni l'un ni l'autre ne gagnerai aisément. Lorsque le silence se fit, Elena savait que son élève était prêt et qu'à présent le moindre souffle serait capitale. Elle attendit immobile quelques instants, serrant son fleuret un peu plus que de raison et respirant avec la plus grande discrétion. Très lentement elle bougea d'un pas sur le côté tentant de percevoir une réaction de Luc, cherchant sa position.

La danse à laquelle ils s'adonnaient ressemblait à une mise à mort de funambule, sur le fil du rasoir, ils épiaient le moindre bruit. Elena continua de bouger sur le côté et lorsqu'elle cru sentir la présence de Luc elle fit un pas en avant et jeta son fleuret en avant pour tenter de toucher son adversaire. Elle fit un petit bond en arrière pour s'assurer de ne pas prendre de coup même si elle n'était pas certaine d'avoir touché. D'ailleurs, il était peut-être plus loin qu'elle ne l'imaginait? Elle continua pendant un moment de jouer à tourner et avancer en frappant sèchement. Parfois, leurs lames se croisaient, autrement elles déchiraient le vide sans pitié. Les deux adversaires se battaient plutôt pas mal en aveugle mais l'issu de cet entraînement ne serait pas déterminé si il n'y avait pas un peu plus de mouvement selon la jeune femme. Elle décida donc une ruse. Reculant de cinq pas fait dans la plus grande discrétion, elle se racla la gorge.

En quelques secondes à peine elle bondit sur le côté, tentant de profiter du fait que les mouvements de Luc le rendait probablement plus lent à analyser. En camouflant son geste par une réaction vive de son apprenti elle renouvela son petit jeu. Faisant une ronde autour de lui, elle finissait par imaginer où elle était. En effet, la terre ou elle se trouvait était plus meuble, un peu plus gorgée de l'humidité du lac. C'était pour cela qu'elle évoluait pieds nus, c'était bien plus simple de cartographier le lieu avec le contact direct à la terre. Chose que Luc ne devait pas avoir mais qui ne l'empêchait pas de se tenir proche d'elle.

Elle se racla une dernière fois la gorge et cette fois-ci sans bouger. Si Luc voulait prévoir son mouvement, ce serait loupé, si toute fois il avait sentit qu'elle n'avait pas bouger elle allait prendre un coup ou deux. En attente, sur la corde raide, les muscles tendu et l'esprit vif elle s'attendait à un impact d'un moment à l'autre. Mais d'où allait-il surgir? Luc aurait parfaitement pu la duper aussi en mettant au point une autre tactique.

*Allez approche! Je sens ta présence.*

Apprenti(e)

Un duel en aveugle est une chose extrêmement difficile. Les enfants peuvent s’en rendre compte lorsqu’ils jouent à cola maya, bien que généralement ils restent très rarement suffisamment silencieux pour rendre le jeu délicat. Mais ni Eléna ni Luc n’étaient des enfants et savaient que le silence était la clef de la victoire dans un duel comme celui-ci. Le moindre souffle, le moindre bruissement de l’herbe sous les pieds pouvait trahir une position et faire en sorte que l’adversaire puisse vous porter un coup sans savoir d’où même ce dernier pouvait provenir. Voilà pourquoi Luc essayait de se déplacer dans un silence absolu, avançant à pas de loup, petit à petit, utilisant son fleuret pour brasser l’air autour de lui, avant tout pour détecter d’éventuel arbre s’il venait à dévier de sa trajectoire et se rapprocher des bords de la clairière. Mais, s’il jugeait bien, il était loin des arbres. Son esprit avait une bonne visualisation de l’endroit dans lequel il se trouvait sans compter une bonne appréciation des distances parcourues. Toutefois, il savait également que l’étang n’était pas loin et mieux valait ne pas mettre, par accident, le pied dans l’eau car, là, il serait impossible de le faire silencieusement. Toutefois, l’idée était intéressante, en effet, patauger quelques instants dans l’eau pourrait donner une mauvaise indication à son Aguerrie qui accourrait peut-être pour tâter de son fleuret ce qui pouvait bien se passer par là. Lentement, il prit alors la direction de la surface liquide, du moins de l’endroit où elle devait se trouver. Il sentirait probablement la terre un peu plus meuble de l’abord de l’eau.

Ses mouvements furent interrompus car, dans la surprise, leurs lames se croisèrent et ils échangèrent ainsi plusieurs passes sans vraiment chercher à savoir d’où pouvaient réellement venir les coups. Luc avait adopté une posture défensive, cherchant principalement à parer la majorité des coups qui pouvaient provenir de n’importe où. Finalement, ils s’étaient séparés, sans trop savoir comment. Leurs mouvements respectifs avaient probablement réussis à les écarter hors de portée des fleurets. Concentré sur les parades, le Duc avait perdu la notion de placement géographique dans la clairière. Mentalement, il tenta de reconstituer les divers déplacements qui l’avaient conduit jusqu’ici. Mais alors qu’il remontait progressivement le temps, un bruit se fit entendre non loin de lui. Eléna s’était raclé la gorge. Sans réfléchir, son fleuret fusa dans la direction indiquée par ses oreilles mais il ne rencontra que l’air. Elle avait du bouger, certainement. Sans même qu’il puisse réfléchir davantage, elle recommença. Essayait-elle de se trahir ? Plusieurs fois il tenta de l’atteindre en vain. Puis alors qu’elle recommençait, l’instant d’hésitation, dû au fait qu’il ne savait pas où elle se trouvait lui fit entendre le bruissement d’herbe. Elle se déplaçait bien, feintant une ruse pour le trouver. Et voilà plusieurs fois qu’il tombait dans le panneau.

* Bien joué. Mais tu ne m’auras pas comme ça. *

Ils n’étaient pas très loin l’un de l’autre, il le sentait, il le savait. Bientôt les fleurets se recroiseraient. Profitant du silence sans bouger, il tentait d’analyser la situation lorsqu’elle émit un nouveau raclement de gorge. Silencieux, il n’entendit rien. N’avait-elle pas tenté de l’éviter ? Prudemment, l’apprenti se retourna dans la direction d’où venait le bruit et tenta d’évaluer la distance. Mentalement, il l’estima à quelques pas qu’il franchit mais dont le dernier trébucha sur une pierre relativement grosse. En plus du bruit, il lâcha un juron avant de reprendre son équilibre. Le bruit identifié, il décida tout de même de poursuivre son mouvement qui était de frapper devant lui. Si Eléna se trouvait là, elle l’aurait probablement entendu mais au moins il pourrait se repérer aux parades des fleurets.

Aguerri(e)

Le souffle coupé, pour ne pas trahir sa présence, elle cherchait avec ses oreilles la présence évidente de son apprenti. Elle ressentait la fraicheur de l'herbe et la terre un peu plus meuble sous ses pieds. Elle voyait où elle était, non loin du lac. Elle entendait quelques hennissements discrets des deux chevaux et sentait la caresse légère de la fine brise estivale. Les orteils se plantant machinalement dans la terre, elle écoutait. Alors qu'elle se concentrait plus encore pour déterminer enfin si il approchait, elle entendit un bruit de chute, ou un début de chute. Luc venait de buter sur quelque chose, le fameux caillou qui avait écorché Elena un peu plus tôt. Elle l'avait évité par chance celui-la et le juron que lâcha son apprenti manqua de la faire légèrement pouffer de rire. Elle se retint de justesse cependant et fronça les sourcils lorsqu'elle entendit le fleuret de son adversaire fendre l'air. L'embout arrondi de l'instrument vient fouetter sans ménagement la peau de la main d'Elena qui raffermit sa prise pour tenter de soulager la douleur.

Il était si prêt? Dans l'amusement, la jeune femme avait perdu un instant la notion de distance et de cartographie du terrain et elle venait de se perdre elle-même.

*On rigole moins maintenant, grosse bécasse!*

Elle se maudit et resta stoïque, ils étaient à bonne distance pour combattre l'un contre l'autre. Elle lança alors son fleuret en avant, élançant son corps légèrement en avant, le dos courbé pour toucher la poitrine, ou la tête, enfin quelque chose qui s'approchait le plus possible du tronc du jeune duc. Après tout, il ne s'était peut-être pas étalé de tout son long pour pouvoir lui porter un coup. Et il c'était même éloigner un peu pour sauter sur elle à nouveau et croiser le fer? Elena tenta sa chance coute que coute pour tenter de donner une issue à ce petit combat.

Ah bien y réfléchir, elle avait même perdue la notion du temps dans tout ça et ignorait quelle heure il pouvait bien être. Mais dans tout les cas, il faudrait songer à rentré pas trop tard, sinon c'est Vincent qui allait s'interroger. Et puis elle voulait allez voire Soeur Béatrice.

En y repensant, elle perdit sa concentration l'espace d'une seconde. Depuis que la jeune femme avait subit l'assaut de l'Agent du Diable pour l'arrêter, elle souffrait énormément. Quand Elena avait accueilli la jeune femme encore très panser et à peine en mesurer de se déplacer seule, Elena en avait eu le cœur serré. Une gamine qui avait manqué de se faire tailler en pièce. Elle avait pris soin d'elle chaque jour, lui tenant compagnie. Elle avait même forcé Luc à venir une fois, mais ils ne s'étaient rien dit et les deux jeunes femmes avaient échangé un regard attristé.

Le fleuret de son apprenti répondait à son attaque, car il avait enfin débuté un croisé de fer intense, maintenant qu'ils savaient ou été l'autre. Et à bouger en tout sens, Elena évita le fleuret de justesse, sentant l'air déplacé par l'arme se presser contre sa peau.

"C'était moins une!" lâcha t'elle, persuadée de ne plus avoir à cacher sa position.

Les fleurets se touchaient, se tordant sous l'énergie insufflée par leurs possesseurs. Luc semblait avoir le dessus, car Elena reculait. Elle recula encore un pas de plus et entra en contact avec une matière froide, très froide et très dur. Elle manqua de perdre l'équilibre contre cette fichue pierre qui n'avait décidément pas bouger d'un millimètre. Elle se rattrapa tant bien que mal en mettant son autre pied en appui derrière. Mais, sans trop s'en apercevoir, elle avait retrouvé la proximité de l'eau et son pied dérapa sur la terre mouillée. Après avoir manqué de faire le grand écart, elle se rattrapa avec ces deux mains sur le sol, plaquant le fleuret à terre en émettant un peu de cri de surprise.

Non seulement elle perdait, mais en plus elle se prenait se caillou pour la seconde fois. Elle n'avait plus à rire de Luc vu la position dans laquelle elle se trouvait. Et toute cette agitation lui avait fait monté le rythme cardiaque si bien qu'elle n'entendait plus que les battements de son cœur taper à ses tempes. Elle resta en équilibre instable pour trouver Luc. Mais elle ne ressentit rien que le néant, le silence le plus total.

Apprenti(e)

Son fleuret fit mouche. Sans réellement savoir ce qu'il avait pu toucher, il eut néanmoins un petit sourire amusé devant ce petit coup de chance avant de grimacer assez douloureusement alors que le fleuret de son Aguerrie venait frapper son flanc droit avec une force relative que même sa tenue de cuir ne put réellement atténuer. Il réussit néanmoins à retenir son juron et repartit à l'assaut. Elle n'était pas loin, lui non plus, ils étaient dorénavant en mesure de pouvoir échanger plusieurs passes intéressantes, le bruit brut du métal leur donnant une indication supplémentaire pour le coup suivant. Se battre ainsi à l'aveugle était très particulier, et, comme on pouvait s'y attendre, l'ouïe était complètement exacerbée, elle appréciait avec davantage d'acuité, chaque variation des chocs, des bruits métalliques qui semblaient comme résonner autour d'eux. Fleuret contre fleuret, la concentration poussée jusqu'à un extrême qu'ils n'atteignaient que dans des duels extrêmement physiques, Luc comprenait mieux les vertus d'un tel entrainement. Néanmoins, il préférait quand même de pouvoir voir son adversaire, car cela ajoutait une dimension qui ne jouait plus vraiment à l'aveugle, du moins pas aussi clairement en réalité. Le corps de l'adversaire donnait énormément d'indications, son comportement était une source quasiment intarissable d'informations pouvant permettre de prédire les coups qui allaient être portés et avoir ainsi un léger avantage intéressant, une dimension complètement perdue dans un combat à l'aveugle, sauf si l'on comptait les bruits que pouvaient faire les corps, mais qui étaient bien peu d'informations au final.

Eléna eut un petit commentaire qui fit sourire son apprenti, confirmant par la sa position à son adversaire du moment. Poursuivant les pas en direction de celle-ci, fendant toujours l'air de son fleuret, Luc reprit les passes avec la jeune femme la pressant davantage. Leurs mouvements les poussaient à tourner plus ou moins en rond, et même s'il ne pensa pas tout de suite au caillou qui l'avait fait chuter, le bruit caractéristique d'un pied qui butte contre la roche lui fit bien vite songer à ce petit détail de taille qui régnait sur le champ de bataille. Visiblement son Aguerrie avait elle aussi rencontrée un minéral encombrant et en sourit légèrement, avant de s'avancer dans la direction du bruit, fleuret en main. C'est alors qu'il l'entendit crier de surprise. Avait-elle chuté ? L'idée le fit sourire davantage et il s'avança vers la source probable du cri, le fleuret en avant, légèrement pointé vers le bas, au cas où.

Mais en s'approchant de la source, il s'approchait de l'étang et de sa terre meuble. Sans faire attention son pied s'enfonça plus que prévu dans le sol et glissa en avant. Essayant vainement de se stabiliser, Luc partit en avant, avant de se retrouver dos en premier, dans l'eau de l'étang, le tout dans un bruit caractéristique et très audible. Douché et couché, il resta silencieux un moment avant d'éclater de rire. Elle était bonne celle-là. D'un geste de sa main libre, il releva le bandeau et aperçut Eléna qui n'était pas très loin. S'il n'avait pas glissé, il aurait probablement pu la retrouver... Il resta couché dans l'eau, de toute façon, mouillé pour mouillé.

« - Bon et bien... Je crois qu'il y a match nul. »

Il n'y avait pas de doutes, la position d'Eléna était peut-être plus cocasse que la sienne, mais lui, il était trempé.

Aguerri(e)

Alors qu'elle cherchait à calmer son palpitant pour entendre Luc et trouvé sa présence, elle finit par entendre un magistral "PLOUF" qui retentit avant de laisser Luc rire à plein poumons. Quand son analyse lui dicta qu'il venait de tomber dans l'eau, elle comprit son rire et le rejoignit. Sauf que les secousses de son corps lui firent perdre le peu d'équilibre qui lui resta et elle tomba la tête la première dans l'herbe. Elle se redressa en continuant de rire et détacha le bandeau.

Match nul? Oui c'était difficile de juger autre chose, ils venaient tout deux de se ridiculiser en omettant des détails géographique de taille et ils riaient de bon cœur de leur stupidité. Luc, à plat sur l'eau sembla savouré cet instant de détente. Ils c'était retrouvé et Elena continua de sourire en s'approchant de l'eau et laissant ses pieds trempés. Elle joignit les mains et se rinça le visage. Pour les vêtements, c'était trop tard, il faudrait les laver rapidement. Le petit soleil qui se dévoila, se joignait à leur petit air joyeux et Elena leva les yeux au ciel un instant. L'eau jusqu'aux genoux, le pantalon retroussé pour éviter de le mouillé elle resta immobile.

"Si seulement la vie pouvait être ainsi, toujours."

C'était un rêve, que eux, les sorciers faisaient sûrement tous un jour. Le choix d'une vie simple, sans complication, sans regard oblique. Une vie ou personne ne vous jugent pour ce que vous n'êtes pas. Elle passa une main sur sa nuque et rejoignit les deux mains sous l'eau. Elle était fraiche, mais pas froide et cela ravivait les sensations. Elle jeta un coup d’œil à Luc, toujours dans l'eau et poussa l'eau pour l'éclabousser avant de s'écarter pour tenter d'éviter toute représailles. Elle riait comme une enfant qui savait pertinement que cet acte aurait des conséquences et qu'elle risquait de se faire mouillé. Mais elle en mourait d'envie. De s'amuser comme une pauvre gamine des rues qui n'a rien. De rire de la vie et de croquer dedans à pleine dents. C'était bon de se sentir heureux un soupçon de secondes.

Gloussant de plaisir et se laissant aller un peu comme autrefois, quand elle n'avait ni responsabilité, ni domaine, ni rien que sa petite robe à tacher.

"Luc, attention à ce que tu fais. Tu me dois le respect, souviens toi."

Il allait se venger ou pas? Valait mieux tenter de le raisonner, même si c'était idiot et perdu d'avance que de ne rien dire. Elle riait. Elle se doutait qu'il réagirait. C'était même voulu. On éclabousse pas quelqu'un en pensant qu'il ne vous rendra pas la pareille. C'était un instant de leur complicité, un droit qu'ils s'octroyaient tout deux, de prendre une bouffée d'oxygène au goût plus marqué et plus enjoué qu'à l'habitude. C'était une belle bulle colorée qu'ils voyaient monté au ciel avant que la réalité ne les rappelle, avant que cette jolie bulle éclate.

Apprenti(e)

Luc était complètement trempé, mais, il devait l’admettre, il était bien, là, dans la fraicheur de l’eau de l’étang. Certes, sa tenue était complètement gâchée et peut-être que la sécher ne suffirait pas à la rattraper, mais il s’en fichait. Il lui suffisait de voir la manière dont Eléna avait glissé dans l’herbe pour en rire davantage et continuer à se complaire dans l’eau claire qui l’entourait complètement. Oublié le duel de concentration à l’aveugle, oublié les soucis qui s’étaient insinués entre les deux jeunes gens, oubliée la gifle et la réconciliation qui s’en était immédiatement suivi. Ils passaient un moment d’innocence comme il en existait peu dans une vie. Oui, le monde aurait été bien joli si la vie était ainsi pour toujours, succession de moments enfantins, de réalités bien moins difficiles et absurdes que ce qu’ils vivaient au quotidien. Luc le pensa aussi, tout aurait été plus beau que cette réalité absconde et lugubre, mais hélas, les rêves et les désirs ne prenaient pas plus corps quelque soit la manière dont on les rêvait et les espérait. Ils avaient beau vouloir que cet instant perdure, ils devraient bientôt rentrer et accepter de se replonger dans la réalité qu’ils avaient quittés.

« - C’est un doux songe, mais espérons qu’il devienne réalité un jour. »

Il avait dit cela et le pensait réellement mais il doutait du fait que cela puisse arriver un jour où l’autre. Peut-être leurs enfants ou leurs petits-enfants respectifs pourraient connaître un âge d’or comme celui-ci, mais les heures qu’ils pouvaient compter, eux, étaient bien trop sombres pour espérer un espoir si lumineux. Il observa en silence son aguerrie qui s’avançait dans l’eau quand soudain elle l’éclaboussa vivement comme une grande gamine qui désirait jouer. Apeurée par d’éventuelles représailles elle s’était enfuie en riant, se mettant à bonne distance. Bien décidé à se « venger », il se releva, jetant son fleuret sur la rive non loin et regarda fixement son Aguerrie. Elle lui fit alors remarquer qu’il devait se rappeler qu’il lui devait du respect. Du respect ? Elle pouvait toujours compter là-dessus. Sans un mot de plus, il se rua sur elle, levant haut les genoux pour briser la résistance de l’eau et rattraper plus rapidement la jeune femme.

« - Attends un peu que je t’attrape, toi. »

Une petite course poursuite s’engagea alors que le futur Duc termina rapidement en l’attrapant par la taille sans trop de ménagement avant de la soulever du sol et la ramener, malgré ses débattements, vers l’étang. Une fois l’eau au niveau de ses genoux, il l’y déposa, ou plutôt, l’y jeta en direction de l’eau profonde pour éviter qu’elle ne se fasse mal pendant l’exécution de sa vengeance. Il observa la scène avec une certaine satisfaction et rit un bon coup devant l’état de son aguerrie.

« - Est-ce le respect que tu attendais de moi ? »

Il sourit de plus belle mais, en signe de revanche obtenu, il tendit la main vers la jeune femme pour l’aider à se relever.

Aguerri(e)

Un doux songe. Oui, c’était une belle image qui s’effaçait dans le paysage, comme une brume qui se dissipait pour laisser paraître les vérités du monde. Mais aussi volatile qu’il était, il n’avait pas d’existence. Ni dans le passé, ni dans le présent. Ni dans le futur. Ils savaient cela. Mais, il fallait profiter de cette brume encore épaisse qui cachait les dangers et la noirceur de la réalité. Lorsque Elena avait éclabousser son apprenti, elle avait tenter de prendre ses distances pour écarter les représailles mais lorsque Luc commença à avancer dans l’eau pour la rattraper, elle tenta d’être plus rapide que lui. Mais le rire qui la secouait ne l’aidait pas et il l’attrapa, la soulevant et la ramenant dans l’eau plus vite qu’elle n’était sorti. Elle eu juste le temps d’arrêter de rire et de prendre une très courte respiration et remonta rapidement tenant la main de Luc.

« Est-ce le respect que tu attendais de moi ? »

Elena rit de plus bel tout en reprenant sa respiration. Trempée jusqu’aux os, l’eau perlait sur sa peau dévoila sa nudité sous cette chemise blanche. Le tissu opaque collait ses formes à la perfection et laissait apparaître le teint de sa peau. Son buste fin, aux formes généreuse était moulé à la perfection dans tout ces plis. La fraîcheur de l’eau faisait ressortir les tétons de la jeune femme alors que l’eau avait collé ses cheveux longs et lissés sur son visage. N’y voyant plus rien Elena, passa ses mains sur ses yeux et écarta les cheveux qui la gênait pour voir. Dans son attraction, Luc l’avait mise à une distance courte de son propre corps et la jeune femme garda les yeux plongés dans ceux de son apprenti. Elle perdit son sourire, perturbée un instant par sa façon de la regarder. Une goutte d’eau glissa le long de son nez et tomba sur ses lèvres pulpeuses légèrement entrouvertes.

« Ce n’était pas vraiment le respect auquel je m’attendais. » fit-elle plus calmement.

Elle reprit consistance et s’aida en baissant les yeux. C’est enfin à ce moment là qu’elle saisit la raison du regard fixe de Luc. Ses joues virant au rouge pivoine, elle eu un instant d’hallucination intérieure.

*Comment j’ai fait, pour ne pas penser à CA !*

Gênée, elle devait faire quelque chose mais se fit à nouveau happer par les prunelles de son apprenti. La situation aurait été plus embarrassante si cela n’avait pas été lui ? Il fallait qu’elle trouve un moyen de détourner son attention si il n’avait pas déjà remarqué pour qu’il oublie ce détail pour le moins important. Elle dévoilait son corps, chose formellement impoli et inconvenante. Mal à l’aise, elle se torturait les méninges pour trouver le plus rapidement possible la solution efficace. Elle s’approcha un peu plus de lui, diminuant sans vergogne le peu de distance qui les séparait, elle était presque contre lui. Posant ses mains sur ses pectoraux soulignés par les vêtements qui lui collaient à la peau, elle continua sa route.

Elle cessa enfin, sentant le souffle chaud du Duc, tout en gardant ses yeux plantés dans les siens. Elle hésita un instant, baissant les prunelles et observant ses lèvres pendant un battement de cœur, qu’elle cru manqué. Elle s’approchait encore, sans que Luc ne semble cillé et lorsqu’elle aurait pu coller ses lèvres à celle de son apprenti elle l’embrassa. Un baiser chaste et pure, sans aucune mauvaise intention. Sur la joue !

Elle avait dévié sa course au tout dernier moment pour ne pas croiser ses lèvres. Elle finit par lui murmurer quelques mots à l’oreille.

« Si tu racontes ça à qui que ce soit, je te tue. Sans AUCUN remord ! »

Elle se sépara de cette étreinte, la tête lui tournant légèrement. Il avait beau être son « petit frère », il n’en était pas moins un homme. Et quel homme ! C’était un très bon parti ! Il n’eut pas été son apprenti, elle aurait peut être permis qu’il lui fasse la cours. Et c’était bien ce qui faisait tourné la tête à notre jeune demoiselle. Quand elle avait regardé dans ces yeux et lu sur ses lèvres, elle avait pensé un instant à l’effet que cela pouvait faire, un de ses baisers. Etaient-ils brûlant d’une passion dévorante ? Doux et tendres d’un amour profond ? Les deux à la fois ?

Le cœur battant un peu trop vite, elle sortit de l’eau la première pour que Luc n’ait pas la chance de pouvoir se retourner et de voir son corps à nouveau. La gorge sèche, la jeune femme ravala sa salive, tentant de chasser toutes ces idées de sa cervelle. Pour le coup, la brume venait de se dissiper et c’était légèrement troublée qu’elle retourna a son cheval, enfilant à la hâte sa veste pour cacher ce qui devait ne pas être vu. Elle dérougit lentement et finit par oublier ces idées en regardant le jeune homme remonté. Elle lui sourit. Il n’était que son petit frère. Rien d’autre. Elle le savait et le sentait. Et de plus elle le réservait à quelqu’un qui partageait ses sentiments : Aphrodite de la Roseraie, anciennement Sœur Béatrice.

« Allez, ne fait pas cette tête. Il ne c’est RIEN passé ! Sinon Vincent va me démolir. »

Elle rit à nouveau pour détendre à nouveau l’atmosphère qui c’était soudain tendue. Elle n’en voulait pas à Luc. Elle était responsable de toute cette situation et elle prenait cela très au sérieux, mais ce n’était pas la peine d’en faire tout un fromage. Le temps ferait oublié cela. Et puis, cela lui apprendrait à faire n’importe quoi. Elle grimpa sur son cheval et il y eu une course entre les deux sorciers pour arrivé au Manoir et monter se changer avant le petit déjeuner.

Apprenti(e)

--- Terminé ---