Sandrine s’était réveillée dès l’apparition des premiers rayons de soleil. Leurs douces caresses sur son visage la tirèrent de son profond sommeil, dévoilant un léger sourire sur son visage. C’est que la femme était heureuse de constater que Dieu leur avait fait cadeau de cette journée qui s’annonçait magnifiquement ensoleillée en dépit de ce printemps pour le moins morne et triste.
Une longue, mais passionnante journée l’attendait. Elle devait terminer ses préparatifs avant le voyage qui la mènerait jusqu’à Rosbruck. En effet, aujourd'hui elle rendait visite à la baronne Zimmerman, femme respectable et respectée – du moins, c’était ce qu’elle croyait. Elle avait eu vent que ses créations étaient fort appréciées, et ce, jusqu’à la Cour de France. Il est vrai, de l’eau avait coulé sous les ponts depuis, mais cette dernière tenait toujours les rênes du Fil blanc. Ce qu’elle créait de ses mains étaient tout simplement exquis, mais Mme Delacroix, vivant dans une indigence des plus totales, ne pouvait se mettre de se procurer de si belles toilettes. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas ses talents de couturière qui étaient à l’origine de sa visite à Rosbruck aujourd’hui.
Mme Zimmerman, épouse du Baron de Rosbruck, était également mère de deux magnifiques enfants. On aurait pu penser que cela s’arrêterait là en raison de son âge pour le moins avancé. Pourtant, même à quarante ans, la femme était de nouveau enceinte. Satisfaite des services rendus par Mme Delacroix par le passé, à ses tous débuts dans le métier, la baronne avait donc sollicité les bons soins de Sandrine pour cette troisième grossesse.
Sandrine était passionnée par son métier de sage-femme. Ce fut donc avec joie qu’elle accepta de suivre Louisa durant sa grossesse. Ce métier, elle le pratiquait parce qu’elle avait vu sa mère le faire avant elle. Elle avait toujours été impressionnée de voir comment sa mère pouvait aider et soulager ses pauvres femmes affligées par divers maux : nausées, fatigues, douleurs, etc. De plus, aider ses femmes à donner la vie était un moment intense de plénitude et d’allégresse. Quel bonheur d’entendre ce petit être pousser son premier cri, lové dans le creux de son bras, alors qu’elle le débarbouille avant de le remettre à sa mère. Vraiment, Sandrine adorait son métier.
Son savoir qu’elle tenait de sa mère lui était très précieux. Elle savait quoi faire pousser, comment et quand le récolter et surtout, quels maux ces plantes pouvaient soulager. Elle aimait beaucoup l’idée de pouvoir tout concocter elle-même, sans dépendre de quiconque. Malgré tout, cela n’empêchait pas Sandrine de rendre visite à l’herboriste du coin pour faire de nouvelles découvertes et améliorer les soins qu’elle prodiguait.
Aujourd’hui, elle avait préparé sa mallette en fonction de sa visite. Cette dernière contenait divers petits pots : certains renfermaient des onguents, mais la plupart contenaient des feuilles séchées ou des racines broyées. Infusé dans l’eau bouillante, cela devenait des boissons de réconfort qui permettaient de rendre la vie un peu plus facile à ces femmes fortes et courageuses.
Ce sont les hennissements des chevaux qui lui mirent la puce à l’oreille. David était arrivé. Elle prit sa mallette, se couvrit de son voile puis quitta sa demeure pour Rosbruck. Le temps était chaud et sec. Un vent léger gardait en suspension dernière eux les poussières du chemin soulevées par les chevaux. Le voyage fut de courte durée. Très vite, le fiacre se mit à ralentir, ils étaient arrivés. Elle pénétra dans le hall où Louisa l’accueillit, toujours aussi rayonnante et distinguée.
« Bonjour madame. Bienvenue. Merci de vous être déplacée. Le voyage n’a pas été trop fatigant? Nous avons de l’eau et des fruits au salon. Venez. »
Elle souleva son voile et lui sourit.
« Bonjour très chère baronne. Sachez qu’il est toujours un plaisir de vous rendre visite, la distance à parcourir n’y change rien et m’importe peu à vrai dire... mais puisque vous le proposez, j’accepterais volontiers un verre d’eau cependant. On dirait bien que l’été est à nos portes finalement! »Elle suivit Louisa dans le couloir jusqu’au salon où, comme promis, de l’eau et des fruits les attendaient. Elle attendait que Louisa lui indique un siège pour s’assoir, toujours sa précieuse mallette à la main.