|
|
| Auteur | Message |
---|
Apprenti(e)
| Sujet: Fêlures Mar 4 Oct 2011 - 20:11 | |
| Forbach, après une sombre et orageuse soirée de fin d’été, Narcissa se plongea dans une profonde méditation, goutant avec délice la douleur provoquée par le vent qui traversait sa robe de velours noir, dans le petit salon attenant à la chambre de David Geisler, au quatrième étage de la collégiale. Pendant une bonne heure, tout observateur aurait paru que la jeune femme fixait la moulure de la porte entrouverte. Pour son compte, elle dressait son itinéraire et discutait en elle-même sur certains points. Narcissa Catherine Gisèle Marie de Saint-Loup, haut noble disgracié, trois fois fiancée, ancienne apprentie d’un meurtrier en série et d’une extrémiste, sorcière douée, paumée pour aimer éperdument un homme de six ans son ainé, roturier, inquisiteur, lâche, pourtant capable de bravoure, ancien Don Juan ayant mimé son amour, car incapable de dévoiler ses sentiments. Pourtant, ce qu’elle éprouva au début pour David fut une profonde, mais singulière amitié, retenue par un lien indestructible et indéchiffrable atteignant une dimension inédite en quelques années. Trop petite pour comprendre les gradations dans les sentiments quand l’attention la plus petite entraine une plus grande, la plus subtile pénètre plus intensément le cœur et l’esprit, la transformant en grande partie. Trop troublée pour observer avec quelques exactitudes la teneur de ses sentiments, elle avait repoussé avec force ce cœur au dévouement passionné par un tissu de solides croyances, dirigeant son adoration vers une image conforme à sa morale. Cet éloignement avait renforcé par ce manque, toutes ses convictions en produisant une analyse plus fine de l’autre, dans l’espoir que le premier amour devienne ce frère de cœur. Puis la peste emporta son père, David ne revint jamais à Rodez. Aidée par un jeune noble de sa suite, elle se contenta de quelques souvenirs pour se faire une raison, laissant le champ libre. Ainsi, après une journée de vénerie, Albin, futur baron, excellent chasseur, pieux, charitable, mais n’aimant pas le montrer, arriviste, vieux jeux, amoureux transis, mais n’écoutant que son père fit part à « Ma rousse » quelques mois plus tard, dans le petit bosquet du jardin de Diane au Château du Comte de Rodez, sa volonté d’amorcer des négociations pour un mariage et pour être certain de la fidélité de la jeune fille lui offrit une bague d’une grande valeur sentimentale en guise de fiançailles. Son premier fiancé se maria quelques semaines plus tard à sa cousine Philomène, sèche, grande, pieuse et édentée et demanda par le biais d’un ami la remise de ladite bague sous peine de dévoiler leur relation. Un an et demi plus tard, à Forbach, dans les appartements du château, quelques heures après la première agression de l’Agent du Diable, son David refit apparition. Les mois qui suivirent, Narcissa n’eut pas la chance d’avoir un seul souvenir pour tirer de nouvelles observations. Le volet grinça, elle sursauta en voyant les bougies du candélabre s’éteindre. Elle sortit de sa bourse un briquet à amadou et deux allumettes. Bien que la pénombre ne put lui permettre de distinguer clairement la nature du linge éparpillé, elle réussit à aller vers une petite table où reposait un mouchoir et un plateau de bougies. Elle en alluma quelques-unes puis se rassit, préférant à l’analyse incongrue d’une pièce de vieux garçon, se laisser guider par quelques rêveries en commençant par une lettre écrite à la veille du départ pour Rodez à son amie d’enfance Aphrodite de la Roseraie : - Citation :
« Je ne souhaite point voir Rodez, pour ces raisons évidentes et donc une qui me tient particulièrement : mon cœur a déjà fait son choix avec une grande vélocité, au point d’en être étourdi et de douter de ses sentiments. Même si l’heure n’est point aux doutes, car je le sais, cet homme, sauf miracle, ne pourra jamais lutter contre les demandes des plus grandes familles de notre Royaume et cela serait bête de ma part de lui faire part d’une promesse aussi extravagante, même si je crois que je l’aimerais toujours. Il n’a aucun pouvoir politique, ni relation influente, mais il a cette force des plus grands meneurs d’hommes et de grandes qualités humaines. Je prie pour que la vie lui donne sa chance, c’est un homme remarquable et merveilleux (et je ne suis pas insensible à son côté ténébreux). Je ferais tout pour le retrouver et malgré moi, je prie pour que nous devenions bien plus intimes. J’espère avoir la chance de lui dire que je ferais tout pour lui, s’il en fait la demande. » Et comme les semaines se déroulèrent, et comme les demandes plus pressantes des nobles s’amoncelèrent sur le bureau du nouveau Comte de Rodez, elle observa chaque homme pour les analyser afin de mieux les comprendre pour mieux les manipuler, servant fidèlement un plan. Il y avait toutefois de nombreuses circonstances qui l’induisaient à croire à un changement de direction, sur le gouvernail politique même, qui demandait des qualités ténébreuses et changeantes pour le tenir. Les preuves furent faites par le comportement odieux, de certains intriguant ayant réussit à gagner une fortune plus grande en spéculant sur des matières premières et achetant à forte raison des terres dans des territoires exotiques, suivit de près de certains nobles trop hautains en parlant des dernières décisions de la Régente, trop confiants en décrivant en détail leurs grands projets bien au-dessus de leurs pouvoirs comme si, par un heureux hasard, ils allaient en acquérir de nouveau, sans oublier le jour où la demande de mariage de Vincent d’Aquitaine fut retirée pour ne pas être éclaboussé par un scandale sur ses inclinations antiroyalistes. Elle comprit qu’il lui fallait créer son propre navire capable de voyager dans de ce monde en construction afin de tirer son épingle du jeu comme ses ancêtres en leur temps. Narcissa avait conclu alors qu’être abstrus, imaginative et ingénieuse était de bonnes armes si complétées par celles d’un homme d’affaires intuitif, chanceux, solide et ayant une capacité d’adaptation et d’anticipation. David répondait positivement sur de nombreux points et tout semblait croire qu’il en avait d'autres, plus grandes, si la bonne personne réussissait à les ressortir. Cependant, son époque demandait pour son cas que son mari ne soit pas bourgeois, mais noble avec un arbre généalogique prestigieux, avec un excellent carnet de relations influentes et l’idéal voudrait qu’il ait quelques sympathies à son égard. Rien ne montrait que ce dernier lui donnerait son accord pour un quelconque partenariat. David l’aimait et en voyant les plus beaux hommes de Rodez lui tourner autour sans en sentir d’émoi, ses joues rougir en pensant à lui, sans compter nombres de petits signes prouvant son état amoureux, elle espérait qu’il soit plus coopératif. Et nous arrivons au point le plus sensible du plan, si par miracle, David devenait son mari, cela impliquerait de nombreux points sensibles et délicats à cacher ou à défaut à aborder en espérant qu’il n’était pas homme à éviter tout acquiescement raisonnable. En se forçant à voltiger d’un côté et d’un autre, par l’intuition à vif de David, elle serait tôt ou tard découverte dans ses activités illégales et immorales. Un cabinet de curiosité dont la partie privée exposait des livres sur la médecine, des instruments et objets chirurgicaux interdits par l’Église, mais qui pourtant, permettrait de soigner de nombreux patients. Son apprentissage au sein de la Tribu d’Olrun avait aussi pour but de trouver un moyen, plus tard, de supprimer des maladies afin qu’aucun enfant ne puisse souffrir d’un deuil. Sans compter ses plans futurs pour retrouver l’apprenti mentionné quelques mois plus tôt, lors de sa deuxième agression, qui par la mort d’Hélion conduirait à une série d’actes répréhensibles afin d’avoir toutes les informations. Pourtant, la veille, elle fut capable de tout abandonner par amour, mais le rêve de l’Ange et des allumettes la fit douter fortement. Tous savoirs lui donneraient des avantages, les sorcières d’Olrun par l’entremise de sa tante et des secrets d’Europe lui donnaient une importance non négligeable pour protéger les siens et le cabinet de curiosité pourrait créer des miracles. Elle en était à cet instant à douter et comptait que ses retrouvailles répondent à ses nouvelles questions. Pourtant après une longue série d’angoisses, de dangers inouïs et de délivrances incomparables, elle acquit la certitude que David était en plus d’être l’amour de sa vie, était également l’homme qui lui convenait en tous domaines avec de la patience et beaucoup de diplomatie. Mais eut la certitude qu’elle devait s’améliorer sur de nombreux points pour y arriver et lui convenir, ne serait-ce que d’apprendre à s’autoriser à être elle-même, moins en contrôle. Elle regarda de nouveau fixement la porte entrouverte, le cœur battant plus fort, se demandant quand il remarquerait sa présence.
|
| | | Sergent
| Sujet: Re: Fêlures Mar 4 Oct 2011 - 23:22 | |
| A des centaines de lieux de Forbach, Narcissa avait vécu à Rodez des aventures dont elle était ressortie grandie et changée. Chaque jour de cet été mémorable, elle avait lutté contre l’incompréhension de sa famille face à son amnésie, contre des nobles qui voulaient sa peau, ses titres et son argent, contre d’insistants fiancés auxquels on voulait la marier, contre un univers où rien ne semblait familier tant il était complexe et dangereux…Avec toujours la pensée de David, l’homme pour qui battait son cœur, prenant de ses nouvelles et l’encourageant de loin de toutes ses forces. Mais tandis qu’au côté de sa mère, elle menait de front un combat grandissant pour préserver le peu de liberté qu’il lui restait encore, le temps s’était aussi écoulé à Forbach. L’eau avait coulé sous les ponts. Les chaleurs estivales avaient apporté avec elles de nouveaux éléments, de nouvelles joies, de nouveaux problèmes, et c’était le lot quotidien des habitants de Forbach qui regardaient inlassablement se jouer les mêmes scènes de la vie. David n’avait pas fait exception à la règle. Il avait vécu lui aussi. Penser que son existence avait été mise en suspens, ses activités entre parenthèse pendant les deux mois d’absence de Narcissa était une grossière erreur. Et c’est ainsi qu’en ce jour de septembre, alors que l’héritière des Saint-Loup rentrait au bercail avec l’espoir au cœur de voir l’homme vers qui filaient ses sentiments, elle put contempler une scène surréaliste. David Geisler et Aphrodite de la Roseraie entrèrent dans la chambre du jeune homme main dans la main, projetant des éclats de rire sur les murs de la pièce. Un peu trop collés pour que ce contact paraisse seulement amical. D’ailleurs, l’inquisiteur passa lascivement la main sur les fesses, puis sur la hanche de sa compagne et se pencha pour l’embrasser dans le cou. Ce baiser procura à la jeune femme une sensation de chatouillis et elle dévoila ses dents blanches, parfaites, en un sourire spontané qu’il lui rendit. David allongea délicatement son corps féminin sur le lit, dans une scène de prémisses à l’acte intime. Ils riaient ensemble, comme un couple heureux de longue date, comme deux jeunes oiseaux frais et beaux. S’ébattant l’esprit serein tandis qu’au dehors le crépuscule infini brûlait les nuées d’orage… Un véritable tableau de poète, estival et léger. David se penchait de nouveau pour effleurer les lèvres d’Aphrodite lorsqu’un éclat roux en périphérie de sa vision attira son regard. Il se retourna et là, il lui sembla sentir ses entrailles tomber d’un bloc vers le bas, tandis que la surprise le clouait sur place. Il resta immobile, stupéfait, presque choqué par la présence de Narcissa dans la pièce attenante et ses cheveux qui flamboyaient à la lueur des bougies. Que faisait-elle ici? N’était-elle pas sensée être partie pour toujours à Rodez? Le sang déserta son visage tandis que ses yeux s’ouvraient en grand, écarquillés. Il pâlit, serra les lèvres, sans savoir que dire ni que faire, comme dans l’attitude de quelqu’un qu’on prend en flagrant délit en train de commettre un crime particulièrement atroce. "N… Narcissa…"Sa voix était étrange, à mi-chemin entre le soupir et l’incrédulité, comme s’il eut cru que la petite rouquine fut une apparition ou une hallucination. Et dans ce silence terrible, ce moment d’immobilité parfaite il continua d’observer Narcissa, la main toujours dans celle d’Aphrodite tandis que resurgissaient les souvenirs encore très vifs de ce soir-là… |
| | | Soldat de l'Inquisition
| Sujet: Re: Fêlures Dim 4 Déc 2011 - 12:32 | |
| Deux mois. Deux mois que Narcissa de Saint-Loup s'en était retournée à Rodez pour raisons familiales. Deux mois qu'Aphrodite avait passé en compagnie de David. Deux mois qui lui avaient presque semblé être un rêve tant elle était heureuse... Elle qui avait eu le béguin pour le jeune Geisler dès leur première rencontre, enfants, à Rodez, était enfin avec lui. Bien sûr, elle savait que l'ombre de la rouquine planerait pour toujours sur le jeune homme, mais elle avait bon espoir de finir par lui faire oublier Cissie... Jusqu'à ce jour.
Aphrodite, elle, avait déjà oublié les vœux qu'elle avait prononcé lors de son entrée au couvent. Si elle conservait certaines habitudes telles que dire les Grâces avant d'entamer un repas, ses vœux de pauvreté et de chasteté étaient bien loin derrière elle. David avait su lui faire découvrir la vie telle qu'elle était en réalité, et pour ça elle lui en serait toujours reconnaissante.
La journée avait bien commencé, semblable à tous ces jours d'été qui s'étaient écoulés depuis cette fameuse nuit à l'auberge. Et elle était partie pour bien se terminer également. Le couple, comme à son habitude depuis quelques temps, avait prévu de finir la soirée dans la chambre de David. Inutile de préciser qu'ils ne comptaient pas jouer aux cartes... Mais alors que tout se passait à merveille et que le jeune homme se penchait sur la blonde pour l'embrasser, le nom tant craint franchit les lèvres de l'inquisiteur en un murmure presque irréel." Narcissa..." Aphrodite écarquilla les yeux à ce nom. Il pensait de nouveau à elle ? Elle pensait avoir réussi à lui faire oublier la rouquine, mais visiblement elle s'était trompée. A moins que... Elle tourna lentement la tête pour regarder dans la même direction que son petit ami, son sourire disparaissant à la vue de la jeune femme dans l'encadrement de la porte.**Non, c'est impossible, tu es sensée être à Rodez...** Loin de repousser David et de se confondre en excuses devant son amie, l'ancienne Carmélite reprit rapidement contenance et afficha un sourire qui se voulait franc." Cissie, tu es de retour !" **Après tout, elle n'a rien à me reprocher, je ne suis pas sensée savoir ce qu'il y a eu entre eux...** David, lui, restait figé comme une statue de sel, sans doute trop surpris pour réagir. Tout ce qu'Aphrodite espérait, c'était qu'il ne l'abandonne pas pour la rouquine. Mais elle était confiante. Elle savait que le jeune Geisler ferait le bon choix. Histoire de le faire réagir, elle lui asséna une petite tape sur l'épaule de sa main libre." Et bien, David ! Tu ne dis pas bonjour à notre amie ?" Le sourire jusqu'aux oreilles, la jolie blonde repoussa doucement son amant et se releva, venant prendre dans ses bras une Narcissa dont la froideur ne laissait rien présager de bon." Je suis si heureuse de te revoir ! Tu aurais dû nous annoncer ta venue, on aurait préparé une petite fête pour ton retour !" Hypocrisie ? Véritable joie de revoir la jeune femme ? Nul autre qu'Aphrodite n'aurait su le dire...**Je suis une garce. Comme ma mère, au final...** Ce constat, qui aurait dû l'attrister, amusait en réalité l'inquisitrice. Oui, elle s'amusait de la situation. C'était elle qui était avec David, et non pas la petite rousse. Cassandra avait eu l'homme que sa mère convoitait, et en juste retour des choses Aphrodite avait inversé la situation en se mettant en couple avec David alors que Narcissa était visiblement amoureuse de lui. Oui, elle n'était pas dupe et l'avait bien compris. D'abord grâce aux messages cachés dans les correspondances de la jeune femme, mais aussi parce que David lui avait avoué avoir eu des sentiments pour Narcissa. Chez la blondinette, un plus un faisaient deux, et elle avait rapidement fait le rapprochement avec le "ténébreux" garçon auquel Cissie faisait référence dans ses lettres...
Lâchant finalement son "amie", Aphrodite retourna auprès de David et, comme pour signifier qu'il était à elle, lui planta un baiser sur les lèvres devant Narcissa avant de prendre congé des deux jeunes gens." Je vais vous laisser, vous devez avoir plein de choses à vous dire... David, on se voit demain ?" Un nouveau baiser, léger comme un battement d'ailes de papillon, et elle sortit de la pièce, laissant flotter dans l'air son parfum... |
| | | Vieille peau fripée à pustules
| Sujet: Re: Fêlures Lun 5 Déc 2011 - 3:14 | |
| Viviane était heureuse en cette journée de fin de l’été, enfin, Cassandra et Narcissa étaient de retour de Rodez, et de manière définitive cette fois. Elles n’avaient plus à craindre de perdre du temps, de se voir pour la dernière fois avant de long mois. Plus rien ne pourrait jamais les séparer, et elles pourraient se protéger les unes des autres. Viviane était trop impatiente, elle n’avait pas pu attendre sagement à l’hôtel qu’elles arrivent après un voyage de plus de deux semaines. Alors elle était allée à leur rencontre et les avait finalement retrouvées la veille. Quelle soirée elles avaient passée toutes les trois, tout à leur bonheur de se retrouver. Narcissa semblait ravie à l’idée de retourner à Forbach, et Viviane se doutait de savoir pourquoi sans en être totalement ravie. Cassandra de son côté semblait plus posée, le voyage l’ayant sans doute plus fatiguée que sa fille.
Enfin, après de longues heures de route, Forbach fut en vue, et pour la première fois depuis deux mois, Viviane était heureuse d’y être. Antoine avait fortement contribué à lui faire accepter son geste mais le retour de sa famille en ville l’aidait bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé : cela lui rendait une raison de vivre. Aujourd’hui et plus que jamais, elle se donnait pour mission de protéger les siens, de tout danger, d’où qu’il vienne. Et cette fois-ci, elle ne faillirait pas à sa tâche. Quand la jeune Cissy leur supplia de s’arrêter afin qu’elle puisse offrir son cadeau à David, Cassie ne put le lui refuser. Après tout, il était son ami et cela faisait des mois qu’ils ne s’étaient pas vus. L’hôtel pouvait bien attendre quelques minutes de plus.
Une fois la demoiselle descendue de la voiture, Viviane et Cassandra se mirent à parler de ce qu’il s’était passé là-bas, à Rodez. De ce que Narcissa savait et de ce qu’elle ignorait, de ce qu’il ne fallait pas qu’elle apprenne également. La jeune fille était encore fragile, et Cassandra, encore plus que Viviane, souhaitait la protéger. Les minutes s’égrenaient, longues et paisibles, quand Viviane remarqua que Cassandra commençait à s’agiter. Narcissa commençait à se faire longue, elle avait pourtant affirmé qu’elle n’en n’aurait que pour quelques minutes. Viviane, elle ne s’inquiétait pas, elle savait le petit secret que Narcissa renfermait dans son cœur. Elle n’en n’avait pas parlé à Cassandra parce qu’elle avait espéré que cela passerait à sa nièce, mais ça ne semblait pas être le cas. Deux mois loin de lui n’avaient pas suffi à faire oublier le jeune David à Narcissa. Voyant que Cassandra commençait réellement à s’inquiéter, Viviane choisit de lui raconter pourquoi sa fille était aussi longue.
« Je vois que Narcissa ne t’a pas parlé... Je crois deviner pourquoi elle est aussi longue. Elle ne t’en a pas parlé parce qu’elle ne souhaitait pas être désapprouvée, et de mon côté, je me suis tue parce que je pensais que ce ne serait qu’une passade. Il faut croire que je me suis trompée. Oh, Cassandra, je suis désolée, j’aurais dû te le dire... » Viviane bafouillait assez lamentablement, se rendant compte au fur et à mesure qu’elle parlait qu’elle avait fait une erreur. Dès le début, elle aurait dû lui parler de ce qui se tramait entre l’Inquisiteur et sa propre fille. Mortifiée, elle reprit la parole. « Cassie, Narcissa a un faible pour David. Au vu de son comportement lors de mon interrogatoire, j’aurais tendance à dire que c’est réciproque. Ce sont des retrouvailles d’amoureux qu’ils sont en train de vivre. »
Au moment même où elle énonçait ces mots, Viviane se rendit compte à quel point il était inconvenant de sa part d’avoir laissé une chose pareille se produire. Et si Narcissa se compromettait ? Elle était si jeune encore, et David n’était pas réputé pour ses bonnes mœurs. Son silence causerait-il du tort à Narcissa ? Allait-elle échouer dans sa mission de protection avant même d’avoir pu réellement l’entamer. Cassandra, de son côté, semblait fâchée. Viviane regretta au plus profond d’elle-même de ne pas avoir parlé plus tôt. Elle suivit sa sœur qui partait à grands pas vers la Collégiale. David allait en prendre pour son grade, voilà au moins une chose qui n’était pas pour déplaire à la Prêtresse.
Cassandra se souvenant encore bien des lieux n’eut aucun mal à trouver la chambre de David dont la porte était ouverte. Narcissa se tenait dans l’embrassure, figée comme choquée par ce qu’elle venait de découvrir. D’un coup, Viviane eut peur. Que se passait-il donc dans cette chambre. C’est alors qu’elle entendit une voix féminine vaguement familière saluer Narcissa pour son retour et le bruit mouillé d’un baisé donné à la hâte. En quelques enjambées, elle fut derrière Narcissa, juste assez tôt pour voir la jeune Aphrodite s’éclipser de la pièce sans leur adresser un regard. Viviane ne savait pas ce qui la choquait le plus : le fait que David ait trahi Narcissa, le fait que ce fut avec une ancienne nonne ou alors l’endroit-même où ils se retrouvaient. David n’avait donc de respect pour rien ni personne ?
Une furieuse envie d’aller coller un soufflet à la figure de ce jeune prétentieux la démangea. Comment osait-il ? Sous prétexte fumeux d’un interrogatoire de l’Inquisition, il l’avait menacée si jamais elle s’avisait de faire du mal à sa propre nièce. Déjà à l’époque elle avait trouvé totalement déplacé qu’il lui fasse un tel sermon mais c’était LUI, c’était cet avorton sans mère qui avait trahi Narcissa. Viviane voulait prendre sa nièce dans ses bras, lui faire oublier ce qu’elle venait de voir, la consoler, mais rien ne pourrait jamais effacer cette trahison, Viviane ne s’autoriserait jamais à modifier les souvenirs de sa nièce, encore si fragiles ! Bon Dieu, David allait le regretter ! Sa voix tonna alors qu’elle sentait sa sœur bouiller de mépris à côté d’elle.
« DAVID GEISLER ! »
Elle vit avec plaisir une lueur de peur dans les yeux du gamin. Nul doute que Cassandra lui règlerait son compte, une fois qu’elle-même en aurait fini avec lui.
« Tu n’es qu’un bâtard sans foi ni loi ! Je te jure, si jamais tu touches encore un seul cheveu de Narcissa, si même tu oses poser ton regard pervers sur elle, tu le regretteras amèrement. Ta vie de jeune pourri gâté, de fils à papa de l’Inquisition est terminée ! Tu ne trouveras le repos nulle part, chacun des citoyens de cette ville sera désormais ton ennemi. Le peu de réputation qu’il te reste s’envolera quand je quitterai cette pièce. Et si tu crois que ce qui te sert de père te protégera, tu t'égares, ton père n'est rien à côté des puissants de cette ville. »
Elle se dominait cette fois-ci, elle ne le frapperait pas comme elle avait frappé Europe, elle ne s’abaisserait pas à toucher cet être répugnant qui devait être passé par le lit d’innombrables filles aux mœurs aussi légères que cette catin d’Aphrodite de la Roseraie. Tout en reprenant son souffle, elle laissa Cassandra prendre sa suite.
À ses côtés, Narcissa n’avait pas bougé, mortifiée par ce qu’elle venait de voir. Viviane lui prit la main et tenta avec des paroles douces et discrètes de l’apaiser pendant qua sa mère réglait son compte à David.
|
| | | Inquisiteur Général
| Sujet: Re: Fêlures Sam 17 Déc 2011 - 22:04 | |
| Cassandra n'avait jamais été plus heureuse que lorsqu'elle avait découvert Viviane dans l'encadrement de la porte de l'auberge où elles devaient faire leur dernière halte avant d'atteindre Forbach. Elle ne l'aurait jamais admis, mais quitter Rodez pour toujours lui avait fait mal. Elle avait versé ses larmes dans le secret de leur voiture, pendant que Narcissa était assoupie. La disgrâce lui pèserait moins avec sa sœur à ses côtés. Et cela se révéla exact dès les premiers moments passés entre femmes de la famille Valdemar.
Elle ressentait pourtant une détresse dans l'attitude de Viviane qu'elle ne parvenait pas à identifier. Quelle était cette douleur secrète qui surgissait parfois dans ses yeux ? Était-ce un miroir du triste spectacle qu'elle-même et Narcissa offraient à son regard ? Y avait-il quelque chose qu'elle ignorât ? Décidant de questionner plus tard sa sœur à ce sujet, Cassandra reporta son attention sur le paysage, en écoutant d'une oreille attentive les dernières nouvelles de Forbach. Les tournants s'enchaînaient, et sur le dernier d'entre eux surgit enfin la ville de leur enfance. Plusieurs émotions contradictoires assaillirent Cassandra. Elle tenta de demeurer tranquille, mais ne parvint pas tout à fait à cacher son agitation, car Viviane lui prit gentiment les mains. Narcissa se joignit au geste et ce fut ainsi qu'elles retournèrent à Forbach, liées dans un étrange moment de partage muet.
Quand sa fille se mit en tête d'aller voir le petit David, Cassandra crut au début qu'elle voulait parler de la première chose qu'elle ferait en arrivant. Mais son entêtée petite Narcissa avait visiblement une toute autre idée à l'esprit. Elle comptait offrir un cadeau à son ami d'enfance et ses yeux suppliants eurent raison du bon sens de Cassandra, qui consentit à faire un détour par la Collégiale. Elle espérait de tout cœur que Viviane n'en prendrait pas ombrage : après tout, l'hôtel qui les attendait était le fruit de ses recherches et de ses soins. Cassandra était sincèrement curieuse de découvrir leur nouvelle résidence. En fait, elle était même impatiente.
Alors que la jeune fille détalait en courant, la Veuve se retrouva avec sa sœur à deviser de sujets d'importance qu'elles n'osaient pas aborder devant Narcissa. Au début, elles se dépêchèrent pour ne pas être interrompues pendant un point délicat, mais Narcissa ne revenait pas. Il ne fallait tout de même pas deux heures pour offrir un simple présent ! Quand elle s'en ouvrit à Viviane, Cassandra eut son premier choc de la journée. Apprendre que sa fille en pinçait pour le fils de Sarah, c'était... original. Voire tout à fait cocasse.
Ce qui l'était moins, en revanche, c'était d'apprendre que son inclinaison était partagée. Seigneur, David avait tout de même la vingtaine. Et la traduction physique de son amourette était bien plus dangereuse pour Narcissa que pour lui. Elle ne prit pas le temps d'y réfléchir plus avant. Ce qui lui importait, maintenant, c'était d'aller mettre fin à une entrevue qu'elle estimait inconvenante. Elle fronça les sourcils, dévisagea un instant Viviane, puis finit par réagir en se redressant :
- Ne t'inquiète pas pour ça, Viviane. Après tout, je suppose qu'une mère ne peut pas tout savoir de son enfant et qu'il convient pour une tante de savoir garder un secret...
Elle n'était pas fâchée à l'encontre de Viviane, encore moins à l'encontre de Narcissa ou de David, seulement profondément contrariée par la situation. Le petit Geisler, c'était une tête de mule qui à l'occasion pouvait se révéler pleine de bon sens et qu'elle affectionnait, mais certainement pas un prétendant solide. Quand on avait repoussé les avances d'un fils de la maison d'Aquitaine, on avait au moins la décence de ne pas viser le fils d'un parvenu ! Le tout était de savoir si Narcissa était réellement mordue. La Veuve tenta de dissimuler sa déception. Elle aurait voulu tellement mieux pour sa fille ! Et pourtant, elle lui avait promis un mari de son choix. Il était pourtant évident que ce dernier ne serait pas issu de n'importe où ! Mais sans doute s'emballait-elle pour un rien. Il n'était pas question de mariage, seulement d'un premier amour à quinze ans... Le temps passerait, et il suffisait d'éviter que Narcissa s'oublie dans ses bras. En commençant par insister sur le respect des convenances.
Forte de cette résolution, elle quitta leur voiture et se dirigea vivement vers la Collégiale. Le petit Geisler était certainement dans la cour ou dans... oh mais bien sûr. Cassandra s'arrêta, le souffle court. Il était dans sa chambre, et Narcissa était sans chaperon. Elle pressa le pas, jusqu'à retrouver sa fille demeurée sur le pas de la porte – déjà une bonne chose – visiblement en état de choc. Un peu désarçonnée par la différence entre la réalité et ce qu'elle s'était imaginé, Cassandra la rejoignit et...
Ça, il allait le payer très cher.
La colère l'enflamma en un instant, aussi forte et destructrice qu'un ouragan. Elle plissa les yeux, le temps qu'elle encaisse. Ce petit bâtard empli de luxure ne réalisait pas que Narcissa, en le choisissant, lui faisait un honneur ? Et il se permettait de le bafouer, avec une ancienne Carmélite aux mœurs légères ? Suffocante, Cassandra tituba vers Narcissa.
Son premier geste fut pour son enfant. Dans un étreinte maternelle et douce, elle enveloppa sa fille dans ses bras. Elle entendit à peine la diatribe de Viviane, trop occupée qu'elle était à murmurer des paroles de réconfort. Elle ne se souvenait pas si elle avait eu des amours à ses quinze printemps, mais elle devinait aisément que Narcissa était meurtrie au plus profond de son âme et qu'avec l'innocence et la candeur de son âge, elle serait terriblement malheureuse du fait de cette trahison.
La Veuve hésita presque à intervenir. Les amours de sa fille ne la concernaient pas et elle estimait qu'elle n'avait pas à réagir à sa place. Ce qu'elle voulait, c'était que sa fille ait conscience de ce que signifiait un mariage. Qu'elle ne s'offre pas innocemment au premier beau parleur. Qu'elle ne perde pas inconsciemment le trésor dissimulé entre ses cuisses. Mais quand elle jeta un œil à l'expression hagarde et misérable de sa fille, son sang ne fit qu'un tour. Incapable de se contenir plus longtemps, elle fit face à son tour à David Geisler, laissant la consolation aux bons soins de Viviane.
Elle l'écrasa de tout son mépris, lui signifiant d'un regard assassin à quel point il n'était qu'un minuscule moucheron. Elle fit quelques pas, avançant vers lui avec un calme feint. Elle ne l'aurait pas touché, tant il ne méritait pas qu'elle se salisse en posant les mains sur lui.
- Voilà les retrouvailles les plus... charmantes auxquelles j'aie jamais assisté.
Elle ne criait pas, elle ne hurlait pas, elle se moquait profondément de lui. Et elle espérait bien atteindre chaque parcelle de son être en le tournant au plus ridicule qui soit.
- Je crois qu'avant de me retirer, je vais mettre quelques choses au point avec toi.
La voix était doucereuse, emplie de mille promesses de mort. Eût-elle eu à sa disposition des instruments de torture, elle en aurait usé sur lui sans hésiter.
- Premièrement, on ne se moque pas impunément d'une de Saint-Loup. L'affront d'aujourd'hui est suffisamment éloquent, je pense, pour nous signifier ton dégoût de notre famille. Je crois que c'est une parfaite convergence d'intérêts, parce que notre famille ne fraye pas avec les moins que rien. Encore moins avec les débauchés. J'entends donc ne plus jamais revoir ton horrible carcasse autour de Narcissa, de Viviane, ou de moi. Et mes gens te traiteront sans pitié si tu venais à enfreindre cette interdiction. Sois gentil, cher David, épargne-nous la vue de ton répugnant faciès.
Les derniers mots avaient été soigneusement prononcés. Elle parvint même à lui sourire, tout en se ménageant une pause. Que penserait Sarah Geisler de cette histoire ? Perdrait-elle son amitié suite à cette affaire ? Sans doute. Et Cassandra regrettait déjà les conséquences de l'acte éperdu du petit Geisler. Aucun bon sens, finalement...
- Deuxièmement, je crois que tu as fait ton temps dans l'Inquisition. Je compte te coller un procès pour atteinte à la pudeur, inconduite, profanation d'un lieu consacré, infraction en lieu consacré, débauche et actes contraires aux bonnes mœurs. Tu conviendras que ce n'est pas notre chère Aphrodite de la Roseraie, avec son lourd passé sulfureux, qui t'aidera à te laver de ces accusations. La pauvre, elle aurait presque pu faire un beau mariage. Mais je crains fort que sa réputation ne soit en lambeaux, maintenant... Enfin soit, tu comprendras la nécessité, j'en suis certaine, de veiller à la qualité et à la bonne conduite des hommes de notre Sainte Inquisition.
Pauvre Aphrodite de la Roseraie. C'était sans doute elle l'autre victime de cette affaire. Sans virginité, pas d'alliance, et le procès la mettrait dans une situation délicate. Cassandra estimait toutefois qu'un retour à Rodez pouvait lui être salutaire et que seule sa vie à Forbach s'arrêtait là. L'exil... un bien lourd fardeau pour d'aussi jeunes épaules. Personne ne lui avait donc expliqué ce qu'elle risquait en chauffant la couche d'un homme qui n'était pas son mari ?
- Troisièmement, je t'enverrai un prêtre, pourquoi pas un confesseur, puisque tu sembles en avoir besoin, afin que tu puisses sereinement reconnaître tes fautes et que, dans l'attente de ce procès, tu aies l'occasion de déjà L'assurer que ton âme n'est pas aussi noire qu'elle paraît l'être.
Inutile d'en rajouter. Tout était dit. Il pouvait bien crever, ça lui était égal. À dater de ce jour, David Geisler ne signifiait plus rien pour elle. |
| | | Sergent
| Sujet: Re: Fêlures Dim 18 Déc 2011 - 20:21 | |
| Trop abasourdi pour dire quoi que ce soit, David regarda bouche bée Aphrodite jouer la comédie de celle qui ne sait rien, saluant Narcissa avec une légèreté feinte et embrassant son amant sans complexes. Le jeune homme sentit un frisson de jubilation la parcourir. Il avait plusieurs fois été témoins de ces compétitions féminines sans pitié et savait qu’en cet instant même, Aphrodite savourait sa victoire. Ce qui le choqua, car il croyait l’ancienne nonne ingénue et sans arrières pensées calculatrices et mesquines. L’enchaînement de circonstances était déjà suffisamment surprenant, mais il fallut en plus que débarquent à ce moment-là, dans une scène complètement surréaliste, Viviane Valdemar suivie de près par Cassandra de Saint-Loup. David les regarda les yeux écarquillés, surtout lorsque la tante acariâtre de Narcissa hurla son nom, le cri se répercutant en écho contre les murs. Le réflexe du jeune Inquisiteur fut de se tasser sur lui-même et de fuir à toutes jambes. Pourtant, il était encerclé et allait passer un sale quart d’heure. Même si il lui en coûtait, David devait admettre que la harpie qui servait de tante à Narcissa avait raison. Il était allé la menacer de lui démolir le portrait si elle faisait le moindre mal à sa nièce. Or, c’était lui-même qui avait brisé le cœur de la petite rouquine. L’hôpital se moquait en beauté de la charité. A présent il devait se préparer à ne plus pouvoir mettre le pied dehors sans se faire houspiller –puisqu’il ne faisait aucun doute que Viviane mettrait sa menace à exécution. La colère furibonde de celle-ci contrasta fortement avec la froideur polaire, extrême et destructrice, qui émanait en halo de Cassandra. Avec précision et méthode, la Comtesse de Saint-Loup lui signifia tout son mépris et à quel point elle le considérait à présent comme une raclure, ainsi qu’en témoignait son regard dégoûté. Elle lui interdit toute approche d'un membre de la famille, s’engagea à ruiner sa réputation ainsi que sa place d’Inquisiteur, et déclara ne plus jamais vouloir le revoir. David resta immobile, silencieux et sans aucune expression. Il aurait dû ressentir une multitude de sentiments violents, mais se sentait plutôt vide. Et à la place de la tristesse, de la peur et de la honte, ce fut justement un sentiment intense de ras-le-bol général qui monta en lui. Marre de se faire admonester sans cesse. Marre que le même schéma se répète. Il ne comprenait pas ce qu’on lui reprochait. On lui avait annoncé le départ définitif de Narcissa. Dans ces conditions, comment le condamner pour avoir refait sa vie? Si il avait eu le plus infime espoir qu’elle revienne un jour, tout aurait été différent, et jamais il ne serait tombé entre les bras –entre les cuisses- d’Aphrodite. Mais il n’y avait pas eu d’espoir. De même, elle ne lui avait envoyé aucune lettre, et il n’avait pas reçu la moindre nouvelle pendant l’été. La rupture avait été brutale, sans recours. Comme si la rouquine lui signifiait par son silence, qu’elle souhaitait l’oublier de manière définitive… Le fait qu’elle ne dise rien en cet instant, n’adresse à sa famille aucune parole pour le défendre, le vexa et le blessa encore plus. Plutôt que de répondre à Cassandra ou Viviane, David se tourna vers Narcissa et lui jeta un regard sans expression, au-delà de toute tristesse. "Je n’ai fait que respecter notre promesse."Il se fichait totalement que la mère et la tante ne comprennent rien à cette phrase. Il n’avait de toute façon pas de comptes à leur rendre, malgré ce qu’elles pouvaient bien en dire. Pas après cette promesse. C’était Narcissa elle-même qui, la première, lui avait demandé de ne pas hésiter à tourner la page après son départ. Il l’avait fait la mort dans l’âme et ne comprenait pas que l’on puisse le lui reprocher. Il aurait pu expliquer tout ça pour se défendre, et sans doute auraient-elles un minimum révisé leur jugement si il l’avait fait; mais l’incompréhension, la frustration étaient si fortes que David renonça à livrer ses arguments. Il n’aurait même pas dû avoir à se justifier. Or, c’était tout le temps comme ça, lorsqu’on commençait à fréquenter Narcissa : il fallait toujours répondre de tout. C’était agaçant à la fin. Surtout pour David qui n’avait jamais vraiment assumé ses actes. Que Cassandra et Viviane soient présentes aujourd’hui n’était pas plus mal. Elles seraient le témoin de ce qui allait suivre et au moins, il pourrait faire d’une pierre deux coups, sans avoir à se répéter. "Je veux qu’on arrête tout, toi et moi." Pour la première fois, il fixa Narcissa dans les yeux. "Je pense que c’est le bon moment pour le faire. Tu es dans un âge où les soupirants abondent, tu ne seras pas inconsolable." Il ne se préoccupa pas des réactions de Cassandra et Viviane et poursuivit d’une voix posée, dont le calme et l’indifférence l’impressionnaient lui-même: "Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir retrouvé ma liberté. Je n’ai aucune envie de me battre pour toi." Oui, car avec Narcissa, il fallait vraiment répondre de tout. La gamine était l’unique héritière d’une famille noble, célèbre et fortunée. Leur relation, même amicale, était désapprouvée par tout le monde presque sans exception. Dès qu’on commençait à fréquenter la petite rouquine, il fallait automatiquement être préparé à soulever des montagnes, lutter contre son ascendance noble, contre toutes les autres familles nobles du pays, contre les critiques unanimes de la société, contre une myriade de prétendants potentiels fortunés et puissants, et autres épreuves incommensurables que David ne se sentait pas la force de relever dans cette situation. Etre avec Narcissa était impossible pour un roturier. Il fallait se battre contre le monde entier, sous réserve que le monde entier accepte de se battre contre vous. L’ampleur de la tâche était décourageante et agaçante. Cassandra venait de montrer qu’elle ne cautionnait pas un Inquisiteur sans le sou et sans naissance pour sa fille. Pas plus qu’Arramon. Encore moins Viviane. Pas Sarah Geisler non plus, qui se moquerait de lui et de ses irréalistes ambitions. La famille de Saint-Loup le regardait d’un œil méprisant. Aphrodite aurait le cœur brisé. Il serait soit la huée de Forbach, soit l’objet de toutes les critiques. Aucun prêtre n’accepterait d’officier une telle union. Même le Seigneur avait déjà marqué sa désapprobation à son égard, en provoquant aujourd’hui cet ignoble quiproquo. Vraiment, il n’était pas disposé à lutter pour s’imposer. De toute façon, toute lutte était déjà vaine. Cassandra venait de le lui signifier. Son regard impérieux et plus glacial que le vent arctique, adressait en boucle le même message: une promesse de mépris. Il poussa un bref soupir et son souffle se fêla en plein milieu, fataliste, de manière presque imperceptible, avant de lâcher la bombe finale. "J’aimerais aussi qu’à partir d’aujourd’hui, on garde nos distances. Par égard pour… ma nouvelle petite amie. Aphrodite."Une petite amie qui ne le resterait plus longtemps, à en juger par les menaces de Cassandra. Celle-ci avait le pouvoir de ruiner leurs deux existences. Le pouvoir de renvoyer l’ex-nonne à Rodez. Et à en juger par son regard, elle comptait le faire sans tarder. David aurait dû se battre et tout faire pour garder Aphrodite auprès de lui, et surtout préparer sa défense pour ce procès. Il n’en avait plus la force; la Comtesse de Saint-Loup avait déjà gagné. Il baissait les bras et s’avouait anéanti, vaincu à plate couture. Qu’elle reparte à Rodez, après tout. Et qu’il soit démis de ses fonctions. Plus rien n’avait vraiment d’importance. Plus rien d’autre que ce silence de Narcissa, le silence le plus blessant, cruel et irrémédiable qu’il ait jamais eu à subir. [HRP: je laisse le loisir à Cassos ou Vivi de répondre à la suite si elles le souhaitent] |
| | |
| Sujet: Re: Fêlures | |
| |
| | | |
Page 1 sur 1 | |
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|