Ses cheveux collaient. Elle haletait, essuya son front et déglutit en voyant à côté les restes des statues évidées par les plantes grimpantes. Les clématites exhalaient une odeur entêtante dans les vapeurs des eaux vaseuses. Devant une telle puissance, elle se sentait nue. La boue coulait le long de ses bras, ses mains crispées tenaient les restants d’une lutte avec un lierre épais, cette architecture de branches semblait réagir à des lois inconnues. Elle entendit les cris rageurs d’hommes et de femmes portés par le vent. Elle renifla, jeta la branche et retroussa ses manches. Ce cul-de-sac la forçait à gravir un mur infranchissable de racines et de terre glaise touchant presque les nuages, stigmatisé par des coups d’ongles et traces de bottes de ceux qui avaient agi en hussard. Puis comme une réponse, les branches de vigne rampèrent comme des serpents pour construire une échelle de fortune, leurs feuilles nombreuses en protection. Elle grimpa et au bout de quelques mètres entendit une foule compacte se fondre sur le mur. Par réflexe, elle ferma les yeux à chaque choc, incapable d'avancer pendant une poignée de secondes. À une hauteur suffisante, un barreau de l’échelle franchit, donnait le signe pour l’ancien de tomber sur les grimpeurs qui s’éclatèrent sur le sol en un bruit semblable à un coup de tonnerre, entrainant dans leur chute autant de personnes possibles.
Au bout de quelques heures d’escalade, elle s’assit sur le rebord et regarda le paysage. Un silence assourdissant à peine troublé par les plongeons d’oiseaux dans une mer de nuages aux couleurs d’après pluie. Mais ! Tout fut troublé par le bruit de petites branches dans une boîte que l’on secouait. Intriguée, elle se leva et chercha dans la forêt épaisse son origine. D’après ses estimations, il n’y aurait pas long à marcher. Dans son exploration, elle constata que ce plateau ne fut qu’une falaise se terminant en pointe, plongée dans des ténèbres épaisses. Quittant la forêt, elle pénétra dans une masse de sorciers vêtus de blanc. Elle se fraya un chemin et vit un homme d’allure noble la regarder avec envie. Danie, plus solennelle que jamais l’ignora, comme tous ses amis, Inès comprise. Proche de la pointe, sa tante au visage triste regardait avec envie une autre falaise où étaient des sorciers vêtus de noir. Sur la pointe, Europe plus dangereuse, brulait à l’aide d’une torche plantée au sol, une à une, des allumettes pour les jeter dans le vide. Elle avait sur son front le même signe qu’elle. À sa gauche, sur une autre falaise, le Meneur avec un masque accomplissait l’étrange rituel des allumettes. À sa droite, sur une autre pointe, Sébastien Garin stigmatisé, lui-aussi, les copiait, même dessein pour le Conti droit devant. Un soupir vint à chaque fois les éteindre. Plus bas, entre toutes les pointes, flottait un échiquier triangulaire où des pièces d’une grande beauté bougeaient dans un bal fascinant. Ainsi était Forbach ?
En réponse, apparu un ange. Dans son esprit résonna sa parole qui devint rapidement assourdissante. Elle comprit que pour retourner dans son monde, il dut manipuler nombre d’Hommes et continuait en demandant à tous les grands clans d’accomplir des miracles, sous peine que les personnes marquées de son sceau subissent sa colère. En cadeau, une seule faction régnerait. Europe, Amaël et Sébastien enflammèrent leurs allumettes avec plus d’empressement. Chaque brin de feu tombait plus bas, dévoilant une mer d’âmes et d’huile. L’apprentie de l’Agent du Diable, paniqué, regarda l’Ange qui lui fit un clin d’œil. Sur l’échiquier, les rois et les reines s’inclinèrent et les tours s’effondrèrent. Quel rôle pouvait-elle jouer ? Forbach brulerait-il ?
Jeu 29 Sep 2011 - 23:40