Tous rassemblés dans la maison de Dieu

Baron(ne)

*20 novembre 1645*

Les portes étaient grandes ouvertes et déversaient une lumière hivernale dans l’allée centrale. La maison du seigneur était habitée d’une activité inhabituelle en ce jour de l’Avant. Aujourd’hui était un jour de baptême. Le genre de cérémonie qui créait l’événement dans petit village tel que Forbach. L’Annonce de l’Ange avait éveillé la foi dans le cœur de nombreuses fidèles. Des vocations s’étaient révélées par craintes, ou par admiration. Sans que l’on sache très bien ou commençait l’un et ou finissait l’autre. L’Eglise n’avait jamais été autant aimée qu’en cette fin d’année 1645.

Pour l’occasion, le Parvis avait été déneigé, afin de permettre aux carrioles de s’y arrêter. Madame Zimmerman avait fait les choses en grand. Ce n’était le rituel en lui-même qui provoquait son enthousiasme, mais plutôt ce que celui-ci pouvait entrainer. La réunion de l’occident et de l’orient. L’accord entre le cathodique et l’orthodoxe. Cette entente pour laquelle elle avait travaillé depuis le jour où elle avait choisi la France pour terre.
Nastasia lui avait apporté son concours. La voix de l’héritière des Silvanov avait été entendue. C’était la première fois que la famille maternelle de Lou venait en Moselle. Cela ne s’était pas fait sans quelques difficultés. L’étranger était toujours un étranger en campagne. Personne ici n’avait assisté aux diners de la semaine passée dans la belle maison des Maulne. Ou à l’abri du froid les parents de la baronne montrait le sang chaud de leur peuple. On avait murmuré dans le dos des slaves. On inventait des histoires sur la raison de leur regard noir et de leur mine sévère.

Ils étaient là ce matin. Les frères et sœurs de Nastasia Maulne. Seuls les plus proches avaient fait le déplacement. Il y avait aussi les amis du couple Zimmerman. Ceux qui habitaient l’Europe. Ce réseau de connaissances que la pudeur dissimulait depuis des années. Pourquoi tant de personnes ? Pourquoi maintenant ?
La couturière la plus talentueuse de la région avait ses raisons. Des raisons qu’elle n’avait jamais eu le désir de partager. Si ce n’est avec Romain. Romain qui comme toujours la soutenait. Il l’accompagnait dans cette démarche comme dans toutes les autres. Une chose était certaine. Cette réunion était importante. Louisa l’investissait de beaucoup de pouvoir symbolique. Elle voulait ranimer les siens. Ranimer ce village maudis par les démons et les anges. Elle voulait que -pour une fois- la différence soit un choix, une richesse, un pouvoir.

On pouvait ainsi voir les de Saint-Loup, Von Rotterbach, les Maulne, les Valdemar, les Mirova, siéger entre les mêmes murs. Toutes ces personnes étaient liées aux Zimmerman d’une façon ou d’une autre. Louisa les accueillait avec un sourire sans nul autre pareil. Au milieu de toutes ces personnes elle trouvait une paix qui se lisait sur son visage. Cela lui donnait un charme étrange. Pareille à celui de la louve contentée.
La façon dont elle s’était apprêtée participait renforçait cette aura. Elle portait une robe faite par sa mère. Cette virtuose du fil qui n’avait pas encore été égalée. L’une comme l’autre semblait gagner en dignité et en noblesse avec l’âge. Elles saluaient, comme des princesses, qui donnant le passage dans leur domaine. Le plus amusant étant que cette assurance leur était tellement naturelle, qu’elles ne la voyaient même pas.
Dimitri les observait de loin sans savoir que penser. S’il y avait des envoûteuses par ici il en avait peut-être bien deux sous les yeux.

Les jumeaux avaient un peu plus de quatre mois à présent. Ils étaient beaux. Aussi beaux, que pouvaient l’être deux bébés, à qui l’on offrait toute l’attention et la passion amoureuse. Lucile babillait dans les bras de sa grand-mère tandis que son frère était sous les soins de Gabrielle. Les deux dames s’étaient entendues presque immédiatement gonflant le cœur de leurs parents de joie.
Lou remontaient vers les premiers rangs. Elle s’arrêtait devant celui où se tenait Viviane. Ses yeux noirs vibraient d’une joie silencieuse. Enfin ! Oui enfin la trêve commençait et Lou voulait partager cette félicité avec son amie.

La voix de Tobias tonnait rapidement dans son dos. Dans un mouvement vif la dame vêtue de blanc s’était retournée. La complicité ne quittait pas son regard. Bien au contraire.
Les hommes d’Eglise annonçaient qu’il fallait se mettre en place. Le baptême pouvait débuter. Les doigts de la fileuse abandonnaient doucement ceux de la drapeuse. Accompagnés du noble, son pas gracile, avançait vers l’autel où se regroupaient les différents participants, Narcissa, Elena, Antoine ... Tandis que les voix s'éteignaient l'éclat de joie de Lucile implosait contre les vitraux du tombeaux des sorcières.

Baron(ne)

Romain s’était évertué à suivre les « revendications » de son épouse concernant l’évènement. Elle avait déjà plusieurs idées qui se révélaient très bonnes et il n’avait rien trouvé à redire à celles-ci, aussi s’était-il contenté d’un rôle d’exécutant et de consultant pour le baptême de David et Lucile. Cela lui allait parfaitement. Avec David, ils s’étaient mis en tête de réaliser un étang à proximité de la demeure des Zimmerman pour les chaudes journées d’été et d’éventuels soucis lié au feu, aussi il manquait un peu de temps pour réellement faire davantage qu’écouter les idées de son épouse, en soumettre lui aussi et l’aider à décider du déroulement de la cérémonie. Il s’arrangeait ensuite pour faire en sorte que les idées qui finissaient par être choisies soient correctement appliquées. L’idée la plus remarquable était de rassembler la famille ce qui n’avait pas été une mince affaire mais Louisa s’était révélée extrêmement convaincante et c’était avec beaucoup de plaisir que Romain avait vu les Silvanovs – du moins en partie – répondre présents. Plusieurs de leurs proches étaient également de la fête, même si certains avaient du traverser une bonne partie de l’Europe pour cette occasion spéciale. Inutile de préciser que le domaine du Baron et de la Baronne s’était transformé en un véritable hôtel. Miranda avait d’ailleurs fait remarquer à Romain qu’elle ne pourrait tenir la maison seule ce à quoi le père Zimmerman avait répondu en lui affirmant qu’elle n’aurait pas une once de travail pendant le séjour de leurs invités. En effet, ce dernier avait fait venir une bonne vingtaine de serviteurs pour l’occasion qui seraient grassement payés et qui veilleraient au confort des invités ainsi qu’à la préparation des repas. Miranda, tout comme David, étaient invités et, de part ce statut, n’allaient surement pas mettre la patte aux fourneaux même si le Baron avait donné une dérogation à sa royale cuisinière pour mettre son nez dans le menu qui serait préparé.

Alors qu’il se tenait à proximité de sa tante, Gabrielle, qui tenait son fils, David, Romain observait avec beaucoup d’émotions la réussite de cette journée qui s’augurait très paisible et très heureuse. La seule chose qu’il pouvait regretter en cet instant était l’absence de « sa » famille. Louisa avait encore la chance d’avoir une grande famille, même si elle vivait loin et qu’une partie n’avait probablement toujours pas digéré qu’elle se soit mariée à lui, c’était toujours mieux que lui qui n’avait plus que sa tante. Il aurait tant voulu que ses parents soient fiers de lui et puissent connaître leurs petits-enfants. Son père aurait été probablement aussi gâteux que lui et il ne doutait pas un instant que sa mère aurait passé de longues journées en leur compagnie, à leur raconter des histoires sur l’enfance de son fils. Ils lui manquaient énormément. Il n’était pas rare qu’il pensait à eux et, en ce jour, ce manque était plus flagrant encore… Sa tante, qui sembla sentir la détresse de son neveu, posant une main bienveillante sur son bras pour attirer son regard avant d’y plonger le sien et lui transmettre une joie communicative qui chassa bien rapidement sa tristesse. Il jeta un œil sur David, lui sourit doucement et alla à la rencontre de quelques invités pour initier une discussion discrète qui l’aiderait à continuer d’aller de l’avant et de ne plus songer à ses parents afin de tenir le coup jusqu’à la fin de la cérémonie religieuse. Il jeta un œil sur son épouse qui chapeauté l’ensemble du baptême et semblait heureuse. Elle était entourée des siens, comment en aurait-il pu être autrement ? Souriant et un peu plus bavard, il attendit le début des évènements en compagnie d’un de ses partenaires d’affaires venu d’Europe centrale et à qui il pouvait rarement rendre visite mais avec qui il conversait souvent de manière épistolaire.

Après quelques instants, ils furent appelés au silence. La cérémonie pouvait enfin commencer. Rejoignant son épouse pour se tenir à ses côtés, il attendit patiemment que le prêtre commence son office. Il avait hâte que cela soit terminé. Il n’avait rien contre l’Eglise mais il en pouvait s’empêcher de trouver l’endroit un peu oppressant malgré la beauté des vitraux et le sacré travail qu’avaient réalisé les artisans pour la restauration des lieux. Son regard s’était légèrement détourné vers Lucile dont les babillements égayaient encore de leurs échos la pierre froide et grise du bâtiment. Il était difficile de faire taire des enfants de quelques mois mais généralement leurs « bruits » étaient tolérés pendant l’office, après tout quoi de plus normal. Il espérait seulement qu’ils ne seraient pas trop effrayés par la cérémonie que certains enfants avaient parfois du mal à accepter. L’eau n’était pas l’élément favori de tous les bébés. Il prit la main de son épouse dans la sienne et lui adressa un sourire amoureux, comme celui qu’il lui réservait à elle seule avant de se concentrer sur le prêtre qui commençait à parler. Cette « réunion de famille » avait quelque chose de magique, et pas seulement à cause des Sorcières qui composaient le tableau, car, oui, Romain en connaissait quelques unes depuis longtemps maintenant…

Fugitive

C’était une véritable prouesse que d’avoir réussi à réunir sous le même toit, fut-ce celui de l’Eglise, des gens de bords si différents. Europe se demandait si Louisa Zimmerman réalisait la pleine mesure de son exploit. Sans doute pas, car n’étant pas au courant de l’identité occulte des personnes ici présentes. Aujourd’hui Olrun et Lys, sensés pourtant n’avoir aucun contact, se mélangeaient les uns avec les autres et se dissolvaient au sein même du reste de la foule mouvante, sans différenciation aucune, unis dans les sourires et la liesse. En oubliant un instant les stigmates ornant les fronts et cette terrible promesse de mort, pour ne plus se concentrer que sur les deux flammes jumelles de vie qui avaient jailli au monde quelque mois plus tôt. Un hommage brut. Quelque chose de très fort qui faisait rappeler que tous ici –russes, français, sorciers, non-sorciers, Olrun, Lys- n’étaient finalement que des hommes.

La Grande Prêtresse se tenait comme d’habitude à l’écart. En premier lieu car il se trouvait ici de nombreuses personnes qu’elle ne désirait pas croiser. Les sorcières du Lys Noir tout d’abord. Mais celles de sa propre tribu aussi, dont Viviane avec qui Europe se trouvait en termes froids, ainsi que l’énigme ambulante répondant au nom de Narcissa dont la Grande Prêtresse se méfiait comme de la peste à présent qu’elle retrouvait, disait-on, ses souvenirs. Elle aurait en revanche bien aimé échanger quelque conversation avec les proches slaves de la Baronne, des gens d’apparence intéressants et cultivés, mais n’osait se mêler à la foule. Préférant se cantonner à son rôle habituel: ne pas partager les réjouissances, se contentant de veiller dans l’ombre au bon déroulement des opérations. Car elle était surtout là en tant qu’observateur, prête à intervenir au moindre dérapement, ce qui n’aurait pas été surprenant vu que chaque rassemblement à Forbach avait la fâcheuse tendance à se terminer inévitablement en pugilat.

Bon, d’accord, elle était là aussi pour d’autres raisons. En premier lieu car il convenait d’apparaître publiquement à cette assemblée qui célébrait tout de même la naissance des enfants de Romain Zimmerman, généreux donateur et ami d’Olrun. Elle trouvait que cet homme ressemblait beaucoup à Adrien dans sa manière d’être. Il n’y avait qu’à voir les regards amoureux dont il couvait sa femme et les deux silhouettes gesticulantes dans leurs bras… La famille nucléaire avait un sens extrêmement fort pour ces gens; cela se voyait sur leurs visages. Elle était leur raison de vivre et la source de leur bonheur. Leur quotidien tournait exclusivement autour d’elle. La protéger était l’obsession de toute une vie. La voir s’épanouir, la plus belle récompense… Europe sentit un reflux gastrique acide lui perforer l’intérieur du ventre. Elle dut mobiliser sa volonté pour ne pas laisser apparaître sur son visage une grimace outrageante de jalousie pure. Ces gens éclaboussaient sans soucis la Grande Prêtresse avec leur bonheur, voltigeant au milieu d’une pléthore d’amis, un sourire ineffaçable au visage, serrant dans leurs bras un enfant… Exposant ostensiblement et cruellement à Europe ce que cette dernière savait pertinemment qu’elle n’avait pas et n’aurait jamais. Elle n’aurait jamais autant de véritable amis, rassemblés en un même lieu. Elle n’aurait plus jamais de congratulations aussi sincères. Personne ne se réjouirait avec enthousiasme de son bonheur –sous réserve qu’elle soit jamais heureuse. Elle n’aurait jamais quiconque qui l’aimerait d’un amour aussi inconditionnel que celui de Romain Zimmerman envers sa femme. Et elle n’aurait jamais d’enfant. Surtout pas avec Louis, qui n’en avait jamais voulu. Qui n’avait même jamais voulu s’allier aux Eléanora-Sun et institutionnaliser leur union. Louis, qu’elle ne fréquentait plus depuis longtemps. Qu’elle n’aimait plus depuis longtemps. Pourtant, elle avait sincèrement crû qu’il serait l’homme de sa vie… Elle s’était imaginée construire avec lui un futur digne de ce nom, qui ressemblait tant à celui des autres, ce genre de futur qui lui semblait futile mais qu’elle désirait au plus haut point. Elle s’était imaginée bercer sa progéniture dans ses bras, l’élever de la meilleure façon, la défendre envers et contre tout. Quelqu’un à protéger, à aimer de toute ses forces… Cela ne s’était jamais produit. La seule chose qu’elle avait à défendre était son trône, et elle le faisait farouchement, telle une vipère devant l’attaque d’une meute de chiens sauvages. Car ceux qui voulaient la détrôner étaient loin d’être blancs comme neige! Mais elle demeurait la pire de toute. Celle qui, à l’écart d’une foule en liesse exempte de haine et venue célébrer une double naissance, était incapable de se réjouir du bonheur d’autrui.

Europe resta le temps de la cérémonie religieuse, afin de faire ce qu’elle était venir faire: acte de présence. Ni plus, ni moins. A la fin, tandis que tout le monde se levait et que l’Eglise bruissait de nouveau d’un concert de voix enjouées, la Grande Prêtresse se retira silencieusement et nul ou presque ne remarqua son départ.

Aguerri(e)

Le jour J était enfin arrivé. Dans une robe à multiple corsage sur l'extérieur des bras et le tronc, un autre dans le dos. Les liens des corsages étaient en blanc alors que le tissu de la robe était en velours bleu ciel. La robe n'était pas signée Louisa mais sa petite couturière d'Au fil du temps, recherchée et pourtant simple. L'accès aux nouveaux tissus grâce aux contacts de la Baronne avait permis d'enrichir sa collection et ses projets. Fière dans cette tenue d'apparat, la jeune femme c'était mêlée à la foule déjà nombreuse dans l'espoir de profiter de sa filleule quelques instants avant la cérémonie. Malheureusement elle n'était pas la seule à vouloir approcher les deux raisons de cette heureux évènement.

Les dernières décorations avaient été ajoutés à l'Eglise de Zetting. La jeune femme avait négocié avec le prêtre sans trop forcer pour décorer cette église un peu austère en un lieu légèrement plus fleuri et plus gai. Les deux enfants avaient été accompagnés par leurs parents et une partie de la famille de Louisa. Le visage froid des contrés russe marquait ces gens au regard sombre et sur chacun d'eux on pouvait voir la même grâce et la magnificence. Une prestance qui imposait le respect. Elena resta scotchée la première fois qu'elle les vit tous arrivé et avait manqué de restée la bouche béante d'admiration dans la demeure des Zimmerman. Mais elle devait prêtée attention au déroulement de la cérémonie car elle orchestrait avec Louisa la suite des évènements. Les deux femmes, épaulées par le Baron en personne et une poignée d'autres personnes avaient organisé et œuvré pour un baptême digne de ce nom. Elena avait d'ailleurs peut-être un peu forcée la dose sur les décorations en rajoutant des fleurs par-ci par-là. Mais tout ceci avait encore accrue sa complicité et sa sympathie avec la couturière.

Cependant, quand la famille de Louisa était présente la jeune femme ne se sentait plus à sa place et laissa humblement la famille profiter de Louisa. Assise deux rangs derrières, elle laissa le prêtre officier tout en lissant ses gants de soie par nervosité. Tout se déroulait comme prévu. Le baptême allait bientôt être célébrée et la sainte onction serait donnée. Et les pensées de la jeune femme divaguèrent lentement quand elle posa ses yeux sur les épaules de Louisa. Elle se sentit seule dans une bulle qui la séparait du reste du monde. Son regard fit le tour de la salle passant sans s'arrêter sur quiconque. Elle n'écoutait plus le prêtre qui dévoilait des passages de la Bible et célébrait Dieu. Elle chercha ce qui l'avait fait venir ici.

Une rencontre plutôt fortuite avec une femme avec qui elle n'avait forcément de lien. Une proposition. Une passion partagée sur les livres. Une expérience inédite. Les images défilaient, libérant une sorte de satisfaction et de tendresse sur la naissance des liens entre les êtres humains. Puis soudain l'image de cet ange tirant plutôt vers le cauchemar effrayant s'imposa à elle et elle eu un léger sursaut qui la ramena à la réalité. Elle papillonna des yeux avant de se recentrer sur la cérémonie. Il était vrai que les rassemblement forbachois étaient une occasion pour faire naître les conflits et faire mourir les habitants sans aucune pitié. Cet ange était une preuve que cette ville n'était qu'un amas de petits groupe. Les sorciers passaient leur temps à se livrer une guerre qui durait depuis trop longtemps, les habitants subissaient les affres de ces batailles, encaissant les dégâts collatéraux et qui était le troisième clan au juste? Les simples habitants, victimes? Est-ce que Lys et Tribu d'Olrun étaient deux clans bien séparés dans l'apparition de l'ange? L'inquisition était le dernier pion, le pion noir. Celui qui par la grâce de Dieu se voyaient couvert de tout acte était ceux qui cachaient le plus leur véritable nature.

Si les sorcières se cachaient, c'était parce qu'elles étaient chassées pour accepter une autre religion et repousser les limites de l'humanité actuelle. Alors que les inquisiteurs, eux, ne se cachaient pas de leurs identités, par ailleurs, leurs véritables intentions étaient loin d'être aussi noble et pure que l'inspirait cette institution du Vatican. Elle cessa ces réflexions sur cette pensée et se dit que la cérémonie terminée et la fête passée, il était temps d'agir pour sa tribu. Elle trouverait la raison de ce symbole qui ornait à présent le front de son Meneur. Elle s'y engageait.

Vieille peau fripée à pustules

Viviane souriait. En cette froide journée de novembre, elle se sentait heureuse et apaisée. Loin d'elle tous les soucis et les tracas de sa vie, aujourd'hui, tout était beau. De l'épaisse couche de neige qui recouvrait l'ensemble de la ville au soleil qui riait dans le ciel, rien ne manquait pour que le tableau soit charmant. À ses côtés, Cassandra et Narcissa souriaient également. Le baptême des jumeaux Zimmerman était l'événement populaire que tout le monde attendait avec impatience, quelles que fussent leur croyance. Sorcière, Inquisiteur, ou simple habitant, tout le monde avait sa place en cette journée. Et tout ça, c'était en particulier grâce à une personne : Louisa. Elle avait se don d'être capable de se faire aimer de tous. C'était une femme qui ne manquait pas de personnalité et dont le tempérament enjoué était difficile à ne pas apprécier.

Cassandra, Narcissa et Viviane avaient décidé d'aller à pied à l'église de Zetting, après tout, cela ne représentait qu'un quinzaine de minutes, ce n'était pas grand chose. L'air frais leur avait fait du bien à toutes les trois, elles avaient bonne mine avec ces joues rosées. Discutant en toute simplicité, elles riaient beaucoup, imaginant toutes sortes d'histoires rocambolesques. Il n'était plus question pour quelques heures de ce que David avait fait, il n'était plus question des blessures et des douleurs, il était question de bonheur, tout simplement. Si Narcissa avait encore peine à croire et à accepter qu'elle était la marraine d'un des princes de la journée, elle n'en n'avait pas moins trouvé des cadeaux merveilleux pour tous enfants les Zimmerman. Et puis, devant le bébé, comme tout le monde, elle fondait littéralement. Mais avec cette petite bouille rose et souriante, qui aurait pu faire autrement ?

Quand l'église fut en vue, elles pressèrent le pas, toute à la joie et à l'excitation de la cérémonie. Voir tant de monde réuni pour un événement heureux était une chose rare à Forbach, il fallait pouvoir en profiter au mieux ! Entrant dans l'église, Viviane repéra de nombreux visages familiers : Antoine, Europe, Anna, le petit Dimitri et bien d'autres encore. Pour une fois, elle ne se sentait pas intruse dans cette église, elle s'y sentait même à sa place. Bien sûr, les circonstances étaient spéciales, mais c'était tout de même agréable !

Viviane s'installa auprès de sa sœur alors que Narcissa allait rejoindre les autres parrains et marraines près de l'autel. La suivant du yeux, elle croisa le regard d'Antoine avec qui elle échangea un sourire. Elle ne savait pas très bien où ils en étaient tous les deux, mais une chose était sûre, elle ne détestait pas être en sa présence, même s'il faisait partie du Lys. C'était lui qui l'avait sauvée, qui lui avait permis d'éviter un naufrage qui lui semblait pourtant inévitable. Il l'avait soutenue toujours, ne jugeant jamais ce qu'elle avait fait. Aujourd'hui encore, elle était incapable de se pardonne, cependant, grâce à Antoine, elle était capable de pardonner.

Lorsque la cérémonie commença, Viviane observa un silence religieux, concentrée sur les paroles du prêtre. Tout n'était si mauvais que cela dans ce qu'il disait, il y avait même de bonnes choses. Et même si Viviane ne croyait pas en l'existence du Dieu des Chrétiens, elle devait admettre qu'il n'était pas aussi terrible qu'elle n'essayait de s'en convaincre. Diaboliser les Chrétiens ne mènerait à rien d'autre qu'une surenchère de mesquineries de tragédies.

Le joyeux babillage des bébés était adorable, et Viviane ne pouvait s'empêcher de s'en attendrir, tout comme Narcissa dont elle guettait les réactions du coin de l’œil. Les chants qui avaient été choisis pour cette cérémonie était vraiment beaux, et Viviane se sentit comme transportée. Tout concourrait à ce que cette journée se passe pour le mieux, et c'était très bien ici. Rien ni personne ne pourrait apporter un voile d'ombre, pas même Europe qui considérait sans doute qu'elle avait fait son devoir puisqu'elle s'éclipsa discrètement avant même que la cérémonie ne soit terminée.

Oui, décidément, cette journée de novembre avait tout pour lui plaire.