The Witch Slay
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 Les doutes m'assaillent

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AuteurMessage
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Les doutes m'assaillent Vide
MessageSujet: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeVen 19 Fév 2010 - 15:05

    « Votre infusion monsieur »
    « Mmmm ? Posez là devant la cheminée. »

    Le domestique fit ce qu’on lui demandait puis se retira sans un mot. Sébastien Garin n’aimait généralement pas que l’on traîne dans son environnement. Comme à son habitude, le Second était en train de lire on ne savait quel rapport juste en dessous de la fenêtre, où un petit sofa bien confortable était installé. Un rayon de soleil, si rare à Forbach traversait la fenêtre et passait à travers ses cheveux. La fin de matinée approchait, et le soleil tapait fort. Sébastien Garin lâcha alors son papier et exposa son visage au soleil, si bienfaisant. Pour une rare fois, il sourit, et il eut presque l’air féminin. Il posa son papier sur un coin du canapé et se tourna complètement face au soleil. Il eut presque l’air apaisé, les soucis que rencontrait l’inquisition s’envolèrent.

    Cela faisait combien de temps qu’il n’avait pas été en paix comme ceci ? Des siècles non ? Sébastien Garin/ Sarah Geisler avait énormément souffert au cours des ces deux dernières années écoulées. Alors qu’elle cherchait à toute force d’enterrer son passé, la première année face aux ruissellements des souvenirs, le visage du Frère François revenait sans cesse, et cette… scène horrible à chaque fois qu’elle buvait. Pendant plusieurs semaines elle n’avait bu que ce qui était strictement nécessaire et avait frôlé la déshydratation. Et lorsque ce problème là fut réglé, les fantômes sortirent de l’enfer pour harceler les habitants. Le fantôme qui pourchassa Sarah Geisler fut celui… du Frère François. Mort exécuté l’âme en peine avait toutes les chances d’en vouloir à celle qu’il avait violé et qui l’avait tué en retour. Cette année fut excessivement pénible encore une fois pour le second de Louis Institoris. Alors que Sarah Geisler était harcelé par l’âme de son violeur, Sébastien Garin devait gérer la cohabitation avec les exorcistes, et dans les deux cas, il n’y avait aucun répit, ni le jour ni la nuit. Son fils y avait quasiment échappé, bien qu’une fois il ait fait un très beau rêve où un homme qui ressemblait furieusement à David Noistier l’avait accompagné.

    Comme Sarah Geisler aurait aimé avoir le fantôme de David Noistier à la place de celui du Frère François ! Elle aurait passé une année à lui dire combien elle regrettait, combien il lui manquait, mais tout était si définitif, et les joies de son adolescence était désormais inaccessibles derrière un mur infranchissable. Au lieu de ça, il avait fallu que ce soit le pire monstre qui la choisisse et en fasse sa victime, comme un vengeance d’outre tombe. Louis Institoris avait été d’une patience assez étonnante en cette circonstance : il avait pardonné à son second de ne pas être à ce qu’il faisait, mais n’avait jamais su la vérité.

    Sébastien Garin s’arracha de la fenêtre et fit un dernier tour de tout. Tout était net, bien rangé, et il était habillé d’une façon tout à fait correcte : Pantalon blanc, bottes de cuir noir, et une chemise blanche brodée. C’était ce qu’il avait de plus beau à mettre. L’Oracle serait bien accueillie.

    Sarah Geisler se souvint de son exorcisme. Alors qu’elle avait fini par être alité, que ses dernières défenses mentales s’effritaient, le Frère François avait été renvoyé dans l’au-delà. Le Second de Louis Institoris lui en avait été follement reconnaissant, et avait incité Louis Institoris à lui faire tous les honneurs. Sébastien Garin avait dû être parmi les premiers à se rallier à l’Oracle. Mais la situation avait changé quelque peu depuis.

    Alors que Sébastien Garin assumait complètement ses fonctions sans maladie ou faiblesses quelconques pour la première fois, il prit à cœur les intérêts de l’Inquisition. Assez vite, il fut inquiété par la montée de l’Oracle. Elle prenait beaucoup d’influence auprès de la population, et le discours qu’elle prononça face aux Inquisiteurs ne le satisfaisait pas. Ayant des problèmes à communiquer avec son Supérieur, Sébastien Garin lui avait écrit une lettre. Pas encore de réponse. Face aux interrogations qu’il s’était posé, il avait fini par inviter l’Oracle, on ne la convoquait pas. Il espérait qu’autour d’une infusion, elle lui expliquerait ce qu’elle comptait réellement faire et si possible apprendre ce qu’elle savait des sorcières.

    Sarah Geisler s’était jurée de quitter l’Inquisition et de retourner à Nancy et tout dire à ses parents, puis vivre sa vie. Mais tant que sa mission à Forbach n’était pas finie, elle ne pourrait pas redevenir elle-même. Alors si l’Oracle savait quelque chose qui pourrait accélérer la chute des Sorcières, elle le ferait.

    On frappa à la porte.

    « C’est bon laissez entrer. »

    Adossée à son bureau Sarah Geisler fit un hochement de tête à l’attention de l’Oracle, puis lui indiqua les fauteuils près de la cheminée.

    « Asseyons nous tout de suite voulez vous ? J’aurai quelques questions à poser, j’espère ne pas vous retenir trop longtemps. »

    Le Second de Louis Institoris jeta encore une bûche dans le feu avant de s’asseoir.

    « Votre mission à Forbach se déroule bien ? Pas d’incidents ? »

    Il versa de l’eau chaude dans deux tasses.

    « Excusez moi j’ai oublié de vous demander. Une infusion ? »

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L'Oracle
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Les doutes m'assaillent Vide
MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeSam 20 Fév 2010 - 19:44

Les nuages se dissipaient.
Ce n’était pas seulement un phénomène météorologique. L’éther retrouvait peu à peu une dimension pure et neuve à mesure que les nues de ouate terne désertaient son infini d’azur. Ce qui était auparavant d’une rareté désagréable et presque désespérante, était en train de réinvestir ce monde aux âmes flottantes et tristes, tourbillonnant dans un ballet imprécis. Des rayons de soleil rendaient l’univers plus lumineux. Le printemps n’était pas encore tout à fait installé mais déjà, on pouvait sentir sur la peau sa bienfaisante chaleur.
Ce n’était pas qu’un phénomène météorologique. C’était une métaphore à lui tout seul.
Les nuages se dissipaient au dessus de Forbach.

L’Oracle, perchée sur son poulain d’un blanc platiné, avançait en procession à travers les ruelles boueuses de la ville, flanquée comme de coutume de ses deux gardes du corps personnels montés sur des étalons d’ébène, ainsi que d’un cortège de villageois curieux qui tentaient d’avancer au même rythme qu’eux, observant de leurs yeux ébahis cette petite fille dont tous parlaient tant et à qui, semblait-il, ils devaient le salut de leur âme et la délivrance de leur ville. La fillette en question, ses cheveux battant dans la brise, leur jetait parfois un regard, et alors les braves gens amassés baissaient pieusement la tête, désireux de ne pas paraître indiscrets et retournant de suite vaquer à leurs occupations.
La mission se poursuivait. Malgré toute la meilleure volonté du monde, il restait tant de personnes à voir! Le peuple était nombreux et agité, et il avait soif de miracles. L’existence même de la Parole de Dieu en ce monde constituait sans doute à elle seule, un présent non négligeable.

Elle arriva finalement en vue de la Collégiale où sur un ordre de ses gardes, leurs montures furent conduites à l’écurie. Après quoi, quelques Inquisiteurs les firent pénétrer dans le bâtiment d’architecture que l’Oracle jugea assez austère, et les précédèrent dans un dédale de couloirs afin de les conduire à Sébastien Garin, le Second du Père Inquisiteur. La Parole de Dieu avait déjà eu le loisir de l’observer, ainsi que ses actions, à travers la Mémoire commune; et elle en gardait l’image d’une personne calme, responsable, sur laquelle on pouvait compter, mais cependant secrète et empreinte d’une indicible tristesse.
Les Inquisiteurs l’introduisirent finalement et l’Oracle pénétra dans une salle de taille moyenne où se trouvait son interlocuteur; les Inquisiteurs, après un salut, s’en allèrent et ses deux gardes du corps se placèrent de part et d’autre de l’encadrement de la porte, croissant les bras et sombrant instantanément dans une immobilité parfaite, le menton haut, silencieux et attentifs.
L’Oracle s’aperçut tout de suite qu’un effort de rangement et d’habillement avait été fait, ce qu’elle apprécia: la pièce était en ordre, neutre et son propriétaire y avait mis les formes en choisissant des vêtements propres et très convenables. Ce qu’elle apprécia moins en revanche, c’était que Sébastien Garin semblait avoir l’intention d’inverser les rôles. « asseyons-nous », « j’aurais quelques questions »… D’ordinaire, c’était en général elle qui tenait ce genre de discours. Mais il était inutile de se formaliser si vite, surtout si cela pouvait gâcher l’entretien. Et puis, pour la plupart des interlocuteurs, converser avec un être d’un si jeune âge apparent rendait souvent à leurs yeux le rapport d'autorité beaucoup moins évident. Aussi la fillette obtempéra-t-elle et prit-elle place sur un des fauteuils désignés avec toujours sur son visage, une neutralité absolue.


« Merci de nous recevoir, Sébastien Garin. En effet, nous sommes également pressées par le temps, c’est pourquoi nous tâcherons d’aller droit au but. » Elle considéra un instant l’infusion que lui proposait le Second de l’Inquisition. « Très volontiers. »

L’Oracle marqua une pause, se remémorant les questions qui lui avaient été posées. Les questions que tous se posaient, en réalité. Les flammes du foyer projetaient sur son visage des éclats fauves qui se mouvaient sans interruption.

« Notre mission se déroule bien, merci de vous en inquiéter. Il y a bien sûr quelques petits heurts inévitables… (l’allusion allait directement à l’attitude de Gabriel Touchedieu) mais globalement, tout se passe au mieux; nous faisons d’ailleurs notre possible pour qu’il en soit ainsi. »

La Parole de Dieu se tut instantanément après ces paroles succinctes. Le silence s’installa de suite, rompu seulement par les crépitements spasmodiques de l’âtre. Un silence qui dura longtemps, très longtemps. Volontairement. L’Oracle l’avait introduit et était bien décidée à y mettre un terme au moment précis où elle le souhaiterait, ni avant, ni après. D’ailleurs, le regard avait lequel elle fixait Sébastien Garin en ce moment même était sans équivoque; elle n’aurait toléré aucune interruption de ce blanc qui s’étendait et s’épaississait jusqu’à devenir gênant. Ce qui était d’ailleurs le but recherché: voir à quel instant il deviendrait mal-à-l’aise. Un silence valait souvent mieux que mille mots, c’était le b.a-ba de la négociation. Durand celui-ci, l’Oracle plongea ses yeux dans ceux du Second de l’Inquisition clairs comme du cristal chaque fois que c’était possible, c’est-à-dire quand il ne détournait pas le regard pour s’occuper de leur thé.
Finalement, après de longues minutes, l’Oracle reprit la parole.


« Bien. Vous brûlez manifestement d’envie de nous poser certains questions, Sébastien Garin, aussi nous vous enjoignons à le faire. Mais avant, souvenez-vous que savoir… savoir est un redoutable fardeau. C’est une arme à double tranchant. Elle peut vous aider comme vous mettre plus en danger que vous ne l’avez jamais été. »
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Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
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Sébastien Garin


Les doutes m'assaillent Vide
MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeDim 21 Fév 2010 - 0:47

    Sébastien Garin eut du mal à comprendre le silence pesant que l’Oracle installa d’office, et ce ne furent pas les gardes du corps postés comme des statues de marbre derrière qui le brisèrent. Certes, il n’était pas difficile de comprendre pour quelqu’un comme le Second qu’un rapport de force était en train de s’installer, mais ce qui lui échappait en fait, c’était la raison de ce rapport de forces. Aurait il mis l’Oracle en position de faiblesse en prenant en main le début de l’entretien ? C’était dommage, car ce n’était pas l’intention, mais elle pourrait le devenir si l’Oracle continuait à affirmer sa position de force. Par trois fois Sébastien Garin voulut reprendre l’initiative, par trois fois il dût renoncer, l’aura de l’Oracle était trop imposant, ne laissait pas de place à la conversation. Le Second cacha son dépit en buvant son thé épisodiquement. Puis, tant qu’à supporter ce jeu de regard, Sébastien Garin décida d’entrer dans le jeu.

    Il supporta aussi longtemps que nécessaire le regard fixe et déshabillant. C’était un regard dérangeant, car on avait réellement l’impression d’être mis à nu, mais ce n’était qu’une impression n’est ce pas ? Personne ne pouvait voir dans l’âme des gens, et Sébastien Garin prit bien soin de ne pas invoquer les souvenirs de Sarah Geisler, se concentrant sur le moment présent avec une force de focalisation assez surprenante. Il se demanda brièvement ce que l’Oracle pouvait voir à travers son regard, mais la question fut vite balayée. Au regard fixe de l’Oracle, il répondit par un regard ferme, qui ne cédait pas un pouce de terrain. Il en allait des intérêts de l’Inquisition.

    Ce fut l’Oracle qui signala le moment où Sébastien Garin pouvait poser ces questions. Bientôt il faudrait lui demander audience.

    « Je vous remercie, Oracle. » Petit sourire narquois « pour votre permission et votre avertissement. Cependant, il est nécessaire à mes yeux que certains points soient éclaircis. A mes yeux, on ne transige pas avec la vérité. » disait celle qui avait une double identité.

    Sébastien Garin prit une dernière gorgée de son infusion puis se carra dans son fauteuil, et s’adossa bien contre le dossier. C’est dans cette pose détendue qu’il put repartir :

    « Vous vous souvenez très certainement du soutien que je vous ai manifesté très tôt, dès mon exorcisme en fait, et vous pouvez me compter parmi vos soutiens. Cependant, étant bien entendu présent lors du discours que vous avez prononcé face aux inquisiteurs, il y a certains points qui m’ont fait tiquer. Je comprends parfaitement votre désir de ne pas trop en dévoiler à propos de ces sorcières, afin de ne pas faire capoter l’opération, mais il n’empêche, il y a des choses que vous savez et que l’Inquisition aurait besoin de savoir. »

    Il se redressa et se reversa une tasse de thé, toujours aussi détendu en apparence, mais ce n’était réellement que de l’apparence.

    « Le Savoir est une arme à double tranchant me disiez vous. Oui, mais c’est une arme, et nous sommes mal armés dans notre lutte contre les Filles du Diable. Je donne ma parole que ce que vous direz ne sera connu que d’une autre personne, qui est monsieur Institoris. Je ne suis pas de suffisamment noble naissance pour me prévaloir des notions d’honneur, mais croyez moi j’ai suffisamment de discipline pour tenir ma parole. » et pour jouer à la perfection un autre rôle.

    « La principale question que je me pose, c’est sur ce « Gardien » que vous aviez cité. Visiblement, il s’agit d’un personnage important parmi les sorcières, j’aimerais en savoir autant que possible sur celui-ci. »

    Il faillit rajouter « si cela ne vous dérange pas » mais vu comment avait commencé l’entretien, une telle ouverture condamnerait la suite. Sébastien Garin se carra bien contre son dossier, prêt à accueillir sereinement les révélations. En apparence.
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L'Oracle
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MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeDim 21 Fév 2010 - 2:24

Tout le temps que durèrent les propos du Second de Louis Institoris, l’Oracle garda un silence religieux, écoutant sans mot dire et très attentivement les paroles de son interlocuteur. Elle semblait avoir sous-estimé sa bonne foi; après tout, il était vrai que dans l’estime que lui portait Sébastien Garin, il y avait aussi de la reconnaissance pour l’avoir délivré de ce fantôme un peu trop entreprenant. Mais la Parole de Dieu pressentait que cette entrée en matière franche et directe allait lui servir éminemment pour la suite de l'entretien, même si elle ne se justifiait pas dans l'immédiat. Car Sébastien Garin, c’était le cas de le dire, n’était pas du tout ce qu’il semblait être. Une arme tordue, tourmentée, dotée d’un bon sens pratique mais qui laissait invariablement le cœur dicter sa conduite à la raison, comme l’avaient prouvés les différents événements marquants de sa vie. A vrai dire, la fillette n’avait pas eu le temps de tout examiner en détail, lors de ses plongées dans le regard clair de son interlocuteur; cependant elle avait saisi les grandes lignes et c’était amplement suffisant. C’est pourquoi, en réponse aux premières paroles du Second de l’Inquisition sur la vérité à tout prix, l’Oracle se permit de sourire.

« Oh… Il est assez amusant de voir que vous tenez de tels propos. Mais nous vous en prions, poursuivez. »

La messagère du Seigneur, le dos très raide et droit renforçant son air digne, sirota son infusion à petites gorgées sans vraiment en sentir le goût, concentrée comme elle l’était sur le dialogue. A vrai dire, elle comprit sans peine au bout d’une ou deux phrases le sens général de la conversation: l’Inquisition, malgré sa gratitude, avait de nombreuses inquiétudes et se méfiait d’elle par peur qu’elle ne marche sur leurs plates-bandes comme cela s’était produit avec les Exorcistes. L’Oracle, tout en continuant bien sûr de feindre un intérêt poli, se désintéressa vite de cette partie de l’entretien pour se focaliser sur un examen physique de Sébastien Garin. Son aspect androgyne venait confirmer les souvenirs qu’elle avait pu lire dans ses yeux si clairs et mélancoliques: un visage aux traits fins, un corps relativement peu féminin, des cheveux d’un noir de jais dont les mèches tombaient parfois devant ses prunelles. Inutile d’ailleurs de posséder la Mémoire commune pour le comprendre: son aura de tristesse se suffisait à elle-même. Dans cet entretien, Sébastien Garin gagnerait sans doute à en apprendre plus sur sa personne.

« Nous nous souvenons évidemment de ce soutien que vous nous avez manifesté, et nous vous en remercions grandement »
fit-elle en esquissant un sourire de politesse. « Car il est pour nous, une des choses qui compte le plus, et la plus grande récompense à nos yeux pour l’œuvre que nous accomplissons. »

L’Oracle finit tranquillement son thé et, après une dernière gorgée, posa la tasse vide sur la table en remerciant Sébastien Garin d'un signe de tête. Puis elle entreprit de fournir une réponse à sa question, tâchant de le mettre en confiance en choisissant soigneusement ses mots. Les gardes du corps, à l’entrée, n’avaient toujours pas bougé d’un millimètre.

« Le Gardien, est le principal personnage d’un mythe sorcier destiné avant tout à expliquer la présence et les origines d’une élite au sein des Sorcières » expliqua-t-elle d’une voix posée. « D’après la légende, une ancienne lignée de Filles du Diable était chargée de la protection du clan entier, ayant conséquemment le devoir de pallier à des dangers trop grands grâce à une sorte de pouvoir de prescience. Ils s’agissaient donc des membres les plus fervents de la tribu, qui concentrèrent cet héritage dans une pierre transmise pendant des générations par primogéniture féminine. Jusqu’à ce que cet héritage arrive entre les mains d’Abigaël Asmaloth, aujourd’hui décédée. C’est pourquoi l’élection d’un nouveau Gardien est un symbole fort pour les Sorcières qui vivent des temps pénibles; afin de le nommer elles se réunissent toutes, les deux clans compris, pour élire un nouveau protecteur. »

Un grand silence profond s’installa derechef entre les protagonistes, silence que l’Oracle mit à profit pour observer un instant par la fenêtre. Elle y vit, dans la cour, des Inquisiteurs qui jetaient des regards à la fenêtre de leur dirigeant en Second, sans doute dans l’espoir d’apercevoir la Parole de Dieu. Celle-ci tourna de nouveau son regard impavide sur son interlocuteur et parla d’une voix, comme de coutume, totalement neutre.

« Nous espérons avoir répondu à votre question, Sébastien Garin, et ainsi que vous soyez pleinement assuré de nos bonnes intentions. Nous ne le répéterons jamais assez, mais nous n’avons à cœur que le bien commun de Forbach et la mission d’assurer celui-ci passe par celle d’un exorcisme collectif –déjà entamé d’ailleurs. Pour cela, nous avons besoin de toute l’aide et de la coopération de la population, qu'elle soit Inquisiteur ou autre. » L’Oracle marqua une pause et, débloquant son dos très droit depuis le début de l’entretien, se pencha légèrement vers le ‘’jeune homme’’. « Nous voyons bien que, malgré votre décontraction apparente, vous avez quelque inquiétude. Cependant celle-ci ne se dissipera que si vous acceptez de laisser de côté les doutes qui vous assaillent… Laissez-nous prendre les choses en main et détendez-vous. La relaxation favorise l’apprentissage et la communication: plusieurs études l’ont prouvé. » Elle sourit, légèrement. « Malgré vos doutes, vous êtes parfaitement à votre place, Sébastien Garin. Vous faites partie de tout et tout fait partie de vous. Tout ça doit couler. Plus vous résisterez et plus vous souffrirez. Plus vous vous laisserez porter par le mouvement et plus se sera facile, plus vous serez plein. Entier. »
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Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
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Sébastien Garin


Les doutes m'assaillent Vide
MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeMar 2 Mar 2010 - 1:07

    Sébastien Garin écoutait toutes ces informations avec avidité. Enfin quelque chose de nouveau qu’il apprenait sur les sorcières, cela faisait si longtemps. Mais ce qui le frappa encore plus c’était le nom d’Abigail Asmaloth, qui avait été justement la dernière sorcière capturée. Sébastien Garin avait assisté à son emprisonnement par un Touchedieu puant de fierté, tenté d’interroger la folle et enfin il avait lui-même supervisé en personne sa pendaison. Il se souvenait de la langue boursouflée de la sorcière qui pendait alors qu’elle s’étranglait…

    « Abigail était le dernier Gardien ? Les fantômes ont eu raison d’elle alors. Vous n’êtes pas sans savoir qu’elle fut arrêtée avant l’hiver et j’ai supervisé son exécution. Je ne vois pas alors de quels pouvoirs spéciaux elle disposait. »

    Mais il cessa d’être sceptique. Il était bien sûr évident que dans l’état mental où elle était, Abigail Asmaloth n’était pas en état de protéger quoi que ce soit ou d’assurer n’importe quelle responsabilité. Et puis, Sébastien Garin était naturellement enclin à croire au surnaturel, pour lui tout était possible, surtout ici. Alors qu’un personnage de cette sorte existe ce n’était pas contradictoire… Et puis cela avait l’avantage d’expliquer pourquoi l’Inquisition rencontrait tellement de difficultés à extirper le mal.

    Les termes « pouvoir de prescience » lui parlèrent notamment. Voilà pourquoi une opération comme l’Inquisitio avait globalement capoté. Les Sorcières avaient un coup d’avance. Et l’Oracle maintenait sa volonté d’attendre et de voir. C’était presque acceptable, vu qu’il n’y avait plus de Gardien pour guider ces filles du Diable. L’Oracle avait raison, c’était une occasion formidable que de toucher très durement les sorcières. Tout ce qui était rationnel disait à Sébastien Garin qu’il fallait attendre. Pourquoi ne pas se décider et laisser l’Oracle faire ? Parce que l’Oracle n’était pas l’Inquisition.

    L’Oracle regarda par la fenêtre. Sarah Geisler suivit son regard et elle reconnut des visages comme ceux de Eudes Framel, Hiver, Albert Martel… parfois vieux et chevronnés, et d’autre fois jeunes et durs… Des visages d’hommes, d’hommes dangereux, à la morale douteuse, il fallait faire preuve sans cesse d’une autorité avec eux dont Sébastien Garin ne disposait pas toujours. Tous n’étaient pas comme eux, mais il arrivait parfois qu’ils fassent peur à Sarah Geisler, qui n’accueillait jamais plus d’un de ces hommes à la fois. Louis avait une telle autorité, mais Louis ne venait plus à la Collégiale, il abandonnait son Second aux prises avec ces troupes hétéroclites. Heureusement il y avait des éléments de valeurs, mais il suffisait d’un agitateur un peu charismatique et les chiens aboyaient.

    Sébastien Garin se leva de son siège et alla à la fenêtre en grands pas. Les hommes de main ne bronchèrent même pas et restèrent collés aux carreaux. Le Second dut fermer tous les rideaux un par un pour retrouver un peu de tranquillité. Légèrement gêné par cette scène, il put remarquer que les gardes du corps de l’Oracle avaient toujours ce même air rigide. Et bien, l’atmosphère se détendait d’une façon très nettement sensible.

    Sébastien Garin se rassit en remettant une mèche de cheveu en place avec un geste très féminin. Sarah Geisler commençait à perdre un petit peu le contrôle sur elle. Très tendue par la présence de l’Oracle, par les regards de ces hommes, et surtout par l’intérêt critique que comportaient les réponses de la Parole de Dieu. Elle eut un sourire un peu crispé et écouta avec attention ce que disait l’Oracle. Elle acquiesca pour montrer qu’elle avait bien reçu le message.

    « Je prends bien en compte votre réponse, mais je ne suis pas là pour suivre les choses selon mon gré. Mon premier devoir en tant que Bras droit de Monsieur Louis est de veiller aux intêrets de l’Inquisition, et ceci doit passer avant mes propres besoins. Si je dois résister au courant des choses, c’est par devoir mademoiselle.

    Et puis, j’ai l’habitude d’aller à contre courant.

    Je suis très content d’entendre que les Sorcières sont ainsi affaiblies et que nous pouvons espérer une embuscade qui permettra à l’Inquisition de finir enfin sa tâche. Malgré tout, ceci se fera avec nous et non devant nous. J’aimerais pouvoir prendre une part active dans l’accomplissement de ce plan, et je ne demande qu’à savoir où je pourrais agir.

    Si vous êtes vraiment la Parole de Dieu, cela ne devrait pas vous gêner… »

    Avec un petit sourire, Sébastien Garin sirota une petite gorgée de thé.
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L'Oracle
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Les doutes m'assaillent Vide
MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeMar 2 Mar 2010 - 21:42

L’Oracle sentit sans mal les effets apaisants qu’avaient ses paroles révélatrices sur le Second de l’Inquisition: il avait souhaité des précisions, elle les lui avaient livré, il était maintenant logique qu’il soit rassuré par son discours. Malgré tous ses efforts et même, son réflexe inconscient, pour prendre les choses avec un professionnalisme tout méthodique, il était manifeste que toutes les informations qu’enregistrait Sébastien Garin étaient analysés autant avec son cœur qu’avec son esprit. La Parole de Dieu avait pu observer phénomène semblable presque chez tous ses congénères et en concevait une légère intrigue. Les êtres humains, à bien des égards, étaient parfois surprenants. Ils haïssaient être traînés vers le bas et enchaînés par leurs émotions et transports; cependant ceux-ci constituaient le moteur de leur vie et chaque fois qu’on essayait de leur retirer, ils s’avéraient incapable de s’en passer. Le seul moyen pour s’émanciper de ce continuel dilemme était de prendre les choses avec philosophie… cependant, bien peu y parvenaient véritablement.

« Les choses ne sont pas souvent ce qu’elles semblent être, vous êtes bien placé pour le savoir. En particulier pour les Sorcières, sinon, il serait facile de les débusquer et le monde en serait déjà débarrassé. N’est-ce pas? Mais il se peut également qu’Abigaël Asmaloth, ayant senti venir sa fin par ce fameux pouvoir de prescience, l’ai acceptée sans chercher à s’y soustraire –elle se serait alors réfugiée en elle-même, le dernier refuge possible… ce qui expliquerait l’état dans lequel les Inquisiteurs l’ont trouvée. » L’Oracle sourcilla.

« Elle avait peut-être l’air sans défense… Mais vous devez apprendre à respecter vos ennemis, Sébastien Garin. Ne jamais, au grand jamais, les sous-estimer. A la seconde où vous ferez ça, ils vous écraseront. Soyez plus malin qu’eux et estimez leurs aptitudes, même si eux ne respectent pas les vôtres. Mais enfin, nous supposons que nous ne vous apprenons rien. »

L’Oracle remarqua la gêne de Sébastien Garin lorsque ses troupes étaient venues lorgner par la fenêtre sans aucune indiscrétion. A vrai dire, une telle attitude n’était pas très étonnante. Ni de la part des hommes qui faisaient peu de cas de l’intimité lorsqu’ils étaient entre eux. Ni de la part d’une femme égarée dans ce même monde d’hommes.
Encore un aspect fascinant du genre humain. Ils étaient capables d’une telle linéarité en même temps que d’un tel paradoxe. Capables du meilleur… comme du pire, la seconde suivante. Tendant tantôt vers la perfection, tantôt vers des gouffres de bassesse. Parfois déployant des trésors d’ingénuité, d’autres fois se laissant mollement dériver sur un courant invisible. La plupart s’accrochaient désespérément, de toutes leurs forces, et c’est ce qui causaient les erreurs. Mais la plupart également n’avaient pas compris que si ils lâchaient prise, ils pourraient flotter tous seuls… et c’était exactement le cas pour Sébastien Garin et Sarah Geisler. Il en était l’exemplification même. Elle en était le reflet. Il était devenu une part d’elle et avait sédimenté en elle, comme une strate géologique; c’était sur cette carapace qu’il se construisait jour après jour.

La Parole de Dieu attendit un peu pour répondre aux propos du Bras droit de l’Inquisition, qui venait d’évoquer la primauté des devoirs sur les désirs personnels. L’ambiance était calme, profonde; seul le crépitement des flammes et l’écho de vagues paroles, au-delà du mur, venaient effleurer le silence feutré. On se serait crus dans un confessionnal. Le Second de Louis Institoris venait de le lui dire clairement: il se forçait toujours, mettait ses états d’âmes de côté et respectait les ordres avant tout. Ce n’était peut-être pas la bonne solution. Ou peut-être que si. C’était en vérité à lui de choisir; l’Oracle était juste là pour lui exposer les différents chemins. A ce moment là, les deux gardes du corps qui étaient restés d’une neutralité absolus semblèrent se désintéresser légèrement de l’espace physique qu’ils surveillaient avec acuité, pour se concentrer un peu plus sur les propos de la Parole de Dieu.


« Que vaut-il mieux? Se soumettre à la raison ou faire ce qui est bon et juste? C’est une des plus dures leçons » dit-elle finalement d’une voix douce. « Si vous pouviez faire tout ce que vous vouliez, Sébastien Garin, que choisiriez-vous? Peut-être que vous voudriez sauver le monde. Votre monde. Y avez-vous déjà songé? »

Une rafale de vent glacée souffla soudain, s’engouffrant dans le conduit de la cheminée avec des hurlements de chien blessé. L’Oracle n’en tint aucunement compte, les gardes reprirent leurs attitudes figées, et le silence revint sur la pièce. La Parole de Dieu jeta un coup d’œil discret à sa tasse, se prenant à regretter qu’il n’y ait plus de thé.

« Nous comprenons parfaitement, croyez-le bien, votre impatience et votre volonté d’être acteur dans ce théâtre. Cependant, votre tour viendra, Sébastien Garin, n’ayez aucune inquiétude. Il est trop tôt pour que des directives, même émanant de nous, ne soient données. Nous ne disposons pas encore des informations spatio-temporelles essentielles au plan de capture prévu au programme –mais soyez assuré que, dès que ce sera le cas, vous serez le premier, ainsi que Louis Institoris bien sûr, à être au courant. Vous l’avez dit: ceci se fera avec vous, non devant vous. Nous sommes ravie que ce point soit clair entre nous. »
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Sébastien Garin
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MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeMar 9 Mar 2010 - 2:03

    Cela faisait la deuxième allusion, même voilée, à sa double identité, Sébastien Garin fut gêné. Il avait volontairement laissé des indices histoires de tester la perspicacité de l’Oracle. Il avait désormais la preuve que l’Oracle avait toute la clairvoyance nécessaire, et tester plus aurait été suicidaire pour sa couverture. Déjà qu’il n’était pas sûr du pourquoi il avait fait ceci. C’était presque plus fort qu’elle. Sarah Geisler testait sa couverture auprès de chaque nouvelle personne qu’elle croisait, comme pour se rassurer que son rôle pouvait tenir. L’Oracle était la première à montrer qu’elle n’était pas forcément dupe. Cela l’obligeait à une certaine prudence.

    Sébastien Garin n’apprécia pas non plus la remontrance de l’Oracle. Qui était elle pour lui dire qu’il ne fallait jamais mépriser l’ennemi ? L’avait il fait jusqu’ici ? Oui, répondit son cœur. Non, répondit sa tête. N’apprenait-il vraiment rien ? Ces règles étaient la base de toute stratégie un peu militaire, mais Sébastien Garin n’était pas franchement un soldat dans l’âme, et ce principe pouvait être compris et assimilé, il n’empêcherait pas le Second d’agir toujours de la même façon. De toute façon dans le cas d’Abigail Asmaloth, il n’y avait pas eu besoin de réfléchir au point où même un homme comme le Gourdin avait réussi cette mission. Le Second avait donc tout à fait l’intention de continuer comme avant, et Louis peut être serait plus sage. Après tout, c’était à Louis de décider la stratégie à suivre, pas lui. A Louis de mépriser l’ennemi ou non. La question était réglée.

    Celle qui ne l’était pas, c’était ce que le Second pourrait faire si il avait tous les pouvoirs. Sébastien Garin éradiquerait les sorcières de Forbach, puis démissionerait. Sarah Geisler ensuite effacerait Sébastien Garin de sa vie et retournerait à Nancy, où vivaient toujours ses parents. Et après ? Elle rentrerait chez elle, et ses parents verraient débarquer une fille morte depuis des années accompagné d’un fils sans père. Combien de chance qu’elle soit virée de la maison de son enfance ? Combien de chance de se retrouver encore plus seule que dans l’Inquisition ? Toute la volonté du monde ne plierait jamais celle des autres personnes autour de vous. Si Sarah Geisler avait tous les pouvoirs, cela n’obligerait pas ses parents à la reprendre et à l’aimer de nouveau. Sébastien Garin par contre serait toujours accepté où qu’il aille, surtout après avoir triomphé de Forbach.

    Une ombre passa dans les grands yeux de Sarah Geisler, et la mélancolie se peignit sur ses traits, comme à chaque fois que ses réflexions prenaient cette pente ci. Elle était piégée, c’était un fait, ne jamais tenter de le combattre.

    Ce fut le vent glacé qui la tira de cette passe dangereuse en lui infligeant un choc salutaire. Elle n’était pas seule dans sa chambre avec son fils, il fallait qu’elle se reprenne. Bizarre ce vent. Un message quelconque ? Le Second n’était pas fermé au surnaturel.

    Et une fois de plus, l’Oracle ne changea pas de ses positions. Attendre, toujours attendre. Sans faire preuve de l’impatience de certains de ses hommes, le Second avait besoin de résultat, de faire du chiffre, ne comprenait elle donc pas ? L’agacement commenca à poindre, et pas qu’un peu. Le Second sentit qu’il emploierait bientôt un ton qui ne serait plus ni courtois, ni patient.

    Sébastien Garin rectifia sa position et prit une posture plus offensive, le buste en avant. Elle rassembla la réplique la plus cinglante qu’elle put imaginer.

    L’autre porte du bureau située sur le côté s’ouvrit, celle qui menait aux appartements du Second. En sortit un petit garçon de cinq ans armé de sa peluche qui demanda très spontanément :

    « Mam…an ? »

    Tout le sang se retira du visage de chacun des Geisler, que ce soit la mère ou le fils. Sarah Geisler voyait son rôle tomber à terre sans aucune chance de salut et le fils était désolé d’avoir trahi sa mère dans un moment aussi crucial, alors que sa mère lui avait pourtant dit de faire très attention à ne jamais l’appeler « maman » en dehors de l’intimité. Oui, mais il s’ennuyait et voulait jouer avec sa mère, et était persuadé qu’elle était seule. Et pour une fois, elle n’était pas seule.

    Sarah Geisler, ne sachant pas vraiment comment réagir, agit à l’instinct : elle ouvrit ses bras et le petit vint se réfugier dedans. Une fois que les deux Geisler furent réunis, ils regardèrent l’Oracle avec une grande crainte dans le regard. Cette fillette avait désormais le pouvoir de faire chuter Sarah et David Geisler. Sarah Geisler embrassa son enfant, pour le rassurer lui autant que elle-même. Le petit garçon avait les mêmes cheveux et globalement le même visage que sa mère, mais avec des traits plus durs et plus masculins, et des yeux noirs qui n’étaient certainement pas Geisler. Mis à part ca, seuls les aveugles n’auraient pas vu la ressemblance.

    « David. Mon fils… »

    Adoptif aurait elle dû dire. Mais à quoi bon ? La bataille avait été perdue dès que l’Oracle avait franchi le seuil de cette pièce. Maintenant que restait il à espérer, sinon la dénonciation et l’exil ?


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MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeLun 15 Mar 2010 - 1:19

Dans le silence feutré qui régnait à présent dans la pièce, l’Oracle vit bien que ses propos avaient provoqué un certain nombre de méditations, certaines rapidement expédiées, d’autres beaucoup plus longues et complexes, chez son interlocuteur. Elle le laissa donc réfléchir en paix, ne cherchant pas à interrompre le fil de ses pensées, se contentant de darder sur le Second de l’Inquisition son regard totalement. A vrai dire, peu de ses visites ressemblaient à celle qu’elle était en train de faire à Sébastien Garin. La population de Forbach demeurant nombreuse même en temps de crise, la Parole de Dieu n’avait malheureusement pas le temps de s’y intéresser au cas par cas. Cependant, elle réservait les rares temps libres dans son emploi du temps pour les acteurs importants de ce théâtre macabre, les principaux protagonistes comme les personnages secondaires. L’homme qu’elle avait en face d’elle n’était que le Second; cependant, son rang ne signifiait rien, et le rôle qu’il aurait à jouer serait probablement différent de celui qui l’imaginait.

Les secondes passant, le visage androgyne de Sébastien Garin se teinta de mélancolie, ses yeux clairs se voilèrent ainsi que l’océan par temps d’orage. La Mémoire commune ne livrait pas, en même temps que les souvenirs, les sentiments qui y étaient liés; cependant ceux-ci n’étaient, au vu des événements, pas difficiles à imaginer. Le Bras Droit de l’Inquisition avait tout laissé derrière lui dans l’unique but de protéger sa descendance –un fils qui pourtant ne procédait pas de la semence de l’aimé, mais d’un tiers ayant violé la jeune femme. La tristesse qui en découlait ne devait avoir d’égale que la détermination au moment où il avait pris cette terrible décision.
Puis ce fut l’agacement qui fut de retour sur les traits de Sébastien Garin. Il en avait assez des réponses évasives, cela se devinait aisément. De même, il n’appréciait guère les énigmes morales que lui lançait l’Oracle. Encore une caractéristique très étrange des êtres humains, qui préféraient souvent adopter un air suspicieux plutôt que d’accepter la main secourable qu’on leur tendait sans se poser de questions… La plupart des gens à qui elle venait prodiguer des conseils les prenaient avec méfiance, se demandant « qui elle était pour se permettre de les juger ». Ce dernier point avait toujours semblé étrange à l’Oracle. Fallait-il être quelqu’un pour émettre une opinion sur autrui? Et comment ça, qui était-elle? Rien de moins que l’Oracle, tout simplement. Si ces gens étaient aussi croyants qu’ils le prétendaient, avoir devant eux la messagère du Seigneur devrait leur suffire amplement en matière de justification.

Ce fut à ce moment précis que débarqua dans la pièce un tout jeune garçon à la ressemblance frappante avec sa génitrice; les mêmes cheveux de jais, les mêmes traits, cependant porteurs de deux prunelles d’un noir très profond. La Parole de Dieu assista à la scène en en captant les moindres détails, de la gêne des deux protagonistes aux mouvements de tendresse qu’ils avaient entre eux. Devant l’air pétrifié du Second de l’Inquisition, l’Oracle ne manifesta aucune surprise. Pourquoi l’aurait-elle fait, d’ailleurs? Elle était au courant depuis bien longtemps. Depuis le tout début. Et puis voir au fond des choses, peut-être parce qu’elle y était habituée, ne lui paraissait pas si difficile: toute personne saine d’esprit et un tant soit peu à l’écoute des autres aurait fini par remarquer, au bout d’une dizaine de minutes de dialogue, que Sébastien Garin n’était pas qu’un garçon. Malgré toute la meilleure volonté du monde –et Dieu savait combien d’efforts il déployait pour entretenir sa couverture- il y avait certains signes qui ne trompaient pas. L’instinct maternel en particulier, était omniprésent dans sa gestuelle. Même de façon latente.
Même quand son fils n’était pas là.


« En effet. Il vous ressemble beaucoup. Mais il a les yeux de son père. »
Cette phrase lourde de conséquences scella sans doute pour son interlocuteur la fin définitive de sa couverture. Mais si il croyait manifestement que l’Oracle allait le dénoncer, il se trompait. Même les gardes conservaient le même air impassible, fixant le mur, n’accordant pas un regard à la mère et son fils. La Parole de Dieu ne voulait pas paraître menaçante. Elle comprenait que toutes les expériences vécues avaient rendu le Bras Droit de l’Inquisition méfiant. Dans cette optique, afin de le mettre en confiance, elle eut un sourire aimable et compréhensif.

« Vous avez dû devoir faire tellement de sacrifices, Sarah Geisler. Les événements étaient terribles et pourtant, vous avez fait montre d’un courage exemplaire. C’est admirable de votre part, d’autant que faire les bons choix au bon moment n’est pas donné à tout le monde. Ne croyez-vous pas que vous avez amplement mérité un peu de quiétude? Ainsi que nous vous l’avons dit, « tout ça doit couler ». Laissez-nous prendre une partie des choses en main. Faites-nous confiance, nous vous en prions. Votre priorité, dans cette situation d’angoisse permanente, doit sans doute être de protéger votre fils. Si nous vous avons exorcisé, c’est pour vous permettre de vous libérer des chaînes de votre passé, au sens propre comme au figuré. Oui, cela n’est pas immédiat. Oui, cela prendra du temps. Mais vous y arriverez, Sarah Geisler. Vous êtes forte, courageuse, intelligente, comme l’ont prouvés vos choix par le passé. Vous n’avez rien à craindre de nous. Pourquoi dénoncerions-nous votre secret? Ruiner une vie, surtout bâtie sur tant d’efforts, n’est pas dans nos habitudes. Nous ne sommes pas venue sur terre pour sonder les vices des hommes. Nous ne sommes pas venue pour révéler des secrets enfouis. Et nous sommes encore moins venue pour doubler l’Inquisition, nous attirer la gloire, ou concourir à une quelconque lutte de pouvoir. Non, notre seule mission se résume à bouter le mal hors de Forbach et pour ce faire, nous aurons besoin du soutien et de la confiance de chacun. »


L’Oracle marqua une pause, le temps de laisser ses paroles faire leur effet. Se reposer sur quelqu’un, alors qu’on a fourni beaucoup de travail, était une tentation humaine; difficilement avouable pour certains, mais invariablement présente dans tous les esprits. Le sourire doux et tolérant sur le visage de la Parole de Dieu n’avait pas disparu. Avec un geste lent, elle tendit la main en direction de Sarah Geisler, comme on s’apprête à signer un contrat avec quelqu’un.

« Malheureusement, les gens n’ont pas tendance à nous croire facilement, malgré notre bonne volonté. Cette enveloppe corporelle, et nous le déplorons, ne contribue pas à un optimum de crédibilité. Nous ne pouvons fournir aucune preuve de notre bonne foi, si ce n’est notre parole. Mais vous savez faire preuve de discernement. Alors… nous ferez-vous confiance, Sarah Geisler? »
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MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeDim 21 Mar 2010 - 1:40

    L’Oracle l’avait appelé par son vrai nom.

    Ce simple fait prouvait qu’elle avait tout deviné, du reste ce n’était pas étonnant. Sarah Geisler était juste complètement perdue, sans sa couverture de Sébastien Garin, elle ne savait même plus comment elle devait réagir. Devait-elle adopter une combativité virile ou bien une introspection féminine ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus, depuis le temps, elle n’avait jamais envisagé qu’une seule réaction face à la révélation de son identité : le déniement. Mais l’Oracle ne serait pas dupe, elle n’avait d’ailleurs jamais été dupe. L’exhibition avec son fils n’avait au final fait que révéler les non-dits qui existaient auparavant, et c’était quelque part mieux ainsi.

    En fait, on n’aimait pas l’Oracle. On l’admirait, on l’adulait, on la craignait, mais on ne l’aimait pas. L’Oracle subjuguait tellement les gens qu’elle ne pouvait obtenir un sentiment aussi basique.

    Sarah Geisler était forcé de rendre les armes face à une entité qui savait tout, entrait partout, était capable de dévoiler tout. Elle avait trop peur de la Parole de Dieu pour l’aimer, son existence actuelle reposait entre les mains d’une petite fille à la maturité hors norme, ca ne vous invite pas à l’adhésion par amour de la cause. Surtout que sur les revendications que Sébastien Garin avait tenté de défendre, aucune n’avait abouti, un échec total et pour seul résultat un danger certain. Dans cette lutte d’autorité, le Second de l’Inquisition avait été désarmé, son arme s’était brisée dans sa main.

    Il fallait hisser le drapeau blanc, il n’y avait plus d’autre choix que la reddition sans condition. Par défaut, le Second serra la main de l’Oracle d’une pression à peine appuyée.

    « Je convaincrai Louis de vous laisser agir en toute liberté, et il convaincra les hommes de rester tranquille dans la collégiale. C’est comme ca que je vous ferai confiance. Les inquisiteurs resteront à leur poste jusqu’à temps que vous le décidiez. »

    Les paroles de l’Oracle à propos de son combat et de son passé, ses compliments sur son courage secouaient aussi Sarah Geisler, et lui donna envie de pleurer. Le soulagement était infini face à la compréhension de l’Oracle. Si elle n’avait pas eu l’apparence d’une petite fille, si elle avait eu l’air plus mature de quarante ou cinquante ans, alors elle aurait réellement pu agir avec elle comme avec une mère. Cette mère dont Sarah Geisler s’était définitivement privé il y a de longues années, cette mère à qui elle n’avait rien confié, et qui lui manquait C’était le genre de paroles qu’elle désespérait d’entendre après toutes ces années. Juste lui dire qu’elle avait fait le bon choix, elle en avait tellement douté. Mais l’Oracle restait un étranger, elle avait l’apparence de la fille du Vicomte d’Hasbauer. Cela instaurait immanquablement une limite entre les interlocuteurs, à la limite de l’infranchissable.

    « Merci. Pour votre compréhension.»

    Une seule larme sur sa joue. Le petit David ne comprend pas, mais il se tait. Sa mère lui passe la main dans les cheveux et le renvoie dans sa chambre. Le petit ne moufte pas et court avec ses petites pattes jusqu’à la porte. Il est tellement mignon que Sarah Geisler sourit en le regardant.

    Mais il faut revenir à la réalité, elle doit maintenant reprendre son manteau de Sébastien Garin, même sale et déchiré, et parler à Louis, parler aux hommes. Convaincre des hommes sûrs d’eux, persuadés qu’ils tiennent la bonne solution. Le défi commençait maintenant en fait.

    « Je vous libère, je risque d’avoir du travail maintenant. Continuez donc votre tâche, vous avez mon soutien. Définitif »

    Sarah Geisler en paraissait fatiguée à l’avance.
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MessageSujet: Re: Les doutes m'assaillent   Les doutes m'assaillent Icon_minitimeMer 31 Mar 2010 - 20:27

Une énième et dernière fois, les hurlement du vent retentirent au-dehors, les rafales tourbillonnèrent autour de l’architecture austère en laissant derrière elles des bruits graves et sonores. L’Oracle n’y prêtait aucune attention, car le phénomène contribuait même à l’ambiance intime et troublante de la pièce. A l’extérieur, le soir tombait, la luminosité déclinait doucement tandis que l’atmosphère se faisait plus tamisée dans le bureau, grâce à la lueur mouvante des flammes. La Parole de Dieu considéra Sébastien Garin en silence, comme elle savait si bien le faire depuis le début de l’entretien, ses yeux clairs brillant au gré des reflets de l’âtre. Visiblement, ses derniers arguments avaient fait mouche et le Second de l’Inquisition, l’air d’être plus mise à nue que jamais, semblait finalement disposé à lui accorder sa confiance. L’Oracle regrettait que ce ne soit pas par gaieté de cœur, mais par obligation, qu’il le fasse. Elle voyait parfaitement que Sarah Geisler se sentait piégée, obligée de rendre les armes; alors que la Parole de Dieu avait tout fait ou presque, pour que cela n’ait pas l’air d’un combat. Mais tout ça importait peu, au final. Le principal étant qu’elle continue d’avoir le champ libre pour mener son action. C’est pourquoi elle serra la main de Sébastien Garin en ne quittant toujours pas son mystérieux sourire, même si celui-ci n’effectua le geste qu’avec une pondération qui montrait à quel point sa rédition était involontaire.

Ses yeux se posèrent ensuite sur David, le fils de celle-ci. Qui ne semblait rien comprendre de la scène et surtout du dialogue entre les deux protagonistes, mais qui devait être habitué à voir sa mère négocier en affaire ainsi qu’à sentir ses états d’âme à la suite des entrevues. Malgré tout ce qui aurait pu les séparer, le lien entre mère et fils était intacte, bien au-delà de ce qu’on pourrait penser de prime abord… Au final, on en revenait toujours au même point. Sarah Geisler était sans conteste une femme, fragile et introvertie, à qui l’instinct maternel avait donné la force de soulever des montagnes.


« Nous sommes navrée que vous le preniez ainsi, comme un combat à l’instar de tous ceux qui constituent votre vie quotidienne. Mais nous comprenons parfaitement vos réserves, Sarah Geisler. La confiance ne s’accorde pas, habituellement, de façon instantanée ou du moins aussi brusque. Votre geste est courageux et vous honore. Nous vous en remercions profondément. Soyez assuré que nos efforts serviront votre cause: plus vite Forbach sera libéré des sorcières, plus vite vous pourrez retourner à Nancy et enfin revoir votre mère. »

Elle avait de nouveau mentionné le passé de Sébastien Garin, non pour le braquer, mais pour lui faire comprendre derechef qu’elle n’avait aucunement l’intention de dévoiler ce secret. Il était également inutile de préciser qu’il en allait de même avec les deux mastodontes qui lui servaient de gardes du corps –toujours immobiles tels des idoles sclérosés. Le Second de l’Inquisition congédia son fils qui partit en trottinant; l’Oracle le suivit du regard puis se leva à son tour, époussetant sa robe blanche d’un air neutre, consciente de la mission qui se profilait maintenant pour Sarah Geisler et qui ne serait pas forcément des plus faciles.

« Non. Merci de votre compréhension, Sarah Geisler. Nous sommes consciente de la tâche que vous avez à accomplir à présent et nous nous en excusons. Nous allons repartir désormais, car beaucoup de travail nous attend également. Soyez rassuré. Cela prend du temps, mais notre tâche se précise… il y aura bientôt des résultats. Au revoir, bon courage, et merci pour le thé. »

Sur un signe de tête bref et explicite, les deux gardes du corps sortirent enfin de leur immobilité et ouvrirent la porte pour laisser passer l’Oracle. Celle-ci salua une dernière fois le Second de l’Inquisition puis quitta la pièce, regrettant ces quelques mètres carrés aux lueurs fauves, dans lesquels s’était déroulé un entretien des plus intéressants. On les mena à l’écurie où leurs chevaux leur furent restitués puis, montant lestement sur son poulain immaculé, la Parole de Dieu repartit en direction du centre de Forbach, sous le regard intrigué des Inquisiteurs. Les gens avaient des réactions très variées face à elle, et les plus vindicatifs étaient bien sûr ceux qui, voyant qu’elle pouvait lire leur passé d’un seul regard, avaient beaucoup de chose à cacher. Mais c’était aussi le cas pour Sébastien Garin et pourtant, elle avait su mettre de côté les doutes qui l’assaillaient, du moins un moment. Par conséquent, l’Oracle considérait que son objectif, malgré les nuances de circonstances, était bel et bien rempli.
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