The Witch Slay
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 Valse d'une nuit déchirée

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Europe
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Europe


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MessageSujet: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeLun 26 Mai 2008 - 23:27

[ Libre à tous. Précédent = La Réponse ]



Elle semblait sans but…elle semblait indolente, sa déambulation silencieuse, sa marche funèbre, sa longue série de pas qui la menait avec une cadence régulière et inexorable comme on marche vers la mort…Mais elle ne l’était pas…ce n’était pas une de ces errances, une de ces processions sans fin, une promenade sans commencement ni direction dans lesquelles Europe aimait tant, jadis, se perdre, dans l’espoir de rencontrer de nouvelles âmes comme elle esseulées…A présent c’était une marche lente mais sûre, à défaut d’être résolue, une marche au bout de laquelle il ne pouvait y avoir qu’un seul point, comme les morts qui reviennent toujours à la poussière, comme les poissons à l’océan et comme la mystérieuse alchimie des végétaux qui orientent invariablement ceux-ci vers le soleil…

La nuit était tombée; et son voile mystérieux teintait tout d’un noir d’encre, rendant fallacieux les sentiers et mystérieux les alentours, sur lesquels flottait un parfum empreint de neurasthénie profonde…Il y avait du vent, comme toujours, un vent délicat, délétère, qui faisait s’envoler en vrilles légères ses longues anglaises d’un mauve délicat, à peine perceptible. Europe était vêtue d’une robe d’un noir de nuit et, ainsi dissimulée, on aurait pu aisément la confondre avec un esprit chimérique, un songe évanescent, si ce n’était la pâleur de ses joues et de ses mains qui brillaient d’un éclat lactescent sous le poudroiement de la lune blafarde. Opaline, presque irréelle, l’astre flottait dans le ciel comme un dernier point de ralliement…et la lumière cendreuse qui en tombait posait sur toutes choses, un liseré d’ombre argentée.
Europe sans un mot, contourna l’Eglise de Zetting noyée dans l’obscurité. Le silence n’était rompu que par le cri intermittent d’une hulotte; mais dans son cœur, la douloureuse symphonie du désespoir se jouait en une éclatante giration de couleurs et de sons, et son cœur battait à la même cadence arythmique que la musique, rendant sa respiration douloureuse.

Elle avait tant espéré…et tant échoué…
Enfin, d’une démarche spectrale, la Sorcière arriva enfin à destination. Elle pénétra dans le cimetière, voile fuligineux qu’on devinait à peine, éthérée comme un fantôme, et sinua entre les tombes sans même leur accorder un regard. Une seule de ces stèles lui importait en ce moment; et elle s’y arrêta, son regard se promenant un instant sur la froide pierre anthracite, et sur le marbre délicatement ciselé, dernier hommage à la femme à présent reposait en son sein pour l’éternité…
La tombe d’Elena…

C’était la première fois qu’Europe s’y rendait depuis la mort de son amie Prêtresse. Elle avait terriblement redouté ce moment, car il déclencherait invariablement en elle un déferlement de souvenirs…mais, mue par un sentiment bien plus fort que la culpabilité ou la solidarité, elle n’avait pu se résoudre à ignorer le décès de son amie…
Le fracas de son cœur et de son esprit contrastait étrangement avec le calme insensible de l’endroit; et, comme prévu, à peine quelques secondes plus tard, la Sorcière sentit les souvenirs refluer en elle comme un torrent dont, même en se débattant, elle ne parvenait pas à s’extraire…
A présent elle revoyait avec une netteté sidérante la scène de la Clairière. Elena, à la fois proche et lointaine, se baissait avec sa grâce habituelle, cueillait le Lys mortel, le portait à son nez pour en humer l’effluve…Et quelques minutes plus tard elle gisait déjà, morte, entre les bras d’Europe qui observait son visage de nacre, bleui par le froid et le sang retiré, presque encore étonné du maléfice qui l’avait saisie soudainement… Et ces prunelles d’une pâleur irréelle qui l’observaient avec fixité, grande ouvertes sur la mort, sur une terre éternelle encore inconnue des vivants, sans commencement ni fin, sans frontières, entre le sol et le ciel, la hantaient encore aujourd’hui en s’insinuant dans ses rêves, les muant en cauchemar…


"Elena…"

L’entier avenir d’Olrun avait reposé sur ses épaules, l’espace de quelques jours. Elle seule, elle seule avait eu l’initiative de la lettre de réconciliation, et elle l’avait aussi écrite, la lettre qui n’avait mené qu’à la mort. La mort d’Elena, oui, c’était elle qui l’avait provoquée. Tout était tellement de sa faute… elle avait mené le clan à sa perte aussi sûrement que si chacun de ses membres avait soudain déclaré haut et fort devant l’Inquisition qu’il était un Sorcier…Et à présent il y aurait sans doute encore plus de disparitions d’être chers, creusant peu à peu des vides béants qu’on ne peut combler.
Certes, ce n’était pas la première fois qu’une Sorcière d’Olrun mourrait dans la bataille; et ce n’était pas la première fois qu’Europe voyait une de ses sœurs tomber…mais aucune de ses sœurs ne l’avait été avec son cœur, jusqu’à ce jour. Aucune n’avait été tuée par ses propres mains jusqu’alors si immaculées et qui maintenant étaient souillés d’un sang invisible…


"Pardonne-moi, Elena…je n’ai pas été digne de toi…"

Des larmes hyalines et froides aux reflets irisés perlèrent au coin de ses paupières et roulèrent sur ses joues, y laissant un sillon encore plus pâle que son épiderme déjà blanc. L’éternel sourire en coin d’Europe, cet étirement ironique et insatisfait de ses lèvres rosées, qui avait toujours semblé se moquer du monde et faire fi de ses lois déployées, cette expression d’assurance qu’on lui connaissait d’ordinaire et ce, en toute situation, avait disparu…En fait il n’y en avait plus trace depuis le jour où elle avait pris la décision de rédiger cette lettre… Que méritait-elle pour avoir ainsi précipité Olrun dans une abîme ? Europe se sentait coupable, plus coupable que n’importe qui l’ai jamais été, un remords dévorant la rongeait et elle ne parvenait à s’en défaire. Ce qu’elle était faible, finalement… Eleonor, elle, s’était relevée fièrement, après la mort d’Elena, et avait prôné l’espoir; son amie était le digne insigne du clan, elle méritait amplement le rôle de Prêtresse…mais au moins elle n’avait pas tué une de ses sœurs à main nues…Et dans un moment si crucial, où la tribu avait le plus besoin d’elle, Europe souffrait de ne pas pouvoir passer outre cette épreuve et les aider; à cette seule pensée, elle se sentait encore plus misérable…
Soudainement, la Sorcière éclata en sanglots silencieux et s’effondra, à genoux dans l’herbe gelée qui poussait en touffes disparates au pied de la tombe.


"Je voudrais tellement…dès aujourd’hui…renier cette voie…mais j’ai peur et je ne sais pas quoi faire…"

Ses pleurs entrecoupaient sa voix de longs silences et dans ces moments intermittents, la nuit reprenait son droit, installant un climat de mélancolie. La brise agitait les arbres nus et noirs d’un bruissement presque imperceptible. La main d’Europe, tendue devant elle, était posée sur la sépulture d’Elena.

"Je ne veux…plus rien perdre…"
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Adrien D'Hasbauer
Mort(e)
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Adrien D'Hasbauer


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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeMar 27 Mai 2008 - 13:10

[ HRP : Bon je me lance entre deux révisions. Je crois que je n’ai pas encore eu l’honneur de faire un petit bout de RP avec toi Razz ]

Adrien se tenait devant la fenêtre de son bureau, éclairé par la seule lueur de la lune. Perdus dans ses pensées, il se rappelait encore de son état d’esprit après avoir réalisé que l’une des leurs était morte de cette folie que de croire le Lys Noir capable d’une trêve. C’était une folie, il le savait, il l’avait toujours su, quelque chose exultait en lui, répétant sans cesse qu’il n’aurait jamais du avoir l’espoir, qu’il aurait du avoir les pieds sur Terre. Oui, le Vicomte s’en voulait contre lui-même d’avoir cru, mais peut-on vraiment en vouloir à l’Homme de placer ses espérances dans une chose qu’il sait lui-même perdue d’avance ? Il a toujours vécu avec l’espoir, qui a toujours été la source de ses plus grandes victoires mais aussi de ses plus désastreuses défaites. L’espoir fait partie de l’Homme et tous ont recours à lui. Espérer, c’est aussi être Humain d’une certaine manière. Adrien savait que beaucoup de personne attendaient de cette Trêve, mais aussi qu’ils savaient au fond d’eux qu’il n’y avait pas beaucoup de chance pour que cela marche. Pourtant, ils avaient osé croire à cette minuscule chance qui subsistait, et la réponse donnée par le Lys ne s’était pas contenté de démentir cette chance, mais s’était évertué à la détruire avec un engouement insoupçonné…

Alicia ne désirait donc pas d’une Trêve, elle pensait sûrement qu’elle et ses sœurs étaient capables de faire face à l’Inquisition sans se soucier de la Tribu d’Olrun. Cela cachait forcément quelque chose, peut-être même était-ce le Lys qui était à l’origine de la pendaison des trois Inquisiteurs… Une action qui n’était guère approuvable en apparences mais Adrien, intérieurement, approuvait ce geste de représailles. Ces derniers temps, le Sage ne l’était plus vraiment. Il avait perdu quelque peu sa patience et sa Colère grondait souvent au creux de son cœur. Pourtant, il savait qu’il devait se laisser aller à ses sentiments sous peine de faire grandir encore cette haine et ainsi, de ne plus pouvoir se maîtriser plus tard. Il avait, somme toute, besoin d’action. Il n’appréciait pas que le Clan reste de marbre, à regarder ses sœurs tomber sans bouger. Patient et calme comme il était, même sa femme avait été surprise de cette réaction venant de sa part, mais, ce n’était qu’un juste effet provenant du fait que sa Patience et son Calme avait engendré un ressentiment fort et grondant au plus profond de lui. Une colère qu’il se devait d’évacuer, de quelques manières que ce soit, la plus calme étant un élan verbal ; un autre moyen étant de déclencher un véritable ouragan à l’extérieur, ce qu’il avait fait lors de la Messe de Cendres…

Contemplant la nuit qui s’étendait tout autour, Adrien songea qu’il y avait mieux à faire que de rester là à ressasser des morceaux de passé. Vérifiant que sa porte de bureau était bien fermée, il tourna la tête en direction de ses appartements où Elisabeth devait déjà dormir peut-être. Pourtant, s’il aspirait grandement se retrouver avec sa femme, il n’arriverait pas à dormir et détourna donc ses pas vers la sortie du Château. Il fallait qu’il se promène et l’air frais du début de la nuit lui ferait sûrement le plus grand bien. Alors que ses pas résonnaient sur les pavés, il se laissa vagabonder sans se soucier d’où le mèneraient ses pas. Son regard était perdu dans les étoiles, il songea un instant à l’idée qu’Elena les regardait peut-être de là-haut avec son regard bienveillant, ou peut-être qu’elle les haïssait… L’idée saugrenue qu’il avait eu le fit soupirer en souriant. Mais la question méritait d’être creusée, l’âme quittait-elle le corps lorsque ce dernier mourrait ? Une question bien délicate à laquelle seuls les morts pourraient répondre, mais ces derniers étaient encore plus muets qu’une carpe ! Et le Vicomte se laissa porter quelques instants par l’idée plaisante que si les morts ne revenaient pas de là où ils étaient à présent c’était pour la simple et bonne raison qu’ils devaient s’y plaire…

Ses idées morbides avaient peut-être influencés ses pas, mais la coïncidence fut troublante. En effet, Adrien s’était retrouvé face à l’Eglise de Zetting. Et alors qu’il allait faire demi-tour, il se dit que ce n’était peut-être pas par hasard qu’il avait atterri ici… Lui non plus n’était pas venu sur la tombe d’Elena, il n’en avait pas eu le courage, du moins depuis l’enterrement. A présent, il n’était qu’à quelques pas d’elle et se sentit l’audace d’aller lui rendre un hommage tout particulier. D’un pas lent, il contourna l’Eglise et entra dans le cimetière. Heureusement qu’il ne croyait pas aux fantômes ! Dans le cas contraire, il se serait mal vu pénétrer dans un tel lieu en pleine nuit. Mais alors qu’il marchait dans la direction de la tombe, dont il connaissait l’emplacement, il aperçut, se découpant sur la noirceur infini de l’horizon, une silhouette debout devant l’effigie de marbre. Il s’arrêta. Le silence envahissait le lieu ou plutôt s’en emparait comme souverain légitime. Le Vicomte ne parvenait pas à déterminer de qui il pouvait s’agir, mais après tout, qu’importait ? Avait-il à craindre quoique ce soir ? Non pas vraiment…

Il continua donc son approche silencieuse, ses pas ne résonnant plus dans l’herbe. Soudain, la silhouette tomba à genoux devant la tombe, et maintenant qu’il était à portée de voix, il discernait celle qui se trouvait devant lui. Malgré l’empreinte de peine, il reconnut la voix d’Europe. Il se souvint de la dernière fois qu’il l’avait vu. A ce moment il n’avait rien dit, et s’était contenté d’un geste de réconfort. Cela n’était pas grand chose mais il n’était pas capable de plus. Lassé de tout, il s’était contenté de partir. Le moment était peut-être venu de faire plus. Il s’approcha encore et discerna les dernières paroles de la Sorcière. Elle semblait perdue, égarée par la perte de son amie très chère. Il n’était pas dur de deviner qu’elle s’en donnait la responsabilité entière. Mais ce qui avait le plus troublé Adrien, c’était le fait que la Prêtresse parle de renier les voies de la Magie. Assez près d’elle maintenant, il éleva la voix, tranquillement, posément, il savait qu’elle le reconnaîtrait et espérait ne pas trop l’effrayer.


« - Renier notre propre existence ne ferait pas taire la douleur qui s’est emparée de nos cœurs et de nos esprits. Nous devons vivre pour ceux qui ne le peuvent plus, mais par dessus tout, nous devons rester fidèle à nous-mêmes. »
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeMar 27 Mai 2008 - 21:53

[ C’est vrai, ça ! ^^ Hé bien c’est l’occasion Adrien, profitons-en =D ]

Perdue dans son tourbillonnement infernal de pensées, prostrée devant la tombe d’Elena comme on s’agenouille devant un autel en attente du châtiment suprême, Europe n’avait pas entendu la presque imperceptible démarche feutrée d’Adrien, qui doucement de par ses pas, amenait le Vicomte à la Sorcière…non, elle ne l’aurait pas entendu même si il était arrivé à cheval; son cœur battait trop fort, sa conscience mortellement blessée criait trop haut, pour qu’elle puisse percevoir quoi que ce soit venant de l’extérieur, filtrant de ce minuscule monde fragile, de ce face à face, en tête à tête avec une tombe qui revêt dans sa plus belle parure marbrée le manteau de la mort…
Cependant les paroles de son ami, elle les entendit…Elles lui semblèrent comme un peu de lumière tamisée, une de ces lueurs chaudes qui rappellent les anciennes lampes à naphte, mais dont l’éclat n’est pas assez puissant pour disséquer des parts de ténèbres. Le reconnaissant grâce à sa voix, Europe ne leva pas la tête, restant à genoux à terre, dans un silence qui dura assez longtemps. Autour d’eux, le silence empereur et reposant de la nuit fleurissait, plein de sentiments cachés et de désirs inavoués, seul témoin de la scène…Les larmes de la Prêtresse se tarirent peu à peu sur ses joues; elle eut d’abord honte de s’être montrée ainsi si faible devant quelqu’un qu’elle tenait en si haute estime, puis elle comprit qu’il était inutile d’être de nouveau apparat, et qu’Adrien ne lui tiendrait pas rigueur d’être simplement humaine…
Quand sa voix franchit finalement ses lèvres, elle fut rendue hésitante par des restes disparates de sanglot qui, bien qu’absents, laissaient derrière eux des traces fugitives qui subsistaient parfois de nombreuses heures après, comme pour lui rappeler qu’ils n’avaient pas été qu’un rêve.


"Ne t’en fais pas…je n’ai pas l’intention de renier notre Clan et notre magie…Mes paroles me concerne seule; je voudrais simplement ne plus jamais avoir à faire à celle que je suis devenue…au chemin que j’ai emprunté…j’aimerais tellement redevenir comme avant…"

Oui, avant, peut-être était-elle froide et solitaire, peut-être était-elle drapée dans tous les incompris du monde; peut-être son ego déployé lui fournissait autant d’ennemis que d’amis; mais au moins, bien retranchée derrière sa fierté, Europe ne faisait pas de morts et de ravages autour d’elle…mais cette période était à présent révolue… Que pensait le Clan en cet instant ? Au delà de la tristesse commune ressentie par la perte d’Elena, il y avait sans doute bon nombre d’âmes qui maudissaient Europe à présent, d’avoir pris cette dangereuse et mortelle initiative. Et elle était encore plus condamnable de ne rien assumer, de rester prostrée là à pleurer minablement alors qu’une communauté entière avait besoin de s’organiser à l’orée d’une guerre qui promettait d’être sans merci.
Rien à faire, malgré son intention les larmes recommencèrent à couler sur ses joues et la Sorcière ajouta après s’être relevée très lentement:


"J’ai tué Elena…de mes propres mains…J’ai pris sa vie et tout le monde m’a dit hier, tout le monde me dira demain, qu’il y a eu des centaines de morts ou que ce n’était pas ma faute…mais c’est moi qui l’ai tuée, Adrien…je savais ce que le Clan pensait de cette lettre, et même si je savais au fond de moi qu’il avait raison, je n’en ai fait qu’à ma tête. Voilà le résultat aujourd’hui."

La jugeait-il, la condamnait-il en cet instant ? Si oui, il avait parfaitement raison de le faire. Après tout c’était elle qui avait précipité les événements. A présent, Europe, dans son désespoir, se demandait vaguement ce qui allait se passer. Allait-on lui ordonner de quitter ses fonctions de Prêtresse ? Peut-être pas hiérarchiquement, puisqu’elle avait eu l’aval d’Abigaël pour écrire cette lettre, mais les membres d’Olrun pourraient réclamer sa démission et alors, elle ne pourrait s’opposer à l’avis collectif. Elle eut presque un soupir blasé qui se perdit dans le vent de la nuit; après tout elle l’avait mérité. Et après ? Pourrait-elle oublier, ne serait-ce qu’une seconde de sa vie, le meurtre qu’elle avait commis ? Pourrait-elle un jour se le pardonner ? Seul le temps, sûrement, pourrait lui permettre d’oublier cette affreuse blessure, ou tout du moins de la mettre de côté.
La Sorcière se surprit à scruter la tombe avec acuité, essayant de deviner dans le noir les dessins giratoires des ciselures du marbre. Elle ne s’était toujours pas retournée pour faire face à Adrien; debout devant la sépulture, son regard de nacre se promenant sur celle-ci: et Elena ? Que penserait-elle de tout cela, si elle était encore là ? Elle en voudrait peut-être à Europe, terriblement. Et elle aurait parfaitement raison. N’en faire qu’à sa tête quand on avait tant de responsabilités, c’était tout simplement se jouer du monde.


"Je suis comme un dictateur tyrannique, je n’ai pas écouté l’avis de ceux qui m’étaient le plus cher, j’ai passé outre leur avis…et j’ai tué Elena…peux-tu comprendre ça, Adrien ? C’est comme si toi…tu avais tué….Elisabeth de tes propres mains…"

A travers ses yeux embués de larmes qui coulaient à présent de nouveau à flot sur ses joues pâles, Europe regarda ses mains, avec la vision fugitive de ses doigts couleur d’ossements tâchés d’hémoglobine écarlate…Dans ses cheveux un Lys, dans son cœur une lame…Ses doigts lui parurent flous, distordus, presque lointains, comme si ils n’avait jamais obéi à la moindre de ses volontés. Très lentement, la Prêtresse fit volte-face, regardant pour la première Adrien à travers le voile opaque de pleurs qui masquait en partie ses paupières. L’épiderme de son visage brillait dans l’éclat de la lune à l’instar de sa longue cascade de cheveux platines. Lui aussi semblait loin, comme dans un autre monde, si différent dans lequel elle évoluait depuis le début…Et même encore maintenant, elle ne voulait pas impliquer des gens en plus dans ce conflit où il n’était plus permis de faire marche arrière…
Pourquoi était-il venu ? Fortuitement, sûrement…mais il aurait très bien pu la laisser dédaigneusement à ses pleurs de femme, en la voyant ainsi dans le Cimetière…Mais au lieu de ça le Vicomte était venu à la rencontre de la misérable infortunée qu’elle était après s’être montrée si détestable…Elle qui auparavant, voulait tant faire bonne figure avait tout gâché; elle avait révélé malgré elle ce qu’elle voulait cacher, tout ce qui au plus profond d’elle lui faisait honte et n’était tout simplement pas digne d’Olrun…Pleurer…de tout temps elle avait considéré ça comme une marque de faiblesse, et même encore maintenant ce sentiment subsistait. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas s’arrêter ?


"Si tu as la réponse, Adrien, dis-moi…que dois-je faire, maintenant ?…"
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Adrien D'Hasbauer
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeMer 28 Mai 2008 - 12:11

[HRP : J’en profite, j’en profite =D Par contre pour mes réponses, il faut imaginer une sorte de dialogue ^^ J’ai essayé de faire des interventions de telle sorte qu’en intercalant les tiennes et les miennes on ait un dialogue où chacun rebondit sur l’intervention précédente de l’autre ( Je sais pas si ça a marché xD ) ]

S’il ne s’attendait pas à la voir sursauter de part son interruption, il devait reconnaître qu’il ne s’attendait pas non plus à ce qu’elle reste de marbre. Son jeu de mot macabre lui vint à l’esprit et il réprima le léger sourire qui s’était affiché sur ses lèvres. Ce n’était pas forcément le moment pour un peu d’humour mais il valait mieux en rire qu’en pleurer car tout le monde sait que le rire est le propre de l’Homme. Laissant le silence reprendre ses droits après avoir été outrageusement interrompu par le Vicomte, ce dernier attendit patiemment qu’Europe lui demande de partir ou engage la conversation. Il ne la forcerait en aucun cas. Il était arrivé ici par hasard et n’allait pas imposer sa présence à la Prêtresse si elle ne voulait pas lui parler, que ce soit par respect pour son deuil ou bien simplement parce qu’elle était sa supérieure hiérarchique bien que ce dernier fait ne change pas grand chose au fond.
Debout à quelques pas derrière elle, Adrien attendait. Il comprenait la douleur qui étreignait le cœur de la jeune femme agenouillée devant lui. Même s’il ne l’avait pas forcément vécu, il savait ce que c’était d’être attaché à un être cher et s’imaginait parfaitement ce qu’il pourrait ressentir si jamais il en perdait un. L’image d’Elisabeth et de ses enfants s’afficha d’elle-même dans son esprit et nul doute que s’il les perdait, Adrien ne deviendrait plus que l’ombre de lui-même. Mais alors qu’il se laissait aller dans ses pensées, les paroles d’Europe le ramenèrent à une réalité un peu moins morbide. Un peu rassuré par ses paroles, il s’avança de quelques pas, ses yeux fixait l’horizon, le ciel étoilé dans lequel il trouvait la paix dont il avait besoin… Il s’arrêta à deux trois pas de la jeune femme et répondit :


« - Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne peuvent jamais se tromper… Notre vie est constituée d’une succession incessante de choix, d’actes. Si nous voulons avancer nous devons faire ces choix, agir. Mais si la vie est parsemée de choix, elle l’est également d’erreurs. Qui peut affirmer ne jamais avoir commis d’erreurs ? Moi aussi j’en ai commise, mais l’important n’est pas tant les conséquences de ces échecs, mais bel et bien les leçons que nous en tirons, pour ne plus avoir à les refaire. »

Il ne mentait pas. Des erreurs, il en avait fait que ce soit dans sa jeunesse ou bien dans les dernières années… Mais après tout, même s’il s’en était voulu à chaque fois, il n’avait eu d’autres choix que de continuer à avancer, de ne regarder en arrière qu’une seule fois pour tirer le meilleur de cet échec et ainsi avancer en regardant vers l’avant, plus confiant en lui-même.
Adrien savait également que ses paroles étaient un peu faibles. Il savait que ce qui rongeait Europe n’était pas tant l’idée d’avoir échoué ou d’avoir fait une erreur, mais bel et bien d’avoir « participé » au meurtre d’Elena. Beaucoup de personnes pouvaient penser que c’était cette lettre qui avait tué la Prêtresse, que si elle n’avait pas été écrite, ni envoyée, Elena serait toujours de notre monde. Et comme en écho à ses pensées, la Prêtresse reprit la parole, alors qu’elle cédait à nouveau aux larmes. Le Vicomte l’écouta patiemment, réfléchit un instant et ajouta, de sa voix toujours calme.


« - Je dois préciser que c’est un sortilège puissant qui a tué Eléna, quoi que tu puisses en dire Europe. Tu te sens coupable parce que tu as envoyé cette lettre qui a sûrement été l’élément déclencheur de tout cela ? Tu as fait le choix d’espérer une Trêve, qui pourrait te blâmer pour cela ? Malgré mon scepticisme, j’ai également cru à cette Trêve. J’ai eu tort je le reconnais et alors ? Ne prend pas sur toi les conséquences des actes d’Alicia. Après tout, tu as tenté d’engager le dialogue avec elle, et tu as eu pour réponse non pas une lettre mais bel et bien un sacrilège, qui de plus, a ôté la vie à l’une d’entre nous. »

Non décidément, il ne pouvait condamner Europe. Elle avait fait ce qu’elle jugeait le mieux, d’autant plus que cette lettre avait été approuvée par la Grande Prêtresse. Si quoique ce soit se déroulait dans les jours à venir concernant une éventuelle contestation des responsabilités de la Prêtresse actuelle, il était certain qu’Adrien serait de son côté et la soutiendrait. Il se doutait également que sa femme ferait de même. Au pire, il serait évident qu’une réunion serait tenue pour cette situation et un dialogue bien tourné permettrait de convaincre une bonne majorité du Clan de soutenir la Prêtresse actuelle. Mais il doutait sincèrement que certaines personnes remettent en cause son rôle, après tout, qu’aurait fait ses gens dans sa situation ? N’aurait-il pas écrit cette lettre même s’il savait qu’il était impensable d’obtenir une réponse positive ? L’infime espoir d’obtenir un avis favorable ne les aurait-il pas poussé à écrire en se disant qu’au final ils l’avaient rien à perdre ? Adrien l’aurait fait lui, et il savait que bien d’autres l’auraient fait également. Qui pouvait se permettre de critiquer bien à l’abri derrière sa passivité extrême ? Le Vicomte avait de plus en plus de mal à comprendre l’inaction et ceux qui la prônait, Europe avait agi, elle, et cela n’était pas blâmable. C’était la réaction du Lys qui l’était…
Les paroles d’Europe résonnèrent, le faisant doucement sourire lorsqu’elle se qualifia d’un dictateur tyrannique. Un sourire qui s’effaça alors qu’elle continuait. La fin de sa réplique lui glaça les sangs mais il répondit tout de même.


« - Je comprends très bien Europe, il n’est pas besoin de prendre Elisabeth comme exemple. Mais toi, tu dois comprendre que tu n‘as pas tué Elena. Le Lys Noir l’a tué. Comment peut-on condamner quelqu’un qui n’a eu que l’audace de croire en quelque chose d’improbable ? Si j’avais été à ta place, je l’aurai fait aussi. Si dans cette perspective, Elisabeth serait morte, je m’en voudrais à moi-même, mais je comprendrais que ma lettre n’est pas ce qui l’a tué. J’aurai perdu ma femme, mes enfants leur mère, mais au-delà de cette perte, je sais qu’elle ne voudrait pas que je me perde en désespoir pour une culpabilité qui ne serait pas mienne… »

L’idée même de perdre Elisabeth lui faisait mal au cœur mais il ne disait que la stricte vérité. Il fallait continuer à avancer, à faire sa route. Forger son avenir sous les yeux de ceux qui ne le peuvent plus, le faire pour eux, pour ceux qui nous ont aimés et qui nous aiment toujours, comme nous les aimons… Il la regarda se relever et se tourner vers lui. Dans la nuit, la pâle clarté de la lune se reflétait dans les traces fragiles des larmes. Lorsqu’elle lui demanda ce qu’elle devait faire, la surprise s’afficha sur son visage le temps de quelques instants… Ils n’étaient qu’à quelques pas, des pas qu’il franchit lentement. Il s’arrêta à moins d’un mètre d’elle et posa son regard vert d’eau dans le sien. Posant ses bras sur ses épaules avec une infinie douceur, il répondit :

« - Je ne sais pas si j’ai la réponse, mais je n’ai qu’une chose à te dire… Pleure. Pleure autant qu’il le faudra pour faire le deuil d’Elena, mais ne pleure pas pour ta culpabilité. Je sais que tu es une femme maintenant, et je sais que tu sais qu’il faudra que tu sois forte dans les jours à venir. Je sais également que tu es assez grande pour savoir ce que tu dois faire, mais pour l’instant évacue cette peine qui s’éveille en toi. Pleurer fait du bien, se confier aussi. Lorsque ta peine sera moins grande, tout sera plus clair en toi. Tu sauras alors ce que tu dois faire et tu sauras aussi que tu n’es pas coupable. »
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeVen 30 Mai 2008 - 0:06

[ Mdr xD Bah écoute tel que je lis ton post ça a marché parfaitement, puis moi je procède généralement aussi ainsi donc bon c’est parfait =D ]

Avoir commis une erreur…
C’était ce qu’avait dit Adrien; qui pouvait se vanter de ne jamais s’être trompé dans sa vie ? Oui, Europe avait commis une erreur; une catastrophique, irréparable et désastreuse erreur, mais une erreur tout de même; si à la limite elle pouvait se pardonner ce fait, elle ne voyait pas comment oublier celui d’avoir tué sciemment une de ses compagnes. Quand le Vicomte parla de tirer une leçon de ses échecs, elle leva vers lui des yeux cendrés, éteints par les larmes et l’espoir retirés, qui étaient comme le rivage d’une mer baignée continuellement de flots tant elle avait pleuré. C’était bien ça, le problème; que tirer comme conclusion de son erreur ? Ne plus jamais avoir d’espoir insensé ? Ne plus jamais prendre de décisions hâtives sans auparavant consulter le Clan ? Ne plus rien faire du tout, rien qui risque de mettre en danger la vie du moindre Sorcier ou d’un innocent ?
Un peu perdue, la Sorcière entendit Adrien lui parler de nouveau et sa voix, bien qu’elle résonnât un peu lointaine et vague, portait des paroles pleines de convictions qui volaient autour d’elle, en de lentes girations, semblant apporter un peu de clarté diluée dans une nuit d’un noir d’encre. Ainsi, lui aussi avait douté de l’efficacité de la lettre dès qu’il en avait appris l’existence; mais lui aussi avait voulu s’accrocher à ce mince voile d’espoir brillant, qui tentait avec peine d’occulter les ténèbres, mais que les cœurs noircis du Lys Noir avaient soulevé sans aucune considération…


"La faute…d’Alicia ?…"

Europe avait prononcé ces paroles comme si elle n’y croyait pas beaucoup. Perdue dans une sorte de brouillard, elle ne voyait plus qu’Adrien, la tombe d’Elena, et l’immense ciel indifférent qui scintillait faiblement au dessus de leurs têtes, ses mille yeux rivés sur la scène emplie de fautes inavouées et de lancinantes douleurs cachées. La Sorcière se souvenait avec nostalgie du temps où, jeune encore, elle venait d’avoir sa promotion de Prêtresse et où le succès semblait toujours être au rendez-vous, quoi qu’elle fasse. Avant, elle réussissait beaucoup de choses; mais à présent qu’elle se lançait dans des grandes initiatives elle s’apercevait que la chance lui souriait beaucoup moins et qu’il fallait prendre conscience de la portée de ses propres actes…cependant le temps n’allait pas s’arrêter soudainement parce qu’elle regardait par dessus son épaule…
Et alors que son cœur virait dans un nouvel élan de tristesse, la voix d’Adrien retentit de nouveau, baignant la nuit de ses paroles aux consonances douces. Le silence qui auparavant, défendait jalousement ses droits et son territoire, semblait tout à coup emprunt d’une douce sollicitude; et il laissait parler ceux qui le désirait sans plus exercer cette pression sur les choses au moindre son. Un peu étonnée, Europe remarqua que le Vicomte parlait par intermittence, à chaque fois au moment où elle faisait mine de se laisser emporter par un nouveau virage de désespoir, la voix de son ami résonnait, comme un écho gracieux et porteur la soutenant dans son deuil.


"Peut-être effectivement…que je n’ai pas tué Elena…mais j’y ai contribué, même indirectement…et dans notre situation, j’ai eu tendance à croire que la fin justifiait les moyens…je ne referais plus la même erreur. Si je la refais…je ne me le pardonnerais jamais…Je n’aurais plus qu’à mourir."

Sa voix se tarit un peu dans sa gorge et elle s’arrêta, tandis qu’Adrien s’approchait doucement d’elle, dardant ses prunelles d’un vert très délicat dans son regard ourlé. Europe, absorbée par ses yeux, ne le vit pas lever les mains, mais sentit le contact des doigts fermes et doux sur ses épaules, en un geste rassurant qui faisait plus d’effet que cent mots.
Pleurer ? Qu’elle pleure autant qu’elle veuille ? Mais elle s’en était toujours privé, en avait même conçu une certaine fierté, car les larmes étaient le symbole d’un faiblesse intérieure et misérable, les larmes étaient…
Bon…alors pleurons…
Les sanglots silencieux reprirent une nouvelle fois leurs droits et la Sorcière se pencha en avant, le front effleurant l’épaule du Vicomte, ses longs cheveux tombant en vrilles légères autour de son visage et le dissimulant en partie. D’abord, pleurer, se soulager, faire un peu de vide. Ensuite, elle verrait. Elle avait besoin de réponses; elle devrait sans doute les chercher toute seule, alors autant d’abord faire le point tranquillement.
Europe resta un long moment ainsi, les larmes coulant silencieusement sur ses joues pâles; peu à peu le vent qui charriait des odeurs de nuit s’atténua et le cri d’une effraie retentit dans l’obscurité. Les étoiles scintillaient toujours de leur clarté dansante. Enfin, la Prêtresse reprit la parole, d’abord hésitante.

"Il semble que je soit arrivée à l’âge… où la vie cesse de nous donner des choses pour nous les reprendre peu à peu… Je ne pensais pas que cette période aurait tant d’effet sur moi. J’espère que nous pourrons bientôt avoir la paix que nous méritons mais j’ai le sentiment que pour y parvenir nous allons devoir employer des moyens…parfois violents…ou immoraux…d’un côté ça ne me plaît pas…mais de l’autre…oh, j’ai honte de l’avouer, mais de l’autre côté si le malheur frappait le Lys Noir autant qu’il nous a frappé, j’éprouverais une satisfaction vengeresse tout à fait honteuse…"

Europe redressa la tête; à présent elle fixa le regard d’Adrien et, même si les traces de larmes obscurcissaient légèrement ses yeux, elle voyait maintenant le visage et les yeux du Vicomte avec netteté. Ce qui allait arriver dans les prochaines jours, personne ne pouvait le dire. Mais étrangement, toutes ses inquiétudes s’étaient désormais un peu allégées.

"Merci, Adrien…pas seulement aujourd’hui, mais de tout temps, tu m’as beaucoup apporté…je sais que tu vas dire que ce n’est rien, que c’est tout naturel, mais je tiens vraiment à t’exprimer ma gratitude. Je crois que, dans les moments difficiles comme celui-ci, ce qui nous manque le plus n’est pas le pardon mais le soutien de ceux qu’on aime ou qu’on estime…"
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Adrien D'Hasbauer
Mort(e)
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeDim 1 Juin 2008 - 15:52

Le Vicomte était un homme comme il y en avait peu. Attaché à des valeurs comme l’amitié, l’amour et la noblesse de l’esprit, il n’hésitait pas à rééquilibrer la balance entre Peuple et Noblesse dès qu’il le pouvait. Beaucoup savaient qu’il était influent de part ses fonctions qui le rapprochaient beaucoup d’un Intendant, et le respectaient, ou plutôt le craignaient. Une peur classique de ceux qui ne veulent pas perdre les avantages qu’ils possèdent. Adrien n’était pas partisan de l’abolition des privilèges, bien que l’idée lui ai déjà effleuré l’esprit, mais simplement d’empêcher les Nobles peu scrupuleux d’utiliser leurs influences pour malmener ceux qui n’avaient pas eu la chance de naître avec une cuillère d’argent dans la bouche. Mais si le Vicomte était un homme impartial, il avait également de grandes qualités humaines, et c’est celles-là qui s’exprimaient en cette nuit sombre et calme. Là, il n’était pas le Vicomte d’Hasbauer, il n’était pas non plus le Sage d’Olrun, il était simplement un homme, Adrien, qui essayait d’apporter son soutien à une amie, Europe. Certes, leurs liens étaient dus à leurs situations respectives au sein de la Tribu d’Olrun, mais au-delà même de cette appartenance, une forte estime s’était glissée entre eux-deux, dépassant de loin les attaches dues à la Magie.

Voilà pourquoi il s’était approché, pourquoi il avait posé deux mains qu’il voulait réconfortantes sur les épaules de la jeune femme. Si certaines personnes mal intentionnées avaient été présentes, nul doute qu’elles se seraient empressées de mal interpréter les faits… Non, Adrien était là en simple ami, et quiconque le connaissait, savait qu’il ne pourrait jamais trahir l’amour qu’il portait pour Elisabeth, sa femme. Le Vicomte était un homme fidèle, voilà la première chose que l’on pouvait apprendre de lui. Mais en tant qu’ami, il était souvent là pour épauler ceux qu’il appréciait et estimait beaucoup. Europe faisait partie de ceux-là, et depuis ce drame dans la Clairière, il était plus que certain qu’elle avait besoin de soutien pour pouvoir traverser cette épreuve. Il lui avait dit ce qu’il pensait, et lui dire de pleurer n’avait pas été innocent. Bien qu’il ne sache pas qu’elle considérait cela comme un acte de faiblesse, il était persuadé des « vertus » des larmes. Contenir une peine en soi était aussi dévastateur qu’un coup de lame porté dans des chairs fragiles qui déclenchait une hémorragie. Pleurer permettait d’évacuer la tristesse, la peine, le chagrin, toutes ses choses qui aveuglaient, qui brouillaient le jugement. Europe devait faire son deuil avant de se plonger dans des pensées ternies par la douleur de la perte d’un être cher.

Et lorsqu’elle se laissa aller aux larmes, Adrien ne dit mot, ne bougea pas, gardant ses mains sur les fines épaules de la jeune femme. Elle délaissa son regard pour pencher sa tête en avant. Respectant son choix, Adrien posa son regard sur le ciel, se surprenant à adresser un mot de bienveillance pour Elena et de réconfort pour Europe. Ses paroles avaient à peine frôler ses lèvres dans un murmure quasiment inaudible mais nul doute que la jeune Prêtresse l’avait entendue. Puis, livrant la scène aux bruits de la nuit, il attendit patiemment, que la jeune femme ait fini de conjurer sa propre peine. Puis, elle rompit le silence d’une voix hésitante mais empreinte de mots dont le sens parlait énormément à Adrien… Oh, lui aussi aurait bien voulu déchaîner ouragans et tempêtes contre les Inquisiteurs, mais cela n’était pas « sage », était bien trop « violent », Lou le lui avait d’ailleurs dit. Alors que la jeune femme relevait la tête, les sillons de ses larmes encore légèrement brillants, il finit par répondre :


« - La vie ne cesse jamais de donner, ni de reprendre. Elle donne et enlève au grès de ses envies, de ses humeurs. Tu as été ébranlée comme nous tous l’avons été, et plus encore car Elena t’était très chère. Tu connaîtras encore de nombreux moments d’allégresse mais aussi de douleur, c’est la vie qui veut cela, et crois moi, j’en ai fait l’expérience. Si la jeunesse nous semble être un facteur de réussite, nous avons tous connu en elle des moments pénibles. Mais ils nous paraissent moins lourds de conséquences, ce qui n’est qu’une vaine illusion, simplement due au fait que nous n’avions pas conscience de toutes les responsabilités que nous avions… »

Il préféra passer sous silence l’évocation du malheur s’abattant sur le Lys Noir, sur la possibilité d’agir violemment, mais il se contenta d’ajouter :

« - Après ce qui est arrivé, je suis certain que tu n’es pas la seule à souhaiter un mauvais coup du sort pour le Lys Noir. Mais à ressentir cela, tu ne ferais que t’abaisser à de la vengeance pure et gratuite. La vengeance n’est jamais une solution, car elle ne se termine jamais… Venge Elena, et le Lys vengera la cible de ta vengeance… Un Cycle Morbide qu’il vaudrait mieux stopper dès sa première étape. »

Oui… Il croyait maintenant fermement en ses paroles, cela pouvait se ressentir. Ce qui ne pouvait pas l’être par contre, c’était le fait qu’en lui, une partie bouillait de rage, son esprit était envahi d’une colère sourde, inaltérable, qu’il ne pouvait que contenir, pour l’instant… Il en était conscient, et il faisait tout pour ne pas l’attiser, mais les évènements actuels n’arrangeaient pas les choses, ce qui était là tout le problème. Et alors que la jeune Prêtresse le remerciait, il eut pour elle un sourire bienveillant, comme celui d’un grand frère qui veille sur sa petite sœur, qui la console quand elle est malheureuse.

« - Se sentir seul en de telles situations et un fardeau de plus que personne n’a à porter. Je suis heureux de savoir que j’ai pu t’apporter quelque chose que ce soit maintenant ou bien avant, et je n’espère que continuer dans cette voie dans les jours, les mois, les années à venir. Ta gratitude est une reconnaissance on ne peut plus suffisante contre les maigres services, aussi naturels soient-ils, que j’ai pu te rendre, mais je l’accueille avec joie. »

Son sourire n’avait pas bougé, comme figé dans le temps et l’espace. Pourtant, sous cette façade d’homme altruiste et avenant, toujours posé, calme et réfléchi, un duel endiablé faisait rage, un duel dont l’issue risquait d’être incertaine pendant de nombreux jours…
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeLun 2 Juin 2008 - 20:15

Tout autour d’eux, la nuit qui auparavant était fraîche et inquiétante, s’était muée en une sorte de voile confortable, comme une de ces nuits d’été où la lune brille haut dans le ciel et où la brise nous paraît froide car il a fait si chaud dans la journée… et l’on sentait bruire tout autour du cimetière des petites vies invisibles, qui perçaient à peine le silence reposant et serein, portant dans ses sillons la douce quiétude de cette entrevue si franche et émotive…

Europe peu à peu, arrivait à se sentir mieux; le contact des mains d’Adrien sur ses épaules ne s’était pas interrompu et cela lui faisait plaisir; car même si elle savait abstraitement qu’elle pourrait toujours compter sur son soutien, un geste concret était aussi une preuve agréable à recevoir. Ce contact, elle aussi savait comme le Vicomte qu’il était amical; elle n’aurait jamais eu l’idée de toute façon d’avoir de telles autres pensées envers Adrien, elle le respectait bien trop pour ça… lui et Elisabeth, d’ailleurs… deux êtres avec qui elle avait parcouru un long chemin, au sein de la tribu d’Olrun, puisqu’ils avaient vécu ce qu’elle avait vécu, ils souffraient sa souffrance et ils pleuraient ses larmes, au même titre qu’ils se soutenaient mutuellement… Et même si la Prêtresse avait un peu honte de se l’avouer, avec du recul elle s’apercevait que pleurer lui avait fait du bien. Elle en avait eu besoin, pour enterrer définitivement Elena, pour oublier cette image effrayante de tempes pâles, de lèvres nacrées, de prunelles sans vie…
Mais une autre question se posait désormais… qu’allait-elle faire maintenant ? Se relever plus forte que jamais, construire une nouvelle Europe absolument intraitable, au cœur de fer et à la main d’acier, qui jurerait de mener la vengeance contre le Lys Noir jusqu’à ce que chaque goutte de sang versé aie payé son tribut ? Ou bien poursuivre sa route comme avant, bienveillante et protectrice envers les siens… et par là même passive, comme elle l’avait été jusqu’à maintenant ?


"Je sais qu’il n’est pas bon de se laisser bercer par les illusions… mais si c’en était une, nous avions au moins la foi au cœur et l’insouciance de la jeunesse; comme tu dis, nous n’avions que peu de responsabilités mais tout nous semblait facile… nous avions la conviction… n’est-ce pas cela le plus important ? Et si c’est le cas, alors… il serait peut-être temps de se demander si la perfection n’est pas dans l’enfance, si l’adulte n’est pas un enfant qui a déjà commencé à pourrir…"

Mais elle avait renoncé… elle avait dit adieu à sa liberté, à son existence confortable, elle avait dit adieu à sa jeunesse insouciante le jour même où elle avait accepté d’être nommée Prêtresse. Maintenant elle ne pouvait pas revenir en arrière, et elle ne le voulait pas non plus; mais elle se languissait de cette période dans laquelle tout semblait beau, même si ce n’était qu’une illusion, et dont elle ne pouvait se souvenir sans éprouver aussitôt une certaine mélancolie.
Europe leva un peu la tête, elle voyait au dessus de leurs têtes les étoiles qui brillaient de mille feux scintillants, plus rayonnantes que jamais. Par une coïncidence assez troublante, il lui semblait ces derniers temps que chaque événement horrible qui ponctuait sa vie était en contradiction avec la nature… rien qu’à la mort d’Elena, un doux soir de Juin tombait et il faisait beau… comme pour lui dire qu’il ne fallait pas s’attarder sur cet événement dans un deuil éternel… comme pour lui dire de suivre les conseils d’Adrien, de déculpabiliser, d’envisager maintenant le futur et de réagir en conséquence. Mais comment ? La vengeance, venait d‘énoncer le Vicomte avec sagesse, n’était pas une solution car elle s’élançait comme une boucle infinie et ne pouvait se terminer jamais; en outre si les protagonistes de la lutte se faisaient de plus en plus nombreux, et si le conflit s’envenimait, tout cela pourrait déboucher sur une guerre ouverte.

"J’entends tes paroles Adrien, et je suis d’accord avec toi. Je suis d’accord car si nous devions venger chaque Sorcière tombée, ne serait-ce qu’aux mains des Inquisiteurs, le monde serait bientôt le témoin d’une hécatombe gigantesque et de tout temps, nous nous battons pour que cela n’arrive pas. Mais vraiment, je ne sais plus quoi faire. J’ai l’impression… même si les Sorcières du Lys Noir ont démontré qu’elles savaient être capable de la pire cruauté, et qu’elles auraient pu très bien être les coupables de l’empoisonnement de l’eau…oui, j’ai l’impression que nous sommes pris dans l’engrenage d’une force qui nous dépasse…"

C’était la stricte vérité, le sentiment intime d’Europe; elle savait qu’il y avait une haine sans borne entre les clans, et une traque sans répit de la part des Inquisiteurs, mais elle pressentait qu’il y avait… autre chose. C’était vague, indistinct, mais c’était quelque chose de grand et ça planait au dessus de tout ça comme une menace imprécise et pourtant omniprésente. Un peu emportée dans ses pensées, la Sorcière ne soupçonnait pas le moins du monde la haine bouillonnante et furieuse qui faisait rage en ce moment même dans l’esprit d’Adrien. Elle n’avait retenu que ses propos, encore une fois saisissants tant leur gentillesse et leur réconfort était énoncé avec prestance et naturel. Europe lui sourit. Elle avait perdu ses véritables sourires depuis la Messe de Cendres en fait, et celui-ci ne fit pas exception à la règle; ce fut un sourire pâle, triste, mécanique et sans âme… mais sincère et emplit d’une reconnaissance silencieuse.

"Et je t’en remercie. Sache que de ton côté, tu pourras toujours compter sur moi, de même qu’Elisabeth. Tu m’as appris bien des choses, même si tu ne le sais pas, Adrien. Vois-tu, avant, quand j’étais encore une toute nouvelle Prêtresse qui ne craignait ni le malheur ni l’ennemi, je considérais les larmes comme une preuve flagrante de faiblesse… et voir les autres pleurer ne me faisait que me sentir plus honteusement supérieure encore… mais à trop rechercher sans cesse la gloire, je me suis égarée. J’ai réalisé que si les gens pleuraient, c’est parce qu’ils avaient le malheur du monde sur leurs épaules et maintenant qu’il m’arrive une telle chose, je les comprends. Mais surtout, j’ai oublié le vrai sens de l’existence d’Olrun… il n’y a pas qu’un Sage, qu’un Apprenti ou qu’un Aguerri… Nous sommes un Clan. "
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeLun 16 Juin 2008 - 14:05

Au fur et à mesure qu’ils avaient parlés, qu’Europe s’était confiée, Adrien avait petit à petit pris le rôle qu’il affectionnait le plus, celui d’une espèce de grand frère veillant sur sa petite sœur, essayant de la réconforter, de la protéger. C’était une attitude typique chez lui, le Vicomte tentait toujours de venir en aide à ses amis, ses proches voire même à ses ennemis lorsque la situation concernée était étrangère au conflit qui les opposait. C’était peut-être à la fois sont plus grand défaut et sa plus grande qualité, mais même s’il savait qu’il était parfois trop avenant, il ne pouvait s’en empêcher, ne pas le faire serait nier une partie de lui-même, chose qu’Adrien ne pouvait même concevoir. Voila pourquoi il avait conseillé à Europe de pleurer. De se livrer aux sanglots tellement extériorisant. Pleurer était le meilleur moyen d’évacuer sa peine, son chagrin, une grande partie du poids que l’on porte sur ses épaules en des situations pareilles. Pour le reste il ne pouvait rien faire car seule Europe était maître de son Destin. Elle était assez grande pour décider de cela. Mais s’il ne pouvait pas décider à sa place, il n’en était pas moins présent pour la conseiller si elle devait avoir des doutes ou des craintes.

« - Un enfant commence d’abord par mûrir pour devenir l’adulte. La conviction ne se perd pas lors de ce passage, si tu penses l’avoir perdue, il faut alors que tu la recherches en toi pour la retrouver, tapie au plus profond de ton être, attendant d’être ranimée. Je ne pense pas que les années que j’ai à présent sont pour moi un handicap, j’ai beaucoup appris. Et si c’est une chose qu’il manque à l’enfance, c’est bel et bien l’expérience. Les adultes n’ont rien d’un reliquat de l’enfance, ils en sont le stade d’évolution suivante. Ils perdent peut-être certaines choses lors de ce passage, mais en gagent d’autres, indubitablement. A eux alors de tirer profit de leurs nouveaux acquis pour aller au-delà de ce qui leur a été enlevé. »

Comme d’habitude, il pensait sincèrement ses paroles. Adrien n’avait pas le souvenir de savoir autant de choses qu’à présent lorsqu’il était enfant. Il n’avait que le souvenir de quelque chose d’insouciant, même s’il avait toujours été responsable. Mais, à présent, il réfléchissait un peu plus aux conséquences avant d’agir. Une certaine prudence s’était installée avec l’âge, les responsabilités et la compréhension des rouages et des tensions qu’il pouvait exister en ce monde. Le Vicomte regrettait par moment l’insouciance de l’enfance lorsqu’il regardait son fils et sa fille, mais il savait que son rôle était d’être un adulte pour essayer de leur faire profiter d’un monde meilleur, dans lequel il ne serait pas sous la crainte d’une Inquisition que trop puissante.
Car s’il y avait une chose pour laquelle pouvait se battre Adrien, s’était bien sa famille. En réalité, c’était une des rares choses qui pouvaient le mettre hors de lui, s’en prendre à ses enfants ou bien à Elisabeth. Il l’avait toujours su et savait implicitement que ceux qui lui voulaient du mal le savait aussi. En effet, il ne se privait pas de montrer à ses enfants qu’il les aimait énormément, et ce, même en public. Mais celui qui aurait l’idée malveillante de s’en prendre à eux pour l’atteindre risquait de s’attirer les foudres du Vicomte, un homme que l’on n’énervait pas à la légère…


« - Je partage un peu ton point de vue… Depuis peu, les évènements s’enchainent les uns après les autres, vers une issue aussi certaine que catastrophique. Mais si nous sommes pris dans une force qui nous dépasse alors nous devons lever la tête et faire tout pour la garder hors de l’eau. Nous devons nous soutenir pour permettre à nos proches, à nos amis, au Clan, de traverser ce fleuve qui ressemble peu à peu à un torrent. »

C’était une réalité, la situation échappait de plus en plus au contrôle de tous et de toute. A ce rythme, les sorciers et les sorcières seraient bientôt déchirés par une guerre dont l’issue ne pouvait être qu’effroyable pour l’ensemble des parties présentes, sauf peut-être pour l’Inquisition… Mais au lieu de se liguer contre elle, ils s’étaient encore plus éloignés… Chaque faction avait deux ennemis, l’Inquisition et le Lys pour Olrun, l’Inquisition et Olrun pour le Lys, et Olrun et le Lys pour l’Inquisition… Il n’y avait pas de situation plus défavorable, car il était impossible de dire de qui viendrait le prochain coup. Adrien était bien sûr tenté de calmer le jeu mais il ne s’en sentait plus la force. Il était las, las de combattre ses pulsions de rage. Oui, il était de plus en plus fatigué ces temps-ci. Heureusement pour lui, personne ne le voyait. Du moins c’est ce qu’il espérait. Après tout, il n’avait pas le droit de faiblir…
Le sourire d’Europe et ses paroles lui mirent un peu de baume au cœur et alors qu’il cessait doucement le contact sur les épaules de la Prêtresse, il répondit :


« - Je suis heureux de te l’avoir fait découvrir. Cela doit signifier que je ne suis pas aussi décrépit que tes paroles ne l’auraient laissé supposer. »

Il esquissa un léger sourire exprimant le fait qu’il plaisantait ouvertement et ne faisait que la taquiner un peu.

« - Je vais, par contre, malheureusement devoir te laisser. Les affaires du château ne subissent aucun retard et j’imagine déjà la pile qui m’attend sur mon bureau… Si je veux dormir au moins quelques heures cette nuit, je vais devoir partir sur le champ. Mais si tu as encore besoin de moi, tu sais où me trouver. Au revoir, Europe. »

Alors le Vicomte recula lentement, un sourire léger aux lèvres, son regard plongé dans celui de la Prêtresse, et lorsqu’il se retourna, le sourire s’effaça, tandis que ses yeux exprimaient une profonde mélancolie. Puis la silhouette d’Adrien se perdit doucement dans l’obscurité dans une noblesse qui lui était propre…
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MessageSujet: Re: Valse d'une nuit déchirée   Valse d'une nuit déchirée Icon_minitimeLun 16 Juin 2008 - 18:57

Pendant un moment, Europe ne dit rien, restant la tête à demi-inclinée, son regard oblique fixant sans le voir le torse d’Adrien. En réalité, elle était un peu perdue dans ses pensées, comme cela lui arrivait si souvent ces temps-ci; et tandis que le vent faisait doucement bruire l’herbe du cimetière, ses brins venant effleurer le délicat ourlet de dentelle de sa robe, elle songeait invariablement aux paroles du Vicomte… L’enfance, avait-il dit, n’avait pas que des bons côtés, et il en était de même pour l’âge adulte… Sa conviction, l’avait-elle perdue lors de ce passage ? Oui, sans aucun doute… oh, pas d’un coup bien sûr, ne serait-ce parce que l’adolescence est un stade plutôt long dans une existence; mais aussi parce que, il fallait l’avouer, Europe avait pris tard ses responsabilités. Elevée dans l’atmosphère plutôt étriquée d’une famille noble dont on lui enseignait les us, coutumes et les traditions les plus réglementaires, elle n’avait eu pour seul échappatoire, des années durant, que l’enseignement de ses parents qui étaient eux-mêmes des Sorciers d’Olrun. Et lorsqu’elle avait pu enfin sortir, s’ouvrir un peu au monde, se faire nommer Prêtresse… là seulement, elle avait choisi son poste en connaissance de cause, en sachant pertinemment qu’il lui faudrait abandonner derrière elle tout un pan de sa vie… Et c’était à ce moment que c’était opérée la scission…

"Oui…" répondit-elle enfin dans un souffle "Oui, je l’ai perdue… Mais elle est presque essentielle et je ne pourrais pas continuer sans… c’est pourquoi avant toute chose, je vais tâcher de la retrouver."

Avant de passer à l’action, il lui faudrait méditer intensément, faire le vide, le tri de ce qu’elle voulait et ne voulait pas, le tri sur ses sentiments et son devenir; car à l’orée de ce chemin obscur et tortueux où tous s’engageait maintenant, il allait lui falloir de la force et des repères pour être ferme. Europe considéra un instant Adrien; son visage au teint pâle brillait toujours sous la lune, avec plus d’éclat que jamais. Lui avait déjà ses points d’encrage; sa famille, il était de notoriété publique, était tout pour lui, son but, sa finalité, un soutien autant que des êtres à protéger…
Et l’expérience dont parlait le Vicomte, l’avait-elle acquise ? Oui, ça elle n’en doutait pas une seconde; jadis, ingénue, elle ne savait rien ni des merveilles ni des cruautés du monde; et à présent elle pouvait les lires dans chaque parcelle, chaque détail; dans les arbres qui soupiraient à la caresse du vent, dans les traits d’Adrien, dans les veinures de marbre sombre de la tombe d’Elena… peut-être cela lui donnerait dans l’avenir un certaine avantage, qui sait…
A ses paroles, elle hocha la tête pour faire signe qu’elle approuvait.


"Tu as raison, et sans doute n’avons nous pas vraiment le choix… car c’est la seule attitude qu’il convient d’adopter face à cette situation qui risque à tout moment de dégénérer…"

Hé oui, bientôt, ils se retrouveraient à se battre sur deux fronts; sans doute était-ce même déjà commencé, bien que pour le moment la haine soit beaucoup plus hostile entre Olrun et le Lys Noir, attisée par les événements récents… et l’on sentait dans l’air aussi bien que sur les visages fermés que la guerre n’avait jamais été aussi proche; et l’on sentait aussi que personne, Lys Noir, Olrunien ou Inquisiteur, n’en sortirait indemne…
Les propos d’Adrien firent sourire Europe et elle l’observa lui décréter qu’il devait s’en aller à présent si il voulait bénéficier d’un peu de repos avant le lever du jour. La Prêtresse hocha la tête et le remercia une nouvelle fois du regard en déclarant:


"Je comprends parfaitement. Va, Adrien, prends bien soin des tiens… nous nous reverrons sous peu, j’imagine. Je n’oublierais pas ce que tu as fait pour moi cette nuit."

Telle une statue de pierre, imperturbable, la Prêtresse observa la silhouette du Vicomte s’éloigner à pas réguliers; bientôt il se fondit dans l’obscurité complète de la nuit et le silence reprit son territoire qu’il avait auparavant revendiqué. L’obscurité environna bientôt Europe comme un halo protecteur, une sœur aimante; car la lune avait disparu derrière un bosquet d’arbres touffus et il ne lui restait plus qu’un face à face avec la tombe d’Elena… et son cœur totalement mis à nu.
La Sorcière resta là jusqu’au jour, sentant à peine le froid qui précède l’aube; plusieurs heures après, l’est se teinta de lumières vaguement dorées tandis que le soleil se levait peu à peu, embrasant l’horizon de ses lueurs safran; et quand le premier rayon toucha la tombe d’Elena, celle-ci, humide et scintillante des centaines de gouttelettes de rosée qui s’y étaient déposée, parut briller de mille feux.
Europe, qui jusque là était restée dans un silence de marbre, sortit de son mutisme et eut un sourire à peine esquissé.


"Je crois que j’ai un peu compris, Elena. J’agis comme si je connaissais tout, mais je ne me connais pas moi-même… quel chemin difficile, pour percevoir clairement ma propre maladresse… et pour y parvenir, j’ai blessé tant de gens, je t’ai même tuée. Mais j’en tire, comme l’a dit Adrien, de l’expérience. J’ai enfin réalisé une chose; tu n’étais ni impartiale, ni malheureuse… tu étais honnête."

Honnête et elle croyait; parfois, les gens oubliaient qu’ils avaient le courage de vivre, mais tant qu’ils avaient quelque chose ou quelqu’un en qui croire, ce courage ne s’effacerait jamais. Une unique larme coula sur la joue d’Europe et elle tourna le dos au cimetière, marchant résolument vers la sortie, pour le meilleur ou pour le pire.

"J’espère devenir comme toi un jour. Au revoir, Elena."



[Suivant = Aurore Argentée]
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Valse d'une nuit déchirée

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