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 Aurore Argentée

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Adrien D'Hasbauer
Mort(e)
Mort(e)
Adrien D'Hasbauer


Aurore Argentée Vide
MessageSujet: Aurore Argentée   Aurore Argentée Icon_minitimeMer 4 Juin 2008 - 20:55

Aurore Argentée Imgcom10

La nouvelle de la mort de la Comtesse avait irrésistiblement assombri la journée de tous les habitants du Château mais également celle de tous les Habitants du Comté de Forbach. Le couple régnant était apprécié de tous et une annonce aussi tragique ne pouvait que remplir de peine les cœurs de tout ceux qui les estimaient grandement. Mais au-delà de attenants politiques ou humains de cette mort, d’autres raisons gravitaient paresseusement autour, dans l’espoir d’être saisies au vol pour justifier un probable crime. Invisibles au commun des mortels, ces raisons attendaient, faisaient partie intégrantes d’un monde qui vacillait dangereusement au bord de ce gouffre abyssal qu’était la guerre. Oui… Les Sorcières et les Sorciers savaient ou du moins ressentaient ce qu’une telle mort pouvait présager, et surtout, après les récents évènements, tout aussi tragiques…

Pourtant, comme toujours, ce n’étaient qu’en simples femmes, qu’en simples hommes, que tout ceux qui avaient de véritables liens avec la défunte ou le veuf s’étaient rendus, dans la matinée, silencieux, à l’intérieur de l’Eglise. Et comme pour saluer ce jour funeste, le ciel lui-même n’avait pas daigné se teinter de ses couleurs chatoyantes, préférant une couleur sobre, respectant le deuil des personnes présentes en se parant d’une couleur gris pâle, comme si le Ciel lui-même s’apprêtait à pleurer de cette disparition aussi soudaine qu’insupportable… Ce n’étaient qu’en amis du Comte, qu’en amis de la défunte que tous s’étaient rassemblés en ce jour funeste, délaissant de côtés, pour quelques heures seulement, tous leurs différents, de quelque nature qu’ils soient. Ils s’étaient installés en silence, leurs pas semblant glisser sur les dalles polies qui recouvraient le sol de l’Eglise. Sur leurs visages, la tristesse, la peine, le chagrin, souvent contenu, parfois s’échappant en silence dans de petits sanglots étouffés.

La Messe avait, ce jour-là, ce goût amer que laisse derrière soit la mort d’un proche dans la bouche de ceux qui le pleurent. Innombrables avaient été les paroles prononcées ce matin-là, qu’elles soient pour rappeler les qualités tout aussi nombreuses de la défunte Comtesse, ou pour apporter un peu de réconfort à l’homme qui, à présent, était devenu veuf. Pourtant, les paroles semblèrent se perdre en un écho lointain et disparate pour ne finir, ensuite, que par disparaître, mourrant lentement, remplacée par d’autres qui ne subissaient que le même sort… Car aucunes paroles ne ramèneraient la Comtesse à la vie, aucunes paroles ne consoleraient le cœur d’un mari, aucunes paroles ne pourraient combler le vide laissé par cette femme, aucunes paroles ne parvenaient à briser la tristesse, la détresse, le malheur qui s’était abattu sur Forbach. Et c’est ainsi, au terme de toutes ces paroles, tous ces mots, qui se voulaient réconfortants, qui voulaient ancrer une image éternelle et brillante de la défunte dans les esprits présents, que la Messe se termina…

Dans un silence mortuaire, à peine rompu par le bruit d’une cloche, dont le son grave et monotone qui retentissait avec paresse, marquait la fin d’une première étape et le début d’une autre, plus terrible encore, les silhouettes sortaient de l’Eglise de la même manière qu’elles y étaient rentrées. Telles des fantômes glissant en silence, craignant de briser le silence respectueux, ils ne parlaient pas, leurs regards semblaient fixer le vide, une autre dimension, un autre plan de réalité dans lequel la Comtesse était peut-être encore vivante. Aucun chuchotement, à peine quelques regards osent chercher des yeux une personne. Tous s’avancent lentement, avec distinction, pudeur, respect. Le cortège funèbre suit son défunt guide vers son ultime demeure, un tombeau à l’arrière du bâtiment clérical, au centre du cimetière. Tout c’était ensuite arrêté, tous c’étaient regroupés, autour du corps, reposant en paix sous un mince linceul, et même dans la froideur de la mort, la Comtesse semblait rayonner un peu de chaleur, comme elle l’avait toujours fait.

Le silence devenait pesant, envahissant l’espace et le temps, laissant chaque personne seule avec ses pensées. Les convenances auraient voulues que le mari, le Comte, prenne la parole en cet instant, mais il était évident qu’il n’avait pas le courage de le faire. Les raisons étaient inconnues, toutefois tout le monde avait son idée, après tout, en de pareilles circonstances, peu de personnes en auraient été capables. Choisissant de briser le silence alors, ce fut le Vicomte qui s’avança. La tête légèrement inclinée, il prit place devant la défunte, avant de relever son regard et d’embrasser de ses yeux vert d’eau l’ensemble des personnes présentes. Il observa chacun d’entre eux, non pas en tant que Sorcières ou Sorciers, en tant que membre de Lys Noir ou de son propre Clan, mais bien comme des hommes et des femmes réunis dans la peine et la souffrance. Puis, jugeant que le silence n’avait que trop durer, il se décida à parler. Sa voix perça sans difficulté le voile lourd mais mince de l’absence de bruits et de sons. C’est donc en ces termes qu’Adrien D’Hasbauer s’exprima d’une voix calme, posée, empli d’une sagesse que tout le monde lui connaissait, mais surtout, empreinte d’une mélancolie indécelable et qui aurait été pour le moins surprenante si elle l’avait été :


« - Beaucoup de choses ont déjà été dites. Ces paroles, ces mots, tout le monde en a pleinement conscience, tout le monde sait et n’oubliera qu’elle femme exceptionnelle elle fut, tout le monde s’accordera à dire qu’en ce jour, la Ciel accueille en son sein une personne dont les qualités humaines, la joie de vivre et la présence rendaient la vie plus agréable, plus belle. De nombreuses personnes sont aujourd’hui livrées à la lourde et déchirante souffrance de la perte d’un être cher, lié à elles par l’amitié, l’amour ou même le sang, et j’aimerais leur dire que je les accompagne dans cette douleur. Nous partageons tous le même drame, essayant de soulager les épaules de ceux qui sont les plus amèrement touchés. Ceux-là doivent comprendre qu’ils ne sont pas seuls à lutter contre la détresse, et je suis le premier à me dresser à leurs côtés. »

Le Vicomte marqua une pause, appuyant ainsi ses propos, soulignant la véracité de ce qu’il pensait vraiment et qu’il n’avait fait qu’exprimer à haute et intelligible voix.

« - Je voudrais maintenant laisser la place à quelqu’un pour rendre dernier hommage à celle qui nous manqueras à tous, quelqu’un qui sera mieux placé que moi pour exprimer dans des mots plus justes, la souffrance qui nous étreint toutes et tous. »

Son regard se tourna alors vers Alicia… Oui, il était vraiment désolé du drame qui touchait la jeune femme qui venait de perdre sa sœur si… brutalement. Rien n’augurait cette perte et même s’il songeait déjà à la possible idée qu’elle pense que la Tribu d’Olrun soit derrière tout cela, il n’y avait dans son regard que tristesse et regret, ainsi que de la compassion. Il comprenait sa douleur, la partageait.

« - Mademoiselle Alicia de Sarrebourg. »

Des mots prononcés avec une infinie tendresse, plus fort qu’un murmure mais qui y ressemblait tant. Il n’y avait rien de solennel, il s’agissait juste d’une invitation à rendre un dernier hommage à sa sœur, chose qui lui revenait pleinement de droit. Toujours les yeux posés sur elle, il attendait que leurs regards se croisent, qu’elle comprenne sa tristesse partagée, qu’elle se rende compte qu’il était affecté presque autant qu’elle, mais surtout, qu’elle sente qu’il ne mentait pas…

HRP : Un tour de jeu siouplait !
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Alicia Loewenstein
Meneuse
Meneuse
Alicia Loewenstein


Aurore Argentée Vide
MessageSujet: Re: Aurore Argentée   Aurore Argentée Icon_minitimeJeu 5 Juin 2008 - 21:14

La ville de Forbach flottait dans un mutisme des plus impressionnants, parmi ses cimes la plus haute et le plus impressionnante était de loin celle du grand clocher gothique de l’Église, sa pointe dressée vers l’Excuse de la cruauté humaine. Les volatiles qui l’avaient pris comme centre éternel de leurs rondes aériennes s’éparpillèrent parmi les nuages lorsque le Glas sonna, sa vibration sonore s’envolant avertir les consciences tardives de la fin d’une vie. Car sous le clocher s’éternisait une Messe funèbre très catholique et donc infiniment triste. Le cortège, rapidement, suivit le corps éteint à jamais, flottant horizontal vers le petit cimetière où avait été placé un magnifique tombeau en pierre. La Comtesse était après tout, « une étoile divine caressant le peuple » comme le disait si bien le prêtre emprunt d’un pathos très professionnel.

Alicia durant la messe ne pensait pas tellement, ou bien elle pensait tant qu’elle ne s’entendait plus penser… Elle n’entendait rien de ce que les gens murmuraient en la regardant, elle n’écoutait pas les paroles du prêtre officiant, son esprit était en vérité envahit d’une mélancolique mélopée composée de violons lancinants et de chœurs plaintifs dans lesquelles elle se jurait pouvoir entendre la voix de sa défunte sœur… Elle était triste, pourtant elle ne pleurait pas. Ce n’est qu’en sortant de l’Église résonnante qu’Alicia, en suivant ce corps inerte qui abritait autrefois l’âme de sa propre sœur, commença à sentir, ressentir et réfléchir.

On le lui avait toujours dit, mais ce matin là elle le réalisait par elle-même : on ne se rend jamais assez compte de la valeur que quelqu’un prend, que lorsqu’on le perd, inutile de dire qu’on s’en rendait encore plus compte lorsqu’on le perdait à jamais. Alicia et sa sœur étaient si différentes ; sa soeur, si vite cadrée et programmée par son père à un destin fixe et impeccable, et Alicia, sans bornes, à l’avenir incertain, sans père. Leurs univers et leurs caractères en avaient bien sûr été rapidement séparés, mais leur propre mère avait joué un fort rôle dans cet éloignement silencieux et indifférent : elle avait toujours considéré sa fille aînée comme perdue de par son mariage établi si tôt, et avait privilégiée sa plus jeune fille dans laquelle elle souhaitait probablement refléter une vie idéale, sa vie idéale. Ainsi Alicia et sa sœur n’avaient jamais été très proches et d’autant moins après leur déménagement à Forbach où sa sœur s’affichait dés lors officiellement comme la Comtesse, femme d’un homme au charme sans appel sur Alicia, mais sans retour. La jalousie ne fut jamais trop vive car Alicia était raisonnable et connaissait parfaitement les engagements de cette situation, mais elle restait, latente et se traduisit au bout du compte par un détachement presque naturel.

Mais, dans toute cette indifférence, sûrement pire que de la haine, un sentiment important, qu’Alicia aurait qualifié de vital du vivant de sa sœur, si seulement elle avait eu la présence de coeur de le ressentir : elle savait en ce temps qu’elle avait quelque part avec elle dans ce château comme sur cette terre une autre personne de son sang. Oui Alicia venait de perdre une sœur certes, mais également le dernier membre de sa famille proche. La Mort a ce pouvoir d’illuminer d’une certaine clarté certaines ombres de notre Vie, alors, un sentiment très brusque et profond peut vous envahir. Et Alicia sentait ainsi les serres sévères de l’oiseau intemporel de l’honneur de sa famille affaibli venant se poser à présent sur ses frêles épaules. Elle sentait une attente muette et oppressante l’embrasser, presque la brider, ce qui pour la dernière de la lignée De Sarrebourg était insupportable.

La Meneuse cherchait et cherchait encore qui était la cause du malheur qui ne faisait que commencer à l’accabler, mais le même procès se jouait de façon récurrente dans sa tête et le jugement tombait toujours aussi sèchement : Les Sorcières de la Tribu d’Olrun avaient répliqué. Une provocation ne leur suffisait pas ! Il leur fallait réattaquer de la façon la plus grossière, la plus vicieuse, la plus détournée et la plus lâche qui soit ! Sans doute ces furies ne le reconnaîtraient pas tout de suite, acte bien trop sombre pour l’hypocrite pâleur immaculée de leurs ailes, et Alicia ne pourrait hélas jamais en avoir le cœur net, car si la puissance qu’elle et ses sœurs savaient convoquer leur permettait d’invoquer les esprits des défunts, une condition lourde n’avait pas encore trouvée détournement : les morts par malédiction ne se manifestaient plus jamais. Et c’est à ces conclusions affligeantes, qu’Alicia vit son regard s’assombrir plus encore, trouvant une expression de rage infinie lui invoquant une première larme douloureuse.

Le Vicomte du haut de toute sa grâce prit la parole ses yeux vert d’eau baignant toute l’assemblée attristée d’une sagesse bienveillante. Quel dommage qu’il eut été marié à cette conformiste d’Elizabeth… Ses mots étaient justes et indiscutablement francs, Alicia fut touchée par son apostrophe à la douleur qu’à l’évidence il comprenait non pas seulement d’elle mais aussi du Comte, qui malgré un mariage ne tenant pas véritablement de l’Amour, mais incroyablement vrai et fidèle, était très touché de la perte de la femme avec laquelle il avait passé plusieurs années de sa vie. Leur plus grand malheur fut sûrement d’accepter l’inaptitude de la Comtesse à procréer. Adrien d’Hasbauer exhorta affectueusement Alicia à parler en la Mémoire de sa sœur. Disons le franchement, elle le prit comme un merveilleux cadeau empoisonné !


« Je pense parler au nom de tous en vous remerciant Vicomte… »

Alicia accompagna son avancée d’un timide sourire pour Adrien avant de se placer à ses côté, face à l’assemblée pour continuer :

« Face au décès successifs de nos deux parents, ce fut ma sœur qui dût soutenir la renommée de notre nom et de notre titre, et pas un ne pourra lui renier cette qualité dont elle a toujours fait preuve : l’honneur. Elle fut une merveilleuse Comtesse de par son image sans faille et ses multiples dons, moteurs d’une polyvalence productive et admirable. Hélas la nature face à cet être si pur lui refusa la fertilité, et c’est là le seul regret que nous puissions lui connaître de par son vivant. »

Après tout les anges ne procréaient pas… Ce discours sonnait bien évidemment très vrai car énoncé avec toute la grâce et l’intensité dont Alicia savait se pourvoir...

« Souvenons nous de la Comtesse comme d’une femme droite et respectée. »

Le regard d’Alicia s’arrêta longtemps, peut-être trop, sur le Comte qui croisa également le sien avec une expression indescriptible et soudaine, en même temps qu’un sentiment, presque une sensation, envahit Alicia violemment. Si violemment qu’elle dut balbutier des remerciements avant de s’isoler un peu plus loin pour reprendre ses esprits.
L’enterrement se conclut bien sûr par l’adieu au corps qui se coucha à jamais recouvert par son linceul blanc au fond de son tombeau froid et obscure, scellé et décoré des fleurs que chacun y déposa au nom d’une femme qui fut en vérité la femme la plus discrète du comté…
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Europe
Fugitive
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Europe


Aurore Argentée Vide
MessageSujet: Re: Aurore Argentée   Aurore Argentée Icon_minitimeVen 6 Juin 2008 - 0:35

[Précédent = Valse d'une nuit déchirée]


La mort de la Comtesse…
Un événement tragique et déstabilisant, entouré d’un halo perpétuel de tristesse et de mélancolie…
Un événement funeste, même pour Europe. Même si ce n’était pas pour les mêmes raisons que tout le monde…

La Comtesse, elle ne la connaissait pas; peut-être l’avait-elle vue une ou deux fois à la cour lors d’un banquet mondain, avait échangé avec elle un sourire hypocrite derrière son éventail comme il était de rigueur de se saluer au Château, mais pas d’avantage. Ces dernières années elle ne l’avait plus vue que de loin en loin, puis plus du tout; cela ne lui importait pas vraiment, en vérité, car elle n’avait pas d’affinités avec cette femme, si l’on omettait même le fait qu’elle était la sœur d’Alicia de Sarrebourg, l’ennemie numéro 1 du clan d’Olrun.
Non, si elle était attristée par cette mort, c’était pour autre chose…
Cette matinée là Forbach entier était demeuré silencieux, latent, endeuillé, et il avait fonctionné comme une machine bien huilée; les gens étaient sobres et ternes, blottis dans leurs conventions, et même le ciel se parait de lourds nuages gonflés de la couleur du politiquement correct, étendant un gris plombé au dessus du monde, semblant rendre un dernier hommage de respect à cette femme qui semblait avoir été pour beaucoup, un modèle de joie et d’intégration…

Europe, même dès la seconde où elle avait appris la nouvelle de la mort de la Comtesse, n’avait pas eu l’intention de se rendre à son enterrement; elle n’y aurait pas eu sa place, elle n’aurait su ni quoi dire ni quoi faire, et elle n’avait pas envie qu’Alicia pense qu’elle était venue pour la narguer; elle même serait entrée dans une fureur outrée si la Meneuse avait pointé le bout de son nez à l’enterrement d’Elena… elle savait ce qu’était de perdre un être cher, elle en avait fait plusieurs fois l’expérience, et aujourd’hui elle respectait profondément le silence et la tranquillité de ceux qui subissaient cette épreuve. Souvent dans ces moments, la détresse est telle qu’elle va au-delà des larmes et qu’on ne se sent plus bien nulle part; dès qu’on est entouré de gens, on a envie d’être seul, et dès qu’on est seul la compagnie nous manque. C’était un cercle vicieux, un paradoxe, les effets pervers et palpitants du chagrin qui battait comme un cœur en se nourrissant de nos sanglots… Voilà pourquoi elle voulait cesser de pleurer depuis bien longtemps…

A quelques centaines de mètres du cimetière, dissimulée sous le relatif couvert des arbres, Europe se tenait à l’orée d’un petit bois, observant de loin les petites silhouettes qui se mouvaient comme au ralenti autour de la tombe, toutes de noir vêtues. De là où elle était personne ne pouvait la remarquer par hasard, il fallait savoir d’avance où elle se trouvait pour la repérer et c’était aussi bien ainsi. Se mêler à la foule, aux paroles creuses d’un prêtre dans un moment de détresse, lui paraissait particulièrement aberrant. Le vent portant très légèrement les paroles de l’évêque, elle entendit des brides de phrases, comme si la brise vivante était pourvue d’une voix aussi légère que la caresse d’une aile d’oiseau. Et l’on vantait les mérites de cette défunte femme comme un vendeur de poisson à la criée… discours hypocrite et vénéneux… La Sorcière s’était toujours demandée pourquoi les éloges funèbres ne mentionnaient toujours que les qualités de la personne et ne reconnaissaient jamais ses défauts, alors qu’ils étaient pourtant bien présents et constituaient une part entière de la personnalité d’un individu… c’est comme si d’un coup l’on avait décidé d’oublier tout un pan de la vie de la Comtesse…

Bien qu’elle ne participât pas à la cérémonie, Europe avait revêtu pour ce jour muet une somptueuse robe de taffetas d’un noir d’encre; ses cheveux relevés en un chignon lâche, étaient auréolés de perles dorées et tombaient sur ses épaules en boucle légères et éclatantes. Ses yeux ourlés de cils charbonneux, contrastant avec son teint de porcelaine, se mouvaient régulièrement; et de loin elle distingua Adrien qui, près de la tombe rutilante, prenait la parole. Puis Alicia prit sa place et se mit à parler à son tour; la Prêtresse se surprit à laisser son esprit dériver en fixant la Meneuse avec acuité, s’imaginant soudainement sortir de sa pose figée, se précipiter vers le cimetière, donner la baffe de sa vie à Alicia pour ce que le Lys Noir avait fait à Elena, et lui dire que tout cela était sans but, lui dire, qu’elle voulait bien reprendre les négociations, mais de vive voix cette fois…
Non… ne plus jamais espérer de la sorte…

Pourtant c’était tentant, aller la voir, lui dire, que ce qui faisait que la Comtesse reposait maintenant avec un visage blanc et serein au fond d’une caisse en bois laqué n’était pas l’œuvre d’Olrun… et c’était ça, la raison pour laquelle Europe se sentait presque anéantie, ce jour là…
Pas parce que la Comtesse était morte, non…
Mais parce que la Sorcière avait vu son hypothèse être validée…

Elle l’avait dit à Adrien, un peu plus tôt, une nuit où elle s’était rendue sur la tombe d’Elena pour y pleurer de toutes les larmes de son corps; elle lui avait décrite, cette impression qu’elle ressentait de plus en plus omniprésente comme une vieille compagnie, cette impression « que nous sommes pris dans l’engrenage d’une force qui nous dépasse » … Qu’elle savait qu’il y avait deux entités distinctes, Olrun et le Lys Noir, mais qu’au dessus de tout ça elle sentait planer quelque chose de grand, de malsain et indécis… Evidement que dans cette guerre, il y avait un troisième acteur, puisque l’empoisonnement de la Comtesse n’avait pas été une attaque d’Olrun et que le Lys Noir n’allait pas s’empoisonner lui-même…
Mais alors, qui…
Depuis tant de temps, Europe avait eu l’occasion de retourner le problèmes dans tous les sens possibles et, même si cette supposition la rebutait un peu, elle ne parvenait qu’à aboutir invariablement à cette conclusion…
L’Inquisition…
Etait-ce eux qui avaient fait porter à la Comtesse cette fleur mortelle ? Et si c’était le cas… Etait-ce eux également qui avaient implanté dans la Clairière les terribles fleurs responsables de la mort d’Elena ? Le Lys Noir était-il manipulé, lui aussi ? Pour monter les Sorcières les unes contre les autres, les forcer à produire des catastrophes, comme sur l’eau, dont on pourrait ensuite les accuser pour les brûler sans prétextes ?
Alicia, regarde moi… Es-tu manipulée, toi aussi…
Et si c’était le cas, alors tout espoir n’était pas forcément perdu.

Mais on ne pouvait rien faire sans preuve, il fallait en être absolument sûr, car un coupable ne se désigne pas à la légère, comme le fait si souvent maintenant l’Inquisition… et Europe ne voyait qu’un seul moyen d’y parvenir; cependant il était plutôt mince et aléatoire; il faudrait Lui demander… en espérant qu’Il sache… qu’Il soit au courant de ces projets et qu’Il puisse en parler…
La Sorcière songea qu’il lui faudrait également discuter de tout cela avec Abigael, Eleonor, et tous les siens. De longues discussions s’annonçaient et elle était impatiente d’avoir enfin des réponses, mais pour l’instant, elle préférait savourer un dernier moment de solitude à l’abri des regards, assistant comme une âme éthérée à l’enterrement de la Comtesse qui ne serait plus jamais la pour voir sa sœur pleurer.



[Suivant = Manoir Eléanora-Sun]


Dernière édition par Europe le Lun 18 Aoû 2008 - 1:18, édité 1 fois
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Suède Gauche
Oblivius
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Aurore Argentée Vide
MessageSujet: Re: Aurore Argentée   Aurore Argentée Icon_minitimeDim 8 Juin 2008 - 22:23

Comme le ciel était pâle, comme la terre était grise. Et la ville, les reliant, s’était teintée de ces mêmes couleurs tristes. Tous s’étaient regroupés sans un mot, approchant de l’église en silence. Nombreux étaient ceux qui avaient passé la porte du lieu saint mais plus encore de capuchons s’étaient rassemblés sur le parvis. Bientôt, les deux groupes se rejoignirent pour porter au tombeau la défunte Comtesse. Chacun, pourtant si proche de son semblable, paraissait incroyablement seul. On se retrouva immobiles, entourés de pierres tombales et d’anges de pierre.
Et plus étrangère à cette ville qu’elle ne l’avait jamais ressenti, Suède se tenait droite parmi les vivants. Que faisait-elle ici, elle qui n’avait même jamais croisé le regard de la défunte ? A son coté, un enfant tirait sur le bras de sa mère pour tenter d’attirer son attention :


« Maman, pourquoi on est ici ? Qu’est-ce qu’ils font les gens ? »

Suède s’accroupit à sa hauteur et mit gentiment un doigt devant les lèvres enfantines pour en sceller les paroles. Aussitôt, le petit se tut. Il avait reconnu le jeune homme qui avait un jour aidé ses parents. Suède le gratifia d’un sourire avant de se relever. Il n’était pas question d’évincer le gamin sans explications, mais sa mère semblait si faible qu’il avait mieux valut remettre à plus tard des questions lourdes de tristesse. Parfois les enfants ignorent à quel point ils peuvent être cruels, dans leur belle innocence potelée…

La jeune femme bougea en silence, discrètement, tentant de s’approcher petit à petit des premiers rangs. Elle voulait voir Son visage. Ou plutôt, elle voulait voir Leurs visages. Ceux-là même qui avaient connus et aimés la comtesse pour avoir partagé des moments de sa vie. Sa famille peut-être, ses amis proches ainsi que le Comte lui-même. En effet, elle ne sentait pas tellement sa peine se diriger vers la défunte… Mais plutôt vers ceux qui restaient encrés à ce monde pour voir partir l’une des leurs. C’était un sentiment étrange, et l’espace d’un instant, Suède se sentit coupable. Ce ne devait pas être ainsi que les choses devaient se dérouler, non ? La jeune femme secoua sa tignasse sombre d’une main impatiente afin d’écarter ces pensées. Puis, s’apercevant qu’elle était en train de s’attaquer à elle-même, elle laissa retomber son bras le long de son corps. La situation lui semblait si étrange… Elle n’avait pas assisté à nombre d’enterrements à ce jour, et à la campagne, la chose semblait bien moins formelle.

Elle avait presque atteint les premiers rangs lorsqu’une voix masculine brisa la foule de silence. Aussitôt, Suède stoppa son avancée pour relever la tête vers un visage sec de larmes et un regard posé. La voix de cet homme, tout comme le visage féminin qui suivit son discours, avait une puissance que seul le charisme offre à certains individus. Les yeux de la jeune femme, reflets de la couleur céleste, fixaient intensément les personnes qui prenaient la parole. Elle inscrirait leurs visages dans sa mémoire, car un jour peut-être aurait-elle à se les rappeler.

Forbach, sa vie et son esprit, s’étaient réunis devant le linceul blanc. Mais ce n’était pas la multitude qui intéressait Suède, plutôt chaque personnalité qui s’y fondait. Elle voulait savoir, connaître. Elle s’était fixée un but, et pour arriver à ses fins, il lui fallait un visage en particulier. Un visage qu’elle ne pouvait reconnaître avec les seules descriptions floues de quelques habitants apparemment très mal à l’aise lorsqu’elle abordait le sujet. Comment ferait-elle pour le trouver, celui qui serait la clé de la réussite ou de la défaite de son entreprise ? Le rencontrer comportait énormément de risques, mais elle préférait jouer le tout pour le tout. Le temps lui manquerait si elle devait choisir une route sûre, et ce serait elle qui se retrouverait sous terre. Avant que cela ne se produise, il lui fallait atteindre ses objectifs, et le premier était de trouver le visage qui dirigeait l’inquisition. Il était là, certainement, tout proche. Alors Suède tentait d’enregistrer en sa mémoire tous les visages peints autour d’elle. Non pas qu’elle était sans cœur ou insensible à la mort de la Comtesse, mais les vivants devaient poursuivre leur route, avant que le tombeau ne les attrape. Et dans le cas de Suède, elle sentait la mort qui lui courait sur les talons… Le temps manquait… Cruellement.
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Eleonor
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Aurore Argentée Vide
MessageSujet: Re: Aurore Argentée   Aurore Argentée Icon_minitimeMar 10 Juin 2008 - 19:06

Le temps se prêtait à merveille à un tel évènement... Comme si la nature pleurait elle aussi la mort de la Comtesse. Il aurait été insultant de voir le soleil briller, éclatant et heureux, d'entendre les oiseaux chanter, indifférents à la peine des Hommes.

Eleonor se demandait encore ce qu'elle faisait ici. Elle tenait Alix par la main. Elle avait expliqué à l'enfant ce qu'était un enterrement et lui avait demandé de tenir sa langue. Mais elle voulait qu'Alix comprenne que le monde n'était pas tout beau et ensoleillé, qu'il y avait du danger et de l'adversité à chaque moment.

La jeune Noble se tenait en retrait. Elle n'avait pas eu l'audace de paraître au premier rang et de se pavaner devant Alicia. mais elle était venue pour que la Meneuse du Lys Noir comprenne qu'elle n'avait rien à se reprocher. Ne pas paraître aurait été suspect non? Après, biensûr, il lui état venu à l'idée qu'Alicia puisse prendre cela comme une bravade...

Eh bien, dans ce cas, viens Alicia... Viens m'accuser, viens en découdre avec moi, viens donc t'opposer à moi, qu'enfin les non dits éclatent et que la vérité se fasse jour...

Eleonor n'avait pas digéré la mort d'Elena. Et si elel s'était montrée moins affectée qu'Europe, c'était uniquement parce que son coeur s'était durcit suite à cette trahison. La dernière... Eleonor n'essaierait plus de négocier, Eleonor montrerait qu'elle n'était pas une petite sotte tremblante face au machiavélisme du Lys Noir.

Tu crois vraiment nous anéantir Alicia? Tu as tort, nous ne jouons pas avec les forces occultes comme toi, mais nous n'en sommes pas moins un poison, un poison qui va ronger ton âme lentement...

Il y avait trop d'évènements étranges à Forbach... Il y avait eu l'empoisonnement de l'eau, il y avait eu le bûcher, il y avait eu les Inquisiteurs pendus, la mort d'Elea et la mort de la Comtesse... A chaque fois, c'était une surenchère de douleur et de châtiment... Mais qui tirait les ficelles? Qui donc était à l'origine de toute cette peine? Eleonor leva la tête, cherchant une réponse dans le ciel plombé. Elle portait une robe noire, une capeline aussi sombre, un chapeau avec une petite voilette et des gants de dentelles noirs. Alix était en noir elle aussi, même si sa chevelure blonde, lui donnait des allures d'ange perdu dans un monde de tristesse.

Adrien prit alors la parole et elle l'observa attentivement. Elle était incapable de savoir ce qu'il pensait, ce qu'il savait, ce qu'il envisageait. Il lui était imperméable et elle n'avait pas eu l'occasion de s'entretenir avec lui depuis très longtemps. Elle le regrettait, c'était un homme sage et reposant sur qui on pouvait compter. Un petit sourire ourla ses lèvres. Elle devait lui parler très prochainement.

Alicia prit la parole à son tour. Elonor avait du mal à l'imaginer affligée par le chagrin. Alicia n'aimait rien ni personne, mise à part le pouvoir. C'était une égoïste. Elle fit l'éloge funèbre, suite à Adrien. Elle capta leurs regards et fronça les sourcils. Alicia serait-elle prête à parler à Adrien quand elle méprisait tous les autres sorciers? Eleonor nota cela dans un coin de sa tête. C'est alors qu'une petite main la tira doucement. Elle se penchavers Alix et chuchota :

- "Quoi?"

- "Maman, il y a quelqu'un là bas."

Alix, qui s'ennuyait ferme, s'était amusée à scruter les alentours et avait apperçu Europe bien plus loin, sans la reconnaître. Eleonor plissa les yeux et vit son amie. Elle détourna alors le regard et murmura :

- "Chut, tais-toi."

La petite fille fit la moue, mais ne dit plus rien, sentant l'ambiance plombée dans le cimetière. Puis, il fut temps de bénir le corps. Alicia d'abord, puis Adrien. Eleonor suivit en silence et fit le signe de croix, priant pour que la Comtesse ai trouvé le repos loin de la folie des Hommes. Puis, elle repartir aussi silencieusement, laissant derrière elle le cimetière et ses corbeaux sinistres.
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Aurore Argentée

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