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 Manoir Eléanora-Sun

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Europe
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Manoir Eléanora-Sun Vide
MessageSujet: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeLun 4 Aoû 2008 - 15:59

[Petite description du manoir, pour situer le contexte, mais vous n'êtes pas obligés de la lire]
[Précédent = Aurore Argentée]



Un peu à l’écart du quartier résidentiel, près d’un bois de lauriers, sa silhouette imposante était en grande partie cachée à la face du monde par les trois platanes centenaires qui poussaient devant la façade, déployant le vert tendre de leurs feuilles pour quérir un peu de soleil qui ne viendrait pas avant plusieurs heures. Une longue grille en fer noire entourait le domaine, délimitant un paradoxe de jardins proprets côtoyant la plus inextricable des pelouses. Un mélange de cru, de saveur, et de soins consciencieux qui offrait à l’œil un étonnement invariable. Une allée de graviers ocres, large et parfaitement entretenue, s’acheminait de la grille vers l’immense demeure, dont on ne distinguait à cette heure, pointant par dessus la cime des arbres, que la flèche surmontant le toit et désignant un firmament encore plus tourmenté.
Là, le regard s’ouvrait sur une immense bâtisse.
Elle ressemblait à un hymne dressé dans la tempête. Bâtie dans le plus pur style baroque, elle en était même un précurseur, car construite il y avait de cela bien des années. Les murs infranchissables, les rambardes d’obsidienne, les crêtes hérissées, les tours élancées et crénelées se succédaient dans une géométrique complexe, illuminée par intermittence de la lumière blafarde des éclairs. Une façade imposante, dont les fenêtres étaient autant de paires d’yeux qui fixaient l’obscurité d’un regard avide, auréolées de fioritures, de spirales et d’incompris battus par la pluie. La porte d’entrée en chêne massif, à double battant, très épaisse, se situait au bout de quelques marches d’un blanc soyeux, et était protégée de l’averse par un toit miniature, posé sur des colonnes tourbillonnantes aux plinthes d’argent.

Cette porte était comme l’entrée sur un monde minuscule, un univers en soi à l’état brut. Elle s’ouvrait sur un hall somptueux, aux grandes proportions; tout en lui était de marbre. Les tons et les contrastes variaient sans cesse dans la lumière instable, créant des jeux d’ombres nacrées: des nervures bleuies, des filaments malachites, et d’autres blocs compacts qui avaient la teinte et la pureté de l’ambre, offrant au regard une beauté glacée. Le long des murs s’alignaient des statues aux prunelles d’ivoire, fixes et vides, qui représentaient des figures banales sans signification profonde, mais élégantes et s’accordant avec harmonie au reste de la pièce.
Les pièces attenantes au hall, au nombre de trois (une à gauche, une à droite et une en face) n’étaient fermées par aucune porte; si bien qu’on apercevait, dans l’encadrement du mur découpé à la manière des temples grecs, un grand salon de beauté et de tranquillité. Dans cette pièce, tout avait des tons chauds, orangés et bruns. Un parquet parfaitement ciré, couleur cuivre, couvrait le sol, renvoyant les reflets fauves et tamisés dispensés par les bougies aux éclats flamboyants et fugitifs. Des tableaux à l’encadrement mordoré ornaient les murs, et l’on y voyait des paysages tourmentés, des soleils explosant sur des fonds bordeaux et carminés. Même les lustres surmontés de cristal étaient tout en dorures et le divan imposant et confortable prenait, à la lumière de l’immense cheminée à foyer ouvert, des couleurs safrans. Les nombreuses chandelles projetaient sur les murs, des traits d’ombre dorée; à travers cet espace ajouré, il semblait que des rayons de soleil voyageaient en douceur. Des meubles en boiseries occupaient un peu de la place; des milliers d’infimes détails leur donnait l’aspect velouté de la peau des pêches. Il se dégageait de ce lieu une atmosphère feutrée de bibliothèque, une tranquillité solitaire, quelque chose comme le rêve très doux d’un harem déserté.


Douleur... frustration... mélancolie...


C’était dans ce salon que se trouvait Europe, ce soir, ou plutôt cette nuit là. Avachie sans aucune retenue sur le divan moelleux, elle observait vaguement les flammes du foyer se tordre de douleur et crier leur frustration à coup de feulements, de sifflements crépitants. Le feu embrasait de reflets sa silhouette entièrement vêtue de blanc, dans une robe de soie immaculée qui se confondait avec son teint opalin mais contrastait fortement avec l’encre de ses cheveux. Elle n’était même pas coiffée; les boucles tombaient au hasard sur ses épaules, lui donnant l’air échevelé. Entourée de tout ce luxe, elle ressemblait à une divinité impie et païenne. Etre une des plus grosses fortunes de Forbach possédait des avantages indéniables. Peut-être même la plus grosse après celle des Sarrebourg, elle-même colossale. Pas la peine de se demander pourquoi elle rentrait si souvent chez elle au lieu de vivre à la Cour, dans une chambre minable et crasseuse à souhait, dans le seul but de lécher les bottes du roy.

Cette nuit là, l’orage battait son plein. Le ciel ouvrait des profondeurs noires et bleuâtres, où saillaient des éclats translucides. Des veloutes austères, en perpétuel mouvement, comme les mains d’un homme qui n’ose et s’écarte, déversant des torrents d’aiguilles métalliques. Une pluie drue, sans joie ni attrait. La Sorcière ne se donnait même pas la peine de l’observer. Elle détestait la pluie. Depuis maintenant de nombreux jours, elle était songeuse, presque perdue, et ça ne lui ressemblait pas. Les événements des dernières semaines ne quittaient plus sa mémoire, en particulier celui, imprimé définitivement sur sa rétine, de la mort d’Elena. Plus mou et ouaté, celui de sa visite dans le cimetière, et la venue d’Adrien. Depuis le début elle savait qu’il y avait un mystère, et depuis le début elle se répétait que, quel qu’il soit, elle aurait bientôt la réponse.
Mais la réponse n’était jamais venue.
Europe poussa un soupir, qui résonna dans l’air, bientôt étouffé par la pluie. Elle était seule, cette nuit. D’habitude, le manoir était peuplé de nombreuses personnes. De la famille, des tantes et des oncles, des cousins, des Eléanora-Sun jusque dans leurs tripes. Il y avait aussi parfois un politique, un médecin, un avocat de passage. Mais pas ce soir. Ce soir, tous étaient chez le roy; et les deux servantes, le majordome, le jardinier, le cuisinier et la lingère dormaient tous sans l’aile extrême droite, d’un sommeil profond qui suit une journée de dur labeur. La jeune femme elle, ne dormait pas. Ces derniers temps le sommeil tardait à venir. Elle ne se doutait pas le moins du monde de ce qui se tramait dans la nuit, de l’emprise du mal qui rempait comme un serpent sournois, de l’homme qui allait frapper à sa porte dans quelques minutes, et encore moins ce qui allait suivre. Pour l’heure, fidèle à ses habitudes de promeneuse nocturne, elle avait juste envie d’aller sur le parvis de l’Eglise. Voir si la lame était toujours plantée là. Elle n’y avait plus mis les pieds depuis la Messe de Cendres; même l’enterrement de la Comtesse, elle l’avait vu de loin. Cependant quand elle regarda au-dehors, la pluie l’en dissuada.

Se levant soudainement, comme une silhouette pâle et fantomatique, Europe se dirigea vers un secrétaire en merisier et en sortit un livre à la couverture reliée de cuir. Elle s’installa de nouveau dans le divan, chaussa de fines lunettes à la monture d’écaille sur son nez et commença sa lecture sans hâte, mais satisfaite. Sur la couverture, brillant dans la lumière des flammes, le nom de Dante luisait comme un soleil alambiqué.


Dernière édition par Europe le Lun 18 Aoû 2008 - 1:19, édité 1 fois
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Manoir Eléanora-Sun Vide
MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeVen 15 Aoû 2008 - 22:03

En dehors du temps.
En dehors de l'espace.
Même les éclairs me crient de rebrousser chemin.
Ces même foudres qui embrasent mon destin.
C'est ici et maintenant...
... Que mes chemins se croisent.


La lumière ne manquait pas. En cette nuit.
Le temps ne passait pas. Se délectant de tous les cris.
Annonciateurs d'une bien triste hégémonie. Les éclairs ?
S'ils ne sont pas les porteurs d'un avertissement aux sorcières,
Qui sont-ils donc ?

Une ombre, entre les arbres, juste une ombre... Seulement une ombre... Et, en quoi est-ce réconfortant ? On a tous peur du noir. Peur du néant. On a tous peur des ombres. Peur des tourments. C'est peut-être la seule crainte que nous gardons. Après l'état d'enfant. La seule crainte que nous conservons... Ou bien... La seule crainte qui nous conserve ?
Cette peur inépuisable de l'invisible, de l'indomptable. Cette peur inexplicable de ce que l'on voit dans le noir... Ou alors... De ce que l'on y voit pas, justement. Celle qui fait battre nous coeurs avec d'avantage de vélocité que les plus ardents sentiments. Celle qui nous fait nous sentir vivant. Qui nous donne envie de nous sentir mort.
L'ombre d'un homme, projetée dans la nuit. L'ombre vicieuse de la mort, exalté par tous les bruits. Un craquement, un pas. Une silhouette incertaine, impalpable. Un coeur qui bat...

... Mais, quel coeur ?


Europe Eléanora-Sun. La simple évocation de ce nom, associé au sien, avait suffit à remplir Avatar d'une impression étrange, indescriptible, mais surtout paradoxale. Alors que l'homme, à la suite de sa seconde perquisition, sentait la confiance revenir en flots puissants dans sa personne. Alors que l'Inquisiteur se sentait renaître, renaître dans le vice, plus puissant que d'en temps. Alors qu'il pensait arriver au terme de son changement.
Le passé revenait, comme un fouet violent appliqué sur sa tempe avec tant de délicatesse qu'il aurait put le faire s'agenouiller à la seconde. Mais, Avatar ne s'agenouille devant personne, c'est là une constante. Cependant, une autre constante vient de le frapper insidieusement par derrière, sans crier gare. Cette réalité était bien simple, mais jusque là, Avatar l'ignorait. Elle se résumait en quelque mot : Le passé existe afin de nous être rappelé.
Et il venait de reprendre tout le poids perdu, ce passé, il venait presque d'atterré l'Inquisiteur. Tout ça pour rien . Rien n'est jamais vain, tous nos choix passé...

... Trouvent résonance dans nos contraintes futures.

Eléanora-Sun. Lire simplement Europe aurait suffit à rappeler au géant ce devant quoi il se trouvait. Il l'avait pourtant oublié... Mais, apparemment pas assez.
Le dilemme était encore plus simple que l'idée d'un passé vivace. Ce problème, c'était qu'Avatar avait une dette. Une dette lourde... Ou plutôt, non, une dette pesante, car elle n'était pas assez grosse pour avoir le poids des années... Cependant... Elle serait une épreuve à passer.

Mais quel coeur ?...

Celui de Mademoiselle Eléanora-Sun ignorait tout de ce qui se tramait devant sa porte. Un hypothétique visiteur de cette nuit agité n'aurait pas plus comprit, voyant un homme chapoté s'apprêtant à toquer à la porte de l'immense battisse. Un homme, ou plutôt une ombre. Une ombre battante, trébuchante. Une ombre, construite autour d'un coeur qui n'avait pas l'habitude de s'agiter.
Une ombre inerte, immobile, et qui ne souhaitait pas bouger.
Et un coeur brusque, agité, qui faisait vaciller l'inertie désirée.
Et un coeur...


Il ne voulait l'accepter, refuser cette perquisition n'aurait pas poser problème, il aurait put prétexter être "proche" de la victime... Il aurait put. Mais il se trouvait là.

Une ombre vacillant... Mais, était-ce réellement sont coeur qui la faisait bouger ainsi ?... Cette parcelle de ténèbre pouvait encore se réfugier dans la pluie. Elle n'était illuminée que par de brefs coups de tonnerres -qui ne la faisaient d'ailleurs même pas sursauter. Cette ombre qui craint plus un nom que la vie elle même.

Trois coups. Trois coups brefs. Les trois coups les plus longs de la vie d'un Inquisiteur... De la vie de cet Inquisiteur.

Et la porte s'ouvrait, laissant s'échapper, par son entrebâillement, un brun de lumière suffisant pour ajourer l'homme. Pour éclaire son visage, toujours aussi fermé, ses yeux sombres fixant la planche de bois mouvante, son chapeau où perlait la pluie et d'où ruisselaient de légers fleuves. Le visage se leva légèrement...

"Cette nuit est trop sombre pour que je puisse me permettre de rester sur le pallier de votre porte."
*Excusez-moi de vous déranger, mais si je ne m'étais décidé à redevenir celui que vous connaissez, plutôt que celui que je veux créer; si je ne m'étais pas convaincu de venir frapper à votre porte en ce soir; si j'avais refusé de vous aider, je serait mort à attendre de voir votre nom figurer sur la liste des occupants -provisoires- des geôles... Europe Eléanora-Sun, SORCIERE, date du procès avancée... Date du bûcher déterminée...
J'aurai voulut pouvoir vous dire cela, mais je ne le peux pas.*



Je ne sais bien redire comment j'y entrai, tant j'étais plein de sommeil au moment précis où j'abandonnai le vrai chemin.
Mais quand je fus au pied d'une colline, là où prenait fin cette vallée qui de frayeur m'avait étreint le coeur,
je regardai en haut et vis ses épaules revêtues déjà des rayons de l'astre qui mène droit chacun en tout sentier.
Alors fut un peu calmée la peur, qui au plus profond de mon coeur m'était restée...
[Dante, La Divina Comedia; "L'Enfer" Chant Premier; 10-20]
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Manoir Eléanora-Sun Vide
MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeSam 16 Aoû 2008 - 1:03

Quelques minutes seulement avaient amplement suffi à Europe pour se plonger entièrement dans son livre. Ses yeux auparavant rendus un peu engourdis par la fatigue sautaient maintenant avec vivacité de ligne en ligne, dévorant des mots au sens pénétrant qu’elle connaissait déjà par cœur mais qu’elle ne se lassait jamais de relire encore et encore. Dante était en quelque sorte, l’auteur de sa Bible personnelle. Sans vraiment savoir pourquoi, et même en trouvant ça un peu stupide, elle y puisait calme, sérénité, réconfort parfois. Son esprit entraîné par le rythme comptait déjà, en parfait métronome, l’écoulement des syllabes, tandis que la pluie au dehors retentissait inlassablement comme une musique de fond entraînante et macabre. Lorsqu’elle parvint au bas d’une page, Europe poussa un soupir et finalement rejeta la tête en arrière, ses longues anglaises s’étalant sur le dossier du divan comme une traîne. A la réflexion, un livre était un peu comme une vie… On avait l’impression d’en écrire soi-même les lignes alors qu’on ne pouvait ni le fermer, ni l’ouvrir tout seul; et quand on s’apercevait que la page où l’on aime fuyait déjà bien loin, la page où l’on mourrait était déjà écrite.

Au moment précis où la Prêtresse avait cette pensée, trois coups secs furent frappés à l’énorme porte en chêne massif.
Elle faillit ne pas les entendre avec le fracas de la pluie. Reposant son livre et ses fines lunettes sur la table basse, Europe se leva, soulevant sa silhouette à laquelle sa robe donnait des allures de spectre, et traversa le hall d’une démarche régulière, silencieuse, en tentant rapidement d’arranger un peu sa coiffure qui pour l’instant lui donnait l’air sauvage. Après quelques secondes, la Sorcière jeta furtivement un regard à son reflet, qui lui renvoya un teint encore plus opalin que d’habitude et de fines bandes sombres sous les yeux, puis ouvrit la porte, se demandant qui donc pouvait bien venir chez elle à cette heure-ci, et qui plus est par un temps pareil.
Lorsqu’elle le vit, elle resta un instant immobile, déconcertée. Elle était à la fois bien surprise et pas du tout. La pluie battante, ruisselante sur ses habits et son habituel chapeau, lui donnait l’air d’une ombre mouvante, comme une créature nocturne, qui même en pleine lumière ne peut se départir de sa part de ténèbres. La nuit derrière lui était sombre, mais curieusement moins noire que l’individu qui lui faisait face, l’air étrangement plus mort que vif dans le rai de lumière salvateur du hall. La Prêtresse allait ouvrir la bouche pour prendre la parole mais l’Inquisiteur lui coupa l’herbe sous le pied. Malgré le vacarme continuel de la pluie, sa voix retentit avec inflexibilité, véracité, et tempérance.


"Cette nuit est trop sombre pour que je puisse me permettre de rester sur le pallier de votre porte."

Elle sortit légèrement la tête par l’entrebâillement et huma l’air imprégné d’eau, regardant furtivement sa mangrove de jardin noyée par l’averse.

"Trop sombre et beaucoup trop humide" fit-elle en plissant le nez. "Entrez, je vous en prie."

La Sorcière s’effaça pour le laisser passer et renferma derrière lui le battant de la lourde porte qui résonna avec insistance dans le grand hall, comme un coup de gong décisif. La lumière dispensée par les chandelles, bien que légère, était largement suffisante pour y voir nettement plus clair, et Europe mit ces quelques secondes à profit pour détailler plus avant Avatar, qu’elle n’avait pas vu depuis assez longtemps.
Il n’avait à vrai dire, pas beaucoup changé depuis la dernière fois; du moins pas physiquement. Mentalement, sûrement oui, mais elle lisait en lui la même âme torturée que celle qui lui était apparue cette nuit là, sur la rive de l’Etang de Diefenbach, même si à l’époque il n’en avait pas encore conscience… Etait-ce finalement leur discussion qui avait été l’élément déclencheur de sa décision, qui l’avait poussé à abandonner sans la moindre hésitation son
Ensis Exsequens sur le parvis de la maison de Dieu? Sans s’en rendre compte, la Prêtresse eut un sourire appuyé. Elle le lui avait dit, ils étaient appelés à se revoir; et voilà pourquoi sa présence ici ne lui paraissait pas aussi surprenante qu’elle aurait pu l’être. Cependant, il devait avoir un certain but pour être venu la trouver, et elle se demandait, intriguée, ce qu’il pouvait bien être. Elle ne lui demanda pas comment il l’avait retrouvée, la réponse était assez évidente. Europe s’était, lors de leur première rencontre, présentée à lui avec son nom entier; dès lors il suffisait de demander à n’importe qui, même au plus pauvre mendiant ignorant croisé au détour d’une rue, le lieu où se situait la demeure des Eléanora-Sun pour se voir indiquer l’immense manoir qui se dressait comme un joyau sur la colline, magnifique et baroque.

"Puis-je vous débarrasser de votre manteau?" Fit-elle d’une voix aimable, comme si de rien n’était. D’habitude, c’étaient les domestiques qui effectuaient ce travail, mais à cette heure-ci tous dormaient et Europe était bien loin de la bourgeoise sadique qui exploitait ses employés comme des esclaves, sans aucune considération pour leur santé.

"Vous êtes trempé, c’est affreux… je peux apporter de quoi vous sécher?" D’un geste de la main, elle l’enjoignit à traverser le hall et à pénétrer dans le salon qui avait des airs plus chaleureux et propices à la discussion que le grand hall sombre et froid. "Vous voulez du thé? Du chocolat? Une tisane?"

La véritable raison de sa visite viendrait après, pensa t-elle, à moins qu’il ne décide d’aborder le sujet sans préavis. Mais pour cela, ils avaient toute la nuit. Comme elle, Avatar semblait être autant réveillé la nuit que le jour; et à bien y réfléchir, elle se souvenait de l’avoir vu plus souvent dans l’obscurité nocturne qu’en pleine lumière…


Dernière édition par Europe le Sam 16 Aoû 2008 - 17:48, édité 1 fois
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Manoir Eléanora-Sun Vide
MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeSam 16 Aoû 2008 - 15:24

C'est ici et maintenant...
... Que je me permet d'écouter le vent.


Alors, c'était si simple ?
Si simple de se métamorphoser ?
Passer du loup à l'agneau.
N'est en rien plus compliqué ?

La pluie battant la mesure d'une bien triste mélodie. Le tonnerre marquant les temps, d'un prémices de fin de vie. Ci-gît Avatar. C'est cela, cela que l'on aurait put lire sur le parvis de la battisse. A l'endroit même où l'Inquisiteur se tenait. A l'endroit même où il redevint ce qu'il était.
Un soulagement nécessaire, lorsqu'il fut invité à entrer. Un soulagement s'accompagnant d'une lourde taxe. Pour accéder à la renaissance, il fallait passer par la destruction.
Apocalypse. C'est sans doute le mot le plus exacte. Le mot le plus juste, pour qualifier ce qui se passait, ce qui se déroulait dans l'espace à l’intérieur de son crâne. Ou bien, plutôt dans celui à l'intérieur de son âme.

C'est ici que coïncidaient deux états d'esprits.
Le premier, serein, devait être un ange bien étrange. Il inspirait confiance, mais se confinait dans la folie. Il paraissait ce plaire dans cet état de fait, entre clairvoyance et cécité, marchant droit sans savoir où aller.
Le second, bien plus sombre, donnait l'impression de voler. De planer, au dessus du premier, comme une ombre malfaisante n'attendant que le bon moment pour frapper. Celui-ci était vacillant, incertains, il manquait souvent de tomber.
Mais, il était au dessus.
Preuve est faite que visage dévot et pieuses actions ne servent qu'à enrober de miel le diable lui-même.
Le diable. Le Diable, malsain, maléfique... Attirant, sympathique. Si le premier semblait tout de bonté fait, le second était pourtant celui qui vaincrait. Mais pas ce soir. Non, ce soir, c'est le dernier soir du premier.

"Merci de m'avoir laisser entrer. D'avoir fait pénétrer le loups dans votre bergerie. Mais je suis ici pour vous parler. Et d'avoir permit à ce loup de voir qu'il était un agneau. De nouveau. Non pour profiter de ces quelques moments à vos cotés."

Est-ce qu'il veut ôter son manteau ? Est-ce qu'il veut se libérer de cet étaux ? Est-il possible de voir un Avatar sans défenses. De voir un Loups sans ses crocs.
Peut-être. Peut-être la nature est-elle si mal faite qu'elle permet aux prédateurs de devenir des proies... Peut-être qu'elle permet même aux proies d'éprouver une certaine... (Amitié) Une certaine empathie, une fois qu’elles sont sur le point de tuer celui qui les a, autrefois, chassé.
Oui, il ôtera son manteau, il se dévoilera.
Pour mieux renaître. Pour mieux mourir.

"Bien trop sombre... Et, malheureusement, cela ne fait que commencer, Mademoiselle Eléanora-Sun."

C'était presque Machinal. Il retira son lourd habit, le posa sur son bras (Dégoulinant de l'ancien Moi) et plaça, par dessus, son chapeau, le symbole le plus profond de sa personnalité. C'est, devant Europe, un Avatar étranger qui se présentait. Il n'ôtait jamais son manteau. Il ne l'ôtait jamais. Jamais à part maintenant. Jamais, à part en ce moment. Et, en ôtant ce lourd découpage de cuire... Il perdait sa carapace. Tant et si bien qu'on devinait ses cicatrices, marques indélébiles de son passé (trop refoulé ?) qui apparaissaient au grand jour pour la première fois depuis des années. Qui apparaissaient à autrui pour la première fois depuis...

Depuis le premier Bûcher.

Avatar garda sur son bras la totalité de ce qu'il y avait placé, se dirigeant d'un pas incertain vers le salon. Incertain, oui, mais peut-être plus effrayant qu'à l'accoutumée... Avatar. Avatar n'était jamais incertain, il ne le montrait pas. L'Inquisiteur restait imposant, il l'était peut-être même encore plus, car il prenait en ce moment précis une dimension plus humaine... Plus... Vivante...

... Uniquement parce qu'il nous tourne le dos.

Sur le chemin, ses yeux ne parvenaient pas à se fixer. Ils redoutaient de voir surgir quelqu'un... Ou plutôt, quelque chose... Oui, il était terrorisé par cela. Cependant, il ne regardait pas au bon endroit. Il n'était pas apeuré par l'extérieur. Il craignait le moment ou "Le Second" déciderait d'écraser "Le Premier". Il craignait que ce moment ce produise entre ces murs... Il craignait que le nom d'Europe soit associé au mot Sorcière.

Mais il savait que c'était impossible.

"L'heure n'est pas aux visites de courtoisie, Mademoiselle, vous vous en doutez bien... Si je suis ici..."

Un ton profond. Trop pour la circonstance. Un ton Inquisiteur ?... Non, un ton d'homme sincèrement inquiet... Ou alors... Le ton d'un homme prononçant ses dernières volontés. Un éclair marqua la pause, exactement au moment choisit par l'homme pour stopper sa phrase. Un éclair venait d'acquiescer, c'était bien la voix des dernières volontés.

"Si je suis ici, Europe Eléanora-Sun, c'est pour m'acquitter de ma dette, prise il y a quelques mois envers vous. Je ne sais pas si je suis entrain de tenter de vous sauver la vie... Une pause, une autre pause, et un nouveau coup de tonnerre. ... Ou d'accélérer votre mort. Mais, si je suis ici, c'est officiellement pour vous 'perquisitionner'. Le hasard -ou autre chose- a fait en sorte que ce soit moi qui soit appelé à m'occuper de votre cas. Bien sur, ce hasard semblait ignorer que nous nous étions déjà vue, et que je cachais votre secret depuis quelques temps... Mais, ce hasard le savait peut-être. Là était la raison de sa crainte, car ce hasard avait Louis Institoris comme intermédiaire. Je n'ai pas perdu mes idéaux, je m'y attache toujours plus qu'à ma vie, malgré ce que j'ai décidé, désormais, de montrer au monde, et c'est là la raison de mon acceptation. J'ai eu l'opportunité de demander à ce qu'un autre Inquisiteur s'occupe de vous, mais je n'aurai jamais put la saisir...
Vous vous doutez bien que cette nuit ne sera pas à marquer comme celle de ma trahison envers vous, Europe.


Oui, c'est ici et maintenant, que ma vie prend un nouveau tournant.
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Manoir Eléanora-Sun Vide
MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeDim 17 Aoû 2008 - 13:24

A peine lui avait-elle proposé de prendre une boisson chaude qu’Europe sentit ses entrailles se serrer comme un poing et la paume de ses mains devenir légèrement moite, tandis qu’un sentiment alors inconnu l’envahissait par vagues successives, plus fort à chaque fois. Elle n’aurait su trop dire ce qui se déroulait à l’intérieur d’elle-même en ce moment; des sensations étranges, presque inconnues, puisque cela faisait des années qu’elles ne les avaient pas ressenties… Etait-ce de la satisfaction? De la surprise? Non, sûrement pas ces mots aux consonances douces… Une envie proche de l’agitation, de l’impatience, et du désir assoiffé et maladif de connaître la vérité. La Prêtresse songea avec une amère ironie qu’elle avait pensé, quelques minutes plus tôt, à cette vérité qui se faisait tant attendre, qu’elle n’espérait même plus voir arriver tant elle était en retard, et qui se présentait maintenant à sa porte sous la forme d’un Inquisiteur dégoulinant d’eau de pluie, les mains et le cœur trempés de sang, l’esprit aussi agité que la tempête qui faisait rage au dehors… Hypothétique vérité, car après tout, il pouvait tout aussi bien décider de ne pas la lui apporter, de lui dire avec un sourire cruel qu’il avait révélé sa véritable identité à Louis Institoris et que son exécution était fixée pour une date prochaine… Et leur conversation, parmi tout ce vacarme silencieux des sens et de l’esprit, paraissait si anodine…Mais elle ne se faisait aucune illusion. Dans les instants qui suivraient, l’un comme l’autre seraient à un tournant capital.

"Mais je vous en prie, c’est bien normal" souffla t-elle du bout de ses lèvres charnues figées sur un sourire commercial et sans joie dont elle ne parvenait pas à se débarrasser. "Bien sûr, je vous écouterai, mais j’ai aussi beaucoup de choses à vous dire, alors mettons nous à l’aise."

Oh, en effet, elle avait tant de questions, et depuis si longtemps! Il semblait que depuis le Ruissellement des Souvenirs, Europe avait perdu ses capacités à trouver les réponses par elle-même. Peut-être qu’elle ne se posait tout simplement pas les bonnes questions, pensa t-elle en voyant avec une certaine surprise Avatar enlever, presque sans hésitation, son lourd manteau et son chapeau. Le geste apparemment anodin avait une intense portée symbolique. Ainsi, il s’était mis à nu, neuf, rutilant et en toute franchise, sans chercher à dissimuler des souvenirs qui faisaient un passé atroce, ne parvenant même plus à adoucir un présent; et respectant son initiative, elle inclina la tête, décidant de faire de même. Curieusement, elle avait fait preuve avec Avatar, en une seule fois, de plus de transparence qu’avec ses consœurs en plusieurs années… preuve que tous les mystères étaient bien dans l’Homme, et non dans la nature, si organisée et rigoureuse…

Très légèrement en retrait, la Sorcière marcha en compagnie de l’Inquisiteur vers le salon, le bruit de leurs pas résonnant sur les murs de marbre comme une procession funèbre dont la fin serait inéluctable. Il sembla dans un éclair, qu’une des statues d’ivoire arborait un rictus ironique à la vue de ces deux oxymores qui avançaient de concert, peut-être vers une discussion qui allaient sceller leur destin à l’un comme à l’autre. Et c’est un Avatar imposant et effrayant, ainsi qu’une Europe tendue comme un arc, bien qu’en apparence tous deux restaient d’un calme olympien, qui pénétrèrent dans la pièce aux couleurs chaudes et boisées, aussitôt envahis de reflets fauves.
Alors retentirent les premières véritables paroles de sens d’Avatar, dont la voix grave, régulière et modulée, donnait à la nuit une dimension irréelle. Europe hocha la tête, en approuvant la première phrase; non, bien sûr, il n’y avait aucune courtoisie là dedans, l’Inquisiteur était bien trop… différent, en ce moment même, pour se permettre une chose aussi banale et inutile… Redressant la tête, observant sans la moindre expression le visage de son interlocuteur qui se découpait sur les soleils éventrés et rouges des tableaux du mur, la Prêtresse écouta, le cœur battant en une cadence arythmique et froissée.

Au fur et à mesure du discours d’Avatar, les yeux purpurins d’Europe se voilèrent et son regard se fit vague, lointain, bien qu’elle écoutât toujours avec la plus grande attention; et lentement elle se baissa puis s’assit sur le large divan cuivré. Marquant à lui seul un temps d’arrêt, un éclair blanc illumina son teint déjà pâle et un instant elle eut l’air singulièrement maladive, blafarde, crayeuse. Lorsqu’il eut terminé, un long silence s’installa, laissant entièrement place au bruit de la pluie et du vent, de la tempête toute entière qui, loin de se calmer, semblait redoubler de violence.


"Une perquisition…" Sa voix n’était plus qu’un murmure. "En toute franchise, je dois avouer que je m’y attendais un peu… même si je ne savais ni le lieu, ni le moment, ni la forme que cela prendrait… et encore moins que ce serait vous qui viendrez pour effectuer cette tâche… Cela veut-il donc dire que tous les habitants de Forbach vont être…fouillés?" Il y eut encore un silence. Europe savait déjà parfaitement ce qu’elle allait dire, mais il lui fallait soigneusement choisir ses mots et organiser ses phrases. Dans quelques minutes, elle verrait enfin si son pressentiment s’était avéré juste. "Avatar, j’ai toujours eu confiance en vous. Cela semble facile à dire comme ça, pour vous qui avez enduré tant de tourments, alors que croire en quelqu’un paraît si facile… mais je vous assure qu’avoir confiance en une personne est plus laborieux qu’on le croit. L’Inquisition est finalement intervenue de façon très concrète dans ma vie –dans nos deux vies- et je suis heureuse que vous en soyez l’intermédiaire. Sinon, il semble que cette nuit aurait été la dernière que j’aurais vécue en tant que femme libre. Faites confiance à vos idéaux comme vous l’avait fait, Avatar. Vous concernant, ils sont vos plus grandes armes. Mais avant de poursuivre, dites moi, si vous le pouvez, pourquoi êtes vous dans un tel état… qui craignez vous, courrons nous un danger immédiat? Je le vois bien, il y a quelque chose de différent en vous, vos pensées sont obnubilées par ce quelque chose, et plus vous y pensez moins vous réagissez instinctivement… Si vous projetez votre esprit trop loin, vous risquez de ne plus voir aucun obstacle et de trébucher… de même… vous ne remarquerez plus la fleur, qui éclôt pourtant à vos pieds… ici et maintenant, votre interlocutrice, c’est moi. Alors ne vous préoccupez pas du reste."
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeDim 17 Aoû 2008 - 23:00

"Ce qui me préoccupe (n'a pas d'importance) n'est pas la raison de ma venue, Mademoiselle. Soyez assurée que ça n'entravera pas mes capacités à cacher votre vérité."

Ce que je crains.
C'est moi-même.
Ce que je suis.
Ce vers où mon coeur me mène.


"En ce qui concerne ce qui me rend différent, c'est peut-être le fait que je n'arbore plus, aujourd'hui, ce fardeau de mon passé qui ornait, à notre première rencontre, mon dos. Vous n'êtes pas aveugle, et j'espère bien que mon changement se remarque, cependant celui-ci sera, si vous me le permettez, le sujet d'une autre conversation. Il est nécessaire que mes prochains mots n'aient que vous et les sorcières de cette ville comme "cibles". Il en va de ma dette, de mon honneur... Et de vos vies, très certainement."

Le temps n'étaient plus aux longues poses. Les déblatérations inutiles devenaient, en cette soirée, encore plus futiles; elles n'y avaient d'ailleurs plus leur place. L'heure n'était plus aux coups de tonnerre symphoniques, ni même aux envolées lyriques. Ici et maintenant, que dieu lui-même en soit témoin, ici et maintenant le seule problème abordé, aussi grave puisse t’il être, ne le sera que de façon claire, précise, et aussi 'saine' que possible. Oh ! non, l'heure n'était plus aux lamentations.

"Europe Eléanora-Sun, à partir de cet instant vous êtes officiellement en état de perquisition, comme toute la ville au moment précis où je vous parle, et ce depuis la tombée de la nuit. La civilité voudrait sûrement que je vous informe de tous les détails de cette affaire; mais, n'ayant jamais apprécié cette chose, je me passerais volontiers de tous les détails inutiles. A ce moment précis, tous les Inquisiteurs de la ville ont donc étés réquisitionnés pour ausculter dans les moindres recoins les maisons, et les esprits de chaque habitant de Forbach. Comme vous le savez, mon nom s'est donc retrouvé surplombant le votre dans une liste m'ordonnant de passer vous voir. De ce fait, toujours "officiellement", j'ai le pouvoir et le devoir de déclarer tout objet ou pensée suspecte à Louis Institoris, qui aura par la suite la possibilité de vous faire étreindre par les pinces de ce vautours qu'est le clergé."

C'était sûrement trop dure de passer outres ce baratin rassurant. Rassurant... Bien sur, tout est relatif. Avatar se trouve rassuré par ses propos, qui montre qu'il est capable de s'imiter encore maintenant, après avoir vécu tout ce que cette ville lui a fait endurer, il est toujours capable d'être sa propre caricature... Ce qui n'est peut-être pas, à bien y réfléchir, une bonne chose, il ne faut pas perdre de vue qu'il veut changer...

... Qu'il doit changer !


C'est le moment. Ce moment, celui où le temps perd son emprise. Celui où les éclairs se taisent, et cessent de nous éclairer. Nous sommes dans une bulle. Nous sommes dans un néant. Et, de ce lieu, seules deux portes s'ouvrent à nous. La première nous permettra de sortir sain d'esprit, et la seconde nous tuera sans nuls doutes. A nous de décider laquelle traverser

Le temps des longs silences est révolu.

"Officieusement, maintenant, je cache déjà tellement de choses à cet Institoris Fils qu'un ou deux secrets peuvent y passer inaperçu. Votre intimité sera conservée, je ne m'avancerai pas plus loin dans votre demeure que ce Salon, si vous ne m'y invitez pas. Je ne fouillerai pas dans vos commodes à la recherche d'un quelconque flacon au contenu étrange, d'un quelconque livre recélant peut-être des choses qui devraient rester cachées à jamais, d'un quelconque grigris qui suffirait à vous faire accuser et brûler. Bien que, je ne pense pas que mes prochains mots vous choqueront, nous soyons tous deux certains que n'importe qui, aussi mauvais inquisiteur soit-il, aurait put trouver ces choses en fouillant un minimum..."

C'était plus qu'une certitude. Elle s'était ouverte. Elle s'était affichée comme sorcière. Elle avait tenue des propos digne d'une (croyante) sorcière. Tout en Elle nous criait ce mot, a tel point qu'il en était étrange qu'elle n'ait jamais fait l'erreur de se confier à celui qui n'était pas prêt à l'accepter comme telle. L'erreur de se confier à celui qui l'enterrerait... Ou pire.
Il était alors évident. Evident que ce château renfermait plus que des tapisseries. Qu'il était fait de plus que de simples pierres. Peut-être, d'ailleurs, pouvait-on lire une provocation dans cette construction Gothique. Dans ce style réservée aux églises, utilisé ici pour abriter des
(Humains) hérétiques.
De toute façon, leur simple existence est, pour certains, provocation...


"Venons en aux plus important, avant que je ne réponde à vos questions. Lorsque je sortirai d'ici, Mademoiselle, je signerai un A sur votre battisse, ainsi qu'un numéro, ceci prouvant que rien n'a été trouvé en votre résidence. Lorsque je sortirai d'ici, je serai sensé avoir tout vue, tout entendu. Vous serez sensée m'avoir tout montré, m'avoir tout dit. C'est une chose des plus importante, cette cohérence, car elle vous permettra d'être tenue pour bonne chrétienne... Du moins jusqu'à la prochaine fois, où le hasard nous fera peut-être à nouveau nous croiser -si je n'ai pas été brulé d'ici là."

Le temps n'est plus aux lamentations.


"De même, nous ne nous étions Jamais vue avant cette perquisition. Maintenant que ces détails sont clairs, je tenais juste à vous dire de cesser vos efforts, vous n'avez pas besoin de m'accorder votre confiance, je ne vous la demande pas -m'étant moi-même impossible d'éprouver ce sentiment vous me comprendrez sûrement. Tout ce que je vous demande, c'est de continuer d'etre certaine que jamais votre nom n'effleurera mes lèvres en compagnie d'une accusation. Croyez en cela, croyez en vos mensonges, faites qu'ils deviennent vérité. Enterrez vos secrets avant qu'ils ne vous enterrent. C'est le seul moyen que vous soyez convaincante. Le seul moyen que vous restiez vivante."

Il est maintenant au changement.


"Désormais, si vous avez des questions, je vous en prie."
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeLun 18 Aoû 2008 - 1:30

Ainsi, l’heure de la vérité avait sonnée… Elle allait lui être livrée comme ça, sur un plateau d’argent; mais pour arriver jusqu’à ce point, il avait fallu passer par bien des épreuves. Le tout maintenant, était d’écouter attentivement, et c’était ce qu’Europe faisait, conservant un air neutre, les mains posées sur chacune de ses cuisses. Oubliés, la pluie, l’orage, les éclairs blancs et vides. A ce moment précis, elle avait la sensation d’être venue se perdre dans un univers où il n’y avait plus qu’elle seule. Dans ce monde silencieux, même les larmes elles-mêmes se perdaient. Mais… le temps n’était pas aux larmes.

"Bien sûr, je le comprend tout à fait" murmura la Sorcière à Avatar lorsqu’il lui parla subrepticement de son épée. "Parlez, je vous écoute."

Encore et toujours cette soif inévitable de tout connaître. Peut-être était-ce là un de ses principaux défauts majeurs: Europe préférait souffrir en apprenant la vérité, plutôt que d’être gardée dans l’ignorance et conserver sa sérénité d’esprit. A mesure qu’Avatar parlait, elle mesurait à quel point ce trait de son caractère avait pris de l’ampleur ces derniers mois. La possibilité, dans l’instant même, de la dénoncer à la Sainte Eglise Catholique, de renier ce à quoi il avait prétendu et ce qui était enfoui au fond de lui depuis le moment où la vie avait pris un tournant plus que capital… La Prêtresse ferma un instant les yeux et eut un soupir saccadé; elle se fit plus attentive encore, si c’était possible, lorsque l’Inquisiteur lui affirma que tous les habitants de Forbach avaient été soumis à la même visite, la même perquisition, dans le but de trouver chez eux la moindre petite parcelle d’éléments qui pouvait sembler ne pas être anodine, et s’en servir pour juger et détruire une vie… Malgré l’ampleur d’une telle révélation, la Sorcière encaissa la nouvelle en affichant autant d’émotion que si Avatar lui avait annoncé qu’il allait se faire couper les cheveux. Dans le même temps, une terrible sensation de froid lui étreignit la poitrine, et des noms surgirent de façon disparate dans son esprit. Eleonor… Elisabeth… Abigael… Adrien… ceux de sa propre tribu, évidemment, mais plus que ça encore. Verrait-on demain, aux premières lueurs de l’aube, alors que la tempête se serait enfin apaisée, une Alicia de Sarrebourg conduite aux geôles par des Inquisiteurs aux mines triomphantes?

La suite, elle s’y était attendue. Malgré tout et même plus que tout, Avatar était un homme de parole (une partie des raisons, d’ailleurs, pour lesquelles elle avait confiance en lui): il n’avait pas trahi l’engagement qu’il avait pris à son égard, et elle l’en remercia du regard, ne souhaitant aucunement l’interrompre; et même si la fin du discours dessina sur ses lèvres un très fin sourire, elle se tut. Les consignes qu’il lui donnait en cet instant était importantes, vitales même; elle espérait de tout son cœur qu’aucun des membres d’Olrun n’aurait à pâtir de cette Inquisition, mais encore moins la concernant… Non par soucis d’intérêt personnel, mais parce qu’elle savait que sa chute pouvait être fatale au clan, et que si on la savait Sorcière, beaucoup de ceux qui étaient proches d’elle tomberaient en même temps.
Malgré ça, elle n’était pas réellement tout à fait prête.
Lorsqu’Avatar eut terminé son long discours, Europe garda le silence un court instant, puis releva la tête pour le regarder dans les yeux.

"Je crois qu’avant tout… je dois vous remercier. Aucun mot ne serait vraiment assez exact pour vous exprimer ma gratitude… depuis déjà plusieurs mois vous sauvez ma vie au péril de la vôtre, rien ne devrait valoir ça. Aujourd’hui, vous en avez probablement sauvé une demi-douzaine; une bonne part de la famille Eléanora-Sun fait partie intégrante du secret des Sorcières. Soyez sans crainte, je saurais garder la plus grande discrétion quant à ce sujet, et surtout quant à celui de votre visite. Malgré ce que vous pouvez peut-être penser, étant donné la facilité avec laquelle je vous ai révélé mon identité lors de notre première rencontre, une Sorcière est l’individu le plus apte à garder un secret. Sinon, comment expliquer que des années de torture sur les soi-disant magiciennes n’auraient pu ramener que si peu d’informations sur elles?" La Prêtresse marqua une très légère pause, le temps pour elle de ramener une mèche de ses cheveux en arrière. "Cependant… je ne peux me persuader que tout ce qui fait de moi une Sorcière n’a pas existé. C’est une part de moi et de ma famille. Je ne peux pas non plus leur demander d’oublier ce qui a fait notre passé, ce qui fait notre présent et ce qui fera probablement notre futur. Vous êtes bien placé pour comprendre qu’on enterre pas le passé impunément, n’est-ce pas?"

Oui, si il y avait une personne qui pouvait bien comprendre ce sentiment, c’était indéniablement Avatar. L’étau sur la poitrine d’Europe était toujours présent, comme une vieille compagnie, mais il s’était un peu relâché, sans doute sous l’impulsion de la gratitude.

"Ne vous inquiétez pas, je sais que vous ne m’imposez pas d’avoir confiance en vous… C’est, disons, un choix entièrement personnel… ou pas. C’est quelque chose qui ne peut pas se choisir. On le ressent, c’est tout. Avatar, à vous entendre parler, vous courez un danger permanent. Logique, me direz vous, en jouant un double jeu sous le nez de Louis Institoris… Mais, s’il vous plaît, n’exposez pas votre vie pour protéger la mienne. Je vous remercie de votre sollicitude, vraiment, mais ne prenez pas trop de risques si cela n’est pas extrêmement nécessaire. La vie est précieuse, et vous devez aussi penser à protéger la votre. Pensez que sur votre chemin et quelque soient vos objectifs, vous n’êtes pas seul. Je vous suis éternellement redevable; au manoir Eléanora-Sun, une aide sera toujours apportée à ceux qui la demande." Europe se tut un instant, repensant à ce qu’avait dit Avatar au début. "Et, malgré ce que vous pouvez croire, ce lieu est assez sûr; un Inquisiteur débutant n’aurait pas pût y trouver quoi que ce soit ayant un rapport avec les pratiques des Sorcières. Ce n’est pas parce qu’une partie de la famille en est, qu’il faut laisser traîner des preuves un peu partout; et après tout, plus on a de secrets, mieux ils sont dissimulés. Tout ce qui a trait aux rites magiques est soigneusement rangé dans une pièce secrète dont l’accès est connu de seules quelques personnes."

Avec les temps austères du présent, pensa t-elle, il fallait prendre toutes les précautions. C’étaient ses parents qui avaient eu l’idée de la salle en construisant le manoir; mais à vrai dire les pouvoirs des Eléanora-Sun n’y avaient pas été utilisés depuis bien longtemps. Avec les temps qui courraient, mieux valait n’utiliser la magie qu’en ultime recourt. Le silence d’Europe se fit encore un peu plus tendu; elle approchait enfin du dénouement.

"Avatar. En tant qu’Inquisiteur, vous ne pouvez l’ignorer. La mort de la Comtesse a frappé beaucoup d’esprits et elle n’est passée inaperçue pour personne, encore moins pour nous Sorcières. En réalité, elle est le fruit d’une longue successions d’événements qui se déroulent depuis des mois entre les Sorcières et qui n’ont toujours pas trouvés de fin; mais même pour mes sœurs et celles de l’autre clan, je pense que tout est resté obscur et sans réponse. Cette réponse, vous pourrez peut-être me l’apporter. Je souhaite que vous possédiez cette information, car alors, elle pourrait sauver la vie de bien des personnes." La Prêtresse prit son air le plus sérieux et se pencha en avant, rapprochant son visage de celui d’Avatar. "Louis Institoris… c’est lui, n’est-ce pas, qui est à l’origine de la mort de la Comtesse? J’ai de bonnes raisons de penser qu’il est aussi à l’origine de bien des événements. Mais il n’aurait pas pu commettre certains de ces actes sans…" elle lui lança un regard appuyé. "…savoir que les Sorcières étaient divisées en deux Clans…"
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeMar 19 Aoû 2008 - 22:38

"Vous voyez, désormais..."

Toute action entraîne réaction.
Aussi inévitablement qu'une journée un peu trop chaude fait rugir l'orage.
Aussi indéniablement que tout son entraîne mouvement, que tout mouvement entraîne un son.
Mais, le pire dans tout cela, c'est que la réaction est toujours aussi puissante que l'action. Tout en étant dirigée vers son exacte opposé.
Un nouveau problème, indissoluble jusqu'alors, allait très bientôt être dénoué par la noble se tenant devant Avatar. Il était loin d'ignorer cette règle fondamentale qui semblait aller jusqu'à s'appliquer aux plus forts, au plus puissants -chose assez rare pour être signalée, les règles fondamentales ayant la fâcheuse habitude de ne s'appliquer qu'aux plus faibles- et pourtant il espérait. Avatar espérait que le fait d'avoir dévoilé à Louis, en face de ce puit à l'eau déconcertante, quelque chose qu'il devait garder pour lui; espérer que cette trahison à laquelle Avatar n'avait put que se résoudre, se termine aussi tôt l'homme disparus entre les arbres. Et que jamais, au grand jamais, les répercutions de cette révélation nécessaire ne viendraient raisonner aux oreilles de celui qui avait lancé une balle là où il aurait du la conserver au plus profond de lui-même.


Mais il était faible.

Faible ? Pourquoi ? A cause d'une eau un peut trop curieuse, soucieuse de nous faire revivre les pires moments de nos passés -car, pour certains, il n'y avait pas de meilleurs moments dans ledit passé- ? A cause d'un bûcher que l'on voyait dors et déjà planer à l'horizon ? A cause d'un changement qui se répercutait dans tout son être, avant qu'il ne se soit produit ?

Il a toujours été faible.

Ce géant, masquant ses peurs derrière ses yeux. Des yeux... Si spéciaux; des yeux si effrayant. Des yeux inhumains, les yeux d'un Démon (Sorcière ! L'Eglise et la Sainte Inquisition...) oui, les yeux du diable lui même d'après (... On décidés que vous mourrez sur le bûcher !...) ceux qui ont scellé le destin d'un enfant un peu trop intéressé (... Avant de s'occuper de l'enfant...) par une science qu'il jugeait saine, (... aux yeux de...) d'un enfant qui avait fait l'erreur (... DEMON !) d'ouvrir des yeux inquisiteurs face à ceux qui semblaient vouloir la mort de sa seule vie.

Il a toujours été faible.
Car il n'a jamais été plus que ce que l'on avait fait de lui.
Petite pousse de vengeance, dans un jardin de dévotion.
Petit mouton noir s'approchant trop de la raison.
Ne rêve pas, tu ne fus jamais plus que ça

"Pourquoi je vous ai dit de ne pas me donner si grande chose que votre confiance. Je ne veux pas chercher à me justifier, je n'en aurais, de toute façon, ni la force, ni la conviction. Sachez seulement que, si les paroles du géant pourtant cette arme sur le dos ont eues de telles répercutions qu'une personne en est morte -qu'elle soit comtesse n'a nul sens une fois son glas sonné- alors je m'en excuse aussi sincèrement que je le puis. Mais, vous aviez donné trop de confiance à un homme trop contrôlé par son envie de vengeance, et j'ai fait l'erreur de l'accepter."

Cette mort est alors autant de votre faute que de la mienne. Vous m'avez connut trop tôt, et j'ai changé trop tard. Ainsi arrive l'inévitable, dans ces successions d'arythmie. Quand les temps ne sont plus respectés, c'est toute la mélodie qui s'effondre.

Et quel macabre symphonie !

Sur ces mots, et sans qu'Avatar n'eut vraiment marqué un silence suffisant à la jeune femme pour lui répondre, il remit son lourd manteau sur ses épaules (le manteau était le même...) et son chapeau sur le crâne (... mais la différence de l'homme en dessous...) avant de s'agenouiller devant la demoiselle, allant même jusqu'à baisser un instant la tète, sans la quitter de ses yeux noirs (... n'en est que )plus flagrante.).

"Malgré tout, il ne se releva même pas, je ne suis pas en mesure de vous dire qui est à l'origine de cette affliction. N'ayant pas suivit cette affaire -ayant, en réalité, a peine réussit à suivre les virages que prenait ma propre vie, une fois mon épée plantée béatement face à un feu qui me dépassait- je ne serai même pas en possibilité de vous dire si Louis Institoris, le pire des Inquisiteurs présent en cette ville, a porté quelconque considération à mes mots... Alors, c'est à cela que se réduit un hérétique quand il devient plus fort, plus à même de mener à bien sa quête ? Un vulgaire croyant capable d'aller jusqu'à mentir avec sincérité ? Mes excuses, j'en suis conscient, n'y changeront rien. Nous nous en passerons donc, si vous désirez vous venger, je vous serait gré de ne le faire que quand j'aurai atteint le prochain perquisitionné, afin qu'aucune accusation ne puisse être portée contre vous. Peut-être, après tout, qu'une fois que le mensonge a fait place, il ne reste que la réelle sincérité. Je me dois cependant de vous demander de terminer l'oeuvre que j'ai à peine effleurée, et de détruire ce qu'il me tient tant à coeur d'anéantir. Notre très chère Inquisition."

Un regard vaut milles mots.

Lorsque l'Inquisiteur se releva, que son regard croisa celui d'Europe.
Lorsque l'Inquisiteur fut debout, que son regard se fut fixé dans ce qu'il regardait.
Alors on put voir tout le feu qui l'animait. Ce feu, il n'avait pas changé.

La manière est nouvelle, non la matière.
Ce feu, mieux que de s'être contenté de stagner, s'était par dix fois amplifié. Et ce... Par trois petites morts, insignifiantes pour la plupart des habitants. Trois morts survolées par un mot des plus dangereux, qu'il ne faut s'empresser de déclamer trop à la légère (Sorcières !). Ces flammes brûlant dans le néant, animant l'inanimé, imaginant une destinée ponctuée de sang. Une destinée ponctuée d'un sang. Le Sien. Celui de l'église. Du clergé. Ce sang au combien détesté. Le sang de l'Inquisition qu'il était bien trop rare de voire couler.

J'y ai pensé, j'y ai cru, un moment. Que j'étais saint d'esprit. Mais un fou ne peut aller mieux, en tout cas moi je ne le peux pas. Tout ce temps, j'ai cru changer, devenir bon. Mais je cesse de me faire tant d'illusions, désormais, j'accepte le fait que non, je ne suis pas un fou... Je suis désormais bien pire !
Je me ferai Dieu, je me ferai Diable, Démon et Miséricorde...
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeMer 20 Aoû 2008 - 0:48

Assise sur le divan, Europe sentait son cœur battre la chamade, bondir dans sa poitrine et lui cogner furieusement les côtes. Elle avait dit sa dernière phrase, non par envie d’écraser totalement Avatar en lui rejetant à la figure les moments les moins reluisants de son existence, mais par nécessité de savoir enfin si, oui ou non, son hypothèse avait été exacte, bien qu’elle en eût toujours été quasiment certaine. L’Inquisiteur eût exactement la même réaction que ce à quoi elle s’était attendu; il semblait en ce monde que, pour chaque homme dont le passé est chargé de crimes qu’il regrette au plus profond de son âme, chaque erreur de sa vie qu’on lui rappelle l’amène à s’excuser et à se dénigrer encore et encore. Elle-même en avait fait l’expérience et, depuis quelques mois, ne se décrivait plus sans faire d’auto-dérision en abondance. Peut-être une sorte d’automatisme inconscient de l’âme pour expier un pêché jactant… Encore une fois, tous les mystères étaient dans l’Homme…

"Avatar, vous n’avez ni à vous justifier, ni à vous excuser. Ne vous méprenez pas sur mes desseins, je n’ai pas du tout l’intention de me venger ni de vous accuser pour ce que vous avez fait. Ce que je vous ai dit n’était aucunement un reproche, et je suis celle qui est à blâmer. Après tout, c’est moi et moi seule qui ait décidé de vous révéler ce détail, vous n’avez donc pas à porter la responsabilité de tout ceci. Et puis je vous l’ai dit, votre vie est précieuse. Si vous devez délivrer ce genre de renseignements pour vous tirer d’affaire au regard de l’Inquisition, je serais bien la dernière à vous en blâmer! Non, ce n’est pas de votre faute, ne vous en faites pas. En vérité, j’ai commis plus d’erreurs ces derniers mois que pendant toutes mes années d’apprentissage réunies."

Son regard se fit vague, songeur. Elle n’essayait pas d’ôter la culpabilité du dos d’Avatar par pure et pieuse considération pour son prochain, mais bien parce que c’était la stricte vérité. Elle n’en prenait conscience réellement que cette nuit d’orage, à cet instant: elle avait tué la Comtesse aussi sûrement qu’elle avait tué Elena. Toutes les deux, elles avaient été les conséquences désastreuses d’une longue suite de causes et de conséquences dont l’origine n’avait d’autres points que le comportement têtu et stupide d’elle-même, Europe Eléanora-Sun, Sorcière et Prêtresse d’Olrun. Et en ce moment même, elle se terrait dans son manoir somptueux en risquant la vie d’un homme pour sauver sa propre peau, au lieu d’affronter véritablement ses actes; et si il y avait une âme qui méritait le bûcher à Forbach, c’était sûrement la sienne. Elle qui voulait tant briller, avait tout gâché; elle avait révélé malgré elle ce qu’elle voulait cacher, tout ce qui au font d’elle lui faisait honte et n’était pas digne de la noblesse des êtres qui se dressaient autour d’elle en rempart pour protéger sa vie. Elle avait ouvert la boîte de Pandore sans réfléchir aux conséquences, entaché son âme par le choix et le sang, et déchaîné une telle horreur sur Forbach qu’elle avait détruit son ordre le plus cher. Certes, ses rivales étaient stupides, manipulatrices et prétentieuses, mais elles n’étaient que son horrible reflet, et elle ne valait vraiment pas mieux qu’elles…

Et c’était pourquoi maintenant, elle avait décidé que plus jamais situation pareille ne se reproduirait. Assumer la conséquence de ses actes, toujours. Et ne jamais tourner le dos à son passé, jamais.
N’étant pas au courant des événements se déroulant entre les deux clans de Sorcières, Avatar ne devait pas comprendre grand-chose à son discours; mais à cet instant il sembla qu’Europe parlait plus à elle-même qu’à l’Inquisiteur. Même si une partie de la vérité lui avait été apportée, il restait toujours une lacune –rien qu’une seule, mais sans aucun doute la plus grande et la plus redoutable de toutes. Cependant, Avatar n’avait pas la réponse. Il lui faudrait encore attendre, semblait-il, pour savoir qui avait vraiment orchestré ce meurtre - à part elle-même, bien sûr. Mais qui, qui donc avait pu…? L’impasse était si étroite que la Prêtresse passa la main dans ses cheveux en poussant un long soupir, l’air profondément déçu et las.
Cependant, lorsque l’Inquisiteur s’agenouilla devant elle, la fixant sans ciller de ses yeux plus noirs que la nuit tourmentée par la tempête, Europe resta totalement immobile, comme une statue de marbre figée. Pendant un instant, elle en oublia même de respirer, mais cela n’avait pas d’importance; ce soir, seules les paroles comptaient. Quand il se releva enfin, la Sorcière vit qu’elle s’était radicalement trompée. Oui, malgré les apparences, il avait changé, il n’était plus le même. Et elle, avait-elle pu changer, ne serait-ce qu’un peu ? Si c’était le cas, alors… c’était soit un grand pas en avant, soit un plongeon dans un gouffre.


"Je vous remercie, Avatar. Vous m’avez éclairci les idées. Il semble qu’on se ressemble bien plus que les apparences veulent le montrer, vous et moi... Nous sommes tous les deux des imposteurs. Vous avez trahi l’Inquisition et moi, en violant le secret des Sorcières en mon âme et conscience, j’ai trahi mon Clan. Et malgré ça, nous continuons tous deux à vivre, en faisant de notre mieux. Tous deux, nous avons pour objectif d’anéantir cette chère Inquisition, comme vous dites. Mais il reste encore un dernier point commun. Comme vous…"

Sa gorge se serra un instant et Europe s’interrompit, admirant le contraste frappant entre son esprit avide de crier la vérité et son corps qui de toutes ses forces lui criait de rebrousser chemin, de ne pas dévoiler cette vérité qui dérange. A cet instant, l’orage sembla revenir dans la pièce, un éclair illumina l’intérieur et les yeux de la Sorcières prirent soudainement une teinte violacée et effrayante. Jamais, même dans les instants les plus graves, on ne l’avait vue arborer un tel regard.

"…comme vous, j’ai tué. J’ai même fait pire, puisqu’il s’agissait d’une de mes Sœurs. Il y a quelques semaines, tout au plus. Je l’ai tuée au nom d’une cause, aussi sûrement que si j’avais enfoncé un poignard dans son cœur. La mort de la Comtesse, elle fait aussi partie de mes responsabilités…..Désormais l’avenir, ne sera plus jamais le même…"
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeSam 23 Aoû 2008 - 12:20

"Chaque mort orchestrée par l'Inquisition, ou par vos clans; chacune de ces morts est de notre responsabilité à tous, mademoiselle. Ce n'est pas plus votre faute que c'est la mienne, celle de Louis, celle du tenancier d'une auberge Forbachienne, celle des nobles et des paysans. Toutes les morts qui ponctuent nos vies sont de la responsabilité de ceux qui acceptent ce régime, et de ceux qui n'agissent pas pour le changer."

Désormais, tout était plus clair, les esprits, le temps, la pièce. L'orage semblait disparaître peu à peu, tant dedans que dehors, les aveux marquants étaient passés, la perquisition n'avait eu lieu, et tous repartiraient dans leurs vies plus ou moins normales d'ici la fin de cette nuit, Avatar, Europe, et tous les autres. Jusqu'à ce que l'on en décide autrement, jusqu'à ce que de nouveaux dés soient lancés, et que le destin décide de s'acharner une nouvelle fois d'un coté ou de l'autre de la balance -bien que ce coté ne fit aucun doute il est toujours bon d'espérer qu'il est possible de ne pas tout calculer.
Il n'était pas nécessaire de dire à cette femme que Louis se méfiait peut-être plus des nobles depuis qu'Avatar l'avait mit en garde sur le sujet, ni même de lui demander si elle était à l'origine des trois pendus; de toute façon il n'est pas dit qu'il obtiendrait une quelconque réponse à cette question, alors autant s'en passer.


"Vous avez oublié un point commun... Tous deux sommes voués, dans le pire des cas, à mourir sur un bûcher."

Un sourire était arrivé, ornant son visage, l'auréolant de cet étrange sentiment, celui rappelant la froideur des mots, des nombres, un sourire calculateur, sans une once d'humanité, ce sourire trop présent dans la vie d'Avatar. Un sourire aux antipodes de ce qu'il était, mais bien trop proche de ce qu'il devenait. Le temps est au changements.

"Remarquez, là est le seul point commun de toute l'humanité... Mais, nous avons surement plus de chance que les autres d'y arriver. Puis-je vous demander, avant de vous quitter, si vous risquez réellement quelque chose à avoir dévoiler tel secret, Mademoiselle, car, sans vouloir m'avancer, au vu de votre rang dans la société et des quelques brides de votre passé que vous m'avez révélé, il n'est pas des moins probables que vos responsabilités puissent être aussi grande au sein de vos soeur qu'au milieu des nobles de ce comté. Et, si c'est le cas, vous êtes alors moins enclin à subir les réprimandes et les brimades de vos supérieures..."

Une dernière information est toujours bonne à prendre. Bien que, si celle-ci fut donnée, elle resterait bien mieux gardée que les précédentes, Avatar comptant bien avancer comme un vulgaire Inquisiteur que certains préfèreraient qu'il soit, un vulgaire Inquisiteur écoutant les directives, ne déclamant pas un mot plus haut que l'autre... Un 'honnête' membre du clergé.
C'est ce qu'ils voulaient avoir, et bien c'est ce qu'ils auront, en apparence tout du moins. Ne faut-il pas être plus proche de ses ennemis que de ses amis ?...

On a voulut domestiquer celui qui trouvait ses idées trop près de la façon de penser de celle qu’il chassait, on aurait sans doute préférer le voir disparaître, mais, à défaut, on le verra changer du tout au tout. C’était du moins clair dans l’esprit du nouvel Inquisiteur qu’il était, ce qui l’était moins, c’était la certitude qu’il parviendrait à rester tel quel aux cotés du ‘grand manitou’ d’Institoris. Rien n’était moins sur, que celui qui voulait le plus voir s’assagir ne puisse le voir autrement, car, après tout, il est la cause de tout ce qui arrive en ces lieux, bien que, lui ou un autre, cela n’aurait sûrement rien changé. Il a pourtant eu la malchance de tomber ici. Et Avatar comptait bien l’envoyer encore bien plus bas, apparemment, il n’était pas le seul, d’ailleurs, et si les sorcières se décidaient enfin à cesser de se laisser chasser, le moment serait parfait pour commencer à changer, et répendre petit à petit ce qui sèmerait, en temps voulu, la discorde dans les rangs plus ou moins bien rangés de cette inquisition.
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeDim 24 Aoû 2008 - 20:24

En cette nuit où les paroles auraient du se perdre dans le tourment et le fracas de l’orage, chaque propos de l’un et de l’autre retentissait avec une conviction étonnante. Si Europe devait avoir une certitude, c’était que durant les quelques mois suivant sa rencontre avec Avatar, elle avait au moins autant appris sur elle-même que durant des années à jouer les Prêtresses pendant le calme plat. A présent qu’il y avait plus de houe, elle se rendait compte de son véritable tempérament et de ses véritables réactions. Chaque mort, avait-il dit, chaque mort qui ponctue nos vies incombe à ceux qui n’agissent pas pour changer le régime actuel… Dans ces conditions, elle ne pouvait plus que jamais se résoudre à rester les bras croisés et à attendre que les événements s’écoulent d’eux-mêmes avec une régularité de métronome, chaque changement de rythme orchestrant encore les entrées de linceuls innombrables et flambants neufs dans le cimetière de Forbach, dont la terre deviendrait bientôt rouge du sang des suppliciés. La Sorcière garda un instant le silence; puis Avatar parla de nouveau et cette fois-ci, il sourit. Un sourire lourd de sous-entendus et totalement dénué de joie, comme elle s’y attendait, un peu le genre de sourire qu’elle même arborait depuis qu’elle avait vu Elena respirer l’effluve mortelle d’un Lys aussi noir que la nuit. Amusée par ses propos, elle sourit à son tour et s’autorisa même un petit rire, amer, glacial, chargé d’ironie.

"Alors nous nous reverrons tous deux au Paradis… ou aux Enfers" conclut-elle d’un air entendu en jetant un rapide coup d’œil à la Divine Comédie qui était toujours posée sur la table basse.

Le livre semblait s’enflammer à la lueur du foyer grondant et crépitant; oui, peut-être ces flammes seraient la dernière vision d’Europe tandis qu’elle périrait dans d’atroces souffrances, sentant la morsure du brasier sur sa chair, lui rappelant subtilement qu’elle était bien vivante. Aujourd’hui, elle savait que cette issue était inéluctable, non parce que c’était le cours naturel des choses, mais parce qu'elle avait pris la décision irévocable d'aller d'elle-même au devant d'une destinée qu'on ne peut changer; et ce que lui réservait son avenir, ce qu’elle allait dévoiler en cette nuit d’orage, tous ça la conduirait à une mort empreinte à la fois de cruauté et de douceur. Aujourd’hui, contrairement à ses calmes années de Prêtresse, la mort ne ressemblait plus à l’espérance, et elle ne faisait plus pousser les blés murs aussi bien qu’elle faisait rayonner les flammes des bûchers dressés vers l’infini du ciel. Aujourd’hui, elle était devenue souveraine, charnelle et multitude. Tout se paye, elle l’avait appris à ses dépends. Oui, ils se retrouveraient sûrement dans l’au-delà… La question était juste de savoir quand… et lequel des deux y attendrait l’autre…

Pour l’instant l’orage était momentanément écarté, le ciel cessait peu à peu de tourbillonner en volutes incessantes et un calme relatif se faisait dans la vaste pièce aux murs lambrissés; mais Europe savait que cette tranquillité n’était qu’une façade. Les premières vraies et importantes révélations passées, il lui resterait toute la fin de cette nuit obscure pour réfléchir, et pour se préparer de toutes ses forces à affronter l’aube tant redoutée, celle où elle verrait peut-être ses plus proches confrères et consœurs arrêtés par l’Inquisition… Oui, l’heure de la vérité était passée, mais maintenant arrivait l’heure du jugement, et il n’en était rendu que plus terrible par l’attente cruelle qui le précédait, comme un manteau noir de nuit… Cette seule pensée réussit à la faire frémir, mais elle frémissait aussi en contemplant ce qui l’attendait encore, tout ce qu’elle devrait accomplir – son passé calme et serein, illuminé de pouvoir, pour le meilleur ou pour le pire, était aujourd’hui définitivement révolu.


"Voyez vous… ce n’est pas tant mes supérieurs que je craint… Mais plutôt le reste de Clan. Quand vous avez la responsabilité de dizaines d’existences sur vos épaules, quand vous occupez un poste clé et quand on vous accorde la confiance en toute connaissance… faites une seule erreur, un seule petit faux pas, et on ne manquera pas de vous le reprocher. Si vous êtes roi et que vous prenez de mauvaises décisions, vous ne craindrez pas Dieu, mais le peuple. Car c’est lui et lui seul, qui a véritablement le pouvoir de tout faire basculer."

Ce n’était d’ailleurs, pas qu’un simple problème de hiérarchie, pensa t-elle, mais plutôt une dimension éthique, morale; comment ne pas mettre votre propre conscience à rude épreuve lorsque vous voyez les gens de qui vous aviez pris la tête devenir un peuple de mères désolées, de pères souffrants et d’enfants rachitiques? En poussant un long mais discret soupir, Europe se laissa retomber sur le divan et passa la main dans ses cheveux. A la lueur tamisée des chandelles, on ne pouvait lire dans son regard, que de la résignation.

"Je sais parfaitement ce qu’il me reste à faire. Je sais la direction dans laquelle je vais aller pour atteindre mon but. L’ennui… c’est que je sais que je vais forcément faire beaucoup de dégâts en m’y rendant. Pour nos vies et notre paix, l’Inquisition doit tomber. Nous mourrons libres, ou bien je mourrais en essayant de nous rendre notre liberté. Je vais tout faire, tout mon possible, pour que l’Inquisition cesse de perpétrer ces horreurs. Pour cela, je vais devoir être mesquine et déloyale; pour cela je vais devoir trahir, mentir, ne serait-ce qu’à mon propre Clan en reniant sa nature pacifiste, en reniant toutes ses valeurs que j’avais décidé d’intégrer comme miennes et qui faisaient ma vie autrefois; pour cela je vais sans doute devoir écarter sans pitié des âmes de mon chemin, je pourrais même avoir à tuer, qui sait. Sans doute beaucoup de gens tomberont-ils par ma faute. Je l’accepte en mon âme et conscience, et me dit qu’on a rien sans rien. Que ce sera un moindre mal, pour le plus grand bien. Une pensée à la mode de Louis Institoris. Que la fin justifiera les moyens; plus aucune conscience, plus aucune pitié, seulement la volonté de parvenir à mes fins. Et alors… une fois que j’aurais atteint mon but… je recevrais comme il convient ma punition pour les crimes que j’ai perpétré." Elle lui jeta un coup d’œil torve. "Mais au moins, nous serons libres."
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeMar 26 Aoû 2008 - 12:10

"Eh bien, je crois que nous pouvons dire que ces derniers mois nous ont réellement changés, vous et moi. Quand à savoir si c'est en bien ou en mal, seul le future nous le dira. Dans tous les cas, nous sommes au moins sur que c'est dans un but louable que nous avons emprunté ces chemins un peu plus sombres. Mais, le seul moyen de combattre le mal, c'est d'utiliser ses armes... Et peut-être, après l'avoir vaincu, de mourir dignement avant de devenir pire que lui. Mais, si nous sommes prêts pour le bûchers, alors une mort moins douloureuse ne pourra pas nous paraître une bien mauvaise solution."

L'homme porta un instant la main sur la tranche de son couvre-chef afin de le tourner légèrement, ce qui ne changea fondamentalement rien, à par peut-être l'impression qu'Avatar avait que ce chapeau n'était pas bien mit. Déporter son attention sur quelque chose de moins grave était une manière comme une autre de conserver sa lucidité, bien qu'Avatar semblait, autrefois, n'avoir aucun problème à garder celle-ci près de lui, le temps lui à montré qu'il n'était pas à l'épreuve des trop grands écarts. Son comportement des quelques mois précédents en était bien la preuve.

Oui, désormais ils étaient différents, Elle, Lui, Tous, c'était un fait établit, même le Grand Institoris avait peut-être un comportement différent désormais. Ces changements n'étaient pas habités par les mêmes désirs, c'était impossible que s'en soit ainsi, mais ils avaient tous quelque chose d'enfouis au plus profond : l'envie de voir chuter l'Inquisition, le besoin maladif de voir plus de bûchers, la crispation de voir les sorcières lui échapper... Tant de raisons, tant d'hommes. Autant de changements après de nombreux morts. Ne restait plus qu'à espérer qu'au moins une personne arrive à ses fins, et, si possible, que ce soit en accord avec les intérêts des deux personnes ici présentes...


"Nous changeons tous les deux de tactique, bien que nos intentions restent en accord. Je tenterai de ne pas interférer dans vos affaires, et de fermer à nouveau les yeux sur ce qui pourrait m'être amené à voir, mais que cela ne vous empêche pas d'être le plus prudente possible... Car, certains Inquisiteurs que j'ai rencontré ces derniers temps, bien que n'étant sûrement pas des lumières car incapables de détecter le cynisme, auraient bien dit oui à ma proposition de venir à bout des sorcières en brûlant le village, ses habitants et l'Inquisition comprise. S'ils ne sont pas fins, je ne doute pourtant pas de leurs compétences... L'Inquisition n'a jamais eu tant de pouvoir, Mademoiselle, s'il était un moment où vous devriez jouer toutes vos cartes, je pense ne pas me tromper en disant que c'est maintenant... Il faut endiguer le mal avant qu'il ne parvienne à se développer trop..."

Endiguer le mal, certes, rien n'est plus facile à dire, ni plus difficile à faire. Bien qu'étant bien entourée, Europe n'a pas vraiment de nombreux choix d'actions, qui quel soit, le destin de chacun était peut-être déjà écrit avant même leur arrivée en ces terres. Peut-être était-il déjà décidé qu'ils changeraient de cette manière, que chacun comprendrait que la meilleur façon d'abattre son ennemi, c'était de faire fit des règles de bonne conduite que l'on s'imposait. Les véritables meurtriers sont les inactifs, alors faisons en sorte de devenir des sauveurs, ou des destructeurs, l'un dans l'autre, ces deux finalités sont bonne à prendre, d'autant que ce n'est pas la reconnaissance qui est désormais recherchée, c'est simplement la liberté, la possibilité de croire en ce que l'on désire, sans que des autoproclamés armes de dieu ne se décident un jour de nous mettre sur un bûcher.
Il faut qu'il y parviennent, c'est la seule chose que l'on puisse espérer.


"Je ferais peut-être mieux de vous dire de ne pas aller trop loin, de ne pas sombrer dans ce que vous dénoncez, mais c’est apparemment le seul chemin qui puisse nous mener où nous désirons aller. Notre seule force, désormais, c’est d’être capable d’utiliser leurs tactiques, d’aller jusqu’à se fondre en eux, pour arriver à nos fins… Ainsi, je ne puis que vous souhaiter bonne chance, en espérant que nous ne nous revoyions pas immédiatement dans les tréfonds de cette Terre. Et, ne vous en faites pas, si il le faut, je vous attendrais, en bas, avec l’espoir que vous, vous pourrez monter. Il est déjà bien trop tard pour moi."
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeJeu 28 Aoû 2008 - 2:36

Voilà, elle l’avait dévoilé, son fameux plan si vague et odieusement sacrificiel… Finalement, cela s’était fait beaucoup plus naturellement que ce qu’Europe avait tout d’abord pensé. Peut-être, songea t-elle, parce qu’il lui était devenu beaucoup plus facile de parler en toute franchise avec Avatar qu’avec n’importe quelle autre personne, y compris les membres de sa famille. Rien de plus logique, d’ailleurs, comment aurait-elle pu leur annoncer naturellement, avec son éternel et insupportable sourire en coin, qu’elle allait les trahir dans un futur proche? C’était inconcevable, tout simplement. Sa main se baladant toujours sans ses anglaises violines, elle eut un petit sourire en repensant à cette fameuse scène qui s’était déroulée des mois auparavant, sur la rive bleutée de l’Etang de Diefenbach, face à leurs concentrés liquides de souvenirs… Il lui semblait qu’il s’était écoulé plusieurs années depuis, tant elle avait changé. Avatar venait de le lui rappeler; lui aussi était un homme neuf, et pour le meilleur comme pour le pire. Lui aussi visait dans cet horizon vide et terne, le même but, et peut-être emprunterait-il le même chemin souillé et pavé de vices qu’elle pour y parvenir enfin… Tout cela, pour le plus grand bien…

"C’est vrai" répondit Europe en acquiescant sereinement. "La mort, quelle que soit sa forme, ne me paraît plus si terrible qu’auparavant. Je crois que mon seul regret, si je devais mourir dans mon entreprise, serait de n’avoir pas pu achever mon œuvre. Si tel est le cas, je m’en remettrais à vous."

La Sorcière n’avait jamais cru en les bienfaits de la confession, mais à présent elle s’apercevait qu’elle avait eut tort: car avoir parlé de son projet à quelqu’un, qui plus est à quelqu’un qui la comprenait, était beaucoup plus satisfaisant que ce qu’elle s’était imaginé. Certes, cela ne lui avait apporté ni la connaissance, ni la vérité, et la résignation dans son regard sombre et violacé était toujours là, mais empreinte d’une touche ouaté de sérénité et de calme qu’il n’y avait pas auparavant.
Dès que l’occasion s’en présenterait, elle frapperait, sans hésitation aucune. Pour l’instant, c’était sûr, elle n’avait pas grand-chose de concret… mais elle n’était pas non plue dénuée de toute possibilité d’action. Europe était noble, elle avait une fortune colossale, elle avait de l’influence, elle avait la volonté mais surtout, elle avait des alliés. Un en particulier, sans aucun doute le plus important, et il se tenait devant elle en cet instant, ses prunelles sombres dissimulées derrière le bord de son habituel chapeau. Il venait de le dire lui-même: il la couvrerait, si jamais il était amené à voir quoi que ce soit qui chez elle ait pû être compromettant.

"N’ayez crainte. Je pense affirmer sans me tromper que je serais plus prudente à partir de maintenant que je ne l’ai jamais été. Je n’ai plus le droit à l’erreur. Si je suis arrêtée avant même d’avoir commencé, tout ceci n’aura servi à rien. Le temps où je me croyais intouchable est révolu. Soyez sûr de mon côté, que jamais rien de préjudiciable aux yeux de Louis Institoris ne sera associé à votre nom. Vous jouez à un jeu très dangereux, comme moi –comme nous tous. C’est pourquoi, n’oubliez pas qu’en cas de difficulté, de l’aide pourra toujours vous être fournie, dans la mesure du possible."

La Prêtresse pensa, avec un pincement au cœur, que le manoir Eléanora-Sun risquait dans les mois prochains d’être fort bien moins sûr qu’il ne l’avait été par le passé… Et que si elle-même tombait, sa famille n’y trouverait plus aucune sécurité. Mais cela aussi, elle y avait pensé, et l’avait accepté en toute résignation. Sacrifier sa propre famille… Pas de doute, pour elle aussi, il était déjà trop tard! Elle aurait alors sa place aux Enfers, y rejoindrait Avatar, et pour le reste… elle aviserait, comme toujours.
Tandis qu’un dernier et ultime éclair illuminait la pièce, il sembla à Europe que la lumière blanche se faisait moins blafarde, plus feutrée; le bruit du tonnerre laissait seul la place au bruit de l’averse, la tourmente se calmait, Forbach retrouvait sa relative quiétude… et Avatar était à peine sec. La Sorcière se leva, se demandant comment elle avait pu en arriver là, comment elle n’avait pu voir ce qui allait arriver avant. Tout simplement, parce qu’elle ignorait alors que le monde est souvent plus évident qu’on ne le pense, et que ses vérités, pour être banales, n’en sont pas moins transparentes et vives.


"Vous voyez, c’est curieux. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, j’étais intimement persuadée que nous nous reverrions. A présent, cependant… je n’en ai plus aucune certitude. Et puis, ne vous en faites pas, je serais fort contrariée d’être privée d’une compagnie aussi intéressante que la votre… alors je vous rejoindrez ici-bas. Peut-être qu’enfin, nous serons libres de deviser pour l’éternité." Le sourire d’Europe disparut, laissant place à un air sérieux. "Bonne chance à vous aussi. Bonne chance, bon courage, et tout ce que l’on puisse souhaiter, tout ce qui pourra vous aider sur la route que nous empruntons désormais. J’espère que lorsque nous nous reverrons, le monde aurait changé, comme nous avons changé."
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeVen 12 Sep 2008 - 18:12

"J'espère, continuât-il un instant après la dernière phrase de la sorcière qui lui faisait face, que le monde n'aura jamais à changer comme nous, Mademoiselle, s'en serait dramatique..."

Inclinant légèrement la tète vers l'avant, on put voir perler une dernière goûte de pluie sur son chapeau, une survivante de la chaleur ambiante; survivante qui avait su tirer profit de tous les restes de ses consoeurs pour se former. Quoi de plus naturel, pour une goûte d'eau, que d'utiliser ses semblables pour s'agrandir. Quoi de plus détestable, pour un homme, que d'en faire de même...
Un avenir un certain n'est pas toujours signe d'ignorance...
Lorsqu'il releva la tète, mettant fin à sa subtile révérence, il fixa à nouveau le regard de son interlocutrice, ajoutant à la prunelle de ses yeux noirs un quelque chose de gratitude, à peine perceptible, certes -d'ailleurs peut-être Avatar lui-même ne savait-il pas ce qui ornait le néant de son esprit à cet instant présent- mais tout de même présent, et assez important pour qu'il doive être relevé.
... C'est parfois juste que l'on ne peut encore l'accepter...
Il serait bientôt temps de mettre fin à cet intermède, et d'accepter entièrement les nouvelles identités. Assimiler les masques afin qu'ils n'en soient plus, se faire plus léger que la plume, et plus vif que l'épée. Bientôt le temps reprendrait ses droits, et le sang retrouverait ses enfants. Enfants de Dieu, enfants du Diable, enfant de n'importe qui, ça n'avait plus d'importance, si les deux personnes ici présentes connaissaient les limites du bien, et s'y cantonnaient jusque là, alors le premier pas pour Avatar hors de cette bâtisse signifierait sûrement le franchissement de cette ligne fictive, pour pouvoir enfin se libérer des chaînes qu'imposaient des idéaux louables, et parvenir à ses fins, par n'importe quel moyen.
... Et que de n'est qu'une fois le temps venu qu'on acceptera de se le révéler.

"La pire des ironie, dans tout cela, c'est que nous ayons tous deux jouer un rôle dans l'avenir que l'Eglise nous destine. Soit en ayant agit trop tard, soit en ayant été le bouc émissaire de la mauvaise personne... La vie est parfois bien mal faite, laissez-moi vous dire pourtant que, s'il est un moment où destiner vos prières à un Dieu, à n'importe quel Dieu, je pense que ce moment est entrain de filer à l'instant où nous parlons... Je n'aurai jamais été aussi croyant que depuis que j'ai pris conscience de ce que j'étais, et de ce que je suis. Dieu me pardonne de vouloir le faire oublier, mais s'il désirait me prouver son existence en disparaissant de nos vies, je serai prêt à me faire Franciscain..."

Un sourire plus franc ponctuant sa dernière phrase -Avatar imaginant déjà se faire brûler pour avoir été un Frère trop extrémiste- il se tourna lentement vers le couloir duquel il était arrivé et commençât à s'y avancer. Nul besoin de regarder derrière lui, il se doutait sûrement qu'Europe l'accompagnerait, nul besoin de laisser passer la demoiselle en premier, désormais il ne serait plus laissé derrière.
Le couloir semblait plus court qu'à l'arrivée, de même que les éclairs étaient plus espacés, et la pluie... Plus présente désormais. Peut-être n'était-ce qu'une impression inconsciente, ayant persisté après la conversation de l'Inquisiteur et de 'son alliée de proie', ou alors, peut-être juste une attention plus importante désormais à la réalité qu'à une quelconque projection dans un futur tantôt trop sanglant, tantôt trop sombre. C'était certain, le temps récupérait son due, et reprenait ses droits. Bientôt tout serait différent, car la porte grossissait à chaque pas, et la limite du bien se faisait plus floue... Jusqu'à ce qu'ils la dépassent, en se trouvant devant la porte fermée -qu'Avatar ne se serait pas permit d'ouvrir par lui-même.


"Je ne sais que vouloir. Que cette nuit soit fructueuse, et qu'elle me permette de découvrir quelques Sorcières, ou qu'elle reste une nuit habituelle, sans que je ne puisse accuser quiconque. La première solution irait contre mon idéaux, et la seconde contre mon but... Je verrais bien ce que le destin me réserve comme décision. S'arrêtant un instant, Avatar patientât quelques secondes, restant face à la porte, sans se tourner vers Europe. Mais, je me dois de vous remercier, je pense que quelque soit le rôle que vous jouiez dans l'avenir, il ne pourra qu'être bon. Vous n'êtes pas de celles capables de se laisser mourir en pleurant devant le désastre, prenez les armes, ne me faites pas mentir -quoi que ce ne serait pas la première fois. Et, surtout, n'oubliez pas une chose, vous, vous n'êtes pas seule... Et, si vous revoyez la Tisserande, dites lui que j'espère que nul Inquisiteur ne lui a posé problème."

Son sourire s'effaçât un instant, pensant que, dans toutes les personnes qu'il avait soupçonnées depuis son arrivée -et il y en avait beaucoup- certaines pourraient être réellement ce qu'Avatar prétendait. Et certaines pourraient disparaître en cette nuit... Disparaître, oui, mais en aucun cas volontairement... Sur cette idée, il ouvrit machinalement la porte et sortit sur le pallier en adressant un dernier regard à la jeune femme.
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MessageSujet: Re: Manoir Eléanora-Sun   Manoir Eléanora-Sun Icon_minitimeSam 13 Sep 2008 - 1:17

"J'espère que le monde n'aura jamais à changer comme nous, Mademoiselle, s'en serait dramatique..."

Europe observa une brève seconde de silence et acquiesça sans bruit de la tête, songeuse. En réalité, elle n’avait pas voulu donner à sa phrase le sens qu’avait relevé Avatar, mais l’Inquisiteur semblait l’avoir parfaitement compris et, une vérité aussi claire et inéluctable que celle qu’il venait d’énoncer ne méritait rien de moins qu’un silence approbatif, résigné, et clairvoyant. Si le monde prenait le chemin qu’eux même s’apprêtaient à emprunter, entachait sa pléthore d’âmes et se trahissait lui-même, alors un fléau anarchique bien pire que l’Inquisition se répandrait… pour le pire. Mais par le sacrifice de deux individus, peut-être, il pouvait être sauvé, et une ère plus propice pouvait voir le jour dans ce même monde… parce qu’il fallait qu’il soit calme, vif, épuré et neuf, et seulement après nous construirons.
Le silence de la Sorcière se prolongea quand elle croisa derechef le regard d’Avatar. Elle était une personne de nature plutôt emphatique, mais même sans ça elle n’aurait pu passer à côté sans la voir de cette lueur infime, et pourtant bien présente, dans le regard ourlé d’obscurité de l’Inquisiteur. Comment, après tant de temps, ignorer un tel signe? Elle en fut un peu surprise mais surtout ravie et inclina légèrement la tête elle aussi, signe du respect le plus franc, et de la considération la plus égale qui soit.

Lorsqu’Avatar parla de nouveau, ce fut pour mentionner ce Dieu dont tous deux avaient avec tant d’acharnement rejeté l’idée, quelques mois auparavant. La Prêtresse ne fut pas étonnée de voir l’Inquisiteur tenir de tels propos, alors que lors de leur dernière rencontre il n’aurait sans doute même pas voulu entendre parler, n’était-ce que de la suggestion, qu’un Dieu existait bel et bien. Mais les horizons s’élargissent et les champs de vision aussi; et l’on a vécu durant ce temps, même depuis le matin même.
La dernière phrase de l’Inquisiteur résonna comme on ne savait quoi d’un peu plus lumineux et limpide que toutes les paroles sombres qui s’étaient dites en cette nuit non moins obscure. Et en voyant le premier vrai sourire –la différence était saisissante- d’Avatar, Europe eut un grand rire honnête qui dévoila l’éclatant feston de ses dents; elle s’aperçut soudain qu’elle n’avait pas ri depuis longtemps, ou du moins, pas avec franchise.

"S’il faut prier pour nous sortir de cette impasse, alors, je prierais, soyez sans inquiétude" rassura t-elle en agitant vaguement la main.

Un silence relatif avait doucement empreint la demeure à mesure que l’orage retombait, que son fracas se faisait plus lointain et plus flou; et même la pluie semblait, dans l’esprit de la Sorcière, retenir son souffle pour saluer le départ de celui qui venait de se tourner face au couloir par lequel il était venu, face à son passé, son présent, et son destin peut-être, plein de résolution. Presque sans bruit, le bruit de ses pas feutrés se noyant dans la nuit, elle le suivit; après tout il faudrait bien qu’elle emprunte ce chemin elle aussi, et le jour où il lui faudrait le faire était à chaque instant plus proche… alors autant s’y préparer, et même s’y résigner dès maintenant, en essayant et espérant pour le mieux.
Lorsqu’ils pénétrèrent dans le hall pour gagner la porte d’entrée, le marbre était sombre et froid, mais les statues semblaient avoir un peu perdu de leur opacité et luisaient d’une douceur généralisée, empreinte de solitude et de terribles secrets inavoués. Europe leur jeta un bref coup d’œil avant d’écouter pleinement ce qu’Avatar avait à lui dire –chaque minute les rapprochaient invariablement des dernières paroles échangées en cette nuit… et peut-être à jamais.
Ses propos lui firent étrangement chaud au cœur. De s’entendre dire, à la croisée des chemins, à l’aube de toute sa vie, qu’elle n’était pas seule, était plus que réconfortant.

"Je vous remercie également, Avatar. Je lui transmettrais ce message dès que je la verrais. Bonne fin de nuit, et que cette aube, ainsi que toutes les autres, vous apporte ce que vous désirez." Elle hésita un instant puis reprit: "qu’elle nous apporte ce que nous désirons."

Le regard qu’ils échangèrent alors fut le dernier; mais il sembla un instant à Europe qu’elle pouvait le contempler dans toute sa véracité plus quand il était de dos que de face. La silhouette d’Avatar franchit le pas de la porte et aussitôt, le bruit de la pluie sembla revenir avec un fracas soudain dans les oreilles de la Prêtresse. Celle-ci resta debout, appuyée contre la chambranle, à regarder la silhouette sombre de l’Inquisiteur s’éloigner dans les ténèbres de la nuit puis s’y fondre complètement, noyée d’eau rayonnante sous l’éclat de la lune, qui venait d’apparaître derrière une lourde nue.

"Prenez soin de vous."

Plusieurs minutes s’écoulèrent avant que la Sorcière ne bouge enfin. Sans se presser, elle referma les épais battant, étouffant en grande partie le bruit de l’averse, et traversa d’une démarche mesurée tout le manoir, grimpant dans les étages, s’arrêtant enfin dans une pièce spacieuse toute en boiseries et en dorures visiblement très confortable: sa chambre. Des nuances de mauve et de blanc chatoyant s’étalaient sur les murs. Europe prit dans son secrétaire du papier, une plume et un encrier, et s’installa à un large bureau en merisier. Là, à la lueur des chandelles, elle noircit de longues feuilles d’un blanc cassé; et elle écrit tant qu’il faisait déjà jour lorsqu’elle acheva finalement sa dernière lettre. Ne prêtant aucunement attention à son poignet douloureux, elle rassembla les feuillets en tas distincts et les plaça chacun à l’endroit qu’ils devaient occupés. Une partie finit dans son propre journal intime, soigneusement dissimulé dans la pièce; une autre fut enfouie dans une enveloppe à l’aspect solennel, à laquelle elle apposa un sceau de cire portant les armoiries des Eléanora-Sun; une autre encore fut rangée dans les tiroirs de son secrétaire et la dernière, la plus importante, fut pliée avec le soin le plus minutieux. Le papier était très fin, dans un but bien précis; Europe prit sa très vieille édition de la Divine Comédie et, avec une lame de couteau extrêmement fine, en fendit la reliure pour soigneusement y dissimuler les lettres; elle recolla ensuite précautionneusement le bord de l’ouvrage pour le ranger à sa place habituelle, dans sa bibliothèque personnelle.

Ceci fait, la Sorcière soupira et leva enfin la tête. L’averse avait complètement cessé à présent, laissant les alentours détrempés. Le soleil du matin entrait à flot par la fenêtre ouverte et illuminait sereinement tout ce qui l’entourait; et ses rayons brillaient avec la force et la volonté inénarrable d’une âme qui veut croire en la promesse d’un avenir heureux.

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