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 La Maison Dieu #22

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Noâz Loewenstein
Fugitif
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Noâz Loewenstein


La Maison Dieu #22 Vide
MessageSujet: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMar 4 Mar 2014 - 1:52

La Maison Dieu #22 La_mai10

Le tombeau d’Alicia était encore ouvert. Comme si l’Apocalypse de l’année passée n’avait pas encore été oublié. Le sol marbré du sanctuaire était encore recouvert des gravas qui avaient été propulsés lors de l’atomisation de la dalle par le comité des prêtres. Noâz s’en souviendrait toute sa vie. Sa plus belle erreur, son hideuse gloire. Il n’avait jamais regretté. C’était le Passé, bien ou mal, Chronos ne s’en souvenait plus lui-même. Noâz marchait entre les décombres. Il ne savait plus vraiment comment il était arrivé ici. Il ne comprenait pas où étaient passés les inquisiteurs. Il n’y avait aucune rumeur ni ici-bas ni plus en haut. Comme si toutes les forces de Forbach l’avaient quittées, ou bien s’étaient concentrées ailleurs, tout simplement. Les candélabres avaient été brisés, renversés, ou cambriolés. Le jeune comte avait pour seule lumière une fin de bougie qui commençait à lui brûler le creux de la main. Le silence semblait l’observer, proie indiscrète aux bottes martelant et à la cape traînante. Noâz sursauta lorsqu’il crut entendre une voix l’appeler derrière lui. Il scruta l’obscurité, rien.

« Noâz, c’est toi ? »

Cette-fois-ci Noâz ne se laissa pas berner par l’écho. Il entendit bien la voix venir du centre de la grande salle. Il la suivit malgré la peur qui tenait son estomac.

« Mon fils, j’ai cru que tu m’avais oubliée… »

Noâz porta une main à ses lèvres tremblantes. Il s’agenouilla au bord de l’abîme béant qui devait bien encore cacher quelques uns des trésors de sa mère. Une bague, une fleur ou un cheveu. Noâz se pencha pour scruter le fond de l’abysse. Il n’y voyait rien. Puis deux éclats d’émeraude.

« Mère ? »

« Noâz, sais-tu que c’est au fond des plus sombres volcans que naissent les plus beaux joyaux ? »

« Je le sais, Mère »

Les éclats virides s’éteignirent. Les prunelles humides de Noâz scrutèrent le fond compulsivement. Une main calcinée aux serres noires et acérées surgit des ténèbres du trou et agrippa Noâz à la nuque pour le faire chuter. Ce dernier ne put retenir un cri de frayeur précédant celui de désespoir, dans la chute. Il ne fallait pas toucher le sol, sinon on mourrait, c’est ce que tout le monde disait. Pourtant dans ces ténèbres, il n’y avait nulle racine à laquelle se raccrocher. La chute était bien sûr infinie et lorsque les dernières forces de lutte de Noâz lui échappèrent, il ne put que remettre son corps à la volonté des ténèbres et du grand fracas. Qu’il ne reste de lui que des gravas sur un sol de marbre, tant pis. Et qu’enfin au fond de l’abysse il puisse trouver l’éclat des plus belles émeraudes.

C’est alors qu’une force familière le porta dans ses bras décharnés pour rejoindre la surface. Noâz ne la voyait pas mais reconnaissait assurément. Mais à la surface, ce qui l’attendait n’était pas l’humidité des Sous-Sols du château de Frauenberg mais la tiédeur du salon aux lueurs bleutés de la Tour des Anges.

Dans un battement d’ailes sourd, la force termina son ascension au-dessus de la clairière Sacrée pour déposer avec la délicatesse d’une mère, l’âme de son enfant dans le corps endormi du comte qui s’éveilla en un sursaut. Les yeux rivés sur le balcon de la Tour, Noâz vit une silhouette ailée déjà loin dans la clarté de l’Aube. Noâz se précipita au balcon pour mieux l’observer. Cette chute n’était-elle qu’un rêve ?! Non, il avait du faire une crise de somnambulisme, tomber de la Tour et l’Ange noir l’avait sauvé ! Ou bien n’était-ce qu’un corbeau ?

L’attention de Noâz fut rapidement attirée en bas de la Tour par une rumeur lointaine et dense. Il s’écarta du rebord du balcon dans un nouveau sursaut.

Les premières et timides lueurs du jour dévoilaient sur le sol de la Clairière un tapis de tentes et un fourmillement indistinct d’hommes affairés. De fines colonnes de fumée s’élevaient jusqu’à lui. Ils s’étaient installés quelques heures avant seulement, des braises étaient encore luisantes. Une cinquantaine de chevaux rangés en lignes près de l’orée du bois hennissaient et cabraient à l’approche du jour. Des torches plantées de toutes parts et dans un ordre stricte dirigeaient des enfilades de capes blanches ou noires. C’était un camp. Noâz aurait pu croire en une invasion de gitans ou d’un cirque ambulant perdu dans ces bois mais la présence d’une trentaine de canons braqués sur divers étages de la tour ne le trompa pas sur l’intention de cette impressionnant rassemblement. Le jeune homme s'assura de la présence de son pistolet à son ceinturon. Voilà donc où s’étaient concentrées les âmes qui avaient déserté Forbach dans son rêve.  

La Tour des Anges était assiégée.


«  EUROPE, ILS NOUS TIENNENT !!! »
.
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Louisa Zimmerman
Baron(ne)
 Baron(ne)
Louisa Zimmerman


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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeSam 8 Mar 2014 - 0:17

* 12 heures plus tôt*


    -« Nous y sommes, presque, presque maman. L'inquisition s'effrit, avec Viviane chez les Ailrun, les frictions n'auront plus lieux. Mais Europe, Europe, nous refuse encore la paix. Je ne comprends pas pourquoi. Elle avait pourtant l'air d'être sage...  »

    Mère et fille se trouvaient dans le jardin de la maison Maulne, car dés la fonte des neiges, Louisa avait ressenti le besoin pressant, de retourner à Forbach. Romain n'avait pas été facile à convaincre. Mais il avait cédé devant l'angoisse grandissante de sa compagne. Toute la famille était de retour dans la maison familial. Mélanie et David avaient prit une petite masure à la sortie du village.

    Là où tout avait commencé... bien des années plus tôt.

    -« Je ne peux pas la laisser condamner Anna. ... et touts les autres. »

    Nastasia suspendit son ouvrage. Un rayon de soleil illumina furtivement l'aiguille arrêtée en plein vol. Le regard usé de la vieille russe, sembla se raviver, le temps d'une pensée secrète. Cela faisait plus d'un an qu'elle ne prononçait plus un mot. Depuis la mort de son petit-fils elle avait l'air d'être un spectre errant entre les deux mondes. Pourtant, son cœur battait encore à chaque nouvelle aube, parce qu'il y avait en ce triste monde, sa fille chérie, son Irina, qui se battait encore.

    -« Tu te souviens de ce que disait papa, à propos de ceux qui mettent, la paix en danger.  »

    Voilà longtemps que ni l'une ni l'autre n'avaient osé convoqué le souvenir de Jean ou même de Michael. Il y avait eu tant de drame depuis qu'ils les avaient quitté. Mais, ce matin là, les tendres fantômes semblaient les bienvenus. Tous. Pour rappeler à Louisa Zimmerman la raison de sa présence en ce monde. La raison pour laquelle la foi devait demeurer forte et fière, devant cet ultime opposition au bonheur.


    * *

    Ainsi, telle que l'avait un jour dit le père la fille prépara ses armes pour la Paix. Elle avait maintenant assez de pouvoir sur ces quelques kilomètres de Moselle, pour que ses décisions soient écoutées et suivies d'acte. Lorsque la représentante, du mouvement pacifique décréta, que feu trouverait réponse par le feu, les plus fervents adeptes avaient été interloqués. Mais ils l'avaient suivit pour leur dernière bataille.
    Plus de religieux, plus de sorciers, plus de rivalités non plus, seulement des hommes et des femmes, animés d'un désir salutaire.  Forbach voulait revivre. La nuit du 02 mars 1648, resteraient gravées dans la mémoire des forbachois, comme celle-où tout le village s'éleva contre un ennemi commun.


    * *

    Le siège de la Tour des Anges fût mit en place avec une efficacité qui ne dut pas tant à un savoir faire militaire, qu'à un esprit collectif de résistance. La clairière de Forbach fut peu à peu éclairée de mille feux. Une vie nocturne et murmurante s'installa parmi les créatures venues chercher le printemps.
    Les historiens auront eux-mêmes beaucoup de mal à vous donner le nombre exacte des participants. Ils étaient nombreux. Plus nombreux que pour voir la tête de Gabriel Touchedieu tomber. Ou entendre Lorenzo Maestriani les trahir. Ou sentir la chair des femmes brûler sur les bûchers. Les hommes, leurs épouses, et les enfants, s'étaient installés tout autour des pierres. Certains, qui s'étaient encore tenus à l'écart, pendant ces deux dernières années, arrivaient pour voir comment allait se terminer toute cette histoire.


    Au milieu de tout ceci Lou se contenta, tout d'abord de coordonner, les étapes. Elle avait délégué aux personnes les plus compétants les missions qui leurs étaient due.


    Les Zimmerman avaient ouvert les portes de leur maison et avec l'aide de tous les commerçants, une délégation de cuisinière préparait les repas pour toute la population. Au fil des préparatifs la solidarité tissait des liens imprévus. Les rires sonnaient un peu partout. On avait bien du mal à croire qu'il y allait avoir une guerre. Mais parce que, en réalité, personne ne voulait en venir aux armes. Le sang avait assez coulé, sur la terre des sorciers, pour des siècles et des siècles.

    Pendant ce temps là, le Fil Blanc lui aussi, avait été réquisitionné. La baronne Zimmerman entreprit une commande exceptionnelle. Une commande comme on en avait jamais vue dans cette boutique. Ce fut d'ailleurs avec bonheur, qu'elle vit chacune des femmes qu'elle avait formé, répondre à son appel et  aller s'installer aux tables, à la lueur des bougies et de la Lune. Toutes ces mains de fées s’activèrent en cadence, pendant toute la nuit. Peu à peu sorti de l'atelier Maulne, des brassards, qui furent aussitôt distribués aux villageois.


    * *

    -« Tiens. Je viens de le finir. »

    Louisa détourna son regard du spectacle de ses trois enfants en train de dormir pour observer sa mère. Celle-ci avait posé sur ses mains un tissu soigneusement plié. Voilà donc ce que Nastasia Maulne gardait en secret depuis presque une semaine. Sa fille prit délicatement le tissu pour l'étendre.

    Les mots lui manquaient pour exprimer le sentiment que lui procura cette surprise.

    -« Il disait aussi: "Ceux qui défendent une cause doivent avoir un drapeau, sous lequel se rassembler ". »

    Ce n'était qu'un morceau de tissu. Un étendard, cousu à la hâte, par une vieille femme. Mais c'était avec touts ces petits gestes insignifiants que leur espoir prenait vie.


    * *

    L'aube ne tarderait plus. Mélanie proposa de réveiller les enfants. Elle leur fit manger un peu de pain et de fromage, pendant que David prépara les couvertures et les flambeaux.


    Lou était dans sa chambre d'enfant. Elle n'avait pas dormi. Comment aurait-elle pu ? Étonnement aucun sentiment de fatigue ou de lassitude, ne venait peser sur son corps vieilli par les années. Elle se sentait, calme, sereine, et confiante.
    La psychés lui renvoyait un reflet que les chandelles rendaient presque mystique. La pensée d'avoir quelque-chose d'une sorcière parvint à attirer un sourire plein de dérision sur ses lèvres roses. Peut-être n'était-ce pas si terrible d'être l'une de ces femmes... enfin de compte. Vingt ans pour que cette pensée se fasse naturellement dans l'esprit de Louisa Maulne, Louisa Zimmerman, la fileuse aux yeux noirs.

    Elle ouvrit enfin la malle, souleva un vieux tissu, sous lequel apparu ce qu'elle était venue chercher. La robe était intacte, à peine froissée, ses fils blancs étincelaient à la lueur des bougies. Oui, le blanc, Louisa ne pouvait pas porter une autre couleur, ce matin là. Elle s'habilla seule. Peigna ses longs cheveux noirs, où luisaient maintenant de longues mèches argentées. Une simple pince suffit à dégager son visage. Pas de collier, pas de maquillage, non rien, elle allait se présenter à Europe, telle qu'elle était.


    * *

    Un premier rayon de soleil tomba sur la clairière. C'était le moment.

    Les bras droits du  Pax Humanum se dispersèrent dans les rangs pour imposer un silence. L'heure n'était plus aux bavardages. Il fallu plusieurs longues minutes avant qu'un calme olympien règne sur le lieu symbolique. Le paysage entier devint un immense tableau statique.
    Même Lucile et David s'étaient arrêtés de jouer.

    A ce moment là, Romain et David, remontèrent la foule, chargés de leur étrange fardeau. Dans le silence religieux ils mirent en place l'étendard de Forbach, dont le symbole se retrouvait au bras de chaque personne présente en bas de la Tour des Anges.
    Lou regarda Viviane, lui sourit, puis fit de même avec Cassandra. Elles étaient trois femmes. Trois femmes plus fortes que tous les démons des enfers qui allaient gagner. Mais avant... La baronne reposa son fils sur le sol en douceur. Elle avança vers son mari, compagnon, moitié de leur tout, et puisa en lui la force dont elle allait avoir besoin.


    * *

    Dix pas séparaient la baronne de tous les autres combattants. Le soleil se levait pour éclairer sa silhouette -blanche- dressée vers les hauteurs.

    -« Europe Eléanora-Sun, Forbach est venue te parler, approche pour écouter et écoute bien, car si je suis sans arme, je ne retiendrais pas celles des Forbachois. »

    Que savent ces deux femmes l'une de l'autre, sinon la notoriété que leur ont apporté les années écoulées ? Louisa se moquait du protocole car des lois autrement plus ancestrales régissait cet moment.

    -«  Quel pouvoir crois-tu imposer à touts ces gens, qui ont résister aux magies les plus noires, pendant des années ? Quel clan espères-tu diriger à présent ? Le temps des castes est révolu. Il n'y a plus qu'un seul groupe. Vas-tu réellement t'opposer à tout ce monde ?  A chacun d'eux ? Nous voulions que les Inquisiteurs nous laissent en paix. C'est fait. Vous vouliez une communauté de sorciers qui soit  forte, unie, en paix. Elle existe. Veux-tu continuer l'affrontement toute seule ?
    Tu perdra. »


    Louisa ne semblait prise d'aucun doute, quant à tout ce qu'elle disait, à cette puissante sorcière. Elle croyait en chacun des mots qu'elle prononçait. D'ailleurs, cette fois-ci, son discours ne cherchait pas à convaincre son interlocutrice. La mettre en garde en était le but. Il n'était pas nécessaire qu'Europe acquiesce mais qu'elle entende la mise en garde. Car d'une façon ou d'une autre cette résistance serait tombée avant le crépuscule.

    -« La guerre est finie. Elle n'a plus de raison d'être. Tu te bas pour les ruines d'un tombeau. Il est temps, pour nous, de rendre la place à ceux qui feront vivre cette terre demain. N'es-tu pas fatiguée de te battre Europe ? Je le suis. Nous avons le droit de nous avouez, vaincus et dépassés, par le temps. Le monde à changé. Il n'a plus besoin de nos larmes et de notre sang pour s'épanouir.
    Je t'en prie, ouvres les yeux. »



    Avant qu'un Ange de pierre ne vienne se poser sur cette tour.
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David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMer 12 Mar 2014 - 1:32

L'épais tube de métal patiné brillait dans la lueur du crépuscule. David posa la main sur le canon, se pencha sur son côté, pour en inspecter l'arrimage; il se redressa d'un air satisfait et partit superviser les autres qui étaient répartis à des emplacements stratégiques tout autour de la clairière.
Les trente pièces d'artillerie mobiles avaient nécessité de réquisitionner six dépôts d'armes dans la région. Pour la première fois, l'armée inquisitoriale mettait sa puissance de feu au service d'une cause défendue par des civils; mais une cause qui les concernait tous, et qui désormais avait fait son chemin dans les esprits.

La Paix n'était plus en route; elle était désormais certaine. Et c'était en grande partie grâce à la baronne Zimmerman que cela avait été possible. L'ambassadrice et chef de file du Pax Humanum n'aurait pas pu choisir une meilleure approche; se présenter sans artifice devant le dernier bastion de la Cabbale et lui sommer de se rendre, avec un de ses discours dont elle avait le secret. Un discours qui avait inspiré toutes les forces en présence...

C'était tout bonnement incroyable. De voir réunies dans un même lieu toutes les factions de Forbach sans effusion de sang, et pour défendre une cause commune. Il n'y avait pas de haine, de crispations, de regards en coin... Tout juste cet étonnement encore frais de voir le visage des sorcières révélées au grand jour. Non: de s'apercevoir que des visages familiers étaient en fait ceux des sorcières.
Mais ils s'y habitueraient. Ce n'était qu'une question de temps.
Le grand miracle était là, présent devant leurs yeux: la Réconciliation. David et Narcissa, ainsi que beaucoup d'autres, s'étaient résignés à mourir au solstice condamnés par la sentence de l'Ange; mais à présent l'objectif était à portée de main et il y avait une chance de tous les sauver... Tous les moyens avaient été mis en œuvre dans ce but.

Néanmoins, malgré la pression qui devait peser sur les épaules d'Europe en cet instant, la grande prêtresse déchue n'avait pas pointé le bout de son nez.

Aucune parole, aucun signe n'avait répondu à la sommation de Louisa Zimmerman; aucune silhouette n'était apparue au balcon; ils avaient patienté tout le jour, en vain. Europe avait-elle quitté la Tour? C'était peu probable, elle était privée de ses pouvoirs et n'aurait pas parcouru grand chemin avant de se faire intercepter... sous réserve qu'elle eût effectivement pu s'enfuir de l'édifice, qui était gardé depuis plusieurs jours.
Les rumeurs affirmaient qu'elle ne recevrait aucune aide extérieure. Les derniers membres de la Cabbale avaient progressivement déserté leur faction agonisante; Elena Mirova en était l'exemple archétypal. Selon toute probabilité Noâz Loewenstein se trouvait avec elle au sein des murs, mais ne s'était pas montré non plus. Les deux ultimes résistants de la tribu dissidente, terrés dans leur tombeau obscur.

David passa sa soirée à compter les stocks de boulets en fonte entreposés sous des tonnelles, abris à d'éventuelles intempéries, et vérifier que les canons étaient orientés au bon angle pour viser une fenêtre azimutale correspondant aux différents étages de la Tour. Certains pointaient vers sa base, dans le but de faire s'écrouler l'édifice en une seule salve; d'autres plutôt visaient le sommet, afin éventuellement de contraindre Europe à descendre. Tout déprendrait des ordres, que les Inquisiteurs étaient prêts à exécuter, lorsque Cassandra donnerait le signal négocié avec ses homologues des autres factions.

La nuit tomba doucement sur le camp. Europe pouvait tenir un temps très long enfermé dans sa Tour, mais pour eux, maintenir le siège exigeait une certaine rigueur logistique qui ne pouvait durer indéfiniment. David songea qu'une autre sommation, plus contraignante, suivrait sans doute le lendemain dès les premières heures.
Il s'allongea pour faire dormir mais le sommeil ne vint pas. Une chaleur tenait ses entrailles ainsi qu'un fourmillement dans ses membres. Il avait la sensation d'être à la veille d'une bataille cruciale, à l'aube d'une nouvelle ère... Demain peut-être, Forbach renaîtrait sous un jour nouveau.
Si ils ne réussissaient pas à achever la Cabbale, la réconciliation ne se réaliserait pas de manière complète et l'Ange pouvait considérer que le miracle n'avait pas été accompli. Il sanctionnerait alors les stigmatisés et Narcissa quitterait ce monde... David ne permettrait pas que cela arrive.
Pas maintenant, alors qu'ils venaient enfin d'avoir un espoir d'échapper à la mort.

Un éclat sur sa main attira soudain son attention. C'était son alliance qui, constata-t-il avec stupéfaction, brillait dans le noir. Des lueurs hyalines opalescentes jaillissaient de l'ombre, irradiant par intermittence des éclats fragmentaires du médaillon du gardien, ramassés par Narcissa après l'affrontement apocalyptique d'Europe et Alicia sur le Parvis.
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Viviane Valdemar
Vieille peau fripée à pustules
Viviane Valdemar


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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeVen 14 Mar 2014 - 19:07

Pendant longtemps, la Clairière avait été le véritable foyer de Viviane, le seul endroit où elle se sentait en sécurité, chez elle, au milieu des siens. Malgré les dissensions, les erreurs, les défaites et les trahisons, la Clairière était resté son domaine, son fief, et voilà qu’Europe la lui avait volé, en installant cette ignoble tour. Viviane avait cruellement ressenti l’amertume de cette nouvelle défaite mais s’en était relevée, décidant de poursuivre le combat, pour le plus grand bien. Et puis il y avait eu le bûcher…

Être livrée de cette manière-là à la vindicte populaire avait vaincu les dernières résistances de Viviane. Depuis, elle s’était laissée aller dans une dépression dont rien ne pouvait la tirer. Les quelques visites de Louisa ou les mots de réconfort de sa sœur, rien de tout cela ne l’atteignait plus désormais. Connaître l’identité de celle qui l’avait trahie l’avait laissée totalement indifférente. Qu’Alix de Charme meure ou vive, peu lui importait, que la Tribu disparaisse, grand bien lui fasse, que Forbach s’étouffe dans ses conflits éternels, tant pis pour elle… Il ne restait rien désormais pour l’attacher à sa propre existence. Le retour miraculeux auprès de sa mère d’Ichabod ou Ibrahim, elle ne se rappelait même plus le nom exact du jeune homme, après des années de disparition ne l’avait sortie de sa torpeur. Les bonnes nouvelles, tout comme les mauvaises, glissaient sur l’indifférence de Viviane qui s’isolait chaque jour un peu plus.

C’est alors que Cassandra était intervenue. Comprenant que sa sœur sombrait de plus en plus et trop loin, l’ancienne envoyée de Rome s’était alors investie d’une nouvelle mission, celle d’aider à sœur, et de la sortir de sa torpeur, coûte que coûte. La conversation qui en avait découlé avait duré longtemps, Viviane ne parvenant pas à trouver la moindre raison de continuer la lutte, même s’il ne restait que la bataille finale. Abandonner si près du but ne lui ressemblait pas, mais elle ne trouvait plus en elle la force de continuer, sans raison pour se battre, il lui était impossible de mener le combat. Et des raisons pour se battre, ça faisait longtemps qu’elle n’en n’avait plus. Cassandra avait réussi à l’amener à réfléchir sur ses positions, que souhaitait-elle au plus profond de son être ? Et la réponse était venue spontanément aux lèvres de Viviane : « Qu’on me laisse en paix… » L’évidence, était là, devant elle, mais elle avait refusé de la voir toutes ces dernières semaines. Le voile s’était alors levé, Viviane avait compris. La seule possibilité qu’il lui restait pour être en paix, c’était de mettre fin à tout cela. Et pour cela, elle pourrait encore se battre.

Malgré tout, elle ne faisait pas partie de ces miraculés qui au bord du gouffre retrouvent l’énergie de repartir à la conquête du monde. Viviane était vieille et fatiguée, alors si elle pouvait gagner cette ultime bataille sans lever le petit doigt, ou sans faire preuve d’héroïsme, ce serait parfait comme ça.

Du regard, elle balaya la Clairière, songeant à tout le chemin qu’elle avait dû parcourir pour arriver ici, à toutes les batailles qu’elle avait menées et perdues, à Antoine, qu’elle aurait tant voulu avoir à ses côtés, à Narcissa qu’elle souhaitait protéger envers et contre tout et malgré leurs dissensions, à Cassandra, pour qui elle se battrait jusqu’à la mort, à Louisa, dont le fils lui avait été arraché si injustement, à tous les habitants de Forbach que cette guerre avait affecté d’une manière ou d’une autre, … Tous étaient réunis aujourd’hui dans un seul et unique but : la paix. Louisa s’était alors avancée et avait lancé son ultimatum à Europe. Et puis commença la longue attente. Les heures s’écoulaient lentes, interminables, pendant les Forbachois attendaient, dans le calme. En provenance de la tour, nul son, nulle lumière, comme si elle avait été désertée, et même si tout le monde s’accordait pour dire qu’Europe n’avait pu s’en échapper, Viviane avait des doutes. Elle seule connaissait la véritable perversité qui rongeait le cœur de son ancienne amie. Elle seule savait à quel point Europe n’était plus rien d’autre qu’une vieille femme aigrie et rongée par un esprit revanchard. Il n’y avait aucune chance qu’elle se rende, pas tant qu’il lui restait un souffle de vie. Un rire amer mourut sur les lèvres de la Grande Prêtresse à cette idée, oui, tant qu’il lui resterait un souffle de vie, dû-t-il être insuffisant pour lui permettre de bouger, Europe ne renoncerait pas.

Aussi, quand Ophéline arriva, Viviane comprit ce qui allait se passer. Même vieille et sans souffle, Europe était encore terriblement dangereuse, un adversaire coriace pour n’importe qui, même pour la Grande Prêtresse de la Tribu d’Ailrun. Un dialogue silencieux s’établit entre Viviane et le chat, pâle reflet de l’ancienne existence d’Antoine, avec qui tout contact était une véritable torture. Ensuite, Viviane le suivit, intimant aux autres d’un geste de rester en arrière, et elle s’avança seule, en direction de la tour. Les rumeurs s’étaient tues. Tout le monde regardait la chevelure rousse s’enfoncer dans les ténèbres, la tension grandissait alors que peu à peu, sa silhouette s’amenuisait. Lorsqu’elle disparut, ce fut comme si une chape de plomb s’était abattue sur le campement.

De son côté, Viviane suivait toujours Ophéline. Le chat ayant déjà pénétré dans cette tour phallique, il lui était possible d’y revenir et de montrer le chemin. Une porte se dessina devant elle et d’un tour de poignet ferme, elle fit pivoter la clenche et entra dans ce symbole masculin de l’orgueil émasculé de Noâz Lowenstein. Telle un vierge guerrière, le port altier, Viviane s’avança dans la pénombre de la pièce. Il n’y avait absolument rien d’héroïque ou de stupidement téméraire dans ce qu’elle faisait, tout ceci n’était que l’aboutissement d’une suite logique. La lueur bleutée des lampes lui permet de repérer un escalier qu’elle se mit à gravir, lentement, silencieusement. Il ne s’agissait pas de vouloir ménager un effet de surprise, simplement de s’adapter aux vicissitudes de la vieillesse. Son épaule se rappelait toujours à elle lorsqu’elle faisait un effort physique, et elle ne souhaitait pas arriver affaiblie pour son affrontement avec Europe.

Lorsqu’elle arriva enfin en haut, Viviane n’était pas à bout de souffle, elle était prête. Qui que ce soit ou quoi que ce fut qui l'attendant dans cette pièce, elle ne craignait rien et pénétra donc dans le sanctuaire d’Europe. C’était un moment de jouissance pure.

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Europe
Fugitive
Fugitive
Europe


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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMer 19 Mar 2014 - 1:23

Des bruits de pas feutrés la tirèrent de ses songes. Ils étaient si discrets qu'elle aurait pu tout aussi bien ne pas les entendre... Europe, assise dans un des fauteuils de la pièce circulaire, redressa la tête vers la nouvelle arrivée. Il n'y avait aucune lumière dans la pièce. Rien qui risquait d'être vu depuis l'extérieur, par le balcon tout proche. Mais la clarté de cette lune gibbeuse de printemps était suffisante pour dessiner les contours des murs, du plancher, du plafond et des rares meubles de la salle... Ils auréolaient la silhouette d'Europe d'un liseré blafard, presque diaphane, qui lui conférait un air fantomatique.

Europe Eléanora-Sun, grande prêtresse déchue de l'ancestrale tribu d'Olrun, héritière de la lignée des marquis de Mérignac et sorcière privée de pouvoirs par châtiment céleste, ressemblait à une femme de poussière. Elle était dans un état déplorable, grande, livide, maigre, desséchée, les cheveux ternes flottant en halo autour de son visage aux joues creuses... Elle ne ressemblait plus à rien. Mais l'âge et les épreuves n'avaient pas non plus épargné Viviane, qui semblait tellement mince et lasse.
Pourtant il n'était pas difficile, en se forçant un peu, d'entrevoir la femme qu'elle avait été. Cette rousse flamboyante pleine de verve et de promesses passant ses épreuves d'entrée dans la tribu, au sein de la Clairière inondée de soleil. Son amie pendant si longtemps...
Depuis qu'elle avait été privée de magie, soit presque un an, Europe s'était muée en être revenchard et impitoyable, si différent de sa nature de jadis... Elle ne passait plus son temps à se morfondre ou à pleurer sur le lait renversé. Pourtant, en cet instant, une profonde nostalgie s'empara d'elle. Elle ne savait pas ce que Viviane s'était imaginée en grimpant les marches, mais si Europe l'avait faite monter, ce n'était pas pour la combattre. C'était pour lui parler, une dernière fois –car il semblait bien à présent que la fin approchait.
Elle aurait pu faire monter n'importe qui d'autre... Mais elle avait choisi la cadette des Valdemar.


"Viviane... Oh, Viviane... Comment en est-on arrivées là?"

Les rires échangés, les bons moments partagés, le soutien mutuel dans les épreuves... Tout ça avait été balayé au vent, mais même une tempête ne pouvait effacer les réminiscences. Elles avaient traversé tant de choses ensemble.

"Regarde-toi... regarde-moi... La vie a joué avec nos sentiments. Les as manipulés. Abîmés. Nous sommes usées".

Car Viviane Valdemar n'avait pas été épargnée non plus par les épreuves. Elle avait presque tout ce dont quiconque pouvait rêver: une famille aimante, une grande notoriété, le trône de la tribu d'Ailrun... Pourtant son ancienne amie semblait –au même titre que sa sœur Cassandra, comme avait pu le constater Europe à travers sa longue-vue– désertée du courage de vivre. La réalité des choses l'avait désenchantée.

"Tu vois. Les rêves ne sont pas si idylliques, finalement, n'est-ce pas? Vous n'avez cessé de critiquer ma façon de faire, lorsque j'étais à la tête d'Olrun... Mais aujourd'hui, tu t'es rendue compte qu'il est aisé de médire lorsqu'on est que spectateur.
Tu es à présent sur le trône, Viviane. Et tu réalises à quel point ceci est un fardeau... Tour à tour désavouée, incomprise, trahie par les tiens, tentée de recourir à des méthodes viles... forcée de prendre des décisions tout en sachant qu'il n'y a pas de bon choix, juste de plus ou moins mauvais... condamnée à voir mourir ceux que tu aimais, ou les voir se détourner de toi... tes parents, Cassandra, Narcissa, Louisa, Antoine... Pour terminer en fin de compte sur un bûcher en remerciement de tes bons et loyaux services..."


Europe poussa un soupir. Tout cela, elle l'avait vécu. Seule.
Si il y avait une seule personne qui pouvait comprendre ce que ressentait Viviane en cet instant, c'était bien elle...
Europe avait longtemps attendu ce moment, s'imaginant se délecter lorsque son ancienne amie souffrirait autant qu'elle-même avait souffert... Pourtant, à présent que ce moment était arrivé, elle devait admettre ne ressentir que de la solidarité et de la compassion.


"A présent que tu as expérimenté la voie de la Grande Prêtrise... comprends-tu mieux ce que je ressentais?"
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeLun 24 Mar 2014 - 19:27

Viviane s’attendait à beaucoup de choses en arrivant en haut des escaliers, mais certainement pas à ça. Ébahie, elle regardait Europe, se demandant où se cachait le piège, quelle attaque viendrait traitreusement par derrière ou quelle mort lui était réservée. Cette main tendue, de manière si inopinée, la laissait sans voix. Europe la rusée, la fourbe, Europe rancunière, incapable de pardonner, tout à coup, montrait de la compassion, et pour la première fois depuis des années, Viviane retrouva son amie. Dans le regard las de l’ancienne Grande Prêtresse, Viviane devinait des choses qu’elle n’aurait jamais soupçonnées et pourtant, elle restait méfiante. La confiance entre elles était rompue depuis trop longtemps pour que Viviane baisse sa garde aussi facilement et se laisse manipuler par un plan tortueux mûri dans une carcasse aigrie. Elle fit cependant le choix d’écouter Europe et ce qu’elle avait à dire, au cas où finalement, elle ne serait pas mal intentionnée.

Prenant son temps pour rassembler ses idées avant de répondre à son interlocutrice, Viviane songea qu’effectivement, rien dans leur vie n’avait tenu ses promesses. Mais contrairement à ce qu’Europe semblait croire, Viviane n’avait rien rêvé d’idyllique pour la fonction de Grande Prêtresse. Certes, elle n’imaginait pas que les siens puissent être aussi ingrats, mais elle n’avait jamais pensé qu’elle ressortirait épanouie de sa prêtrise. Cependant, elle devait bien admettre qu’une certaine amertume lui rongeait aussi le cœur, parce qu’elle avait donné tout ce qu’elle pouvait aux siens, et que jamais au grand jamais, ça n’avait été suffisant à leurs yeux.

« Je te comprends mieux, en effet, je sais à quel point ce rôle est ingrat et j’ai probablement fait autant d’erreurs que toi alors même que je m’étais jurée de ne pas te ressembler, de ne pas reproduire les mêmes schémas. Et regarde où nous en sommes… »

Un sourire las égaya ses traits l’espace de quelques secondes, puis Viviane reprit.

« Autrefois, nous étions amies Europe, nous avions confiance l’une au l’autre, tu te reposais sur moi et je te vouais une foi aveugle. Nos idéaux divergents n’auraient jamais dû nous séparer et pourtant nous voilà toutes les deux à l’aube de la dernière bataille qui nous voit s’affronter l’une et l’autre. Il y a vingt ans, je n’aurais jamais cru cela possible. Ou même il y a dix ans encore… »

La déception s’entendait dans la voix de Viviane, qui regrettait au plus profond d’elle-même que les choses aient tourné de cette façon. Elle qui rêvait de paix se retrouvait au cœur de la guerre la plus sanglante de l’histoire de Forbach. Pourtant, l’espoir renaissait pour elle, tandis qu’Europe restait calme en face d’elle. Peut-être était-il encore possible d’éviter une dernière bataille qui serait aussi sanglante que toutes les précédentes ?

« Il est encore temps, Europe, de mettre fin à tout ceci. »

En disant ces mots, elle se rendait compte à quel point ils étaient futiles et vain, elle ne pouvait pas croire qu’Europe qui avait bataillé pendant tant d’années, qui n’avait jamais renoncé à rien de son plein gré puisse soudainement décider que tout cela n’en valait plus la peine. Les paroles qu’elle avait énoncées un peu plus tôt n’étaient probablement que vides et creuses. Viviane regrettait de ne pouvoir lui faire confiance, elle regrettait d’être convaincue que jamais Europe ne rendrait les armes et que ce serait une lutte à mort, mais ces dernières années, pas une seule fois Europe n’avait fait preuve de pitié ou de clémence depuis qu’elle s’était jointe à Noâz pour former la Cabbale. Viviane n’avait ni le courage ni l’envie de se lancer dans un plaidoyer pour convaincre Europe de se rendre, ou même Noâz. Elle souhaitait qu’ils comprennent simplement qu’il n’était plus la peine de continuer cette guerre. Elle reprit la parole, non pour convaincre, pour expliquer, simplement, ce qu’elle voyait.

« Je ne sais pas pourquoi tu as voulu me faire monter ici, mais ce n’est certainement pas pour parler du bon vieux temps. Alors dis-moi, Europe, dis-moi pourquoi tu refuses de te rendre, dis-moi pourquoi ça vaut encore de lutter ? Je n’ai pas envie de me lancer dans une plaidoirie pour te convaincre du bien fondé de ma requête, je veux juste comprendre… »

Malgré tous ses doutes, au fond d’elle-même, Viviane espérait voir Europe revenir à la raison. Elle espérait que tout ceci ne se terminerait pas à nouveau dans un bain de sang. Un instant, elle songea à envoûter Europe, à la forcer à se rendre, à l’obliger à une soumission sans bornes. Tout serait alors si facile. Aussi vite qu’elle était venue cependant, l’idée s’envolait. Viviane ne voulait pas s’abaisser à de telles manœuvres, pas alors qu’Europe se montrait raisonnable pour la première fois depuis bien longtemps. Et si jamais la situation venait à déraper, il serait toujours temps de reprendre le contrôle plus tard, même si c’était au prix de sa propre raison. Car une chose était sûre, toute aussi dépourvue de magie qu’Europe fut désormais, elle restait un esprit fort, peut-être plus encore qu’auparavant, et elle ne se laisserait pas faire. En tentant de la soumettre, Viviane risquait de briser leur esprit respectif, et malgré sa lassitude, ce n’était pas quelque chose auquel elle aspirait.
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMer 26 Mar 2014 - 21:07

L'attention d'Europe était centrée sur Viviane -aussi, seul un reflet dans les grandes billes de verre qui lui tenaient lieu d'yeux, permit à la sorcière d'apercevoir la silhouette féline sombre aux pieds de son ancienne amie, se fondant dans l'obscurité de la Tour. Le chat noir demeurait immobile et semblait observer l'échange. A sa vue, Europe éprouva un curieux sentiment; l'impression de contempler quelque chose de familier, qu'elle avait bien connu et côtoyé de près... Elle fronça les sourcils, prête à questionner; néanmoins Viviane continuait son discours, et la sorcière se désintéressa de l'animal.

« Je te comprends mieux, en effet, je sais à quel point ce rôle est ingrat et j’ai probablement fait autant d’erreurs que toi alors même que je m’étais jurée de ne pas te ressembler, de ne pas reproduire les mêmes schémas.»

Europe ferma les yeux sous le coup du soulagement. Viviane observait toujours une distance respectueuse et une méfiance affichée, mais ses propos firent à Europe autant d'effet qu'une vigoureuse étreinte. Oh, seigneur... elle avait attendu toute sa vie que quelqu'un prononce ces paroles. Que quelqu'un dise qu'il la comprenait. Enfin, ce moment était arrivé...
Pourquoi fallait-il alors que ce soit à la toute fin, à l'heure même où des bordées de canons étaient pointés sur elle? Pourquoi Viviane n'était-elle pas venue vers elle plus tôt?
Parce que tu lui as tiré dessus et que tu as tenté de la détruire, lui souffla une voix intérieure. Europe baissa la tête. Elle était en lutte. Depuis que l'Ange l'avait privée de ses pouvoirs, elle avait réussi à surmonter tous ses regrets passés, pour la première fois de son existence... Et voilà que tous resurgissaient au point ultime. Nul ne pouvait tirer un trait sur son passé -Cassandra de Saint-Loup aurait été bien d'accord. Il finissait invariablement par vous rattraper, idéalement au moment le moins opportun.

"Moi aussi, je regrette. Je regrette tellement que les choses aient tourné de cette façon... Pourquoi a-t-il fallu que ça se passe ainsi?..."

Pour revenir à cette époque heureuse, où adolescente, elle s'instruisait de l'occulte entourée de ses amis, Europe aurait tout donné -y compris son âme. Ce n'était pas juste une question de salut personnel. En revenant à cet temps béni, elle aurait pu tout réécrire, ne pas recommencer les mêmes erreurs...
Mais il n'existait pas de tel marchandage.

Viviane semblait dans un état d'émotion proche du sien et, toujours déchirée entre la compassion et la méfiance, son ancienne amie lui somma de se rendre, puis de s'expliquer.
Les mains d'Europe tremblèrent. Elle sentit les larmes perler au coin de ses yeux, désigna d'un geste fébrile le balcon débouchant sur le noir de la nuit, sur le ciel sans lune, dans lequel on ne distinguait rien.


"Pourquoi ça vaut encore la peine de lutter?" Elle eut un rire désabusé. "Viviane, ça ne vaut plus la peine. Je ne me fais pas d'illusions. La Cabbale est morte. Je suis finie". Elle se tut un instant et cette fois-ci, les larmes coulèrent, laissant sur ses joues sèches et osseuses des sillons encore plus livides que sa carnation.
"Pourquoi je refuse de me rendre? Parce qu'ils vont me tuer, Viviane... Ils n'accepteront pas ma rédition, ils veulent me faire payer, ils... ils veulent ma mort, pour tout ce que j'ai fait... Si je descends, ils me tueront..."

Les doigts qui désignaient le balcon se replièrent, s'agitèrent, convulsèrent dans un mouvement nerveux, empreint de désespoir. Et Europe qui avait joué toute sa vie, laissait pour une rare fois parler son cœur de manière authentique: elle crevait de peur. Elle n'était plus qu'une vieillarde, physiquement faible, abandonnée de tous, privée de pouvoirs magiques, et entourée de tout Forbach résolu et armé jusqu'aux dents; qui aurait accepté de se rendre dans ces conditions? Qu'elle descende vers eux ou attendent qu'ils viennent la chercher, cela ne faisait pas grande différence.
Elle n'avait pas osé se montrer devant cette horde de citoyens qu'elle voyait en colère; ils réclamaient la paix, mais à travers les yeux d'Europe, ils réclamaient justice; sinon comment expliquer qu'ils soient venus armés ainsi? Ils ne réalisaient pas qu'elle était seule, faible, désespérée. Jadis, elle avait observé ces gens hurler vengeance lors de la pendaison de Gabriel Touchedieu et avait réclamé du sang en résonance avec la foule... A présent, ces mêmes personnes étaient venues pour elle.

Europe se leva de son siège, fit quelques pas vers Viviane, dans un état second, ne semblant pas s'apercevoir du réflexe qui fit reculer d'autant son ancienne amie pour maintenir la distance de sécurité. Elle lui tendit les bras dans l'espoir que la Grande Prêtresse les prenne et lui apporte son soutien. La peur et la nervosité faisaient trembler ses gestes.


"Aide-moi, Viviane... Je sais que je t'ai fait beaucoup de mal, mais je sais aussi que j'ai eu raison de te faire monter, toi. Parce que tu serais capable de te souvenir de ce qui nous a liées. Tu vois à présent ce que la vie et le pouvoir a fait de nous... Tu es celle qui me comprend le mieux... Alors si notre amitié a signifié quoi que ce soit pour toi à un moment donné, je t'en prie: viens avec moi. Rejoins-moi. Il reste encore Noâz, même si il est assez inutile... A nous trois, nous pourrons peut-être nous enfuir, ou peut-être résister, je ne sais pas encore, mais ensemble, nous pourrons faire... quelque chose... tout rattraper... lutter pour ce qui est juste... Alors... allions-nous... une dernière fois..."
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMar 22 Avr 2014 - 16:38

Le regard de Viviane s’arrêta sur la main tendue vers elle. Un tourbillon d’émotions s’était emparé de la Grande Prêtresse qui était désormais incapable de réfléchir correctement. Que ne pouvait-elle se jeter dans les bras de celle qui fut son amie ? Que ne lui prenait-elle pas cette main en geste de paix ? Mais les dernières paroles d’Europe avaient freiné le geste que Viviane n’avait même pas eu le temps d’esquisser. De toute son âme, elle souhaitait retourner vers celle qui fut son amie pendant si longtemps, son soutien inconditionnel et son modèle mais il lui était impossible de faire le moindre de geste dans sa direction.

Un geste, un simple petit geste envers Europe, et tout alors, pourrait être fini. Pourrait… Mais Europe venait de parler de continuer la lutte, et si son visage baigné de larmes était une déchirure pour le cœur de Viviane, celle-ci ne pouvait laisser une telle chose se produire. S’allier à Europe, c’était mettre fin à tout espoir de paix et il était impossible d’accepter une telle chose, pas maintenant qu’il existait un réel espoir de paix. Qu’Europe fut le dernier obstacle à cette paix lui était horriblement douloureux. Affronter la Cabbale ces derniers mois avait été facile, parce qu’elle ne s’était jamais vraiment retrouvée face à Europe, sauf cette fois où elle lui avait tiré, mais la confusion qui régnait alors et dans les jours qui avaient suivis avait empêché Viviane de prendre la pleine mesure de la trahison de son amie. La voir devant elle, vieille, flétrie et aigrie la mettait plus brusquement que jamais devant la trahison de son ancienne meilleure amie. Avant, elle pouvait reporter tout le blâme sur Noâz, quand bien même elle savait qu’Europe était le cerveau derrière les actions du jeune homme, mais désormais, entre Viviane et cette trahison, plus aucune barrière ne se tenait. Il n’existait plus de voile ou de déni derrière lequel se cacher.

Calmement, la rouquine prit la parole, une déception largement perceptible paraissait dans ses propos.

« Tu n’as donc vraiment rien compris ? Je ne peux prendre cette main que tu me tends. Je ne peux pas fuir avec toi et Noâz ou même reprendre une lutte en laquelle je n’ai jamais cru. Et puis, Noâz ? Tu me demandes à moi de m’allier avec ce parvenu ? … Ne te reste-t-il pas une once d’intelligence ? »

Elle avait murmuré ces dernières paroles, de sorte qu’elle ne savait pas si Europe les avait entendues ou non. Sa présence ici n’était certainement pas destinée à insulter Europe, mais elle était lasse et fatiguée. Dans ses yeux se lisait aussi une indicible tristesse, celle d’avoir perdu à jamais l’amie qui autrefois lui était la plus chère. Celle qui avait remplacé Cassandra pendant son absence se trouvait désormais être le dernier obstacle et la paix. Comment Viviane avait-elle fait pour se tromper à ce point ? Pour ne pas voir venir cette déloyauté ? Celle qui avait autrefois contribué au rayonnement d’Olrun s’acharnait à détruire aujourd’hui tout ce qu’il en restait. Rien de tout ceci n’avait de sens. Viviane avait mal à la tête et souhaitait s’allonger pour ne plus jamais devoir se réveiller. Europe était fatiguée et fatigante.

« As-tu une autre proposition à me soumettre ou je peux me retirer ? »

Toute lasse qu’elle était, Viviane reprit la parole une dernière fois, avant qu’Europe n’eut pu répondre à sa question. D’où cela lui était venu, elle n’aurait su le dire, mais maintenant, il était trop tard pour reculer.

« Veux-tu venir avec moi ? Je te promets une amnistie totale, personne ne te touchera sans ma permission. »

Rien au monde ne pourrait garantir une chose pareille, elle n’avait qu’un contrôle sur les membres d’Ailrun et la confiance de Louisa et Cassandra. Si un villageois s’élançait pour tuer la dernière résistante de la Cabbale, Viviane n’était pas sûre d’avoir l’envie ou le pouvoir de retenir son bras. Elle ne souhaitait pas la mort d’Europe, jamais elle ne pourrait. Oui, elle avait souhaité celle de beaucoup d’autres, mais pas celle de son amie. Jamais.

D’une voix un peu plus suppliante, elle reprit vers son amie :

« Viens avec moi, s’il te plaît. Mettons fin à cette folie ! »
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeDim 27 Avr 2014 - 19:53

La main fébrile, tremblante, d'Europe lévitait dans l'air en attendant que quelqu'un la saisisse, emplie d'un espoir flamboyant. Viviane allait lui tendre une main secourable. Les deux amies allaient s'étreindre, enjamber ce fossé qui les séparait, se réconcilier et tenter de faire quelque chose de beau; Europe était à bout, elle en avait besoin, elle avait toujours eu besoin des autres. Cet éclat qui brillait dans le regard de Viviane, elle le savait maintenant, confirmait que tout n'avait pas disparu, qu'elle se souvenait de toutes ces années d'amitié, qu'elle allait l'aider, l'étreindre... l'accepter. Elle en était tellement persuadée qu'elle s'élançait déjà.

La voix de son ancienne amie porta telle un poignard.


"Tu n’as donc vraiment rien compris ? Ne te reste-t-il pas une once d’intelligence ?"

Europe s'immobilisa aussi brusquement que si on l'avait giflée.

Quoi? Qu'avait-elle dit? Le temps sembla s'arrêter, les paroles parvenir à Europe de façon étrangement distordue. Ce n'était pas le discours auquel elle s'attendait... Elle releva la tête vers Viviane et vit devant elle une femme au teint pâle, aux yeux obscurs, à la bouche rouge, maquillée et sombre, aux cheveux noirs et lisses, qui l'avait rejetée de la même façon, en ce même endroit, 23 ans auparavant.


"Tu es désolée, ton cœur est désolé… comme un paysage est désolé après le passage d’une tempête".

Europe tomba à genoux, secouée de sanglots -à moins que ce ne soit un rictus, creux, saccadé, cynique, un tremblement violent de sa cage thoracique venu du plus profond d'elle-même, d'une certitude immanente mais jusqu'à présent latente, qu'elle venait juste de découvrir. Bien sûr, songea-t-elle en riant, détruite de l'intérieur. Bien sûr. Elle aurait dû le savoir. Que la même scène se reproduirait... encore.

"Je ne peux pas fuir avec toi et Noâz ou même reprendre une lutte en laquelle je n’ai jamais cru".

"Tu t’es simplement égarée et il est à présent trop tard. Dans la sombre jungle de l’Humanité, tu es perdue…"

Oui, elle aurait dû le savoir. L'histoire était vouée à se répéter. Elle suivait des chemins sans savoir que faire. Lorsqu'elle était au bord du gouffre, elle suppliait à l'aide, terrifiée à l'idée de basculer; alors ses amies se détournaient, refusaient sa main tendue, la condamnant sur de sombres voies, encore et encore, quelque soit l'intensité de ses efforts pour garder les gens auprès d'elle.
C'était l'histoire de toute sa vie.

Son désarroi était si grand qu'elle n'entendit même pas la suite des propos de la Grande Prêtresse.
Avec Alicia, elle avait partagé des convictions... cela n'avait pas suffi.
Avec Viviane, elle avait partagé une amitié... cela n'avait pas suffi non plus.


"Je ne peux prendre cette main que tu me tends".

"Je… ne peux pas faire ça".


"Alors... allez au diable..."

Ce n'était qu'un murmure. Mais Europe le répéta encore et encore, chaque fois d'une voix plus forte, en se relevant. Lorsqu'elle regarda Viviane, des larmes de douleur, de frustration et de haine dégoulinaient sur ses joues et faisaient briller ses yeux.


"Allez tous au diable... si vous êtes tous décidés à m'abandonner... vous devrez en payer le prix fort..." Sa voix hargneuse se changea en un cri hystérique, et elle recula jusqu'à atteindre le fauteuil dans lequel elle était précédemment assise, afin d'y saisir un fusil de chasse qui était dissimulé derrière, appuyé contre le dossier.
Que ce soit Viviane, Noâz, ou quiconque d'autre... si ils étaient vraiment décidés à l'abandonner seule dans cet tour... elle devrait les tuer. Oh, oui, ils pourraient la fuir, et ils ressortiraient de l'édifice... les pieds devants.

Je croyais en toi, Viviane, songea-t-elle, écumante de colère et de douleur. Mais tu te détournes de moi, comme elle l'a fait jadis.
Elle ne demanderai plus pourquoi.
Elle n'essayerait plus d'accorder sa confiance à quelqu'un.
Elle ne ferait plus jamais la même erreur.
Dans la sombre jungle de l'humanité, elle était perdue... alors elle laisserait son humanité derrière elle, sans plus aucun regret.


"MEURS!" hurla-t-elle en braquant son fusil sur Viviane.

Une lumière irradiante envahit la pièce. Elle éblouit jusqu'aux forbachois réunis dans la Clairière, qui la virent filtrer depuis le balcon. Europe, aveuglée, dévia involontairement son tir; la balle troua le plafond. Lorsque ses yeux furent de nouveau en état de voir la pièce, désertée de la lumière dissipée, Viviane avait profité de la diversion créée par son Appel de Lumière pour disparaître.
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Inquisiteur Général
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeSam 31 Mai 2014 - 19:14

Au pied de la tour, plongée dans la pénombre, sa silhouette courbée par le poids des années, Cassandra attendait le retour de sa sœur. Elle n’était pas dupe car elle avait trop côtoyé la mort ces derniers temps pour se leurrer : Viviane était en danger de mort. Mais la Veuve avait confiance. Les deux sœurs s’étaient promis un dernier combat où elles jetteraient toutes leurs forces, pour offrir les dernières flammes de leurs vies aux prochaines générations de Forbach.

L’attente n’en était pas moins pénible. Cassandra n’avait pas envie de terminer le combat seule : la perspective d’unir ses forces avec celles de sa sœur constituait un des moteurs de son action. Son dernier recours était à Dieu, comme toujours. Fermant les yeux, complètement avalée par la nuit, l’Inquisitrice Générale de Forbach priait pour une issue favorable.

Quand un éclair aveuglant illumina la clairière, puis qu’un coup de fusil se fit entendre, Cassandra s’obligea à inspirer et à expirer calmement. Le regard neutre, elle attendit que sa sœur revienne. Enfin, la silhouette de Viviane se détacha devant la tour. Le cœur de Cassandra se remit à battre et elle sortit de l’ombre, se portant au devant de sa sœur. Nul besoin de mots : les négociations avaient échoué et Viviane était éprouvée. Cassandra posa sa main valide sur son épaule en signe de réconfort, incapable de faire plus devant tous les villageois qui étaient présents. Elle s’effaça pour laisser Viviane passer et, telle une reine, sa sœur s’avança dans les rangs de Forbachois pour aller se reposer à couvert.

Ce fut alors que Cassandra aperçut le chat noir qui, elle le savait, causait de vives émotions à sa sœur à chaque fois qu’elle le voyait. Il était toujours le signe avant-coureur de catastrophes et pourtant, Viviane l’avait suivi jusque dans la tour. Elle y avait frôlé la mort. La frustration accumulée par l’échec de leurs tentatives, ajoutée à la conviction que ce fichu chat y était pour quelque chose, fit monter la colère de la Veuve. Tous les visages étaient tournés vers Viviane. La Veuve regarda l’animal, qui lui rendit son regard d’un air presque provocateur. C’en fut trop. La Veuve balança son pied dans le chat de toutes ses forces.

Et se sentit instantanément infiniment mieux.

Tandis que le chat déguerpissait sans demander son reste, Cassandra écouta Viviane annoncer au reste de Forbach que les pourparlers avaient échoué. Quelques voix s’élevèrent, et décision fut prise d’attendre jusqu’à l’aube. Tous les regards convergèrent alors vers Cassandra. La Veuve ne masqua pas sa surprise lorsqu’on lui demanda de mener d’ultimes négociations. Si Louisa et Viviane avaient échoué avant elle, elle ne voyait pas vraiment ce qu’elle pouvait faire de plus. Puis, elle croisa le regard de sa sœur, et sa répugnance s’envola. Elle le ferait.

À l’aube, Cassandra s’avança en claudiquant jusqu’à la tour, repensant à ce qu’elle connaissait d’Europe Éléanora-Sun et d’Amaël Loewenstein. Comment amener ces deux êtres à voir la raison ? Comment les amener à entendre leurs propositions ? Louisa avait argumenté en suivant une ligne de logique, puis Viviane en suivant une ligne de confiance, plus sentimentale. Les deux avaient échoué. Que restait-il ?

- Europe Éléanora-Sun ! Amaël Loewenstein ! Je fais une dernière fois appel à vous.

Il n’y eut aucune réponse de la tour ; Cassandra espérait qu’ils l’écoutaient tout de même.

- Nous avons démasqué vos manigances et vous n’êtes plus en état de nous nuire.

Europe et Amaël avaient certes de formidables pouvoirs, mais Forbach aussi. La phrase de Cassandra était peut-être fausse, mais elle ne l’était plus pour longtemps.

- Nous vous offrons une porte de sortie. Vous pouvez encore vous retirer dans la dignité, et laisser dans l’histoire déjà bien sanglante de Forbach un souvenir honorable.

La menace avait échoué. L’amitié aussi. La raison aussi. Cassandra ne pouvait qu’espérer que cet appel au côté mégalomane des concernés finirait par les faire revenir sur leurs positions.

- Répondez-moi, maintenant ! Que voulez-vous ? Que décidez-vous ?
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeMer 11 Juin 2014 - 0:49

Europe n'avait plus peur. Sa crainte des forbachois, qu'elle avait exprimée face à Viviane, avait été authentique; mais elle avait disparu en même temps que la grande prêtresse d'Ailrun, remplacée par une frustration et une colère si grande que ses mains en tremblaient.

A la lumière de l'aube, alors que toute la population qui faisait le siège de la Tour depuis la veille n'y avait, jusqu'à présent, pas aperçu âme qui vive, elle sortit enfin sur le balcon. Beaucoup de ces gens en contrebas la voyaient pour la première fois depuis sa fuite et sa destitution du trône d'Olrun. Tous les visages étaient levés vers elle, en premier rang celui de Cassandra de Saint-Loup, revenue parmi les vivants. A son côté se trouvait Viviane -une lacération déchira le cœur d'Europe lorsqu'elle la vit. De l'autre côté, Louisa Zimmerman, sa silhouette dressée telle un défi face au monde, attendait également une réponse de sa part.

La sorcière savoura un instant l'ironie de la situation. Elle qui avait passé la majeure partie de sa vie en quête de pouvoir, avait maintenant tout Forbach suspendu à ses lèvres...

Debout devant cette foule aux canons et aux armes braqués sur elle, dans l'unique attente qu'elle rende enfin ses comptes, Europe se souvint.
Elle se souvint de toutes les peines et les désillusions qui avaient jalonné son existence.
Elle pensa à toutes les personnes qui lui avaient tourné le dos, à toutes les fois où cela l'avait meurtrie, à ce ressentiment et ce désespoir qui s'accumulaient en elle, années après années, sédimentant en strates imperméables comme une armure qui désormais, l'isolait totalement du reste du monde...

Dans la plus pure théorie, elle n'était pas seule. Il restait... Noâz. La dernière personne qu'elle s'était attendue à voir rester à ses côtés jusqu'au jour ultime. Mais ce pleutre se planquait dans les entrailles de la Tour, sans doute effrayé qu'un tir des villageois ne l'atteigne depuis le sol...
Les paroles du jeune homme tourbillonnèrent dans son esprit. Et dire qu'il lui avait proposé de s'enfuir! Et pire encore, qu'elle avait failli accepter! On ne s'enfuyait pas de Forbach. Car ainsi que la gravité attire les corps les uns vers les autres, les êtres pliaient à sa force d'attraction colossale, qui attirait tout ce qui passe à sa portée. Et une fois en son sein, il était trop tard pour la fuir... Indifférente à ce qu'il advenait au-dehors de ses murs, elle se perpétuait, lente et stable, dans une rotation tranquille, sûre de s'auto-alimenter en vies humaines pendant des siècles et les siècles, de la façon même où les étoiles se nourrissent de leur combustion interne, où les planètes se meuvent par l'inertie de leur noyau.

Et en contemplant tout cela, pour la première fois Europe vit non pas ce qu'elle n'avait pas réussi à accomplir -les projets avortés, les problèmes, les regrets et les trahisons- mais ce qu'elle
avait accompli. A l'opposé de ce monument immense et identifié que fut le Lys Noir, qu'avait créé Alicia, elle avait instillé une ombre diffuse, une empreinte sur chaque être et chaque chose, qui avait changé des vies, modifié des destins, parfois pour le meilleur et souvent pour le pire.

"Pauvres fous."

Ce n'était qu'un murmure, si bien que personne au sein de l'auditoire en bas ne l'entendit. Mais Europe se pencha au parapet et rassembla l'air dans ses poumons, pour crier bien fort, de sorte que sa voix porte à tous.

"Pauvre fous! Vous croyez m'impressionner? Mais regardez-vous! Vous êtes presque une centaine, armés jusqu'aux dents, au point de vider les dépôts d'armes de la région, tout ça pour venir à l'encontre d'une seule et unique femme, de surcroît privée de magie?"

Elle éclata de rire et écarta les bras, comme pour désigner tout ce qui l'entourait, comme pour souligner l'évidence.


"Vous dites que je ne peux plus rien faire, que vous me surpassez... Toute votre attitude clame le contraire! Soyez honnêtes: vous avez peur de moi!"

Dans la sombre jungle de l’Humanité, tu es perdue…

Elle éclata de rire -un rire grinçant, hystérique, sans joie, un rire de désolation.

Oh, ma pauvre Alicia. Cela fait bien longtemps que je ne suis plus humaine.

Cassandra se trouvait au premier rang, juste en-dessous d'elle. Europe la désigna d'un index féroce.


"Et vous savez quoi? Vous avez raison de me craindre! Venez donc, insectes, et prévoyez même des renforts, car je ne succomberai pas à vos menaces fumeuses; j'ai connu bien pire; et à chaque reprise, je me suis relevée, inlassablement pendant 25 ans... Alors si vous croyez qu'une petite alliance qui n'a que quelques mois va m'arrêter, c'est que vous n'avez pas compris à qui vous faites face!"

Son cri se mua en hurlement. Elle sortit son fidèle fusil de chasse et le brandit par-dessus le parapet, commençant à faire feu au hasard sur la foule en contrebas, provoquant le dispersement des troupes forbachoises dont les dirigeants lançaient des ordres dans le tumulte.
Europe continua à hurler, ne s'arrêtant que pour regarnir de cartouches neuves le magasin du fusil. Ses mains tremblaient tellement qu'elle devait s'y reprendre à plusieurs reprises.


"J'ai dirigé la tribu d'Olrun! J'ai rassemblé les plus puissants grimoires de ce continent! J'ai combattu une ennemie revenue d'entre les morts! J'ai réveillé l'âme du Gardien avant de l’accueillir en moi! Absolument tout ici, porte ma marque, et vous voulez que je me soumette?"

Enfin parvenue à court de munitions, elle balança d'un geste hargneux le fusil par-dessus bord.


"OLRUN EST A MOI! A MOI!"
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Noâz Loewenstein
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La Maison Dieu #22 Vide
MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeVen 13 Juin 2014 - 20:12

Caché dans l’ombre du salon, le jeune Comte avait suivi la conversation d’Europe et Viviane avec la plus grande attention, le pistolet à la main.

Il avait silencieusement écouté le flot d’amertume de ces deux femmes. Il avait observé les larmes de leurs regards tourbillonner dans le même abysse. Et à dire vrai, il n’en revenait pas. Il savait combien leurs positions avaient été douloureuses, combien de sacrifices demandait l’exercice du pouvoir, mais jamais il n’aurait cru à tant de regrets et de douleur. Ces deux femmes étaient brisées. Et il observait son reflet déformé dans le métal poli qui ornait la crosse de son arme. Et il se demandait combien de temps il lui faudrait à lui aussi pour être brisé. Il se demandait aussi si sa propre mère avait autant souffert du pouvoir. Willelmina ne lui avait jamais dit comment Alicia avait supporté le ‘fardeau’ dont parlait Europe. Willelmina n’avait jamais dépeint qu’une image puissante et irréductible d’Alicia.

En vérité, Noâz n’avait jamais été préparé au Pouvoir. Dès l’enfance, deux trônes lui étaient promis. Il n’avait jamais senti le besoin de se battre que pour prouver sa légitimité. Et c’était bien de là que venait son aura chevaleresque : il ne s’était battu que contre des chimères, car il n’avait jamais été légitime à ces trônes. Sa mère avait érigé un empire d’idées. Lui n’avait même pas su les défendre. Son défunt frère, aussi stupide soit-il, était le seul légitime et préparé à la succession de son père. Noâz était usurpateur en tout. Viviane avait tant raison de le traiter de parvenu que le jeune homme ne parvint pas à s’en outrer, l’esprit occupé, ailleurs.

Noâz avait observé la main d’Europe se tendre vers celle de Viviane, presque la toucher, comme un pacte michel-angiste. Et Viviane briser le charme hypnotique du Diable. S’en défaire et utiliser ses chaînes pour terrasser la Bête. Et la Bête de tirer sur l’Ange. Sa lumière se répandre et tout disparaître. Noâz n’avait retrouvé la vue qu’une heure plus tard tant la déflagration l’avait ébloui. S’il avait encore été stigmatisé, il serait probablement mort. Et ses pensées s’envolèrent un temps vers la seule qui l’ait jamais aimé… Noâz l’imagina seule dans un lit froid. Et pour une fois, un sentiment proche de la pitié vint l’efflorer. Elena ne méritait rien de ce qui lui arrivait.  

Au réveil, son visage emperlait de sueur froide. Il n’aurait plus su dire s’il était triste, inquiet, angoissé, il ne comprenait plus rien. La mort pointait ses canons sur lui. Plus âme humaine ne portait d’amour pour lui. Il se sentait brutalement si vide et dépassé. Il n’avait pas mal. Il n’était plus lui. Il était hors de lui. Il s’observait dans le métal ambré de son pistolet. Il se voyait si pâle. Il se voyait trépassé.

Les cris de Cassandra glissèrent sur lui sans le pénétrer.
Qui était Amaël Loewenstein ? Il ne l’avait jamais connu.

Son frère.

Mort lui aussi.


« Pauvre fou… »

Le murmure d’Europe le traversa comme une pale.
Comment osait-elle ?

Il leva les yeux et la vit là, penchée sur le balcon. Dardant sa haine. Et de son discours, Noâz n’entendit que l’écho de l’abysse où tournait encore le maelstrom de sa colère et dont l’œil n’était qu’elle-même. Soudain Noâz comprit ce qu’il savait déjà : elle ne vivait pas pour lui, elle ne mourrait pas pour lui. Noâz entendait son discours de Déesse de la Destruction. Vingt-cinq années de salves meurtrières, elle était toujours debout. Il la trouvait forte et grande, comme sa mère. Peut-être plus forte encore, puisqu’elle était encore là. Puisque, comme elle s’en targuait, elle l’avait terrassée. Tout portait sa marque.

Tous portaient sa marque.

Noâz observait son front dans la crosse. Si Elena n’avait pas été là… La marque serait là. La marque d’Anaël, la marque du Grand Dictateur. La marque de l’ange déchu, le stigmate. Le véritable pouvoir d’Europe était bien celui-ci : d’avoir pu stigmatiser une population entière, son histoire, d’une marque ténébreuse et immortelle qu’aucun grimoire n’aurait su laver : la Peur. Noâz releva ses yeux embués vers la femme de sa vie. Europe, ce monstre…

C’est le cliquetis d’armement qui fit tourner la tête à l’ancienne Grande Prêtresse sur le balcon.

Et Noâz, au bout de son canon, encore et toujours, revit sa mère. Mais pour la première fois, il ne reconnut pas en Europe la hiératique splendeur des portraits de Château. Il reconnut les nécroses du cadavre vivant qu’il avait invoqué pour combattre le Gardien un an auparavant. Europe était d’une pâleur extraordinaire. Le temps et la peine avaient lacéré son visage. Ses yeux étaient secs des larmes qu’elle n’avait plus jamais versées. Ses cheveux hirsutes et ses robes ternes. Noâz sentit soudainement l’odeur âcre et ferreuse qu’il n’avait jamais connu que chez les vieilles fermières proches de la mort. Une odeur de poudre.

Le jeune homme ne reconnut pas le sentiment qui animait le regard d’Europe à cet instant. Il reniait toute humanité à cette femme et tout espoir de rédemption. Il s’interdit alors toute pitié et tout mot d’excuse.


« Tu as tué ma mère. Tu as tué le Lys. Tu tueras Olrun… »

Noâz était fébrile. Il sentait enfin la puissance courir de son cœur à ses bras.
Il ajouta dans un murmure, les dents serrées.


« Mais Forbach est à moi... »

La détonation projeta le cœur d’Europe et tout son corps dans le vide éternel.

.
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Europe
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MessageSujet: Re: La Maison Dieu #22   La Maison Dieu #22 Icon_minitimeVen 13 Juin 2014 - 20:29

Elle ne le vit, ne l'entendit, ne le sentit pas approcher. Elle ne se retourna qu'au tout dernier moment en entendant ses paroles, et en voyant l'arme braquée sur elle, eut une sorte de sourire de résignation.

Bien sûr. Bien sûr. Il n'y a pas de loyauté au seuil de la mort.

Devant elle Noâz et derrière elle Forbach.

L’impact, d’une violence qui lui sembla incroyable, déchira ses entrailles dans un long feu horizontal.
La silhouette d’Europe fut projetée en arrière sous le choc, presque pliée en deux, et heurta du bas des reins la rambarde du balcon qui grinça sous ce poids brusque. Déséquilibrée, elle bascula en arrière. Son corps tomba dans le vide.

Le visage de Noâz était penché par-dessus la balustrade. Il se détachait en contre-jour.

Alors c’était ainsi qu’elle allait mourir?
Oui. Son corps ne survivrait pas à une telle chute, de plus de trente mètres.
Non. Elle serait morte avant d’avoir touché le sol. La balle tirée par Noâz avait presque atteint son cœur... Il ne lui restait déjà plus ni la force, ni même le réflexe nerveux, de remuer bras et jambes dans sa dégringolade. Sans parler de crier.

Des exclamations étouffées retentirent dans la Clairière au moment où son corps chuta de la Tour des Anges, et où cette même tour, jusqu’ici maintenue debout grâce à un sortilège irrémédiablement lié à elle, commença lentement à s’écrouler.
La foule au pied de l’édifice s’écarta précipitamment alors que des pierres d’une sombre teinte anthracite roulaient, de plus en plus grosses, en direction du sol, tandis que Noâz quittait précipitamment les lieux pour ne pas être enseveli.

Le fracas des débris s’écroulant sur le sol de la clairière martela l’instant de solennelité. Et l’édifice emprunt d’une glauque majesté finit en un tas de décombres, vestige d’une époque à présent révolue, lancinante métaphore de la manière dont avait fini la vie d’Europe. Laquelle ne réalisa que vaguement la théâtralité de son décès.
Lorsqu’Alicia était morte, sa fin avait été secrète, anonyme, solitaire et misérable; pourtant pendant des décennies encore, le nom de la Comtesse Loewenstein résonnerait comme un écho sur des milliers de lèvres. A l’exact opposé de sa rivale, comme toujours, Europe périrait dans une mise en scène grandiose et serait aussitôt oubliée le lendemain.

Ainsi, songea-t-elle, elle quitterait donc ce monde de cette façon... Disloquée au bas d’une tour en ruine. Elle s’était souvent imaginé son trépas, et l’issue, finalement, ne la surprenait pas vraiment.

Et pourtant elle tombait encore et encore, frémissant dans l’anticipation d’un choc qui ne venait pas… Le temps s’était considérablement ralenti. En fait, ça n’en finissait plus. Quand allait-elle enfin rendre l’âme?
Un voile était tombé devant ses yeux. La souffrance écrasante et massive qu’elle avait ressentie au moment du tir de Noâz, avait curieusement disparue.

N’était-elle pas déjà morte?
La brume ouatée dans laquelle elle baignait n’était pas naturelle.

De son vivant, Europe s’était souvent demandé quelle serait sa dernière pensée. S’accrocherait-elle à son rôle de mégère jusqu’au dernier souffle? Ou serait-elle traversée par une fulgurante catharsis quelques secondes avant son décès? Elle s’était attendue à ce que les regrets l’assomment. A pleurer sur les échecs et les erreurs de sa vie, qui défileraient devant ses yeux l’espace d’un clignement de paupières.

Mais il n’y avait rien. Seulement un néant lactescent.

Elle ne revint pas sur ses erreurs, ni ses échecs, ni ses malheurs, ni ses triomphes, ni ses bonheurs, ni ses parents, ni sa famille… rien de ce qui avait fait son existence.

Elle était entièrement tournée vers l’avenir.
Elle qui s’était battue jusqu’au dernier souffle pour rester en vie, comprenait à présent à quel point elle avait désiré le calme et le repos de la mort… Ce moment aurait dû arriver plus tôt, bien plus tôt, pour la délivrer du poids sur ses épaules.
Un intense soulagement la traversa de part en part. Tout était fini, et tant mieux.

Elle ne voulait plus rien que flotter dans le silence.


Une silhouette persistait cependant devant ses yeux, difficilement identifiable, car la clarté irradiait d’elle. Toujours Noâz, penché au balcon? Non. Elle ne faisait déjà plus partie de ce monde-là…
Europe tenta de mieux voir; la silhouette lui paraissait familière. Alicia alors? Cette bourrique était donc venue la chercher, pensa-t-elle amusée. En retrouvant sa rivale, les deux femmes pourraient s’affronter éternellement comme elles l’avaient fait de leur vivant, et alors, Europe retrouverait enfin les repères d’une période de sa vie où tout allait encore à peu près droit.
Elle se complut dans cette pensée.


Mais ce n’était pas Alicia, comprit-elle au bout d’un moment. La silhouette, qui prenait ses formes dans la nitescence argentée, ressemblait plutôt à… Louis.
Ah. Elle ne s’y attendait pas. Mais c’était sans doute logique. Que sa dernière vision soit celle d’une personne qu’elle avait aimée.


Pourtant, ce n’était pas Louis non plus. Ce visage…



Oh… ça y est. Je le reconnais.


Elle l’aurait reconnu entre mille même si elle n’avait jamais eu la chance de le toucher ou l’embrasser.

Elle l’avait aimé, en effet. Pas comme un homme aime une femme. Mais comme une âme en aime une autre au point le plus pur qu’il est possible.
Comme un être tourmenté et sombre aime son reflet blanc et tranquille... Comme la crevasse obscure aime le sommet immaculé de la montagne. Comme le sol figé et froid aime le vent chaud qui tournoie librement. Comme la tristesse aride aime l’espoir absolu et révolu.

Il était tout ce qu’elle avait toujours voulu être. Tout ce qu’elle n’était jamais parvenue à devenir.

Et il avait ce sourire paisible, comme d’habitude... Elle pourrait le contempler pour l’éternité à présent.

Une grande vague de bonheur déferla sur elle.



Adrien.
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