Endroit incongru s'il en est pour une femme de son rang. Pourtant la forêt avait un effet lénifiant sur son âme à vif et ses nerfs prêts à craquer. La jeune femme n'était pas encore remise du bucher de l'autre fois... Trop de souvenirs de son enfance étaient venus l'assaillir et raviver sa peine qu'elle pensait envolée. Mais les réminescences du passé la terrifiaient parce qu'ils se retrouvaient projetés dans l'avenir. Elle ne pouvat s'empêcher de penser à sa fille chérie et tant adorée, livrée à la cruauté et la bêtise des Inquisiteurs...

Et cela était insupportable!

D'ailleurs, depuis l'épisode du bûcher, elle avait redoublé de vigilance concernant ses pouvoirs. Et elle n'avait plus mis les pieds dans l'Eglise. C'était peut-être idiot, mais c'était a façon de montrer son désaccord. On risquait fort de la soupçonner, mais qu'ils viennent donc! Elle les attendait de pied ferme! Le dernier Inquisiteur qu'elle avait croisé pour se venger ne s'en était pas relevé! Pourquoi ses soeurs capturées ne se servaient-elles pas de leur pouvoir pour se sauver? Quand la sorcière était une novice ou un aguerrie, c'était encore compréhensible, mais une Sage? En même temps, elle ne s'était jamais retrouvée dans cette situation, puisque la dernière fois où elle avait été inquiétée, elle n'était même pas apprentie et totalement inapte à se défendre. Mais les choses étaient différentes maintenant...

Elle s'enfonçait dans la forêt, seule, ses cheveux dénoués, une capelin à capuche pour la protéger du froid. Ses bottines s'enfonçaient dans le sol au rythme régulier de ses pas. La forêt pour oublier, la forêt pour se ressourcer... Personne ne s'y aventurait, elle avait bien trop mauvaise réputation! Elle y serait tranquille...

Elle arriva près de ruisseau...

Et elle se figea alors que son coeur manquait un battement.

Cette voix.... Elel l'aurait reconnu entre mille, de même que le dos de l'homme. Impossible lui soufflait sa raison, ce lieu était trop étrange pour une telle rencontre.

Pour des retrouvailles.

Mais le fait était que cette silhouette familière n'appartenait qu'à une seule personne. Une personne unique pour Eleonor. Son visage s'éclaira d'un sourire, alors qu'elle se jetait dans les bras de son frère ainé et aimé.

- "Sig!!! Je n'arrive pas à le croire!!!"

Eleonor perdit toute contenance, jeta aux orties son titre et son rang pour ne redevenir qu'une jeune soeur qui adorait son frère.

- "Mais que fais-tu là? Mon Dieu, ça fait des années que j'attends ce moment et je te retrouve ici..."

Elle s'écarta un peu, non sans déposer un baiser sur la joue de son frère.

- "Je suis si contente de te revoir... Mais..."

Son visage s'assombrit. S'il était là, ce n'était peut-être pas que pour elle. Il était Inquisiteur après tout et avec tout ce qui se passait à Forbach...

- "Est-ce ton coeur ou ton devoir qui t'ont amené à Forbach Sig?"

Eleonor avait recouvré son visage doux et sérieux, son allure de Noble et sa ferme autorité.

Instant magique teinté de réalité... Eleonor était tellement heureuse de le revoir... La soeur était tellement heureuse de le revoir! Mais la Sorcière, elle, se méfiait. Et la jeune femme souffrait de cette dualité qui la déchirait. De loin, Sigmund était son frère bien aimé à qui elle écrivait quelques lettres. maintenant qu'il était ici, elle allait devoir lui dissimuler la vérité... Encore. Et elle détestait cela. mais comment pourrait-il comprendre, lui qui avait voué sa vie à la destruction des sorcières? Oh si seulement, les choses n'étaient pas aussi difficiles. Si seulement, elle pouvait compter sur son appui et son amour sans conditions. Mais la question qui la hantait demeurait : si un jour, elle lui avouait qu'elle était une sorcière, que ferait-il? Lui pardonnerait-il? Ou au contraire, son coeur se fermerait-il à tout jamais à sa petite soeur adorée et la condamnerait-il au bûcher comme sa mère avant elle?

Eleonor n'avait pas oublié le rôle que son frère avait joué dans la mort de sa mère chérie, mais jamais elle ne lui en avait voulu. Il n'était encore qu'un enfant, manipulé par les Inquisteurs, fou de chagrin à la mort de son père... Et il avait toujours prit soin d'Eleonor, toujours...

Il répondit en demi teinte à sa question et cela la fit sourire malgré elle. Il avait toujours eu le chic pour éviter les réponses problématiques découlant des questions épineuses. Plus "noble", elle répliqua d'une voix douce :

- "Alors, tout est bien ainsi."

Mais alors lespensées de Sigmund semblèrent suivre le même chemin que celles d'Eleonor alors que tous deux pensaient au bûcher, alors qu'Eleonor revoyaient ces pauvres femmes, ses soeurs, se tordre de douleur sous les flammes dévorantes. Sigmund parla et Eleonor se sentit frissoner. Elle croisa les bras sur sa poitrine et lâcha d'une voix blanche :

- "Tu sais bien que cela ne fait aucune différence pour les Inquisiteurs."

La mère d'Eleonor avait été brûlée, laissant sa fille et son beau fils derrière elle. Les Inquisiteurs se fichaient pas mal de détruire des familles.

- "Le pire c'est qu'Alix était avec moi... Mais elle s'est endormie avant de voir ça... Je ne veux pas qu'elle voit cela Sig..."

Elle leva ses yeux si verts vers son frère. Les fantômes du passé la hantaient, mais, doucement, son sourire revint en même temps qu'elle revenait dans le présent et chassait ses démons.

- "J'ai hâte que tu fasses sa connaissance... Je lui ai beaucoup parlé de toi."

Il lui annonça alors qu'il revenait protéger sa famille. Eleonor et Alix. Quelle horrible jeu du sort quand on songeait qu'elles étaient le fléau même qu'il avait juré de pourchasser.

- "Certaines choses doivent rester secrètes... Peu m'importe ce que tu as fait par le passé, ce qui compte c'est que tu sois là, en cette période troublée."

Elle se serra contre lui, quémandant sa protection. Les bras des hommes lui manquaient, mais aucun n'avait su la rassurer comme ceux de son frère.

- "J'ai peur que l'avenir ne soit que la répétition du passé Sig..."

[Wouahh 8 mois pour faire une réponse, là, j'ai explosé mon record T_T]

Elle sourit tristement alors qu'il répond que pour lui, cela est différent. Vraiment? Oh comme elle regrette ce secret entre eux, secret trop lourd à porter et qui pourtant, la mènerait au bpucher si elle devait l'avouer. Mais son frère ferait-il cela? Oserait-il condamner sa soeur comme il avait condamné sa belle mère des années auparavant? Peut-être... Cela faisait des années qu'ils ne s'étaient pas vu, étaient-ils restés les mêmes ou avaient-ils changé? Eleonor était devenue plus dure encore, plus déterminée face à ce massacre immonde, bien déterminée à sauver les siens et surtout sa fille adorée.

- "Sig..."

Elle lui jeta un regard un peu surpris, voire interrogateur. Ce murmure lui paraissait étrange, son regard brillant également. Quelles fêlures cachaient donc son âme? Il était Inquisiteur, son rôle était de traquer et brûler les sorcières, il n'y avait pas de place pour les états d'âme dans ce métier, n'est-ce pas?

- "Quelque chose ne va pas?"

Elle lui raconta l'horrible bûcher à la sortie de l'Eglise, un spectacle qu'elle n'avait pu ignorer ou éviter, se contentant alors d'endormir Alix pour que ses yeux d'enfant ne soient pas souillés par la perversité des hommes. Elle se devait de protéger son innocence à tout prix! Qu'elle reste une enfant le plus longtemps possible, que jamais elle ne plonge dans le mondedes adultes aussi brutalement qu'Eleonor... Sigmund semblait approuver qu'Alix n'ai pas vu cela et Elonor se fit presque brutale :

- "Cela n'a pas dérangé tes collègues! Faire cela à la sortie de la messe, quand il y a foule, c'était bien pour infliger à tous l'atrocité de cet acte! Et la foule qui regardait, impatiente de voir les sorcières brûler! Et cette odeur insoutenable de chair brûlée! Où est Dieu là dedans Sigmund? Où est sa miséricorde et sa Bonté infinie? Je suis certaine que ces pauvres filles étaient juste trop jolies et qu'elles ont été la cible de commérages et d'horribles rumeurs pour s'en dabrasser. La nature humaine est si abjecte et envieuse, ça me rend malade!"

Voilà, elle venait de lui dire ce qu'elle avait sur le coeur. Pas la peine de s'alarmer, elle n'avait rien dit qui puisse la trahir et connaissant son passé et la façon dont sa mère était morte, Sigmund pouvait complêtement comprendre ce qui motivait un tel discours.

Evidemment, ils parlèrent d'Alix et son frère semblait enchanté de pouvoir la rencontrer. Cela se ferait bientôt, mais elle devrait faire attention à ce que la petite ne commette pas d'impairs dans son innocence. De toutes façons, elle avait décidé de ne pas lui parler de sorcellerie avant qu'elle n'ai atteint l'âge de raison. Cela était trop dangereux.

Et puis, la digue se rompt et la jeune femme redevient enfant cherchant les bras consoleurs de son frère. Elle lui avoue sa peur que le passé ne se répète et Sigmund lui assure que cela ne sera pas. Elle émet un petit rire, qui tient plus du ricanement et réplique d'une voix faible :

- "Certaines personnes ne tirent pas profit des expériences du passé et que pouvons-nous, êtres insignifiants, pour empêcher la roue du temps de nous broyer?"

J'exagère, je ne suis pas insignifiante, je suis une puissante sorcière et si je m'unis à mes frères et soeurs, nous sommes capables de les faire trembler. Et pourtant, nous attendons, nous sommes trop passifs... Mais attaquer reviendrait à devenir exactement ce que tous pensent que nous sommes...

Des monstres.

Des créatures du Diable...