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 Certaines choses sont immuables

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Europe
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MessageSujet: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 12 Oct 2010 - 1:11

[Précédent = L'Assomption d'Adrien]


Un énième matin d’automne. Une lumière qui se levait tardivement sur un monde empreint de beautés et de couleurs vespérales. Des éclats crépusculaires marbraient les feuilles des arbres auréolées de vermeil, de mordoré saisissant… une magnificence symbiotique à laquelle Europe, en se réveillant ce matin-là, se sentait totalement étrangère.

Depuis combien de temps, depuis combien d’années ne s’était-elle pas levée avec le sentiment que quelque chose de nouveau et de positif allait entrer dans sa vie? Depuis combien de temps attendait-elle des bonnes nouvelles, guettant sans le vouloir un messager arrivant sur le sentier de gravillons, une missive à la main? Autant de matins pâles et sans joie, saupoudrés de lassitude, des milliers de matins… Rapidement ce jour là, Europe compta sur ses doigts.
Dix-sept ans.
Dix-sept ans qu’elle n’avait ressenti aucune sensation, si légère fut-elle, de plénitude.

Ses domestiques l’aidèrent à s’habiller comme de coutume et elle prit son petit déjeuner sur la terrasse ensoleillée, savourant les premiers faisceaux d’encre safranée accordés par l’astre du jour. Mais une brise folle soufflait sans cesse sur le jardin, emmêlant ses longues anglaises, balayant la fragile porcelaine dans laquelle elle sirotait un thé. Ce vent était-il un présage? La Grande Prêtresse soupira en observant la canopée du bois voisin se balancer dans des bruissements austères. Oui, même en tant que Sorcière, elle ne s’était pas sentie en communion avec la nature depuis des années.

Et pour cause.
Elle avait renoncé à se laisser porter par la fluide mouvance de l’existence. Elle avait changé aussi profondément que peut changer un être humain en dix-sept ans. Le regard des autres, au fil des années, avait été on ne pouvait plus explicite: tous regrettaient l’époque où elle était encore une jeune femme pleine de contradictions et de défauts mais aussi de compassion, d’amabilité, de volonté de bien faire. A présent, en vieux tyran décrépi, elle s’asseyait de l’aube à la vesprée sur son trône en attendant que défilent sous elle les supplications du bas peuple, les observant d’un air austère.
Oui, Europe était devenue lasse et sèche, aigrie par la vie; en elle-même, elle s’était peu à peu retirée.
Et le pire dans tout cela, c’est qu’elle avait sciemment souhaité ce changement et ne le regrettait pas à l’heure actuelle.
Elle s’était ré-offerte aux chaînes qu’Adrien, Louis et tant d’autres avaient auparavant tranché pour elle.


Quelques heures défilèrent, avançant une matinée claire mais ventée. Europe s’occupa de paperasse administrative, puis se vêtit de circonstance en prévision de l’arrivée de Viviane, à qui elle avait envoyé une missive officielle quelques jours auparavant. Aux yeux du monde, ce ne serait donc qu’une simple convocation motivée par les caprices d’une nobliotte souhaitant s’offrir de nouveaux vêtements. Officieusement, un face à face au sommet se tiendrait entre la dirigeante de la tribu des Sorcières d’Olrun et sa Prêtresse. Europe s’en voulait de mander son amie comme un vulgaire laquais mais plus que tout, il était nécessaire de préserver les apparences.
Viviane… une des rares personnes en lesquelles elle avait encore confiance. Ce genre d’individus se comptaient d’ailleurs dorénavant sur les doits d’une main. Les seuls dont Europe savait qu’elles ne la poignarderaient pas dans le dos avec le regard biaiseux qui sied aux traîtres et aux couards. Ou plutôt, non. Des personnes de qui elle était fière, avec qui elle partageait une amitié plus que tenace, qui lui apportaient sécurité et aplomb. Mais elle ne pourrait plus, jamais, avoir confiance en personne.
Même pas en elle-même.


Il devait être environ dix heures lorsqu’un domestique annonça l’arrivée de maîtresse Valdemar. Europe vint accueillir son amie à la porte; elle la salua avec chaleur mais son visage était fermé, sombre, son intonation monochrome –une mine qu’elle arborait de façon habituelle depuis plusieurs années.


"Bonjour et bienvenue, chère Viviane. C’est un plaisir de t’accueillir ici."


Le domestique entreprit de débarrasser la Prêtresse d’Olrun de son manteau tandis qu’Europe l’invitait d’un signe à s’introduire dans les vastes pièces du manoir Eléanora-Sun. Elle aurait aimé que son amie et elle s’installent toutes les deux à une table dans le jardin, mais la brise soufflait plutôt fort et les premiers froids ne tarderaient pas à venir. Ils plongeaient tous une fois encore vers la pâleur mortelle et surglacée de l’hiver, qui telle un gouffre menaçait de les avaler tout entiers…


"Entre, fais comme chez toi. Puis-je te proposer quelque chose à boire? Il est peut-être encore un peu tôt…"



Dernière édition par Europe le Jeu 10 Fév 2011 - 20:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeJeu 14 Oct 2010 - 1:23

Marchant d’un pas vif, Viviane se dirigeait vers le manoir d’Europe. L’air frais lui piquait le visage et le vent ébouriffait sans cesse ses cheveux qu’elle n’avait pas pensé à attacher. En cette claire matinée d’automne, la sorcière se sentait de bonne humeur, en paix avec elle-même et la nature, de manière plus frappante que ça ne lui était arrivé depuis longtemps. Cassandra était de retour à Forbach, et l’annonce du départ de l’Inquisition lui avait fait accepter que Narcissa entre dans la tribu d’Olrun. Les bonnes nouvelles s’accumulaient, chose rare dans la vie de la femme.

La marche avait le don de lui faire du bien, et ce malgré un temps assez frais. L’été était définitivement terminé et l’automne battait son plein. Les arbres avaient leurs couleurs chatoyantes qui précédaient l’hiver du rouge intense au jaune doré, dans le paysage se déclinaient mille et une couleurs toutes plus belles les unes que les autres. L’automne était une saison qui plaisait beaucoup à Viviane, de part les changements qu’elle offrait, contrastés par rapport à l’été et l’hiver, mais aussi l’espoir qu’elle insufflait en montrant une nature plus belle que jamais.

L’entrevue qu’elle allait avoir avec Europe porterait sans doute sur l’avenir d’Olrun et aussi sur Cassandra. Son retour ne poserait sans doute pas trop de problème, mais il valait mieux discuter avec la Grande Prêtresse avant, pour être sûre de ne pas commettre d’impair. C’était d’autant plus vrai que les mesures d’Europe concernant la discrétion étaient devenues excessivement sévères, et que Cassandra soit au courant de leur existence était une sérieuse entorse à ce règlement. Pourtant, si d’aventure sa supérieure voulait repratiquer un rituel sur Cassandra pour lui faire oublier leur existence, elle s’insurgerait. Même son appartenance à la tribu en cause pour sauver sa sœur et sa nièce, elle n’hésiterait pas un instant !

Mais ses réflexions furent interrompues par son arrivée à l’imposante demeure Eleanora-Sun. Bien qu’elle s’y rende de temps à autre, Viviane était toujours impressionnée en venant. L’immensité de la bâtisse en comparaison avec sa propre maison avait quelque chose d’intimidant. Cela lui rappelait qu’elle n’avait jamais fait partie de ce milieu aisé qui vivait de ses rentes alors qu’elle devrait travailler jusqu’à la fin de ses jours pour subvenir à ses propres besoins. Elle faisait cependant attention à ses dépenses pour ne plus devoir travailler autant d’ici quelques années, qu’elle puisse se reposer plus souvent, profiter de certains loisirs et avoir plus de temps pour les siens, Anna et Narcissa évidemment, mais aussi Cassandra, Louisa, Europe, etc.

Viviane frappa à la porte et elle ne dut pas attendre longtemps avant qu’un domestique ne vienne lui ouvrir. Elle entra immédiatement, pour se mettre à l’abri du vent et ne pas créer trop de courants d’airs dans la maison qui devait déjà être assez froide comme ça. Elle enleva de ses épaules le magnifique manteau qu’elle portait, une nouvelle création de Louisa dont les talents n’étaient plus à mettre en doute par qui que ce soit. Europe l’accueilli avec des mots chaleureux, mais son regard restait froid, distant. Viviane savait que la prêtresse souffrait beaucoup, en silence… Elle se sentait responsable de bon nombre de choses qui s’étaient produites dans le passé et était devenue bien plus amère que lorsque Viviane l’avait connue. Pourtant, l’amitié qui les unissait était sincère et pour rien au monde Viviane n’aurait voulu la perdre.

- Je veux bien un peu de thé s’il te plaît. Le vent est vraiment froid et me réchauffer un peu me ferait du bien. Il n’est jamais trop tôt pour une tasse de thé.

Sentant qu’il était de soin devoir d’aborder les sujets importants dès le début, elle attendit qu’Europe donne ses ordres avant de reprendre la parole, d’un ton sérieux. Assise dans le fauteuil qu’elle occupait habituellement à chacune de ses visites, elle prit soin de choisir ses mots avant de parler.

- Europe… Tu n’es sans doute pas sans savoir que Cassandra a été rappelée à Forbach pas Monsieur Garin pour aider à vider Forbach de l’Inquisition. Je sais que tu as toujours désapprouvé mon comportement vis-à-vis d’elle, mais elle est ma sœur, mon unique famille et j’ai besoin d’elle. Je suis sûre qu’elle ne révélera jamais à personne ce qu’elle sait sur nous, c’est-à-dire peu de choses, mais je voulais tout de même te mettre au courant de quelques petites choses. Que je sache, elle en a après Alicia sans avoir aucune preuve de ce qu’elle est… Elle est décidée à ne plus se préoccuper du passé, toute sa vie est tournée désormais vers sa fille, Narcissa.

Narcissa… Les débats avaient été houleux, la première vraie dispute entre Cassandra et Viviane depuis plus de vingt ans. Narcissa présentait des prédispositions évidentes pour devenir une sorcière, elle sentait la nature avec une perception bien plus grande que sa sœur ne l’avait jamais fait. Au début, Cassandra s’était opposée violemment à ce que sa fille rentre dans la Tribu. Puis, il y avait eu cette lettre de Sébastien, qui la rappelait à Forbach, l’Inquisition s’en allait ! Tout avait changé désormais, et Cassandra avait constaté que plus rien n’empêchait l’inévitable, Narcissa commencerait bientôt son apprentissage, pourvu qu’Europe accède à sa demande.

- C’est à propos de Narcissa, surtout, que je souhaitais te parler. Ma nièce a des prédispositions évidentes pour devenir une sorcière. Cassandra est d’accord pour la faire entrer dans la Tribu. Mais j’aimerais ton accord avant de commencer quoi que ce soit. Acceptes-tu que j’enseigne nos secrets à Narcissa ?

C’est avec une angoisse à peine dissimulée qu’elle attendit la réaction de son amie et supérieure. Que se passerait-il si Europe disait non ?
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeJeu 14 Oct 2010 - 20:01

Accédant à la demande de Viviane, Europe fit un signe de tête au domestique afin que celui-ci fasse préparer pour elles la boisson chaude. L’homme parti, les deux Sorcières avancèrent de concert dans les vastes pièces aux hauts plafonds; il faisait en effet frais à l’intérieur, les feux ronflants des cheminées ne parvenant pas à rehausser la température à un niveau idoine dans ces salles immenses. Un des inconvénients d’habiter un manoir, et en Lorraine qui plus est. La Grande Prêtresse fit signe à son amie de prendre place, dans le fauteuil qu’elle occupait habituellement:

"Installe-toi je t’en prie."

Europe elle-même s’assit sur le divan qui lui faisait face, observant Viviane par dessus une table basse en bois laqué. La Prêtresse d’Olrun arborait une mine sereine, encadrée par le chatoiement roux de sa chevelure qui cascadait sur ses épaules en harmonie totale avec les sublimes couleurs extérieures de l’autonome. Même si Viviane, comme tout le monde, avait pris de l’âge, la maturité qu’on pouvait lire dans ses traits lui allait bien; lui donnant l’air sage et réfléchi d’une vétérante, fonction qui était d’ailleurs la sienne depuis quelques années.

Elle commença à parler en attendant que le thé leur soit apporté, arborant des sujets sérieux et graves –Europe s’y attendait, au vu des récents événements se déroulant à Forbach. De plus, il aurait été incongru que la dirigeante de la Tribu et son bras droit direct se réunissent pour parler de la pluie et du beau temps… Contrairement aux autres, Europe n’avait pas manifesté le moindre signe de joie à l’annonce de la démobilisation des Inquisiteurs. Ce ne pouvait être certes qu’une bonne nouvelle, et elle s’en réjouissant intérieurement; mais la Sorcière avait été dupée, et avec une facilité crasse, tant de fois dans sa vie qu’il lui était impossible de prendre pour acquis un fait qui ne s’était encore même pas déroulé. A coup sûr, au dernier moment le Vatican ou autres autorités dont elle n’avait cure se raviserait et les Inquisiteurs resteraient à Forbach… Il ne servait à rien de se faire de faux espoirs, car en cas de déception, la chute n’en serait que plus grande. C’est pourquoi Europe préférait attendre et observer avec méfiance, sa politique favorite depuis plusieurs années. Quinze années en fait; elle n’avait pas oublié la terrible nuit au cours de laquelle l’Oracle avait révélé la plus monumentale trahison du genre humain… ni le fait qu’elle avait sauté les pieds dans le plat comme une quiche, portant une confiance aveugle à une entité diabolique. En ce sens ce jour-là, le salut de l’humanité n’avait été dû qu’à une poignée d’Inquisiteurs menés par cet animal abruti de Touchedieu…

Europe se rendit compte qu’elle s’était égarée dans ses pensées et arborait involontairement devant Viviane une grimace méprisante, les lèvres pincées et les sourcils froncés. Elle se hâta de faire disparaître cette expression incommodante de son visage et écouta les dires de son amie. Oui, Cassandra était revenue de Rodez et à ce moment-là aussi, la Grande Prêtresse s’était crue menacée, voyant avec angoisse resurgir un passé contre lequel elle déployait de considérables efforts afin de l’oublier. Pour l’instant, il ne s’était heureusement rien produit de notable. Mais Europe avait à l’œil l’ancienne Mère Mattea, épiant tous ses faits et gestes, prête à bondir au moindre signe d’hostilité. Et par malheur, si des mesures devaient être prises, le fait qu’elle soit la sœur de Viviane… n’y changerait strictement rien.


"Les ennemis d’Alicia sont mes amis" fit la Sorcière à voix basse, grinçant des dents à l’évocation du seul nom de la Meneuse.
En réalité, ce n’était pas tout à fait vrai. Europe était loin de considérer Cassandra comme une amie, et pour cause. Pendant toutes ces années, la Grande Prêtresse avait eu l’impression d’être assise sur une bombe à retardement, persuadée que s’être montrée trop laxiste allait causer leur perte, regrettant beaucoup d’avoir laissé Viviane parler à sa sœur qui connaissait maintenant leur secret. Elle qui avait prôné sans relâche la nécessité d’une discrétion absolue auprès des membres de la Tribu, voilà qu’elle était à l’origine de la plus grande entorse au règlement qui n’ait jamais été! En vérité, la seule chose qui la retenait de lâcher ses limiers sur Cassandra afin de provoquer un nouveau rituel d’amnésie, était l’estime portée à Viviane et la confiance que cette dernière avait en sa sœur. Sans ça, le problème « Mère Mattea » aurait été éliminé depuis longtemps.

C’est à ce moment précis que le domestique reparut dans la pièce, posant après une courbette un petit plateau rond sur la table basse. Il contenait une théière fumante remplie d’une infusion à la verveine mentholée, deux tasses et du sucre, mais également trois enveloppes cachetées qui portaient chacune un sceau différent –le courrier d’Europe. Sans même s’en apercevoir, l’oreille qu’elle prêtait aux propos de Viviane se fit plus distraite et elle se pencha en avant, observant les lettres reçues. Des affaires personnelles qu’elle attendait et qu’il lui faudrait traiter au plus vite…
Son attention dissipée, ce qui n’était pas très poli, la Grande Prêtresse entendit la voix de Viviane s’éteindre mais ne remarqua pas le moins du monde son angoisse.


"Oui, oui" fit-elle d’un ton distrait en saisissant une des enveloppes pour en regarder l’expéditeur. "Engage qui tu veux."

La problématique était simple: plus la tribu d’Olrun compterait de membres, mieux ça vaudrait. On ne pouvait pas dire que les candidates se bousculaient au portillon ces dernières années… Mais la vraie raison, c’était que Viviane venait de lui servir sur un plateau une sorte de moyen de pression sur Cassandra. Car si sa propre fille intégrait les rangs, jamais l'Inquisitrice ne prendrait le risque de faire tomber les Sorcières en dévoilant leur secret; l’entrée de Narcissa dans Olrun garantissait une discrétion des plus fiables.
Perdues dans ses pensées qui oscillaient entre l’enveloppe cachetée et les faits révélés par Viviane, Europe se rendit soudain compte que son amie semblait la considérer d’un air interloqué. C’était normal: nul n’avait l’habitude de voir la Grande Prêtresse si peu loquace et indifférente aux destins individuels de sa tribu. Mais quand elle disait qu’elle avait changé, ce n’était pas pour faire semblant. Un peu bourrue sous ce regard, la Sorcière se tassa dans son fauteuil et daigna s’expliquer:


"Je fais passer uniquement les entretiens individualisés au grade d’Initiée, alors pour ce qui est des nouvelles recrues, tu peux t’en charger. Tu es Prêtresse. Et j’ai beaucoup de travail. Je te laisse t’occuper des présélections."

D’un signe négligent de la main, Europe manda son domestique afin qu’il lui apporte un outil oblong pour ouvrir sa lettre. Elle reçut l’objet des mains de l’homme tout en poursuivant d’un ton un peu absent:

"Mais affecte quelqu’un d’autre à son apprentissage, je te veux valide et à entière disposition en ce moment, au moins jusqu’à ce que les Inquisiteurs soient partis de façon définitive… ce qui devrait prendre plusieurs mois. Trouve une Aguerrie, il devrait y en avoir quelques unes de libres."
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeDim 17 Oct 2010 - 15:45

Europe avait bien changé en quinze ans, mais ce changement venait seulement de frapper Viviane de plein fouet. Non seulement la Grande Prêtresse ne l’écoutait que d’une oreille distraite, mais elle était à peine polie envers son interlocutrice. Viviane savait que cette indifférence n’était pas dirigée contre elle mais elle eut de mal à ne pas montrer à quel point l’attitude d’Europe la blessait. Son indifférence à peine masquée face au propose de l’une de ses prêtresses n’était pas pour faire plaisir à Viviane. Le cœur d’Europe était devenu dur comme de la pierre, et pour percer ses défenses, il fallait déployer des trésors d’amabilité et de patience. La Grande Prêtresse n’avait plus confiance en personne depuis la trahison de l’Oracle mais tout cela s’était déroulé il y a plus de quinze ans maintenant. Il était temps qu’Europe passe au dessus de ses angoisses.

Quand Europe daigna enfin répondre de manière un peu plus intéressée aux questions de Viviane, ses mots firent encore plus mal que son silence. Toute joie avait quitté le cœur de la prêtresse. Pour se donner contenance, elle se servit une tasse de thé et avala quelques gorgées. Le breuvage lui brûlait la langue pourtant elle continua à boire, une lampée après l’autre. Quand elle eut finit sa tasse, elle se sentit plus à même de réfléchir aux propose d’Europe. Une part d’elle se sentait trahie par une amie qu’elle considérait beaucoup. L’autre savait que la proposition d’Europe était raisonnable mais son cœur ne pouvait s’y résoudre. Narcissa était sa filleule, la fille qu’elle n’avait jamais pu avoir. Avec Anna, elle était ce que Viviane avait de plus précieux. Et Europe, tout en la regardant à peine lui annonçait sans la moindre compassion qu’elle ne pourrait s’occuper d’une des parts les plus importantes de son éducation.

Elle sentit une colère froide la gagner et eut de plus en plus de mal à garder les idées claires. Elle avait envie de se jeter sur Europe pour lui faire ravaler son indifférence, même si cette façon de réagir n’apporterait aucune solution à leur problème. Inspirant profondément, elle reprit la parole. En tachant de garder des propos mesurés, ce qui n’était pas évident.

- Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu te rends compte de ce que tu fais ?!

Europe semblait toujours l’écouter d’une oreille distraite et Viviane ne put réprimer sa colère plus longtemps.

- Aie au moins la décence de m’écouter quand je te parle ! Je ne suis pas qu’une simple apprentie de la Tribu. Je suis l’une de tes trois prêtresses et ton amie. J’aimerais que tu m’écoutes avec attention quand nous parlons de choses aussi importantes !

Elle avait crié ces mots, dans l'espoir d'obtenir enfin l'attention qu'elle méritait. Maintenant que sa colère était remontée, elle ne semblait plus pouvoir s’arrêter. Peut-être qu’elle irait trop loin, mais elle n’arrivait plus à s’arrêter.

- Il ne s’agit pas que de moi ou de Narcissa. Il s’agit de nous tous Europe ! Tu sembles te complaire à regarder ta vie passer devant toi sans y prendre part. Je t’ai toujours soutenue, dans tous les moments difficiles, et ce n’est pas maintenant que je vais te laisser tomber mais ne me traite pas comme si j’étais insignifiante, comme si nous étions tous insignifiants. Tu as besoin de nous tous comme nous avons besoin de toi ! Je t’ai toujours prouvé que tout pouvais avoir confiance en moi, j’ai pris des risques insensés en tentant de m’infiltrer dans le Lys Noir et j’attends un minimum de respect de ta part.

Viviane s’arrêta un instant pour reprendre son souffle et remettre un peu d’ordre dans ses idées. En réfléchissant, elle se rendait compte qu’Europe ne semblait pas avoir suffisamment confiance en elle que pour l’estimer capable de mener à bien ses tâches de Prêtresse et d’assumer une nouvelle apprentie. Or, toute leur relation était basée sur la confiance et Viviane avait l’impression qu’aujourd’hui, Europe ne faisait plus confiance en rien ni personne.

- Je déteste comprendre et deviner que tu ne me fais pas assez confiance que pour me voir assumer mon rôle de Prêtresse et avoir une nouvelle apprentie. Je suis consciente du travail que cela me demandera, mais n’as-tu pas un instant songé que j’y avais réfléchi et que je ne me serais pas proposée si je ne m’en étais pas sentie capable ? Peut-être que je me surestime, mais vu le peu d’activité de la Tribu en ce moment, je ne vois pas comment je pourrais être débordée. Tu as tellement peur de tout que nous faisons à peine la moitié que ce que nous accomplissions autrefois !

Cette dernière phrase lui avait échappé de manière totalement incontrôlée. La Prêtresse se tut, se rendant compte qu’elle venait sans doute de franchir une limite. Elle voulut se rattraper, mais il était trop tard, les mots avaient été dits et entendus.

- Je suis désolée… Je… ça m’a échappé. Je...


Elle ne pouvait même pas dire qu'elle ne le pensait pas. Elle était impardonnable.
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 19 Oct 2010 - 0:02

Europe était déjà en train d’ouvrir l’enveloppe d’une main délicate et experte, et donc était pratiquement accaparée par d’autres pensées étrangères à la conversation, quand l’éclat de voix de Viviane la fit presque sursauter. Elle regarda autour d’elle une seconde sans comprendre ce qui avait causé cette réaction indignée chez son amie; le domestique, tout au fond de la pièce, avait également jeté un coup d’œil intrigué aux deux jeunes femmes. Il était surtout inaccoutumé de les voir hausser le ton de cette manière puisqu’elles s’étaient toujours bien entendues, étant globalement sur la même longueur d’onde. En ce moment cependant, Viviane était frémissante de colère, outrée et criant fort son mécontentement, l’indignation rendant les traits de son visage inhabituellement acérés. Europe fut un instant impressionnée par une telle révolte avant de comprendre que c’était un reproche dirigé contre elle.

Le regard de la Grande Prêtresse se porta sur la lettre encore pliée qu’elle tenait à la main et elle réalisa alors son impolitesse. En effet, être traité comme un meuble pendant une conversation importante ne devait avoir rien d’agréable… C’était la première fois que Viviane parlait à Europe comme à une enfant à qui l’on souhaite apprendre les bonnes manières –et en y réfléchissant bien, c’était peut-être logique puisque son amie était après tout de 4 ans son aînée…


"Je suis désolée. C’est toi qui as raison, bien sûr. Je m’occuperais de ces papiers plus tard" fit la Grande Prêtresse en posant définitivement et délibérément les lettres loin d’elle, sur le plateau.

Cependant, si elle crut que ce geste allait apaiser les humeurs de Viviane, elle se détrompa rapidement. Car son amie reprit sa diatribe de plus belle et la suite fut pire encore. Le reproche n’était pas fait seulement sur son attitude désintéressée d’aujourd’hui, mais sur sa façon d’être de ces dernières années, sur les temps qui courraient, sur les décisions de la Tribu. On la réprimandait d’avoir peur, d’être passive, de ne plus faire confiance. Et tant d’autres traits de caractère qui étaient aux antipodes mêmes de la nature d’Europe, mais qu’elle s’était efforcée durant ces dernières années d’adopter et de faire respecter, car c’était les seules choses qui les maintenaient en vie! Depuis le vol du Livre de la Lumière et l’épisode de l’Oracle, rien n’allait plus comme avant. Ces quinze dernières années, elle avait vécu la période la plus difficile de sa vie. Elle avait sciemment accepté de sacrifier sa propre nature, basculant définitivement dans le non-être, car c’était le seul moyen trouvé pour arrêter ces tueries et protéger son clan. Depuis la mort d’Adrien, plus rien n’avait eu de sens en vérité… la Sorcière haïssait la compassion dont on faisait preuve à son égard, et qui lui montrait encore une fois combien elle était faible et vulnérable. Mais elle détestait encore bien plus, ou plutôt n’avait même pas envisagé, qu’on puisse lui reprocher ce genre de choses, la condamner d’avoir eu à cœur le bien commun, la blâmer d’avoir voulu protéger ses soeurs Viviane le pensait-elle vraiment, ou était-elle juste en colère du refus d’Europe? La dernière phrase de son amie la poignarda en plein cœur, lui renvoyant à la figure tous les échecs de la dernière décennie avec une force démultipliée.

Un grand silence sourd tomba sur la grande pièce, rompu peu après par les excuses de Viviane. Les propos de celle-ci avaient fait mouche à un tel point que la Grande Prêtresse ne sut plus quoi dire pendant une longue minute, atterrée par le réquisitoire brûlant dont elle venait de faire l’objet. Elle ressentait la douleur, de savoir qu’on mettait le doigt sur un tel aspect des choses… mais plus encore de savoir que tout était vrai. Elle était devenue silencieuse, passive, plus discrète qu’une souris. Le temps d’Europe était révolu, la nouvelle héroïne d’Olrun était Viviane, celle qui n’avait pas hésité à agir et infiltrer le Lys Noir en courant de grands risques personnels lors de l’antépénultième tentative de récupération du Livre.
Mais… elle ne voulait pas se séparer de son trône.
Cette place de dirigeante, c’est tout ce qu’il lui restait. Lorsqu’elle avait décrit à Alicia, le jour de l’élection d’Abigael il y avait maintenant 17 ans, le fonctionnement interne du système en insistant bien sur la corruption des dirigeants, Europe ne s’était pas imaginé qu’il s’appliquerait à elle avec autant de force. Elle allait devenir une grand-mère gâteuse et terriblement possessive, tyrannique et conservatrice, décidée à se cramponner le plus longtemps possible à son pouvoir.
Hé bien, tant pis. Il était trop tard pour faire demi-tour maintenant.


"Ecoute, Viviane." A sa propre surprise, la voix d’Europe ne tremblait pas. Elle s’était sentie dévastée par les propos de son amie et en temps normal, n’aurait pas pu le cacher et aurait sans doute versé quelques larmes… mais depuis plusieurs années, elle réussissait remarquablement bien à dissimuler ses états d’âmes. En fait, elle était en train de devenir une pâle copie d’Alicia.

"Là n’est pas la question. Ce n’est pas de ta confiance dont je doute mais de la capacité à assumer deux tâches d’une telle importante… Ceci vaut pour toi mais également pour chacune de nous, rassure-toi. Il n’y a que 24 heures dans une journée et même si pour l’instant nos activités tournent au ralenti, le moindre imprévu aura des conséquences terribles sur la répartition de tes tâches." Europe marqua une pause et se servit une deuxième tasse de thé, la boisson brûlante dégageant des arômes de menthe.

"Il me semble avoir été claire sur ce point: les Inquisiteurs ne peuvent pas partir ainsi, il y a anguille sous roche, c’est forcé. J’ai besoin de toi totalement disponible, à tout heure du jour et de la nuit. C’est juste l’affaire de quelques mois, au maximum d’un an, et ensuite tu pourras reprendre l’enseignement de Narcissa." Europe s’apprêta à boire une gorgée de thé mais fronça soudain les sourcils comme si le liquide chaud lui avait brûlé la langue. C’était sa plus longue tirade depuis que Viviane était entrée dans la maison et se montrer aussi loquace ne lui ressemblait plus.

"Pourquoi est-ce que j’ai à me justifier? C’est non-négociable Viviane."
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeLun 25 Oct 2010 - 23:08

Pour la première fois de sa vie, Viviane en voulut à la Grande Prêtresse. Celle qui avait toujours su gagner le respect de ses pairs, qui s’était montrée sévère mais toujours juste venait de poser un jugement que la Prêtresse jugeait inique et malvenu. Europe lui avait toujours fait confiance jusque là, et malgré ce qu’elle pouvait prétendre, Viviane ne voyait pas là autre chose qu’un manque de confiance. Elle n’avait jamais eu aucun mal à assumer ses nombreuses tâches, et ce n’était pas prendre en charge l’apprentissage de Narcissa qui allait changer quoi que ce soit à ce fait. Si Europe ne souhaitait pas négocier, c’était son problème, mais elle ne s’en tirerait pas à si bon compte. C’était trop facile d’opposer un refus non-négociable sans se soucier de ce que les autres pouvaient ressentir. Avec ou sans l'accord de la Grande Prêtresse, elle s'occuperait de l'apprentissage de sa nièce, elle le ferait simplement de manière discrète si Europe ne cédait vraiment pas.

Europe telle que Viviane la connaissait il y a quelques années n’aurait jamais dit des choses aussi blessantes et injustifiées. Viviane souhaitait avant tout lui faire comprendre que si elle continuait à gouverner les siens de cette manière, il commencerait à y avoir des problèmes au sein de la Tribu. Nombreuses étaient les plus jeunes qui se plaignaient des règles excessivement stricte imposées par la Grande Prêtresse.

- Tu es devenue dure Europe. Les épreuves que la Tribu a traversées t’ont changée. Il y a quelques années de cela à peine, tu ne m’aurais jamais tenu un discours pareil. J’aurais aimé pouvoir dire que je te comprends, mais ce n’est pas le cas. Tu refuses tout compromis ? Cela ne m’étonne pas… Plus maintenant… Mais j’espérais vraiment autre chose de ta part. Je n’essaierai pas de te faire entendre raison parce que je sais que je n’y parviendrai pas mais je ne te cache pas que je suis déçue…

Oui, il ne faisait aucun doute que la déception se lisait sur le visage de Viviane. Elle avait toujours trouvé une amie et une alliée en Europe. La Grande Prêtresse n’avait jamais failli avant, toujours prête à se battre et se donner pour que justice soit rendue et pour garder intact l’honneur des siens. Mais que restait-il de tout cela aujourd’hui ? Que restait-il d’Olrun depuis que leurs réunions s’étaient espacées ? Depuis qu’elles se cachaient comme traquées sans cesse… Comment Europe supportait-elle ce manque d’action. A défaut de pouvoir lui faire changer d’avis, Viviane espérait pouvoir avoir une discussion sérieuse au sujet de l’avenir des leurs.

- Un jour ou l’autre, Europe, il faudra que nous sortions de notre trou si être membre de la Tribu d’Olrun signifie encore quelque chose pour toi… Nous avions un but autrefois, nous avions foi dans le bien et dans ce que nous faisions... Qu’importe le Lys, qu’importe l’Inquisition ! Ce que je te demande maintenant, c’est si être l’un des nôtre signifie encore quelque chose ? Nous nous limitons à des rituels sans envergures, discrets, nous ne nous réunissons de moins en moins… Tu parles toujours du fait que tu ne penses pas que l’Inquisition quittera Forbach. Peut-être que tu as raison, et alors ? Nous avons toujours vécu avec l’Inquisition dans la ville et nous nous en sommes toujours sorties, pourquoi ce ne serait plus le cas aujourd’hui ?

Le souffle court, elle s’arrêta un instant pour reprendre sa respiration mais sa diatribe n’était pas finie. Qu’Europe le veuille ou non, elle aurait à se justifier d’une manière ou d’une autre sur ces décisions. Quoiqu’il advienne, Viviane continuerait à la respecter, un seul Lys suffisait, mais elle voulait faire comprendre à son amie que les choses allaient mal. Se cacher n’était pas une solution à leurs problèmes.

- Tu dis que tu n’as pas à te justifier… Je pense que d’une certaine manière, il est important que tu le fasses. Pas seulement pour moi, mais aussi pour d’autres qui se posent des questions. Si tu veux que les décisions que tu prennes soient acceptées, il faut que nous puissions les comprendre. Lorsque la répression de l’Inquisition battait son plein, je comprends que nous nous soyons faites plus discrètes, mais aujourd’hui tout cela a-t-il encore un sens ?

Ses propos étaient sans doute un peu fort et injustes aussi, parce qu’avant, elle n’avait jamais reproché quoi que ce soit à Europe, mais aujourd’hui, avec la nouvelle décision de la Grande Prêtresse, elle perdait pied et ne comprenait plus le sens même d’une partie de son existence. Comme pour marquer qu’elle s’était calmée, enfin, Viviane se rassit dans le fauteuil en face d’Europe. Elle reprit la parole d’un ton beaucoup plus posé, avec bien plus de douceur.

- Je suis désolée si tu trouves mes paroles blessantes, sache que je ne cherche en aucun cas à te blesser, mais si je dois t’obéir sans discuter, j’aimerais au moins savoir pourquoi. Ne commets à nouveau des erreurs qui ont déjà été commises dans le passé et qui ont conduit à ce que nous regrettons tous.

L’allusion au Lys était à peine voilée mais elle n’était en aucun cas une menace. Viviane espérait faire comprendre à Europe que l’immobilisme n’avait jamais rien apporté de bons à ceux qui le pratiquaient.
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 26 Oct 2010 - 20:04

A mesure que la discussion avançait, le visage déjà sombre d’Europe se fermait considérablement, sclérosé dans un mutisme atterré. Si elle avait cru que Viviane lâcherait l’affaire après avoir entendu sa supérieure faire inhabituellement preuve d’autorité, elle en avait pour son argent. Car la jeune et vive Prêtresse rousse poursuivait son réquisitoire en sapant inexorablement les assis d’Europe Eléanora-Sun, tandis que le domestique qui attendait tout au bout de la pièce se demandait quelle était la cause d’une si énergique diatribe.

Oui, elle avait changé, oui, ces quinze dernières années l’avaient transformée. Même si c’était de notoriété publique, Viviane ne semblait s’en être aperçue que maintenant. Peut-être ne l’avait-elle pas réalisé avant car aveuglée par la confiance qu’elle portait à son amie… Europe comprenait ce sentiment mais, même si elle le déplorait, elle ne pouvait plus dire qu’il était réciproque. Ce n’était pas spécifique à Viviane. C’était juste que malgré ses dires, elle ne faisait plus confiance à personne et encore moins à elle-même. Les trop nombreuses trahisons dont elle avait été victime le lui interdisaient formellement.
Europe était habituée à s’entendre dire qu’elle avait déçu les gens. Elle accueillit ces propos de Viviane avec une stabilité impressionnante. La première fois qu’une telle remarque lui avait été adressée, elle avait pleuré. Les autres fois, elle avait frémi. A présent, on lui reprochait si souvent d’être décevante qu’elle ne parvenait plus à ressentir la moindre once de chagrin, même en se forçant. Elle avait vraiment glissé en elle-même… Quelle place plus ingrate y avait-il que celle de dirigeante d’Olrun? Les gens l’avaient portée au sommet par pur intérêt égoïste, parce qu’ils voulaient qu’on s’occupe d’eux et qu’on les guide. Lorsqu’elle demandait en retour un peu d’obéissance, on lui disait qu’elle était trop hermétique et on la jetait comme un vulgaire mouchoir usagé.
L’ingratitude du genre humain lui donnait envie de vomir.

Mais plus les minutes passaient et plus Europe avait l’impression d’être impitoyablement clouée au pilori. Comment Viviane pouvait-elle dire une chose pareille? Après la mort d’Adrien, le monde s’était écroulé; chaque jour avait été une épreuve, chaque année apportait son lot de pertes supplémentaires, chaque instant les rapprochaient d’une échéance où Alicia utiliserait le Livre de la Lumière pour un quelconque ouvrage malfaisant et dévastateur… Europe avait passé les pires années de sa vie, accablée par une série d’événements qui avaient tous été de sa faute, et Viviane considérait qu’elles s’en étaient « bien sorties »? Etait-il vraiment nécessaire de faire le récapitulatif de tous les morts de la Tribu, causés par l’action du Lys et des Inquisiteurs? En quoi était si difficile à comprendre le fait qu’elle
ne voulait plus voir mourir personne?



Viviane finit son discours et se rassit, l’air un peu calmée. Pendant toute la durée de son palabre, Europe n’avait pas bougé un seul doigt, un seul sourcil. Elle tenait toujours sa tasse en l’air devant son visage, les yeux fixes, son thé perdant tranquillement sa chaleur.
Pourquoi se cherchait-elle encore des excuses, de toute façon? Viviane avait raison sur toute la ligne, elle le savait bien. Fut une époque, l’inaction avait révulsé Europe autant qu’elle révulsait son amie en cet instant. Mais il était trop tard pour faire marche arrière, beaucoup trop tard… la Grande Prêtresse eut mentalement un air peiné. Elle aimait beaucoup Viviane et malgré les doutes de la Prêtresse, elle avait toujours eu le plus grand respect pour elle. C’est pourquoi elle regrettait de ne pouvoir lui dire la vérité. Car il y avait dans cette situation, un fait que tous ignoraient…
Le pacte passé avec Sébastien Garin.
Si Europe faisait se tenir sa Tribu tranquille, ce n’était pas uniquement parce qu’elle soupçonnait un piège dans le départ des Inquisiteurs. C’était aussi et surtout parce qu’une épée de damoclès pendait au dessus de sa tête, parée à s’abattre au moindre mouvement suspect.

Mais ça, elle ne pouvait le révéler.
Son premier geste depuis de longues minutes fut de poser sa tasse presque froide et encore pleine sur la table basse. Puis elle prit une grande inspiration et fixa Viviane dans les yeux.


"Je suis la Grande Prêtresse d’Olrun. Vous m’avez élue. Par ce geste vous avez accepté sciemment que mes paroles aient force de loi. Mes décisions n’ont besoin ni d’être justifiées, ni d’être comprises, ni d’être acceptées."



Europe laissa un grand silence s’abattre sur la salle.
Tout serait tellement plus simple si les gens cessaient de cogiter et obtempéraient sans poser de questions! Jadis elle avait été une fervente défenseuse du libre-arbitre et de la véritable pensée, mais à présent ce n’était plus le cas. Pire même, elle avait de tout temps privilégié une relation fraternelle avec sa tribu, étant une Prêtresse compréhensive qui faisait toujours en sorte que ses décisions soient approuvés par la vox populi. Alors pour une fois, une seule, qu’elle demandait qu’on lui obéisse tout simplement! Mais la vie était tout sauf simple.
La Sorcière aurait souhaité mettre un terme définitif à la conversation. Mais parce qu’elle éprouvait toujours la grande considération pour Viviane, elle daigna s’expliquer, faisant allusion à l’aval qu’elle lui avait donné pour retrouver Cassandra quinze ans plus tôt:


"La dernière fois que j’ai fait une concession de ce type, je l’ai regretté toute ma vie et je le regrette encore aujourd’hui. Je ne te –je ne vous- demande pas le ciel. Tout redeviendra comme avant. Nous reprendrons nos activités. Mais après. Quand tout danger sera réellement écarté. Tu peux me faire tous les reproches du monde, je ne saurais mettre de côté mon instinct et mes pressentiments d’un danger imminent. C’est tout."
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 9 Nov 2010 - 17:52

Viviane n’en revenait pas, Europe n’était disposée à aucune concession, aucune explication. Rien. Tout ce qu’elle semblait être capable de faire, c’était ordonner. Ordonner avec indifférence une immobilité qui condamnerait Olrun à disparaître. Si la Tribu ne reprenait pas des activités plus intenses, ses membres s’en désintéresseraient, soit au profit du Lys, soit à celui d’un abandon pur et simple de leurs croyances. Viviane ne voulait pas cela, elle ne voulait pas voir la Tribu à qui elle avait tout donner déliter peu à peu pour finir par ne plus exister.

La prêtresse en voulait à sa supérieure pour ses choix inadaptés, la femme en voulait à l’amie pour ses paroles blessantes et dénuées de toute compassion. Comment Europe avait pu en arriver là sans que Viviane ne remarque à quel point ce changement était profond, irrémédiable ? Celle qui autrefois n’était que gentillesse et compassion venait de prouver qu’elle n’avait plus ni l’une ni l’autre. La direction de la Tribu revenait à quelqu’un que Viviane n’estimait plus compétente. Et elle ne savait pas ce qui l’attristait le plus : avoir perdu toute estime pour les capacités de gouvernance de son amie ou avoir perdu foi en celle pour qui elle avait le plus d’estime il n’y a pas si longtemps encore.

- Tu ne changeras pas d’avis, hein...

C’était une affirmation, pas une question. Viviane ne se faisait plus vraiment d’illusions sur l’allure que prendrait la suite de leur conversation et de leurs rapports. La dureté qu’elle lisait sur les traits de son amie n’était pas pour lui faire plaisir… Comment parvenait-elle à rester si indifférente face à un problème qui les concernait tous, elle la première ?

- Tu ne comprends pas les enjeux qui se cachent derrière ma demande. Au même titre que tu as été élue Grande Prêtresse, j’ai été élue pour te seconder je te rappelle. C’est mon rôle de te soutenir et de t’aider dans ta tâche, et malgré tout ce que tu viens d’entendre, pour éviter une nouvelle Alicia, je continuerai à te soutenir face aux autres. Mais je ne le fais pas de bon cœur et malheureusement pas pour toi non plus…

Viviane était au bord des larmes, elle qui n’avait plus pleuré depuis une quinzaine d’années avait maintenant les larmes aux yeux et la voix tremblante. Prenant sur elle pour ne pas se laisser aller devant Europe, elle poursuivit en tachant d’adopter un ton plus ferme.

- Je voudrais à défaut de recevoir des explications de ta part que tu comprennes ce que moi j’essaie de te dire. En ordonnant l’immobilisme à la Tribu, tu la condamnes aussi sûrement qu’en la dissolvant tout de suite. Les gens ont besoin de buts dans la vie, ils ont besoin de savoir que ce qu’ils font en vaut la peine ! Chacun de nous prend des risques en acceptant d’entrer dans la Tribu d’Olrun, en conservant chez soi un grimoire, en adoptant des croyances qui ne sont pas celles des autorités. C’est un sacrifice quotidien que nous sommes fiers de faire parce que jusqu’à présent, ça en avait toujours valu la peine. C’est à toi de faire en sorte que cela continue !

Son ton était calme quoiqu’un peu faible, Viviane voulait désespérément qu’à défaut de les accepter, Europe comprenne ses craintes. Elle souhaitait au plus profond d’elle-même une réaction autre que l’indifférence dont Europe faisait preuve depuis le début de leur conversation. Une simple petite réaction de la part de son amie, autre que des ordres ou un refus de toute explication lui laisserait un espoir qu’Europe n’était pas condamnée à perdre tous ses amis par manque de compassion et d’écoute.

- Tu dis que dès que l’Inquisition sera vraiment partie, nous reprendrons nos activités comme avant. Je te pose une question Europe : et si elle ne s’en va pas ? Que feras-tu ? On arrêtera toute activité de peur d’être pris ? Réfléchis-y, se cacher, se terrer n’a jamais été une solution, pour personne…

Viviane aurait encore préféré qu’Europe lui crache au visage qu’elle la détestait plutôt que cette indifférence glaciale. Elle voulait une réaction, une vraie, quelque chose qui sorte des tripes de son amie, qui pourrait démontrer que quelque part, loin, caché au plus profond d’elle-même, Europe avait encore un cœur.

- Puisque tels sont tes ordres, je t’obéirai, Europe. Je ne te demanderai plus ni justification, ni explication sur tes actes. Je serai ce que tu attends de moi, une sage Prêtresse obéissante qui ne s’avise pas de contester des décisions qui apparemment la dépassent. Mais je ne serai rien de plus. Ne me demande rien de plus Europe, plus maintenant, je n’en serais vraiment pas capable.

Luttant pour garder contenance alors qu’elle venait de perdre une véritable amie, Viviane attendit, angoissée, la réaction d’Europe. Ses paroles, elle n’en doutait pas, devaient avoir blessé celle qu’elle considérait malgré tout encore comme une amie. Mais si celle-ci ne parvenait pas à dépasser ses peurs et à s’insurger contre les paroles de Viviane, alors cela voudrait dire que leur amitié ne signifiait rien à ses yeux. Europe pourrait peut-être justifier que leur rôle au sein de la Tribu ne devrait pas interférer dans leurs relations personnelles, mais Viviane ne voyait pas comment il pouvait en être autrement alors que la seule à avoir ouvert la bouche depuis le début de leur conversation était la Grande Prêtresse, et non l’amie…
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 9 Nov 2010 - 21:22

Quoiqu’elle se fut levée ce matin avec l’intention de se montrer ferme et concise, l’attitude d’une femme qui a la situation bien en mains, Europe ne pouvait que reconnaître à présent la rapide et dégénérative déchéance de ses espoirs et de ses projets. C’était sans doute sa plus mauvaise journée depuis ce jour de 1640, où un grand nombre de ses sœurs et protégées avaient été capturées impitoyablement par l’Inquisition. Chaque mot de plus de Viviane était semblable à un troupeau d’animaux déchaîné qui s’acharnait consciencieusement à lui piétiner le cœur; et l’expression sur le visage de son amie était encore pire. Europe soutenait bravement ses assauts, sans la moindre réaction physique mais prête à se briser intérieurement. Si on lui avait dit qu’un jour la douce et aimante Viviane Valdemar pouvait se montrer aussi vindicative… mais n’avait-elle déjà pas prouvé sa verve en infiltrant de Lys Noir? Europe se mesurait à plus fort qu’elle, tout simplement. La seule chose qui faisait qu’aujourd’hui, elle était assise sur le trône d’Olrun au lieu de Viviane, était une question d’opportunité saisie au bon moment. En un sens, heureusement que la Grande Prêtresse était élue à vie. Car elle n’en doutait pas, avec une attitude pareille, elle se serait faite congédier depuis longtemps déjà…

La Sorcière était si transpercée des propos de Viviane qu’elle en venait à se demander, à l’instar de la Prêtresse, si leur amitié valait bel et bien plus qu’un clou. Elle était en train de perdre une amie précieuse et très chère, simplement parce que son attitude s’était faite déraisonnable et incompréhensible ces temps-ci. Viviane pouvait critiquer sa politique autant qu’elle le souhaitait, c’était bien le fait d’avoir perdu toute l’estime de cette dernière qui détruisait Europe. Mais ne pouvait-elle pas dire le contraire? Pourquoi, en tant qu’amie, Viviane ne lui faisait pas tout simplement confiance? Après tout, lorsqu’elle avait demandé à rencontrer sa sœur Cassandra, alors Mère Mattea, en dépit de toutes les conventions, les règles de prudence et autres innombrables détails qui auraient voulu le contraire, Europe n’avait-elle pas mis ses réserves de côté, n’avait-elle pas accepté simplement au nom de leur amitié, en lui faisant confiance?

Plus personne n’avait la moindre confiance en elle désormais, en la femme procrastinatrice qu’elle était devenue. Europe avait fait de nombreuses erreurs en tant que dirigeante mais même si sa politique était controversée, elle avait toujours bénéficié du soutien de sa tribu. Aujourd’hui ce n’était plus du tout le cas et seules les lois ancestrales lui permettaient encore d’avoir autorité sur ses sœurs ingrates et mécontentes. Ingrates… elle avait pratiquement sacrifié une partie de sa vie pour le bien être d’Olrun, se dévouant corps et âme à son clan, et les autres dont Viviane à leur tête ne la traitaient que comme une femme rigide atteinte d’anosognosie aux décisions plus que contestables…


C’était tellement humiliant.


Et pourtant. Elle persistait et signait: mieux valait prendre pléthore de mesures de prudence superfétatoires plutôt qu’aucune! Viviane pensait que l’inactivité les précipiterait vers leur perte mais ce n’était pas le point de vue d’Europe. A terme peut-être, mais pas aussi rapidement. Après tout, la Prêtresse avait tendance à oublier un peu trop vite qu’avant qu’Europe soit nommée Grande Prêtresse, une grande période d’inactivité était aussi tombée sur leur tribu. C’était l’époque où Abigaël n’était déjà plus tout à fait de ce monde, son esprit voguant aux lisières de la folie. Personne ne lui en avait tenu rigueur ou du moins, tout le monde avait vite oublié cet épisode passager. Tout le monde sauf Europe.

Durant tout ce temps et malgré les attentes de Viviane, la Sorcière n’avait toujours pas bougé d’un pouce, considérant son interlocutrice avec un air neutre affligeant. Les larmes dans les yeux de son amie lui avaient fait comprendre à quel point celle-ci souffrait, et Europe pleurait mentalement, elle aussi. Mais ses yeux restèrent secs. Ce n’était pas entièrement de sa faute. Elle avait si bien appris à refouler ses émotions ces dernières années que même en se forçant, aucune larme n’aurait pu couler. Elle aurait tellement voulu lui dire! Tellement souhaité révéler la vérité, lui dire qu’elle était désolée, qu’il ne fallait pas la considérer comme la vieille mégère qu’elle était devenue. Qu’il fallait lui pardonner, qu’elle avait fait des erreurs, qu’elle ne voulait pas que Viviane s’éloigne… mais elle ne pouvait pas. Et c’est avec un immense soulagement intérieur qu’Europe entendit son amie capituler et déclarer qu’elle suivrait ses ordres –même si ce n’était pas de gaieté de cœur. La Grande Prêtresse sentit une grande pression retomber et se retint à temps de pousser un soupir de soulagement. Non, elle ne demanderait rien de plus, elle n’en avait pas l’intention. Elle voulait juste que Viviane suive, sans prendre de risques.

La discussion aurait pu être close, Europe avait dit tout ce qu’elle avait à dire. Cependant elle sentait bien que si elle ne montrait pas autre chose que ce visage indifférent avant que Viviane ne quitte le manoir, l’amitié de celle-ci serait perdue –de manière définitive. Pour la première fois la Sorcière rompit donc son immobilisme et se pencha en avant. Elle prit doucement les mains de Viviane et l’observa dans les yeux. Ce regard se passait de mots; n’importe qui aurait pu comprendre qu’il s’agissait tout simplement d’une demande simple et à la fois si complexe… « ait confiance en moi ». Oui, Europe demandait de Viviane ce qu’elle ne pourrait plus lui donner… mais tant pis.


"S’il te plaît."
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMar 16 Nov 2010 - 2:50

La supplique d’Europe atteignit Viviane en plein cœur. Pour la première fois depuis le début de leur entretien, Viviane retrouvait son amie telle qu’elle était quelques années auparavant. Partagée entre le désir d’envoyer son amie sur les roses pour lui montrer à quel point elle avait exagéré et celui de lui apporter tout le réconfort qu’elle pouvait, Viviane eut du mal répondre. Doucement, elle retira sa mein de celle d’Europe. Ses sentiments confus l’empêchaient de réfléchir de manière posée sur la situation. Les mots d’Europe lui avaient fait du mal, mais l’inverse était certainement vrai. Si Europe ne l’avait pas montré, les paroles de sa prêtresse et amie avaient dû lui faire du mal. Se protéger en masquant ses sentiments derrière une carapace ne l’empêchait pas d’être blessée par des propos malvenus ou déplacés. Le simple « s’il te plaît » qui s’était échappé de ses lèvres ne laissait à Viviane aucun doute quant à la réception de ses paroles.

Ce qui venait de se dire entre elle deux venait de transformer à jamais leur amitié, et l’avenir de leur relation dépendait de ce que Viviane allait dire maintenant. Une part d’elle n’avait aucune envie de pardonner quoi que ce soit à Europe qui avait dépassé les bornes, toute Grande Prêtresse qu’elle soit. Mais il fallait admettre qu’elle aussi n’était pas restée à sa place, usant de son amitié pour tenter d’influencer Europe et de faire naître en elle une réaction avec des propos assassins sur la manière dont les choses devaient se dérouler. Comment savoir ce qu’il convenait de dire ou de passer sous silence ? Viviane se sentait terriblement confuse, voulant à la fois haïr Europe de toutes ses forces pour l’épreuve qu’elle venait de lui faire travers mais aussi la prendre dans ses bras pour lui dire que tout cela n’était rien, une dispute sans importance due à des circonstances exceptionnelles. Viviane savait que ce n’était pas le cas, rien ne pouvait justifier l’attitude de son amie, et si même elle avait été trop loin, elle s’estimait moins en tort qu’Europe.

Le silence entre elles s’éternisait, mais Viviane n’était pas disposée à le briser. Pas encore... Elle réfléchissait, qu’est-ce qui primait avant tout ? L’avenir de la Tribu dont l’issue de cette discussion dépendait en partie ou alors son bien-être à elle qui passait par une rupture au moins temporaire de tout contact direct avec Europe. Se remémorant ses propres propos, Viviane se souvint qu’elle avait reproché à Europe de manquer d’ambition sur l’avenir de la Tribu. Dès lors, comment pouvait-elle envisager de faire passer celle-ci avant son propre bonheur ? Pesant chacun de ses mots, elle reprit la parole d’une voix douce et posée.

- Ce qu’il vient de se passer laissera des traces Europe, et il sera difficile pour moi de faire comme si rien ne s’était passé. Cependant... Cependant, pour l’avenir de la Tribu, je ne peux me résoudre à rompre tout lien avec toi. Et il serait faux d’affirmer que je ne tiens plus à toi, si tel était le cas, je ne serais pas aussi touchée par tes paroles.

Les mots n’étaient pas exempts de maladresse et Viviane ne pouvait s’empêcher d’adopter un ton un peu détaché. Il était important qu’Europe comprenne à quel point elle avait été loin, même si un jour, Viviane lui pardonnerait. Viviane pardonnait toujours, trop souvent peut-être, les seuls à qui elle ne pouvait pardonner, c’était les Inquisiteurs, exception faite de sa sœur. Europe devrait se contenter de ce qu’elle serait capable de donner pendant les prochains jours, voire les prochaines semaines.

- Je ne commettrai pas la risible demande d’excuses de ta part, j’ai bien compris que je n’en n’aurais pas puisque tu estimes que tu es dans ton droit.

Viviane se tut, tout en sachant qu’il était important qu’elle ne s’arrête pas là... Ce n’était pas suffisant, Europe pourrait penser qu’elle refusait de lui pardonner, mais ce n’était pas le cas, il faudra juste lui laisser du temps. Le temps est capable d’arranger bien des situations difficiles, et ici, le temps serait certainement indispensable pour que Viviane songe à Europe comme une véritable amie. Sa confiance avait été sérieusement ébranlée, comme d’habitude. Viviane avait commis de nombreuses erreurs dans sa vie, cette conversation n’en n’était qu’une de plus.

- Je... Je tiens toujours à toi Europe, et je veux que nous restions en bons termes toutes les deux, mais laisse-moi du temps... Je serai là quand tu auras besoin de moi, sans discuter, je ne parlerai de cette conversation à personne, je continuerai à te soutenir en face des autres, par amitié pour toi. Mais ce seront les seules manifestations de mon attachement à toi pendant un temps. Pas un seul membre d’Olrun se doutera que tout n’est pas parfaitement comme avant, que rien n’a changé entre nous même si toi et moi sauront que ce n’est pas le cas. Quand je... Quand je me sentirai prête à discuter à nouveau avec toi comme nous avions l’habitude de le faire, je te ferai signe...

Europe serait-elle prête à accepter cette vision des choses, elle qui semblait si incapable de faire des compromis désormais ?
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MessageSujet: Re: Certaines choses sont immuables   Certaines choses sont immuables Icon_minitimeMer 17 Nov 2010 - 21:17

Dans le silence tendu et laborieux qui suivit, Europe perçut clairement l’hésitation de Viviane, qui oscillait entre la compassion et la colère. Elle s’était rendue compte que ses paroles avaient été blessantes, mais Europe ne l’avait pas épargnée non plus par son indifférence glaciale et à présent, la Grande Prêtresse sentit qu’elles étaient en quelque sorte, quittes. Comment en étaient-elles arrivées là? A se déchirer mutuellement, en l’espace d’un quart d’heure à peine, dans une terrible discussion alors qu’elles s’étaient toujours bien entendues depuis des années? La Sorcière n’était pas sûre de le savoir et n’en avait aucune envie. Elle attendit juste en retenant son souffle une réaction de Viviane, priant pour que celle-ci ne se lève pas subitement, ne lui tourne pas le dos après lui avoir lancé un regard impérieux et la déclaration de sa démission. Europe avait besoin de Viviane. Plus que jamais en ces temps sombres elle avait besoin d’assurer ses appuis.

Même si aujourd’hui, quelque chose s’était brisé entre elles.

Le majordome était parti, il n’y avait pas trace de lui même à l’entrée de la pièce. D’habitude, il patientait toujours à proximité, près à recevoir une directive d’Europe dès que celle-ci manifestait l’envie d’en donner. A présent cependant, il avait du comprendre que les deux femmes ne souhaitaient être dérangées sous aucun prétexte dans leur joute de mise à nu.
Le silence s’éternisant tellement que la Grande Prêtresse sentit une goutte de sueur couler dans son dos. Elle s’aperçut qu’elle retenait son souffle depuis si longtemps qu’elle allait suffoquer. Discrètement, la Sorcière prit une grande goulée d’air, tandis que presque immédiatement après Viviane parlait enfin. Europe eut un long temps de réaction, d’autant plus long que son cerveau tournait au ralenti et peinait à comprendre les propos de son amie. Mais elle finit par en saisir le sens et poussa intérieurement un grand, énorme soupir de soulagement, résistant à grand-peine à l’envie de s’avachir sur le fauteuil.

Ouf! Viviane avait choisi son camp. Viviane ne l’abandonnait pas. Elle eut envie de pleurer, surtout en entendant sa Prêtresse extérioriser à quel point elle lui avait fait du mal. Europe ne pouvait qu’admirer sa tolérance et sa patience; elle-même aurait été foncièrement incapable d’une telle abnégation. Tout le temps que dura le laïus de son amie, la Grande Prêtresse hocha lentement la tête en signe d’assentiment: elle acceptait tout, elle comprenait tout, qu’elle avait été odieuse, que le temps devait s’écouler pour guérir ne serait-ce qu’un peu leurs blessures, que plus rien ne serait comme avant… oui, qu’importe tout cela, si elle ne perdait pas Viviane. C’était les deux seuls choses qui comptaient: que ses Prêtresses soient encore liées à elle, et surtout qu’elles ne la décrédibilisent pas aux yeux des autres en lui retirant le soutien dont elle avait besoin. Plus que jamais, le paraître était important, Europe devait donner l’illusion d’être entourée de toute part de collaboratrices qui la suivaient sans rechigner au doigt et à l’œil…

C’était d’ailleurs pour cette dernière raison, entre autres, qu’elle avait récemment promue Inès. Un soupçon de corruption de plus dans une tribu qui l’était déjà bien trop, mais qui n’avait pourtant pas fini de l’être... Exactement comme pour Joan, Europe n’avait pas bougé le petit doigt pour sauver les sœurs d’Olrun capturées pendant le rituel sur le Parvis, près de cinq ans auparavant. Inès avait vu son Aguerrie être torturée jusqu’à la folie puis exécutée sans autre forme de procès. La marche à suivre s’était alors tracée toute seule dans l’esprit de la Grande Prêtresse, comme si une petite voix manipulatrice le lui avait soufflé: il fallait qu’elle fasse monter Inès en grade, ce serait une façon de combler le poste manquant de Prêtresse, une façon de soulager sa conscience, une façon d’avoir à l’œil cette jeune ingénue qui aurait pu être la première étincelle de la révolte, une façon d’utiliser sa douceur et son altruisme à des fins déjà toutes définies… mais cela bien sûr, Europe ne pouvait pas le révéler, et surtout pas à Viviane.
Sinon, ce serait véritablement la fin.


Europe finit par hocher la tête une dernière fois, toujours soulagée de la tournure que prenait les choses. C’était plus qu’elle n’avait demandé ou même espéré: Viviane venait d’accepter, avec le temps et la patience, de faire l’effort d’essayer de lui pardonner. La Grande Prêtresse se pencha en avant et, si elle ne reprit pas les mains de son amie dans les siennes, ce n’était pas l’envie qui manquait. Oui, plus tard, Viviane viendrait la trouver et alors elles auraient tout le loisir de discuter calmement, de s’expliquer.


"Merci."

Merci de ta compréhension, de ton soutien, de tout.
Ces dernières années, de nombreux jours avaient été notables, de nombreuses dates comme cette funeste nuit de 1629, comme cet horrible jour de 1640, comme tant d’autres qui avaient marbré sa vie… et il semblait qu’aujourd’hui, un autre de ces jours était venu, aussi violent et imprévisible qu’une tempête.



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Certaines choses sont immuables

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